Et, sans en être moins tranquille, Dans cet heureux état toi seul tu les maintiens!
Sire, dit le berger, la chose est fort facile;
Tout mon secret consiste à choisir de bons chiens.
FABLE IV.
Les deux Voyageurs.
LE compere Thomas et son ami Lubin Alloient à pied tous deux à la ville prochaine. Thomas trouve sur son chemin Une bourse de louis pleine;
Il l'empoche aussitôt. Lubin, d'un air content, Lui dit: Pour nous la bonne aubaine! Non, répond Thomas froidement, Pournous n'est pas bien dit, pour moi c'est différent. Lubin ne souffle plus: mais, en quittant la plaine, Ils trouvent des voleurs cachés au bois voisin.
Thomas tremblant, et non sans cause, Dit: Nous sommes perdus! Non, lui répond Lubin, Nous n'est pas le vrai mot; mais toi c'est autre chose. Cela dit, il s'échappe à travers les taillis. Immobile de peur, Thomas est bientôt pris; Il tire la bourse et la donne.
Qui ne songe qu'à soi quand sa fortune est bonne Dans le malheur n'a point d'amis.
Les Serins et le Chardonneret.
Un amateur d'oiseaux avoit, en grand secret,
Parmi les œufs d'une serine
Glissé l'œuf d'un chardonneret.
La mere des serius, bien plus tendre que fine, Ne s'en apperçut point, et couva comme sien Cet œuf qui dans peu vint à bien. Le petit étranger, sorti de sa coquille," Des deux époux trompés reçoit les tendres soins, Par eux traité ni plus ni moins Que s'il étoit de la famille.
Couché dans le duvet, il dort le long du jour A côté des serins dont il se croit le frère, Reçoit la béquée à son tour,
Et repose la nuit sous l'aile de la mere. Chaque oisillon grandit, et, devenant oiseau, D'un brillant plumage s'habille; Le chardonneret seul ne devient point jonquille, Et ne s'en croit pas moins des serins le plus beau. Ses freres pensent tout de même :
Douce erreur qui toujours fait voir l'objet qu'on aime Ressemblant à nous trait pour trait!
Jaloux de son bonheur, un vieux chardonneret Vient lui dire: Il est temps enfin de vous connoître; Ceux pour qui vous avez de si doux sentiments
Ne sont point du tout vos parents. C'est d'un chardonneret que le sort vous fit naître, Vous ne fûtes jamais serin: regardez-vous, Vous avez le corps fauve et la tète écarlate, Le bec... Oui, dit l'oiseau, j'ai ce qu'il vous plaira; Mais je n'ai point une ame ingrate, Et mon cœur toujours chérira
Ceux qui soignerent mon enfance. Si mon plumage au leur ne ressemble pas bien, J'en suis fâché; mais leur cœur et le mien Ont une grande ressemblance. Vous prétendez prouver que je ne leur suis rien, Leurs soins me prouvent le contraire: Rien n'est vrai comme ce qu'on sent. Pour un oiseau recomioissant Un bienfaiteur est plus qu'on pere.
PHILOSOPHES hardis, qui passez votre vie A vouloir expliquer ce qu'on n'explique pas, Daignez écouter, je vous prie, Ce trait du plus sage des chats.
Sur une table de toilette
Ce chat apperçut un miroir; Il y saute, regarde, et d'abord pense voir Un de ses freres qui le guette. Notre chat veut le joindre, il se trouve arrêté. Surpris, il juge alors la glace transparente,
Et passe de l'autre côté, Ne trouve rien, revient, et le chat se présente. Il réfléchit un peu: de peur que l'animal, Tandis qu'il fait le tour, ne sorte, Sur le haut du miroir il se met à cheval, Deux pattes par ici, deux par là; de la sorte Par-tout il pourra le saisir. Alors, croyant bien le tenir, Doucement vers la glace il incline la tète, Apperçoit une oreille, et puis deux... A l'instant, A droite, à gauche il va jetant Sa griffe qu'il tient toute prête:
Mais il perd d'équilibre, il tombe et n'a rien pris. Alors, sans davantage attendre,
Sans chercher plus long-temps ce qu'il ne peut comprendre, Il laisse le miroir et retourne aux souris. Que m'importe, dit-il, de percer ce mystere?
Une chose que notre esprit, Après un long travail, n'entend ni ne saisit, Ne nous est jamais nécessaire.
Le Bœuf, le Cheval et l' Ane.
Un bœuf, un baudet, un cheval,
Se disputoient la préséance. Un baudet! direz-vous, tant d'orgueil lui sied mal. A qui l'orgueil sied-il? et qui de nous ne pense Valoir ceux que le rang, les talents, la naissance,
Elevent au-dessus de nous?
Le bœuf, d'un ton modeste et doux,
Allèguoit ses nombreux services, Sa force, sa docilité;
Le coursier sa valeur, ses nobles exercices; Et l'âne son utilité.
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