« LA COUR. Joint les pourvois à raison de la connexité; << Sur le moyen unique des pourvois pris de la violation pour fausse application de l'article 10 de la loi du 20 avril 1916, pour défaut de base légale, de l'article 408 du Code d'instruction criminelle et de l article 7 de la loi du 20 avril 1810: « Sur la première branche: ་ Attendu que des constatations souveraines de l'arrêt attaqué il résulte qu'en suite d'un concert avec H..., P..., a acheté62 tonnes d'anthracite à 270 francs la tonne ; qu'il les a revendues immédiatement au prix de 278 francs à H..., lequel les a cédées moyennant 310 francs à la femme G..., qui a livré cette marchandise à la consommation au prix de 36) francs, grâce à l'intervention de H..., auquel elle a alloué une nouvelle commission de 20 francs par tonne; que pour procéder à ces opérations successives d'achat et de revente, organisées par avance, les demandeurs n'ont pas pris livraison de la marchandise qu'ils n'ont même pas reconnue et n'ont couru aucun risque ni fait aucune avance; qu'en quelques jours les dites opérations ont abouti à faire monter de 100 francs le prix de la tonne d'anthracite et qu'elles ont ainsi produit la hausse injustifiée de cette marchandise; « Attendu, sans qu'il y ait lieu d'apprécier la valeur des autres motifs de l'arrêt, que ces constatations réunissent tous les éléments du délit prévu par l'article 10 de la loi du 20 avril 1916; qu'il n'y avait donc pas lieu pour la Cour d'appel de rechercher si, comme le prétend le moyen, le prix de 360 francs la tonne aurait été le prix du cours de l'anthracite à ce moment, puisqu'elle constate que ce cours a été faussé par l'effet des actes délictueux qu'elle retient; « Sur la deuxième branche: « Attendu qu'il résulte de l'arrêt entrepris que la Cour d'appel, par suite de son examen personnel, se trouvait complètement édifiée sur le fond du procès; qu'en conséquence, elle a rejeté implicitement et nécessairement les conclusions subsidiaires à fin d'expertise et qu'elle n'était pas tenue, dans ces circonstances, de les repousser par des motifs particuliers et par un dispositif spécial; «Et attendu d'ailleurs que l'arrêt attaqué est régulier en la forme; 2o Arrêt de la Cour de cassation, du 25 juillet 1919. M. F... s'est pourvu en cassation d'un arrêt de la Cour de Paris du 7 mai 1919, qui l'avait condamné pour spéculation illicite. Arrêt: LA COUR. Sur le moyen pris de la violation de l'art. 10 de la loi du 20 avril 1916, de l'art. 10 de la loi du 20 février 1918, du décret du 28 mai 1918, ainsi que de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué a condamné le demandeur pour avoir, dans un but de spéculation illicite, opéré la hausse du prix du veau au-dessus des cours qu'aurait déterminé la concurrence naturelle et libre du commerce alors que, d'une part..le demandeur, qui ne touchait ni le prix de vente ni aucune rémunération proportionnelle au prix de vente, ne bénéficiait nullement de la hausse, et n'aurait pu, par suite, agir dans un but de spéculation illicite, et que, d'autre part, l'arrêt ne relèverait, de sa part, aucun fait ne rentrant pas dans l'exercice normal et régulier de sa profession: Sur la première branche du moyen : Attendu que les dispositions de l'art. 10 de la loi du 20 avril 1916 s'appliquent à tous ceux qui, dans un but de spéculation illicite, ont opéré ou tenté d'opérer la hausse du prix des denrées ou marchandises au-dessus des cours qu'aurait déterminés la concurrence naturelle et libre du commerce, soit par des approvisionnements excessifs, soit par des opérations ne rentrant pas dans l'exercice normal et régulier d'une profession industrielle et commerciale, sans distinguer si ceux qui ont ainsi opéré ou tenté d'opérer cette hausse agissent dans leur propre intérêt ou s'ils agissent dans l'intérêt d'un tiers; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé; Sur la seconde branche du moyen; Attendu que l'arrêt attaqué constate souverainement que les agissements du prévenu « sont contraires aux usages et aux habitudes d'un commerce honnêtement pratiqué ; qu'ainsi, le moyen manque en fait; Par ces motifs, Rejette... (MM. BARD, Président; COURTIN, rapporteur; Péan, avocat géné ral; M COUTARD, avocat.) 3o Arrêt de la Cour de cassation du 6 décembre 1919. Le sieur B... s'est pourvu en cassation d'un jugement du Tribunal correctionnel de Bône du 30 octobre 1919, qui, pour spéculation illicite, l'avait condamné à une peine d'emprisonnement. Arrêt: LA COUR. Sur le moyen, pris de la violation des art. 10 de la loi du 20 avril 1916, 419 Code pénal et 7 de la loi du 20 avril 1810, par manque de base légale, en ce que le jugement attaqué a prononcé une condamnation, alors que l'instruction et les débats n'avaient établi ni le prix du cours de l'huile, à la date du 1 janvier 19:9, ni le bénéfice réalisé par le prévenu, ni la répercussion qu'avait pu avoir, au point de vue de la hausse, la vente de quelques litres d'huile opérée sur un marché isolé par un modeste colporteur; Attendu que le jugement attaqué énonce qu'il résulte d'un procès-verbal et des aveux du prévenu que B... a vendu de l'huile d'olive à raison de 4 fr. 50 le litre, que l'huile d'olive était au moment de la vente, taxée 3 fr. 50 le litre; que le jugement attaqué déclare que le prévenu a ainsi réalisé un bénéfice exagéré parce que, pour fixer le prix de la taxe, l'Administration tient compte du bénéfice normal que doit réaliser le détaillant, et qu'en procédant, comme il l'a fait, ce prévenu a, dans un but de spéculation illicite, opéré la hausse du prix de l'huile au-dessus du cours qu'aurait déterminé la concurrence naturelle et libre du commerce; D'où il suit que le moyen manque en fait; Et attendu que le jugement attaqué est régulier en la forme, et que les faits, souverainement constatés, justifient la qualification qu'ils ont reçus et la peine appliquée; Par ces motifs. Rejette... (MM. BARD. Président; MALLEIN, rapporteur; MATTER, avocat général. 4° Arrêt de la Cour de cassation du 13 décembre 1919. Le Procureur général près la Cour de arrêt de cette Cour, du 27 février 1919, qui spéculation illicite. Arrêt: LA COUR. Caen s'est pourvu en cassation d'un avait relaxé le sieur S.., prévenu de Sur le moyen pris de la violation de l'art. 10 de la loi du 20 avril 1916. et de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810; · Vu ces articles; Attendu que l'art. 10 de la loi du 20 avril 1916 punit tous ceux qui, même sans emploi de moyens frauduleux, mais dans un but de spéculation illicite, c'est-à-dire non justifiée par les besoins de leurs approvisionnements ou de légitimes prévisions industrielles ou commerciales, auront opéré ou tenté d'opérer la hausse des denrées ou marchandises au-dessus des cours qu'aurait déterminés la concurrence naturelle et libre du commerce; Attendu que toute vente pratiquée à des prix supérieurs à ceux qui sont fixés par un arrêté régulier de taxation constitue un acte illicite; qu'une telle opération ne rentre pas dans l'exercice normal et régulier d'une profession industrielle ou commerciale et doit, dès lors, être considérée comme faite dans un but de spêculation illicite; Attendu, d'autre part. qu'un arrêté de taxation fixe légalement la valeur d'une marchandise d'après le prix déterminé par la concurrence naturelle et libre du commerce; que cette taxe est d'ordre public et devient obligatoire dès sa publication; Attendu, dans l'espèce, que le prévenu ayant vendu en septembre et octobre 1918, du beurre au-dessus du prix fixé par l'arrêté du préfet du Calvados, en date du 7 octobre 1918, a été poursuivi pour infraction à l'art. 10 de la loi du 20 avril 1916; que pour le relaxer, l'arrêt s'est fondé sur ce que le prévenu, qui n'est pas fabricant de beurre, avait subi les cours en vigueur dans la région, contraint par la nécessité de satisfaire sa clientèle et qu'il n'avait pas eu pour but de provoquer la hausse de cette denrée; que le prix fixé par la taxe ne peut être considéré comme celui qui est déterminé par la concurrence naturelle et libre du commerce, et qu'il n'est pas établi que le prévenu ait opéré la hausse au dessus du cours commercial; Mais attendu que ces motifs ne sauraient juridiquement justifier la décision de relaxe; que l'arrêt ayant constaté l'existence de ventes de beurre à des prix supérieurs à la taxe avait, par la même, établi le but de spéculation illicite; qu'il n'est pas nécessaire, d'autre part, que le prévenu ait agi en vue de provoquer la hausse; qn'il suffit que les ventes par lui effectuées aient opéré cette hausse et qu'il en est ainsi s'agissant de prix demandés et obtenus au-dessus de ceux qui sont fixés par un arrêté régulier de taxation; Attendu que l'arrêt ajoute, il est vrai, que l'intention délictueuse n'est pas suffisamment établie ; Mais, attendu que cette affirmation se fonde uniquement sur les considérations de l'arrêt susvisé, et qui sont juridiquement inexactes; qu'elle ne se concilie pas d'ailleurs, avec les constatations mêmes dudit arrêt; D'où il suit qu'il y a eu violation des textes visés au moyen; Par ces motifs, Casse. (MM. BARD, Président; LECHERBONNIER, rapporteur; PÉAN, avocat général ; M. RETOURET, avocat). 5o Arrêt de la Cour de cassation du 9 janvier 1920 Le sieur G... s'est pourvu en cassation d'un arrêt de la Cour de Bordeaux, du 17 octobre 1919, qui l'avait condamné à l'emprisonnement et à l'amende pour hausse illicite des denrées au moyen de suroffres. Arrêt: LA COUR. Sur le moyen pris de la violation par fausse application de l'art. 419 Code pénal, et de la violation de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, manque de base légale, en ce que, d'une part, l'arrêt attaqué a qualifié de suroffres, au sens de l'art. 419 Code pénal, des offres non supérieures à celles déjà reçues de tiers par les vendeurs, et, en ce que. d'autre part, il a étendu les dispositions du même article aux suroffres qui out opéré non la hausse, mais la raréfaction d'une denrée; Attendu que le demandeur a été condamné, par application de l'art. 419 Code pénal, pour avoir contribué. par des suroffres faites aux prix que demandaient les vendeurs, à opérer la hausse du prix des œufs au-dessus de celui qu'aurait déterminé la concurrence naturelle et libre du commerce; Attendu que si la Cour d'appel n'a pas contesté que d'autres acheteurs eussent procédé, dans la même localité, de la même manière que Gabarroche et fait des suroffres égales ou même supérieures aux siennes, elle ne s'est point, à juste titre, arrêtée à ce moyen de défense, par ce motif que les suroffres dont le prévenu se prévalait n'effaçaient pas le caractère délictueux de celles qu'il avait faites luimême et que les uns et les autres avaient concouru à déterminer la hausse du prix des œufs; Par ces motifs, Rejette... (MM. BARD, Président; PETITIER, rapporteur; PÉAN, avocat général. M• CHABROL, avocat. Falsification par écrémage. · LAIT. Ecrémage de 48 %. Gravité du délit. Condamnation.. (Arrêt de la Cour d'appel de Bourges, Chambre correctionnelle, du 4 février 1919 et jugement du Tribunal correctionnel de Bourges, du 27 décembre 1918). Commet le délit de falsification de lait le cultivateur qui écrème le lait destiné à la vente. Ce délit, alors que l'écrémage est opéré dans la proportion de 48° est particulièrement grave et doit être sévèrement réprimé. Le délit était certain et il était d'une gravité particulière, puisque l'écrémage était de 48 %. Aussi le Tribunal correctionnel de Bourges et la Cour d'appel de cette ville ont-ils jugé avec raison que la répression d'evait. être rigoureuse. A noter ce considérant: Attendu que l'exploitation du consommateur par le producteur a assez duré et que l'ère des sanctions rigou reuses est ouverte. » Jugement du Tribunal correctionnel de Bourges, du 27 décembre 1918 et arrêt de la Cour d'appel de Bourges, du 4 février 1949. Par arrêt contradictoire en date du 4 février 1919, la Cour d'appel de Bourges, jugeant correctionnellement, a confirmé le jugement suivant rendu par le Tribunal correctionnel de Bourges le 27 décembre 1918, Entre M. le Procureur de la République, poursuivant, demandeur, en vertu d'une ordonnance de M. le Juge d'Instruction de ce siège, en date du 18 décembre 1918, d'une part, et la femme V..., prévenue de fraude alimentaire, d'autre part; Le Tribunal après en avoir délibéré; Attendu que le 16 novembre dernier, l'Inspecteur Bertrand préleva chez_la dame V..., cultivatrice à l'Ermitage, commune de Berry-Bouy, quatre échantillons de lait qui, après mélange, furent expédiés au laboratoire de Châteauroux qui, le 30 novembre, les retourna avec un rapport concluant à un écrémage de 48°/.. Que la prévenue n'a pas demandé l'expertise contradictoire; Que le délit est constant; que l'exploitation du consommateur par le producteur a assez duré, et que l'ère des sanctions rigoureuses est ouverte; Attendu que ce fait constitue le délit de fraude alimentaire prévu et puni par les articles 1, 3 et 7 de la loi du 1er août 1905; Par ces motifs; Déclare la prévenue coupable du délit qui lui est reproché, faisant application des dits articles dont lecture a été donnée par M. le Président; Condamne la femme V... à 8 jours d'emprisonnement et 300 francs d'amende. Ordonne l'insertion du présent jugement in extenso dans le journal La Dépêche du Berry, s'éditant à Bourges, sans que le coût de cette insertion puisse dépasser 60 francs. La condamne en outre au remboursement des frais. Fixe au minimum la durée de la contrainte par corps s'il y a lieu de l'exercer. CONTRIBUTIONS INDIRECTES. Distillation de cidre sans déclaration préalable. Exception tirée par le prévenu de son ignorance de la loi. Application de l'article 4 du décret du 5 novembre 1870. Infraction commise dans le délai de trois jours francs à partir de la promulgation de la loi. Acquittement. Condamnation au remboursement des droits fraudés non justifiée. la Cour de cassation, Chambre criminelle, du 11 janvier 1919). -- - (Arrêt de Le prévenu poursuivi pour avoir fait distiller chez lui du cidre provenant de sa récolte sans déclaration préalable, peut se prévaloir de son ignorance d'une loi publiée conformément à l'ordonnance du 8 janvier 1817 pour demander son acquittement. Dans le cas où le Tribunal correctionnel edmet cette exception tirée de l'ignorance de la loi, et acquitte le prévenu, il ne peut le condamner au payement des droits fraudés dus au trésor du jour de l'entrée en vigueur de la lai nouvelle. D'après les définitions de l'article 4 de la loi du 20 juin 1916, applicat les jusqu'à la fin de l'année de la cessation des hostilités, toute distillation des vins, cidres, poirés, marcs, lies et fruits devait être opérée: 1° soit en atelier public établi conformément à l'article 12 de la loi du 21 avril 1905; 2° soit par des associations coopératives fonctionnant dans les conditions de l'article 22 de la loi du 24 mars 1905, ou par des bouilleurs de cru ou de profession distillant chez eux sous le contrôle de la Régie, sous réserve que ces associations cu ces boulleurs soumettraient à la prise en charge une quantité minimum de 200 litres d'alcool pur par campagne ou payeraient les droits sur la différence. Les quantités produites étaient intégralement passibles de l'impôt sous réserve des céductions accordées aux entrepositaires. Un prévenu était poursuivi pour avoir fait distiller chez lui, sans déclaration préalable, le 1er juillet 1916, du cidre provenant de sa récolte, contrairement aux prescriptions de l'article 4 de la loi du 30 juin 1916. Il alléguait qu'il ne connaissait pas cette loi. En principe, cette excuse n'est pas admissible. Lorsqu'une loi est promulguée, elle est considérée comme étant cornue de tous. C'est une règle essentielle de notre droit que « nul n'est censé ignorer la loi » et que les lois régulière. ment promulguées sont obligatoires même pour ceux qui, en lait, en ignorent les dispositions. La promulgation des lois et décrets résulte de leur insertion au Journal officiel. Les lois et décrets sont obligatoires à Paris un jour franc après la promulgation, et partout ailleurs dans l'étendue de chaque arrondissement un jour franc après que le Journal officiel qui les contient est parvenu au chef-lien de chaque arre ndissement (Décret des 5-11 novembre 1870). Exceptionnellement en cas d'urgence, d'après une ordonnance du 18 janvier 1817, les Préfets prennent un arrêté ordonnant que les lois et ordonnances seront imprimécs et alfichées partout où besoin sera. Dans, ce cas les lois et ordonnances doivent être exécutées à compter du jour même de la publication. Mais l'article 4 du décret de 1870 dispose que les tribunaux et les autorités administratives et militaires pourront selon les circonstances, accueillir l'exception d'ignorance alléguée par les contrevenants i la contravention a lieu dans le délai de trois jours francs à partir de la promulgation. C'est cette excuse tirée de l'ignorance de la loi que la prévenue avait invoquée dans l'espèce soumise à la Cour de cassation. Le gouvernement, pour la loi du 30 juin 1916, avait eu recours à la promulgation d'urgence de l'ordonnance du 18 janvier 1817, et l'infraction à cette loi avait été commise le 1er juillet. La prévenue avait soutenu qu'elle |