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Sechent sur pied; le vent du nord lui tue

Ses figuiers qu'il ne couvre pas.

Point de fruits au marché, point d'argent dans la bourse;
Et le pauvre docteur, avec ses almanachs,
N'a que son frere pour ressource.
Celui-ci, dès le grand matin,

Travailloit en chantant quelque joyeux refrain,
Béchoit, arrosoit tout du pêcher à l'oseille.
Sur ce qu'il ignoroit sans vouloir discourir,
Il semoit bonnement pour pouvoir recueillir.
Aussi dans son terrain tout venoit à merveille;
Il avoit des écus, des fruits et du plaisir.
Ce fut lui qui nourrit son frere;

Et quand monsieur Jean tout surpris
S'en vint lui demander comment il savoit faire:
Mon ami, lui dit-il, voici tout le mystere:
Je travaille, et tu réfléchis;
Lequel rapporte davantage?
Tu te tourmentes, je jouis;
Qui de nous deux est le plus sage?

FABLE

X I.

Le Vacher et le Garde-chasse.

COLIN gardoit un jour les vaches de son pere;
Colin n'avoit pas de bergere,

Et s'ennuyoit tout seul. Le garde sort du bois :
Depuis l'aube, dit-il, je cours, dans cette plaine,
Après un vieux chevreuil que j'ai manqué deux fois
Et qui m'a mis tout hors d'haleine.

Il vient de passer par lå bas,

Lui répondit Colin: mais, si vous êtes las,
Reposez-vous, gardez mes vaches à ma place,
Et j'irai faire votre chasse ;

Je réponds du chevreuil. Ma foi, je le veux bien:
Tiens, voilà mon fusil, prends avec toi mon chien,
Va le tuer. Colin s'apprête,

S'arme, appelle Sultan. Sultan, quoiqu'à regrot,
Court avec lui vers la forêt.

Le chien bat les buissons; il va, vient, sent, arrête,
Et voilà le chevreuil... Colin impatient

Tire aussitôt, manque la bête

Et blesse le pauvre Sultan.
A la suite du chien qui crie, 、
Colin revient à la prairie.

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Il trouve le garde ronflant;

De vaches, point; elles étoient volées. Le malheureux Colin, s'arrachant les cheveux, Parcourt en gémissant les monts et les vallées. Il ne voit rien. Le soir, sans vaches, tout honteux, Colin retourne chez son père,

Et lui conte en tremblant l'affaire. Celui-ci, saisissant un bâton de cormier, Corrige son cher fils de ses folles idées, Puis lui dit : Chacun son métier,

Les vaches seront bien gardées.

FABLE X I I.

La Coquette et l'Abeille.

CHLOÉ, jeune, jolie, et sur-tout fort coquette, Tous les matins, en se levant,

Se mettoit au travail, j'entends à sa toilette;

Et là, souriant, minaudant,

Elle disoit à son cher confident

Les peines, les plaisirs, les projets de son ame
Une abeille étourdie arrive en bourdonnant.
An secours! au secours! crie aussitôt la dame:
Venez, Lise, Marton, accourez promptement,
Chassez ce monstre ailé. Le monstre insolemment

Aux levres de Chloé se pose,
Chloé s'évanouit; et Marton en fureur
Saisit l'abeille et se dispose

A l'écraser. Hélas! lui dit avec douceur
L'insecte malheureux, pardonnez mon erreur:
La bouche de Chloé me sembloit une rose,

Et j'ai cru... Ce seul mot à Chloé rend ses sens:
Faisons grace, dit-elle, à son aveu sincere:
D'ailleurs sa piquure est légere;

Depuis qu'elle te parle à peine je la sens.

Que ne fait-on passer avec un peu d'encens!

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FABLE X II I.

La Mort.

LA Mort, reine du monde assembla, certain jour,
Dans les enfers toute sa cour.

Elle vouloit choisir un bon preinier ministre
Qui rendît ses états encor plus florissants.
Pour remplir cet emploi sinistre,

Du fond du noir tartare avancent à pas lents
La Fievre, la Goutte et la Guerre.

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Rendoient justice à leurs talents.

La Mort leur fit accueil. La Peste vint ensuite.
On ne pouvoit nier qu'elle n'eût du mérite,
Nul n'osoit lui rien disputer;

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Lorsque d'un médecin arriva la visite,
Et l'on ne sut alors qui devoit l'emporter.

La Mort même étoit en balance:
Mais les vices étant venus,
Dès ce moment la Mort n'hésita plus,
Elle choisit l'Intempérance.

FABLE XIV.

Le Château de cartes.

Un bon mari,

sa femme et deux jolis enfants,

Couloient en paix leurs jours dans le simple hermitage

Où, paisibles

comme eux, vécurent leurs parents.

Ces époux, partageant les doux soins du ménage, Cultivoient leur jardin, recueilloient leurs moissons; Et le soir, dans l'été soupant sous le feuillage,

Dans l'hiver devant leurs tisons,

Ils prêchoient à leurs fils la vertu, la sagesse,
Leur parloient du bonheur qu'ils procurent toujours;
Le pere par un conte égayoit ses discours,

La mere par une caresse.

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