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Son épouse guidoit sa démarche tardive.
Le vieillard restoit seul, assis sur le chemin ;
Vers chaque voyageur il étendoit la main :
Le voyageur passoit; et Tobie en silence
Pour la reperdre encore attendoit l'espérance.
Sa femme, gravissant sur les monts d'alentour,
Cherchoit au loin des yeux l'objet de son amour,
Pleuroit de ne point voir cet enfant qu'elle adore,
Et suspendoit ses pleurs pour le chercher encore.

Mais ce fils approchoit : accusant ses lenteurs,
Il la ́sse ses troupeaux aux soins de eurs pasteurs,
Les précede avec l'ange; et sa mere attentive (1)
L'apperçoit tout-à-coup accourant vers Ninive.
Elle vole aussitôt, craint d'arriver trop tard.

Mais le chien, plus prompt qu'elle, est auprès du vieillard;
Il reconnoît son maître, il jappe, il le caresse,
Exprime par ses cris sa joie et sa tendresse.
Le malheureux aveugle, à ces cris qu'il entend,

(1) Et dum ex eodem loco specularetur adventum ejus, vidit a longè, et illico agnovit venientem filium suum; currensque..... etc. Tunc præcucurrit canis qui simul fuerat in via, et, quasi nuncius adveniens, blandimento caudæ suæ gaudebat. Et consurgens cæcus pater ejus, cœpit offendens pedibus currere, et, datâ manu puero, occurrit obviàm filio suo.

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Juge que c'est son fils que le Seigneur lui rend :
Il se leve; et, d'un pas chancelant et rapide,
Marchant les bras ouverts, sans soutien et sans guide,
O mon fils, crioit-il, c'est toi, c'est toi.....! Soudain
Le jeune homme en pleurant s'élance dans son sein:
Le vieillard le reçoit, et le serre, et le presse;
D'un long embrassement il savoure l'ivresse ;
Au défaut de ses yeux, sa paternelle main
S'assure d'un bonheur qu'il croit trop peu certain.
La mere arrive alors palpitante, éperdue,
Réclamant à grands cris une si chere vue;
Les larmes du bonheur coulent de tous les yeux;
Et l'ange, en les voyant, se croit encore aux cieux.
Après ces doux transports, l'ange dit à son frere (1)
De toucher du vieillard la tremblante paupiere
Avec le fiel du monstre immolé par ses mains.
Le jeune homme obéit à ses ordres divins,
Et Tobie aussitôt voit la clarté céleste.

Gloire à toi, cria-t-il, Dieu puissant que j'atteste!
J'avois péché long-temps, et long-temps je souffris:
Mais je revois enfin et le ciel et mon fils;

(1) Tunc sumens Tobias de felle piscis, linivit oculos patris sui... Statim visum recepit, et glorificabant Deum... Dicebatque Tobias: Benedico te, Domine..... quia tu Castigasti me.... Et ecce ego video Tobiam filium meum,

19

O mon Dieu, je rends grace à ta bonté propice
Oui, ta miséricorde a passé ta justice.

Il dit; et de Sara les serviteurs nombreux,
Les troupeaux, les trésors, viennent frapper ses yeu
La modeste Sara descend, lui fait hommage
De ces biens devenus désormais son partage,
Lui demande à genoux d'aimer et de bénir
L'épouse qu'à son fils le ciel voulut unir.
Le vieillard étonné la releve, l'embrasse ;
Il admire ses traits, sa jeunesse, sa grace,
Et, s'appuyant sur elle, écoute le récit

De ce qu'a fait son Dieu pour l'enfant qu'il chérit.
Mais, ajoute ce fils, vous voyez dans mon frere (1)
Mon soutien, mon sauveur, mon ange tutėlaire ;
Il a guidé mes pas, il défendit mes jours;
C'est de lui que je tiens l'objet de mes amours;
Lui seul vous fait revoir la céleste lumiere ;
Il m'a donné ma femme et m'a rendu mon pere:
Hélas! que peut pour lui notre vive amitié ?

(1) Me duxit et reduxit sanum..... uxorem ipse me habere fecit..... me ipsum a devoratione piscis eripuit, te quoque videre fecit lumen coli..... Quid illi ad hæc poterimus dignum dare? Sed peto, pater mi, ut roges eum si fortè dignabitur medietatem de omnibus quæ allata sunt sibi assumere,

Des trésors de Sara donnons-lui la moitié:
Qu'en recevant ce don sa bonté nous honore;
S'il daigne l'accepter, il nous oblige encore.

Aux pieds de l'ange alors, le pere avec le fils,
Rougissant tous les deux d'offrir ce foible prix,
Le pressent de choisir dans toute leur richesse.
L'ange, les regardant, sourit avec tendresse :
Ne vous offensez pas, dit-il, de mes réfus ;
Gardez, gardez vos biens, et sur-tout vos vertus;
Elles vous ont valu le secours de Dieu même.

Je suis l'ange envoyé par ce Dieu qui vous aime (1):
Il voulut acquitter ces bienfaits si nombreux
Répandus, prodigués à tant de malheureux.
Vos aumônes, vos dons, ô vieillard charitable,
Tout, jusqu'au simple vœu d'aider un misérable,
Fut écrit dans le ciel; Dieu conserve en ses mains,
Comme un dépôt sacré, le bien fait aux humains.
Il vous rend ces trésors, mais pour le même usage;
Au pauvre, à l'indigent, faites-en le parta ge;

(1) Ego enim sum Raphael angelus, unus ex septem qui adstamus ante Dominum..... Bona est oratio cum jejunio et cleemosyna..... quoniam elecinosyna a morte libe→ rat..... et facit invenire misericordiam..... etc. Tempus est ergo ut revertar ad eum qui me misit..... ctc.

Donnez pour amasser auprès de l'Eternel;

Vivez long-temps heureux, moi je retourne au ciel.

FIN.

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