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L'aîné de ces enfants, né grave, studieux,

Lisoit et méditoit sans cesse ;

Le cadet, vif, léger, mais plein de gentillesse,
Sautoit, rioit toujours, ne se plaisoit qu'aux jeux.
Un soir, selon l'usage, à côté de leur pere,
Assis près d'une table où s'appuyoit la mere,
L'aîné lisoit Rollin : le cadet, peu soigneux
D'apprendre les hauts faits des Romains ou des Parthes,
Employoit tout son art, toutes ses facultés,
A joindre, à soutenir par les quatre côtés
Un fragile château de cartes.

Il n'en respiroit pas d'attention, de peur,
Tout-à-coup voici le lecteur

Qui s'interrompt: Papa, dit-il, daigne m'instruire
Pourquoi certains guerriers sont nommés conquérants,
Et d'autres fondateurs d'empire:

Le

Ces deux noms sont-ils différents?

pere méditoit une réponse sage,

Lorsque son fils cadet, transporté de plaisir,
Après tant de travail, d'avoir pu parvenir
A placer son second étage,

S'écrie: Il est fini! Son frere murmurant

Se fâche, et d'un seul coup détruit son long ouvrage; Et voilà le cadet pleurant.

pere,

Mon fils, répond alors le
Le fondateur c'est votre frere,
Et vous êtes le conquérant.

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UE je te plains, petite plante!
Discit un jour le lierre au thym:

Toujours ramper,

c'est ton destin;

Ta tige chétive et tremblante

Sort à peine de terre, et la mienne dans l'air,
Unie an chêne altier que chèrit Jupiter,
S'élance avec lui dans la nue.

Il est vrai, dit le thym, ta hauteur m'est connue;
Je ne puis sur ce point disputer avec toi:
Mais je me soutiens par moi-même;

Et sans cet arbre, appui de ta foiblesse extrême,
Tu ramperois plus bas que moi.

Traducteurs, éditeurs, faiseurs de commentaires,
Qui nous parlez toujours de grec ou de latin
Dans vos discours préliminaires,

Retenez ce que dit le thym.

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UN chat sauvage et grand chasseur

S'établit, pour faire bombance,
Dans le parc d'un jeune seigneur
Où lapins et perdrix étoient en abondance.
Là ce nouveau Nembrod, la nuit comme le jour,
A la course, à l'affût également habile,
Poursuivoit, attendoit, immoloit tour-à-tour
Et quadrupede et volatile.

Les gardes épioient l'insolent braconnier :
Mais, dans le fort du bois caché près d'un terrier,
Le drôle trompoit leur adresse.
Cependant il craignoit d'être pris à la fin,
Et se plaignoit que la vieillesse

Lui rendît l'oeil moins sûr, moins fin.
Ce penser lui causoit souvent de la tristesse;
Lorsqu'un jour il rencontre un petit tuyau noir
Garni par ses deux bouts de deux glaces bien nettes:
C'étoit une de ces lunettes

Faites pour l'opéra, que par hasard, un soir,

Le maître avoit perdue en ce lieu solitaire.
Le chat d'abord la considere,

La touche de sa griffe, et de l'extrémité
La fait à petits coups rouler sur le côté,
Court après, s'en saisit, l'agite, la remue,
Etonné que rien n'en sortit.

Il s'avise à la fin d'appliquer à sa vue
Le verre d'un des bouts; c'étoit le plus petit.
Alors il apperçoit sous la verte coudrette
Un lapin que ses yeux tout seuls ne voyoient pas.
Ah! quel trésor! dit-il en serrant sa lunette,
Et courant au lapin, qu'il croit à quatre pas.
Mais il entend du bruit; il reprend sa machine,
S'en sert par l'autre bout, et voit dans le lointain
Le garde qui vers lui chemine.

Pressé par la peur, par la faim,

Il reste un moment incertain,

Hésite, réfléchit, puis de nouveau regarde:

Mais toujours le gros bout lui montre loin le garde, Et le petit tout près lui fait voir le lapin.

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Croyant avoir le temps, il va manger la bêtè ;
Le garde est à vingt pas qui vous l'ajuste au front,

Lui met deux balles dans la tête,

Et de sa peau fait un manchon.

Chacun de nous a sa lunette
Qu'il retourne suivant l'objet:
On voit là bas ce qui déplaît,
On voit ici ce qu'on souhaite.

FABLE XVII.

Le jeune Homme et le Vieillard.

De grace, apprenez-moi comment l'on fait fortune, Demandoit à son pere un jeune ambitieux.

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Il est, dit le vieillard, un chemin glorieux,
C'est de se rendre utile à la cause commune,
De prodiguer ses jours, ses veilles, ses talents,
Au service de la patrie.

-Oh! trop pénible est cette vie,

Je veux des moyens moins brillants.

Il en est de plus sûrs, l'intrigue... Elle est trop vile, Sans vice et sans travail je voudrois m'enrichir,

Eh bien! sois un simple imbécille,

J'en'ai vu beaucoup réussir.

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