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Le dimanche, c'étoit l'usage,
Le seigneur se plaisoit à danser avec eux.
Oh! ma foi, répond-il, j'ai bien d'autres affaires;
Que l'on danse sans moi. L'esprit plein de chimeres,
Il s'enferme tout seul pour se tourmenter mieux.
Ensuite il va joindre à sa somme

Un petit sac d'argent, reste du mois dernier.
Dans l'instant arrive un pauvre homme
Qui tout en pleurs vient le prier
De vouloir lui prêter vingt écus pour sa taille :
Le collecteur, dit-il, va me mettre en prison,
Et n'a laissé dans ma maison
Que six enfants sur de la paille.
Notre nouveau Crésus lui répond durement
Qu'il n'est point en argent comptant.
Le pauvre malheureux le regarde, soupire,
Et s'en retourne sans mot dire.

Mais il n'étoit pas loin, que notre bon seigneur
Retrouve tout-à-coup son cœur;
Il court au paysan, l'embrasse,
De cent écus lui fait le don,
Et lui demande encor pardon.
Ensuite il fait crier que sur la grande placo
Le village assemblé se rende dans l'instant,
On obeit; notre bon homme
Arrive avec toute sa somme,
En un seul monceau la répand.
Mes amis, leur dit-il, vous voyez cet argent:

Depuis qu'il m'appartient, je ne suis plus le même,
Mon ame est endurcie, et la voix du malheur

N'arrive plus jusqu'à mon cœur.
Mes enfants, sauvez-moi de ce péril extrême;
Prenez et partagez ce dangereux métal;
Emportez votre part chacun dans votre asyle:
Entre tous divisé, cet or peut être utile;
Réuni chez un seul, il ne fait que du mal.

Soyons contents du nécessaire Sans jamais souhaiter de trésors superflus: Il faut les redouter autant que la misere, Comme elle ils chassent les vertus.

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FABLE III.

Le vieux Arbre et le Jardinier.

Un jardinier, dans son jardin,
Avoit un vieux arbre stérile;

C'étoit un grand poirier qui jadis fut fertile:
Mais il avoit vieilli, tel est notre destin.
Le jardinier ingrat veut l'abattre un matin;
Le voilà qui prend sa cognée.
Au premier coup l'arbre lui dit:

Respecte mon grand âge, et souviens-toi du fruit

Que je t'ai donné chaque année.

La mort va me saisir, je n'ai plus qu'un instant,

N'assassine pas un mourant
Qui fut ton bienfaiteur. Je te coupe avec peine,
Répond le jardinier; mais j'ai besoin de bois.

Alors, gazouillant à la fois, De rossignols une centaine S'écrie: Epargne-le, nous n'avons plus que lui: Lorsque ta femme vient s'asseoir sous son ombrage, Nous la réjouissons par notre doux ramage; Elle est seule souvent, nous charmons son ennui. Le jardinier les chasse et rit de leur requête; Il frappe un second coup. D'abeilles un essaim Sort aussitôt du tronc, en lui disant : Arrête, Ecoute-nous, homme inhumain : Si tu nous laisses cet asyle, Chaque jour nous te donnerons Un miel délicieux dont tu peux à la vil'e Porter et vendre les rayons; Cela te touche-t-il? J'en pleure de tendresse, Répond l'avare jardinier: Eh! que ne dois-je pas à ce pauvre poirier Qui m'a nourri dans sa jeunesse? Ma femme quelquefois vient ouir ces oiseaux ; C'en est assez pour moi : qu'ils chantent en repot. Et vous, qui daignerez augmenter mon aisance, Je veux pour vous de fleurs semer tout ce canton. / Cela dit, il s'en va, sûr de sa récompense,

Et laisse vivre le vieux tronc.

Comptez sur la reconnoissance
Quand l'intérêt vous en répond.

FABLE IV.

La Brebis et le Chien.

La brebis et le chien, de tous les temps amis,
Se racontoient un jour, leur vie infortunée.
Ah! disoit la brebis, je pleure et je frémis
Quand je songe aux malheurs de notre destinée
Toi, l'esclave de l'homme, adorant des ingrats,
Toujours soumis, tendre et fidele,

Tu reçois, pour prix de ton zele,
Des coups et souvent le trépas.
Moi, qui tous les ans les habille,
Qui leur donne du lait et qui fume leurs champs,
Je vois chaque matin quelqu'un de ma famille
Assassiné par ces méchants.

Leurs confreres les loups dévorent ce qui reste.

Victimes de ces inhumains,

Travailler pour eux seuls, et mourir par leurs mains,

Voilà notre destin funeste!

11 est vrai, dit le chien: mais crois-tu plus heureux

Les auteurs de notre misere?
Va, ma sœur, il vaut encor mieux
Souffrir le mal que de le faire.

FABLEV.

Le Troupeau de Colas.

Des la pointe du jour, sortant de son hameau,
Colas, jeune pasteur d'un assez beau troupeau,
Le conduisoit au pâturage.

Sur sa route il trouve un ruisseau

Que, la nuit précédente, un effroyable orage
Avoit rendu torrent; comment passer cette eau
Chien, brebis et berger, tout s'arrête au rivage.
En faisant un circuit l'on eût gagné le pont;
C'étoit bien le plus sûr, mais c'étoit le plus long:
Colas veut abréger. D'abord il considere
Qu'il peut franchir cette riviere;
Et, comme ses beliers sont forts,
Il conclut que sans grands efforts
Le troupeau sautera. Cela dit, il s'élance;

i; beliers d'entrer en danse,

Son chien saute après lui;

A qui mieux mieux, courage, allons!
Après les beliers les moutons;

Tout est en l'air, tout saute; et Colas les excite

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