FABLE I V. Le Rhinocéros et le Dromadaire. UN rhinocéros jeune et fort Disoit un jour au dromadaire: Je sais bien que sur votre dos Vous portez ses enfants, sa femme, ses fardeaux; Je crois même, soit dit sans vous mettre en courroux, Que tout l'avantage est pour nous: Notre corne et notre cuirasse Dans les combats pourroient servir; Et cependant l'homme nous chasse, Nous méprise, nous hait, et nous force à le fuir. Ami, répond le dromadaire, De notre sort ne soyez point jaloux; C'est peu de servir l'homme, il faut encor lui plaire. Mais de cette faveur voici tout le mystere, FABLE V Le Rossignol et le Paon. L'AIMABLE et tendre Philomele, Et ses malheurs et ses amours. Le plus beau paon du voisinage, Vint interrompre son ramage: C'est bien à toi, chantre ennuyeux, Avec un si triste plumage, Et ce long bec, et ces gros yeux, A la beauté seule il va bien D'oser célébrer la tendresse: De quel droit chantes-tu sans cesse? Moi, qui suis beau, je ne dis rien Mais vous, dont la noble arrogance M'ordonne de parler plus bas, Vous vous taisez par impuissance, Et n'avez que vos seuls appas. Ils doivent éblouir sans doute; FABLE V I. Le Lievre, ses Amis, et les deux Chevreuils, Un lievre de bon caractere Vouloit avoir beaucoup d'amis. Beaucoup! me direz-vous, c'est une grande affaire; Un seul est rare en ce pays. J'en conviens; Disoit mais mon lievre avoit cette marote, Et ne savoit pas qu'Aristote aux jeunes Grecs à son école admis: Mes amis, il n'est point d'amis. Sans cesse il s'occupoit d'obliger et de plaire; Qui n'est jamais ridé par le moindre zéphyre:... Si monseigneur veut, dans l'instant J'aurai l'honneur de l'y conduire, tous les animaux, Cerfs, moutons, coursiers, daims, taureaux, Complaisant, empressé, toujours rempli de zele, Il vouloit de chacun faire un ami fidele, Et s'en croyoit aimé parcequ'il les aimoit.. Certain jour que tranquille en son gîte il dormoit, Le bruit du cor l'éveille, il décampe au plus vite; Quatre chiens s'élancent après, Un maudit piqueur les excite, Et voilà notre lievre arpentant les guérets. Pour dévoyer les chiens, et, prompt comme l'éclair, Assis, les deux pattes en l'air, L'oeil et l'oreille au guet, il éleve la tête, Un lapin que toujours il traita comme un frere; Ouvre-morton terrier; tu vois l'affreux péril..... Sa famille et la mienne ont rempli mon asyle; Adieu, mon cher ami. Cela dit, il s'échappe, I |