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QUAND la belle Venus, sortant du sein des mers,
Promena ses regards sur la plaine profonde,
Elle se crut d'abord seule dans l'univers :
Mais près d'elle aussitôt l'Amour naquit de l'onde,
Vénus lui fit un signe, il embrassa Vénus;
Et, se reconnoissant sans s'ètre jamais vus,
Tous deux sur un dauphin voguerent vers la plage.
Comme ils approchoient du rivage,

L'Amour, qu'elle portoit, s'échappe de ses bras,
Et lance plusieurs traits, en criant: Terre! terre!
Que faites-vous, mon fils? lui dit alors sa mere.
Maman, répondit-il, j'entre dans mes états.

TIN DU LIVRE TROISIEME.

LIVRE QUATRIEME.

FABLE

UE

PREMIERE.

Le Savant et le Fermier.

Que j'aime les héros dont je conte l'histoire!
Et qu'à m'occuper d'eux je trouve de douceur!
J'ignore s'ils pourront m'acquérir de la gloire,

Mais je sais qu'ils font mon bonheur.
Avec les animaux je veux passer ma vie;
Ils sont si bonne compagnie !

Je conviens cependant, et c'est avec douleur,
Que tous n'ont pas le même cœur.

Plusieurs que l'on connoît, sans qu'ici je les nomme,
De nos vices ont bonne part:

Mais je les trouve encor moins dangereux que l'homme,
Et frippon pour frippon je préfere un renard.
C'est ainsi que pensoit un sage,

Un bon fermier de mon pays.

Depuis quatre-vingts ans, de tout le voisinage
On venoit écouter et suivre ses avis.

Chaque mot qu'il disoit étoit une sentence.
Son exemple sur-tout aidoit son éloquence;

Et lorsqu'environné de ses quarante enfants,
Fils, petits-fils, brus, gendres, filles,

I jugeoit les procès ou régloit les familles,
Nul n'eût osé mentir devant ses cheveux blancs.
Je me souviens qu'un jour dans son champêtre asyle
Il vint un sayant de la ville

Qui dit au bon vieillard; Mon pere, enseignez-moi
Dans quel auteur, dans quel ouvrage,
Vous apprites l'art d'être sage.'
Chez quelle nation, à la cour de quel roi,
Avez-vous été, comme Ulysse,
Prendre des leçons de justice?
Suivez-vous de Zénon la rigoureuse loi?
Avez-vous embrassé la secte d'Epicure,
Celle de Pythagore, ou du divin Platon?
De tous ces messieurs-là je ne sais pas le nom,
Répondit le vieillard : mon livre est la nature;
Et mon unique précepteur,

C'est mon cœur.

Je vois les animaux, j'y trouve le modele
Des vertus que je dois chérir:

La colombe m'apprit à devenir fidele;
En voyant la fourmi, j'amassai pour jouir;
Mes boeufs m'enseignent la constance,
Mes brebis la douceur, mes chiens la vigilance;
Et, si j'avois besoin d'avis

Pour aimer mes filles, mes fils,

La poule et ses poussins me serviroient d'exemple.

Ainsi dans l'univers tout ce que je contemple
M'avertit d'un devoir qu'il m'est doux de remplir.
Je fais souvent du bien pour avoir du plaisir,
J'aime et je suis aimé, mon amne est tendre et pure,
Et toujours selon ma mesure

Ma raison sait régler mes veux:
J'observe et je suis la nature,

C'est mon secret pour être heureux.

FABLE I I.

L'Ecureuil, le Chien et le Renard.

UN gentil écureuil étoit le camarade,

Le tendre ami d'un beau danois.

Un jour qu'ils voyageoient comme Oreste et Pylade,
La nuit les surprit dans un bois. -

En ce lieu point d'auberge; ils eurent de la peine
A trouver où se bien coucher.

Enfin le chien se mit dans le creux d'un vieux chêne,
Et l'écureuil plus haut grimpa pour se nicher.
Vers minuit, c'est l'heure des crimes,
Long-temps après que nos amis,

En se disant bon soir, se furent endormis,
Voici qu'un vieux renard affamé de victimes
Arrive au pied de l'arbre, et, levant le museau,
Voit l'écureuil sur un rameau.

İle mange des yeux, humecte de sa langue
Ses levres, qui de sang brûlent de s'abreuver.
Mais jusqu'à l'écureuil il ne peut arriver;
Il faut donc par une harangue
L'engager à descendre, et voici son discours:
Ami, pardonnez, je vous prie,

Si de votre sommeil j'ose troubler le cours ;
Mais le pieux transport dont mon ame est remplie
Ne peut se contenir: je suis votre cousin
Germain

Votre mere étoit sœur de feu mon digne pere.
Cet honnête homme, hélas! à son heure derniere,
M'a tant recommandé de chercher son neveu,
Pour lui donner moitié du peu

Qu'il ma laissé de bien! Venez donc, mon cher frere,
Venez, par un embrassement,

Combler le doux plaisir que mon ame ressent.
Si je pouvois monter jusqu'aux lieux où vous êtes,
Oh! j'y serois déja, soyez-en bien certain.
Les écureuils ne sont pas bêtes,

Et le mien étoit fort malin.

Il reconnoît le patelin,

Et répond d'un ton doux : Je meurs d'impatience
De vous embrasser, mon cousin ;

Je descends: mais, pour mieux lier la connoissance,
Je veux vous présenter mon plus fidele, ami,✨
Un parent qui prit soin de nourrir mon enfance;
Il dort dans ce trou-là : frappez un peu ; je pense

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