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FABLE X X I.

Pandore.

QUAND Pandore eut reçu la vie, Chaque dieu de ses dons s'empressa de l'orner, Vénus, malgré sa jalousie,

Détacha sa ceinture et vint la lui donner.

Jupiter, admirant cette jeune merveille,

Craignoit pour les humains ses attraits enchanteurs, Vénus rit de sa crainte, et lui dit à l'oreille :

Elle blessera bien des cœurs;

Mais j'ai caché dans ma ceinture
Les caprices pour affoiblir
Le mal que fera sa blessure,
Et les faveurs pour en guérir.

SIN DU LIVRE PREMIER

LIVRE SECON D.

FABLE

PREMIERE.

La Mere, l'Enfant, et les Sarigues (1).

A MADAME DE LA BRICHE.

Vous, de qui les attraits, la modeste douceur,
Savent tout obtenir et n'osent rien prétendre,
Vous que l'on ne peut voir sans devenir plus tendre,
Et qu'on ne peut aimer sans devenir meilleur,

Je vous

respecte trop pour parler de vos charmes,
De vos talents, de votre esprit...

Vous aviez déja peur; bannissez vos alarmes,
C'est de vos vertus qu'il s'agit.

Je veux

peindre en mes vers des meres le modele,

Le sarigue, animal peu connu parmi nous,

Mais dont les soins touchants et doux,
Dont la tendresse maternelle,

Seront de quelque prix pour vous.

(1) Espece de renard du Pérou. (BUFFON, Hist, nat.

kome IV.)

Le fond du conte est véritable:

Buffon m'en est garant; qui pourroit en douter? D'ailleurs tout dans ce genre a droit d'être croyable, Lorsque c'est devant vous qu'on peut le raconter.

Maman, disoit un jour à la plus tendre mere
Un enfant péruvien sur ses genoux assis,
Quel est cet animal qui, dans cette bruyere,
Se promene avec ses petits?

Il ressemble au renard. Mon fils, répondit-elle,
Du sarigue c'est la femelle ;

Nulle mere pour ses enfants

N'eut jamais plus d'amour, plus de soins vigilants,
La nature a voulu seconder sa tendresse,
Et lui fit près de l'estomac

Une poche profonde, une espece de

sac,

Où ses petits, quand un danger les presse,
Vont mettre à couvert leur foiblesse.

Fais du bruit, tu verras ce qu'ils vont devenir.
L'enfant frappe des mains ; la sarigue attentive
Se dresse, et, d'une voix plaintive,

Jette un cri; les petits aussitôt d'accourir,
Et de s'élancer vers la mere,

En cherchant dans son sein leur retraite ordinaire.
La poche s'ouvre, les petits

En un moment y sont blottis,

Ils disparoissent tous; la mère avec vitesse
S'enfuit emportant sa richesse.

La Péruvienne alors dit à l'enfant surpris:
Si jamais le sort t'est contraire,

Souviens-toi du sarigue, imite-le, mon fils:
L'asyle le plus sûr est le sein d'une mere.

FABLE II.

Le bon Homme et le Trésor.

Un bon homme de mes parents, Que j'ai connu dans mon jeune âge, Se faisoit adorer de tout son voisinage; Consulté, vénéré des petits et des grands, Il vivoit dans sa terre en véritable sage. Il n'avoit pas beaucoup d'écus, Mais cependant assez pour vivre dans l'aisance; En revanche force vertus,

Du sens, de l'esprit par-dessus,

Et cette aménité que doni e l'innocence.
Quand un pauvre venoit le voir,

S'il avoit de l'argent, il donnoit des pistoles;
Et s'il n'en avoit point, du moins par ses paroles
A lui rendoit un peu de courage et d'espoir.
Il raccommodoit les familles,

Corrigeoit doucement les jeunes étourdis,
Ripit avec les jeunes filles,

Et leur trouvoit de bons maris.

Indulgent aux défauts des autres,

Il répétoit souvent: N'avons-nous pas les nôtres??
Ceux-ci sont nés boiteux, ceux-là sont nés bossus,
L'un un peu moins, l'autre un peu plus:
La nature de cent manieres

Voulut nous affliger: marchons ensemble en paix;

Le chemin est assez mauvais

Sans nous jeter encor des pierres.

Or il arriva certain jour

Que notre bon vieillard trouva dans une tour
Un trésor caché sous la terre.

D'abord il n'y voit qu'un moyen
De pouvoir faire plus de bien;

Il le prend, l'emporte et le serre.

Puis, en réfléchissant, le voilà qui se dit:
Cet or que j'ai trouvé feroit plus de profit
Si j'en augmentois mon domaine;

J'aurois plus de vassaux, je serois plus puissant.
Je peux mieux faire encor : dans la ville prochaine
Achetons une charge, et soyons président.

Président! cela vaut la peine.

Je n'ai pas fait mon droit; mais, avec mon argent,

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On m'en dispensera, puisque cela s'achete.

Tandis qu'il rêve et qu'il projette,

Sa servante vient l'avertir

Que les jeunes gens du village

Dans la cour du château sont à se divertir,

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