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La plupart faux, mais très brillants.
Eh! vous voilà! bon jour, dit-elle:
Que faites-vous ici seule sur un chemin?
La Vérité répond: Vous le voyez, je gele;
Aux passants je demande en vain
De me donner une retraite,

Je leur fais peur à tous. Hélas! je le vois bien,
Vieille femme n'obtient plus rien.

Vous êtes pourtant ma cadette,
Dit la Fable, et, sans vanité,
Par-tout je suis fort bien reçue.
Mais aussi, dame Vérité,

Pourquoi vous montrer toute nue?

Cela n'est pas adroit. Tenez, arrangeons-nous;
Qu'un même intérêt nous rassemble:

Venez sous mon manteau, nous marcherons ensemble.
Chez le sage, à cause de vous,

Je ne serai point rebutée;

A cause de moi, chez les fous

Vous ne serez point maltraitée.

Servant par ce moyen chacun selon son goût,

Grace à votre raison et grace à ma folie,

Vous verrez, ma sœur, que par-tout
Nous passerons de compagnie.

PRENEZ

FABLE I I.

La Carpe et les Carpillons.

Ez garde, mes fils, côtoyez moins le bord,
Suivez le fond de la riviere;

Craignez la ligne meurtriere,

Ou l'épervier plus dangereux encor.
C'est ainsi que parloit une carpe de Seine
A de jeunes poissons qui l'écoutoient à peine.
C'étoit au mois d'avril.: les neiges, les glaçons,
Fondus par les zéphyrs, descendoient des montagnes;
Le fleuve enflè par eux s'éleve à gros bouillous,
Et déborde dans les campagnes.
Ah! ah! crioient les carpillons,
Qu'en dis-tu, carpe radoteuse?
Crains-tu pour nous les hameçons?

Nous voilà citoyens de la mér orageuse;
Regarde: on ne voit plus que les eaux et le ciel,
Les arbres sont cachés sous l'onde,

Nous sommes les maîtres du monde,
C'est le déluge universel.

Ne croyez pas cela, répond la vieille mere;
Pour que l'eau se retire il ne faut qu'un instant:
Ne vous éloignez point, et, de peur d'accident,
Suivez, suivez toujours le fond de la riviere.

Bah! disent les poissons, turėpetes toujours

Mêmes discours.

Adieu, nous allons voir notre nouveau domaine.
Parlant ainsi, nos étourdis

Sortent tous du lit de la Seine,

Et s'en vont dans les eaux qui couvrent le pays.
Qu'arriva-t-il? Les eaux se retirerent,
Et les carpillons demeurerent;
Bientôt ils furent pris,
Etfrits.

Pourquoi quittoient-ils la riviere?
Pourquoi? Je le sais trop, hélas!

C'est qu'on se croit toujours plus sage que sa mere,
C'est qu'on veut sortir de sa sphere,
C'est que... c'est que... Je ne finirois pas.

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CERTAIN monarque un jour déploroit sa misere,
Et se lamentoit d'être roi:

Quel pénible métier! disoit-il : sur la terre
Est-il un seul mortel contredit comme moi?
Je voudrois vivre en paix, on me force à la guerre;
Je chéris mes sujets, et je mets des impôts;

J'aime la vérité, l'on me trompe sans cesse;
Mon peuple est accablé de maux,

Je suis consumé de tristesse:

Par-tout je cherche des avis,

Je prends tous les moyens, inutile est ma peine;
Plus j'en fais, moins je réussis.

Notre monarque alors apperçoit dans la plaine
Un troupeau de moutons maigres, de près tondus,
Des brebis sans agneaux, des agneaux sans leurs meres,
Dispersés, bêlants, éperdus,

Et des beliers sans force errant dans les bruyeres.
Leur conducteur Guillot alloit, venoit, couroit,
Tantôt à ce mouton qui gagne la forêt,
Tantôt à cet agneau qui demeure derriere,
Puis à sa brebis la plus chere;

Et, tandis qu'il est d'un côté,

Un loup prend un mouton qu'il emporte bien vîte ; Le berger court, l'agneau qu'il quitte

Par une louve est emporté.

Guillot tout haletant s'arrête,
S'arrache les cheveux, ne sait plus où courir,
Et, de son poing frappant sa tête,
Il demande au ciel de mourir.

Voilà bien ma fidele image!

S'écria le monarque; et les pauvres bergers,
Comme nous autres rois, entourés de dangers,
N'ont pas un plus doux esclavage:

Cela console un peu. Comme il disoit ces mots,

Il découvre en un pré le plus beau des troupeaux,
Des moutons gras, nombreux, pouvant marcher à peine,
Tant leur riche toison les gêne,

Des beliers grands et fiers, tous en ordre paissants,
Des brebis fléchissant sous le poids de la laine,
Et de qui la mamelle pleine

Fait accourir de loin les agneaux bondissants.
Leur berger, mollement étendu sous un hêtre,
Faisoit des vers pour son Iris,

Les chantoit doucement aux échos attendris,
Et puis répétoit l'air sur son hautbois champêtre.
Le roi tout étonné disoit : Ce beau troupeau
Sera bientôt détruit : les loups ne craignent guere
Les pasteurs amoureux qui chantent leur bergere;
On les écarte mal avec un chalungeau.

Ah! comme je rirois!..... Dans l'instant le loup passe,
Comme pour lui faire plaisir ;

Mais à peine il paroît, que, prompt à le saisir,
Un chien s'élance et le terrasse.

Au bruit qu'ils font en combattant,

Deux moutons effrayés s'écartent dans la plaine;
Un autre chien part, les ramene,

Et pour rétablir l'ordre il suffit d'un instant.
Le berger voyoit tout couché dessus l'herbette,
Et ne quittoit pas sa musette.

Alors le roi presque en courroux

Lui dit: Comment fais-tu ? Les bois sont pleins de loups, Tes moutons gras et beaux sont au nombre de mille,

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