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membres du gouvernement; en avril, des faillites, des krachs retentissants; en août, un assassinat politique. Nous en passons et des meilleurs.

Le vieil almanach, à la fin de ses prédictions, comme pris de remords, anticipe un peu et nous affirme que l'année 1922 sera exceptionnellement heureuse. Mais pourquoi ne pas nous dire dès maintenant les bonnes choses qui, en 1922, feront oublier les jours noirs de 1921 ?

Les embarras du « Gotha ».

Parmi les éditeurs d'almanachs, celui qui a le plus de difficulté à se tenir « à la page » est sans contredit l'éditeur de l'almanach de Gotha. Son numéro de l'an dernier avait été assez laborieux: il fallait tenir compte de tous les trônes bouleversés, emportés par la guerre. Cette année, le retour de Tino recomplique tout! Et il est permis de prévoir d'autres restaurations.

Nous plaignons l'éditeur du « Gotha ». Mais sait-on que le célèbre almanach allemand n'est qu'une copie d'un almanach français, dont la publication commença vers la fin du XVII° siècle, l'« Almanach Royal », qui, le premier, eut l'idée de publier les noms de tous les membres des familles régnantes d'Europe, avec les dates des anniversaires de naissance. Il ne tarda pas à ajouter les noms des ambassadeurs résidant dans les diverses capitales. En ce temps-là, faire un almanach de ce genre était facile les années se suivaient, et se ressemblaient!

Affaires Intérieures

A propos du congrès de Tours

Le livre de M. Hoschiller, les notes de voyage de Wells, les récentes déclarations de Lénine publiées par le correspondant du Times à Helsingfors, n'ajoutent pas grand'chose d'essentiel à ce que nous savions déjà des doctrines et des visées bolchevistes. Cependant, il faut lire avec attention ces divers témoignages, d'ailleurs intéressants. Le public français bourgeois est trop enclin à regarder les révolutionnaires russes comme des convulsionnaires dont le délire touche à son terme fatal. Certes Lénine et ses disciples ont commis de criminelles folies. Ils ont poussé jusqu'au paroxysme, jusqu'à la démence une idéologie passionnée et d'absurdes expériences sociales. On ne voit pas qu'ils aient réussi à construire quoi que ce soit de cohérent et de solide. Il est possible qu'ils disparaissent de la scène comme ils y sont apparus, d'une manière soudaine et catastrophique. Mais leur pensée continue néanmoins de s'affirmer, de se ré-, pandre. Elle agit sur des milliers de cerveaux qui se plaisent à croire et se refusent à réfléchir, justifiant le mot de Proudhon, que, pour le peuple, la politique et la morale sont des mythologies. Le dédain et la crainte suffiront-ils à dissiper ce prestige? On aurait tort de l'espérer. Mieux vaut s'appliquer à connaître et à faire connaître le bolchevisme, à rassembler et à répandre en France d'exactes notions sur les méthodes employées et sur les résultats obtenus par les chefs du communisme en Russie. Sans doute, la tâche est rude d'éclairer les masses ouvrières. Si la dialectique d'un Léon Blum et l'éloquence d'un Paul-Boncour n'ont point réussi à modifier l'opinion du Congrès de Tours où siège l'aristocratie syndicale, nous ne nous flattons pas de parvenir aisément à dissiper le mirage vers lequel, en colonnes serrées, se ruent les troupes socialistes. Mais enfin, le devoir s'impose à chacun de braver les difficultés et de montrer les réalités. Le bolchevisme russe est une force. Le pire serait encore de l'ignorer.

On doit tenir pour certain que le but des bolchevistes est d'établir le communisme intégral, non pas seulement

en Russie, mais dans le monde entier. Lénine, Trotzky, Krassine, Lounatcharsky, Zinovieff, Lorin et beaucoup d'autres, ont demandé à Wells quand éclaterait la révolution en Angleterre. Ils l'attendent anxieusement. Ils ont compris que le communisme cesserait bientôt d'exister s'il ne devenait pas bientôt universel. Toute religion tend à l'universel. Aucune n'a jusqu'ici réalisé son dessein. Mais quand les religions se sont fondées, l'interdépendance des peuples n'était pas aussi étroite qu'elle l'est aujourd'hui, à cause de la rapidité et de la facilité des communications, de la multiplicité et de l'intensité des échanges, à cause aussi du « brassage» de la guerre. Une nation, jadis, pouvait s'isoler, vivre à sà guise sa propre vie. Elle ne le peut plus. Le communisme tuera le régime de la propriété privée ou il mourra. Entre les deux systèmes, l'univers est obligé de choisir.

Lénine ne cesse d'affirmer que l'Angleterre et la France demeurent les plus redoutables adversaires du bolchevisme, les « stabilisateurs » de l'ordre capitaliste. Là aussi il voit juste. De même lorsqu'il dénonce comme des obstacles au communisme, comme des « survivances »>, notre attachement aux libertés publiques, notre culte du droit individuel, notre goût pour les assemblées élues. Je l'ai dit à la Chambre. Le bolchevisme est proprement une révolution contre la Révolution française. Nous défendons contre le bolchevisme les « conquêtes >>> de la Révolution française. La Révolution française a rejeté les théories communistes. Elle en a été infestée un moment, mais elle les a éliminées. Voilà ce que Lénine ne lui pardonne pas et pourquoi il la regarde avec horreur, avec mépris. On s'explique mal que le socialisme français se réclame à la fois de Lénine et de Robespierre et qu'il persiste à nier l'évidence d'un irréductible antagonisme. Mais peut-être que le socialisme français contemporain ne connaît plus très bien la Révolution de 89 et de 93. Il ne connaît que Marx à travers des commentateurs de tendance et d'esprit germaniques. Il a perdu la chaîne de la tradition nationale.

Je suis frappé des niaiseries débitées à Tours par les apôtres de la III Internationale. Leurs adversaires, en les dénonçant, commettent cependant quelques erreurs. Ainsi ils confondent souvent, me semble-t-il, le but de Lénine et ses moyens. Que, par exemple, la dictature du prolétariat ne soit qu'un moyen, Lénine l'a répété cent fois. Fonder l'ordre nouveau en Russie par la terreur, ruiner l'ordre ancien au dehors par la propagande et, au besoin, par la force du militarisme, telle est la politique de Lénine. Il n'est pas exact de soutenir que le bolchevisme aboutit à la dictature et au militarisme. Il est vrai qu'il se sert de l'un et de l'autre. Il est vraisemblable que, s'en servant, il se corrompt... Lénine n'aura pas voulu cette conséquence. Et la conséquence n'est pas nécessaire.

Nous sommes réellement en face d'une entreprise dogmatique qui se poursuit par des procédés opportuns ou que les chefs jugent opportuns. Nous sommes en face d'une immense et redoutable entreprise de communisme intégral, de communisme universel.

L'entreprise n'est pas nouvelle. Le communisme ne date pas de Lénine. Il n'y a rien dans les théories de Lénine qui ne se trouve dans Babeuf, dans Campanella et même dans Platon. Les idées communistes ont coulé comme des rivières souterraines à travers les assises de toutes les civilisations. Il ne faut que fouiller un peu l'histoire pour les découvrir. On pouvait croire que les grandes inventions scientifiques du XIXe siècle, en aidant si puissamment à la diffusion de la propriété, tariraient la source du communisme qui est, en dépit des apparences, le désir impatient de la propriété. Le contraire s'est produit pour des raisons qu'il serait trop long de développer ici mais qui valent d'être étudiées, parce qu'en les étudiant on voit mieux d'où vient la renaissance du communisme. Au reste, il est clair que

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le bolchevisme tire des circonstances présentes son étrange pouvoir de séduction. En 1905, Lénine avait prêché le même évangile sans obtenir le même succès. Depuis 1905 Lénine n'a pas changé, mais le monde. a changé. Quand on examine une carte d'Europe, on ne distingue que les effets politiques de la guerre. La guerre n'a pas seulement bouleversé les Etats, elle a bouleversé les esprits. Elle n'a pas seulement déplacé les bornes des nations, elle a reculé les bornes du possible. Parce qu'ils passent son imagination, les grands sinistres rendent l'humanité crédule. Nous traversons une crise de crédulité. Jamais il n'a été plus indispensable que l'opinion publique soit conduite par des guides, par des chefs doués d'un ferme bon sens. Jamais il n'a été plus urgent que les chefs expriment clairement des idées nettes, pratiquent au grand jour une politique compréhensible.

Le bolchevisme prétend qu'il est né des crimes du capitalisme. Il se vante. Ce sont les circonstances qui l'ont ressuscité. Ce sont les hésitations, les obscurités de la politique suivie par les chefs de paix qui le nourrissent et le fortifient.

Affaires Extérieures

MAURICE COLRAT.

Le désaccord oriental et l'optimisme officiel

Le 23 novembre, M. Georges Leygues déclarait qu'il se rendrait à Londres pour « concerter son action et sa politique avec la politique et l'action du gouvernement britannique, pour étudier et résoudre, en complet accord, avec notre allié, les problèmes qui venaient d'être posés ». Le 6 décembre, en quittant Londres, le ministre des Affaires étrangères confiait au Petit Parisien « qu'il avait réglé le problème grec, à l'entière satisfaction du gouvernement français ». Le 9 décembre, une note officieuse nous apprit qu'au cours de sa comparution devant les Commissions sénatoriales des affaires étrangères et des finances réunies, M. Georges Leygues, «< sans préjuger des conversations en cours, avait déclaré qu'il avait, non pas encore la certitude, mais la ferme conviction qu'un accord interviendrait complètement au sujet de la Turquie et qu'on aboutirait, selon toutes probabilités, non pas à la revision, mais à la modification du traité de Sèvres ».

Je m'en voudrais de causer quelque tristesse à cette excellente maison du Quai-d'Orsay. Mais, en toute sincérité, et malgré les ressources de mon ingéniosité, il m'est impossible de concilier les affirmations de ces communiqués avec la réalité des faits, les déclarations répétées de M. Georges Leygues avec le dernier discours de M. Lloyd George. Je ne demanderais pas mieux que de croire à cet accord oriental, promis au Parlement, annoncé au pays. Mais le désaccord me crève les yeux. Et il me sera, je le crains, toujours impossible de ne pas dire ce que je vois et de ne point exprimer ce que je pense.

Je sais bien que la politique française d'intégrité ottomane et de pacification musulmane, pour laquelle P'Opinion a fait depuis de longs mois la campagne que nos lecteurs savent, a trouvé de l'autre côté de la Manche un nombre croissant d'adhérents. Les cercles militaires ne sont pas seuls à redouter les conséquences de l'effort excessif demandé à l'armée grecque et aux effectifs britanniques. Un diplomate, d'une autorité indiscutée, partage l'opinion de l'état-major et l'exprime avec l'indépendance d'un grand seigneur. 'A la Chambre des Communes, le lieutenant-colonel Guiness, député conservateur de Bury Saint Edmunds, le 22 décembre, n'a pas eu de peine à démontrer que la

thèse française respectait les intérêts et continuait les traditions de l'Empire britannique. Il a été appuyé par le général sir C. Townshend. Le vaillant défenseur de Kut-el-Amara, aujourd'hui député antiministériel de Wrekin, s'est déclaré partisan de négociations immédiates avec Kemal pacha et s'est offert pour les diriger sur place. Nul choix n'eût été meilleur.

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Mais ces interventions sont restées jusqu'ici sans effet auprès du cabinet britannique, déjà insensible à l'argumentation serrée du comte Sforza et à la cordiale éloquence de M. Georges Leygues. Un certain nombre de ministres, notamment lord Curzon et M. A. J. Balfour, se réuniront afin de décider dans quel sens M. D. Lloyd George répondrait aux interpellations du lieutenant-colonel Guiness et du général sir C. Townshend. La réponse du 22 a donc un caractère important. Il ne s'agit pas d'une improvisation oratoire mais d'une. déclaration méditée. Or, elle maintient, dans son intégralité, la thèse du Foreign Office, dont le Quaid'Orsay s'était flatté, depuis quinze jours, par d'innombrables communiqués, officiels et officieux, d'être parvenu à atténuer l'intransigeance. Une fois de plus, on a illuminé trop tôt. Il va falloir éteindre les lampions et décommander l'orchestre.

Sur la Grèce, et sur la Grèce seule, reste appuyée la politique orientale de la Grande-Bretagne.

La conduite de la Grèce nous a inspiré, dans une certaine mesure, de la rancune et du mépris. Mais nous ne connaissons pas tous les faits. Comment pouvons-nous juger la politique de la Grèce? J'espère que la Chambre ne basera pas une politique sur les maigres informations dont elle dispose. Je veux que la Chambre nous permette d'examiner ces affaires avec quelque calme. Il est inutile d'acheter une solution à nos difficultés actuelles, au prix d'une trahison vis-à-vis d'autres nations. Ne changeons pas toute notre politique en Orient. La Méditerranée présente pour nous un intérêt vital. Nous essentielle, dans cette partie du monde. Les Grecs se multiavons besoin de l'amitié du peuple grec. Elle est pour nous plieront et croîtront vigoureusement. Ils commettront bévues politiques, comme toute autre race. Si la Grèce est incapable de se défendre, si elle livre la grande forteresse dès que Kemal pacha apparaîtra sous ses murs, elle ne mérite pas que nous nous préoccupions de son sort. Mais ne nous hâtons pas de déchirer des traités, basés sur des principes et sur une politique vitaux pour l'empire britannique. Ne les déchirons pas et ne rétablissons pas un état de choses qui. faillit nous être fatal pendant la grande guerre (1).

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C'est toujours la même démonstration. L'empire britannique ne se désintéressera jamais de la Méditerranée parce qu'elle reste le lien entre l'Orient et l'Oc-. cident. Il faut à l'Angleterre, dans les détroits, un soldat. Elle en a trouvé un elle le garde qu'il aura quelque valeur. Toucher au traité de Sèvres serait s'aliéner un concours nécessaire. Pour armer la Grèce, il faut la condamner à un effort surhumain qui exaspérera ses paysans et ruinera ses finances, lier son sort à une frontière indéfendable, lui créer deux fronts, l'un en Asie, l'autre en Europe, faire peser sur elle la jalousie serbe, la rancune bulgare et qui, dans le passé, consentit pour les libertés grecques la haine turque. Quel amour désintéressé! La France, attachement plus grand en proposant de retoucher le des sacrifices plus précieux, témoigne pour elles d'un traité qui condamne Athènes à une banqueroute certaine et à des guerres fatales. Le discours de D. Lloyd George rend la bataille plus inévitable et plus proprochaine puisqu'il subordonne à son résultat le respect ou la révision du traité de Sèvres. Les Turcs savent, dorénavant, à quel prix ils sauvegarderont les derniers débris de leur empire. La victoire ou la mort!

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imprévoyance dans ce culte absurde des faits! En se reQuelle imprudence dans ce prétendu réalisme! Quelle (1) Je traduis le texte donné par le Daily Telegraph (24

décembre).

fusant à étudier le problème de la garde des Détroits et à la suite d'un conseil spécial, s'est exprimé, sans avec un peu plus de souplesse et un peu moins de mé-ménagement sur le compte de l'action française en Syrie. fiance, à envisager d'autre solution que la participation « Je ne critique rien de ce qui a été fait. Mais il n'y a grecque, à examiner une autre formule avant la défaite pas de doute que la population arabe est sous l'impresdes forces helléniques, le Foreign Office empêche la sion que l'abandon de l'accord intervenu entre l'Anpacification de l'Anatolie turque et sème le germe de gleterre et la France est un manque de bonne foi... Si nouveaux conflits. Il accroît des risques certains. Il pré- on donne Smyrne à Kemal, les Arabes oublieront-ils pare des crises redoutables. qu'ils n'ont ni Damas, ni Alep? » Il est peu probable que ces paroles auxquelles la présence à Londres. de l'émir Feyçal n'a point été vraisemblablement étrangère facilitent l'œuvre du général Gouraud dans les provinces musulmanes de la Syrie.

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J'entends bien que le gouvernement anglais n'est point hostile à des négociations avec la Porte, et même avec les nationalistes. Certes Kemal pacha n'est qu'un général rebelle ». Sa puissance factice peut s'écrouler demain, affirme D. Lloyd George.

Néanmoins, le gouvernement de Constantinople a pressenti Moustapha Kemal. Il se peut qu'il s'entende avec lui et qu'alors nous nous trouvions en présence d'un gouvernement qui représenterait toute la Turquie et nous serions alors en état de discuter les questions.

Au lieu de négocier avec un général rebelle, nous négo cierions avec un gouvernement qui représenterait à la fois les. autorités de droit de Constantinople et l'autorité de fait qui appartient à Moustapha Kemal et tous ses partisans, mais la première chose à savoir, c'est s'il y a accord entre les parties afin que nous puissions déterminer avec laquelle des deux nous pourrions traiter. La Chambre se rendra compte combien difficile il est pour le gouvernement d'indiquer ses vues, quelle que puisse être sa décision à ce sujet. Ce serait une erreur que d'entrer en négociations avec Moustapha Kemal ou avec Constantinople alors que nos vues auraient été précédemment indiquées.

L'obscurité de ces lignes contraste singulièrement avec la précision de celles où D. Lloyd George définissait la politique grecque du Foreign Office. C'est qu'ici il faut réserver l'avenir, ménager une issue, et peut-être masquer des conversations. C'est le double jeu la diplomatie officielle et la diplomatie officieuse; la garantie d'aujourd'hui et la réassurance de demain. Mais si une réconciliation entre les Turcs de Constantinople et les Turcs d'Angora peut servir la cause de paix, si D. Lloyd George accepte en principe l'ouverture de pourparlers avec une Turquie unifiée, pourquoi ne pas voir la réalité des faits? Le contact entre Angora et la Porte est rétabli. Les deux gouvernements collaborent. Leur accord est certain. Les ministres de Constantinople ne sont que des pantins, dont les nationalistes tirent les ficelles. Comment peut-on espérer aboutir, sans négocier, avec les maîtres de l'heure? Le Foreign Office préfère gagner du temps, ajourner les décisions, et en attendant opérer des sondages, envoyer des émissaires. Mais il n'y a rien dans ces tractations souterraines, dans ces réassurances éventuelles, qui ressemble à la coopération franco-britannique, sur laquelle le lieutenant-colonel Guiness et le général sir C. Townshend, comptent pour rétabir la paix orientale. M. D. Lloyd George a déclaré textuellement ignorer quelle était la politique française en Orient. Je n'exagère point. Lisez plutôt :

Je ne tiens pas à parler de ce que le général Gouraud a dit, car je n'ai lu que trois lignes à ce sujet dans les journaux; et elles ne contenaient aucune des réserves ou des faits sur lesquels le général Gouraud avait basé ses déclarations. Comment pourrions-nous tirer de cela une indication quelconque de la politique française ou quoi que ce soit?

Voici une ignorance bien difficilement conciliable avec les communiqués du Quai-d'Orsay. Si D. Lloyd George ignore les directives de la politique française en Orient, comment peut-il y avoir, je ne dis pas coopération, mais même accord ? Et s'il les ignore, quels ont été les résultats des conversations de Londres ? Je ne me charge pas d'éclaicir ce double mystère. Mais ce que je dois constater car le texte du discours est là c'est que, fort de cette ignorance, D. Lloyd George, parlant au nom du gouvernement britannique

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Le 22 décembre, M. D. Lloyd George évidemment mal inspiré prononçait ce discours, qui soulignait le désaccord franco-anglais en Orient. Dès le lendemain 23, M. Georges Leygues signait avec Lord Hardinge une convention, ardemment désirée par le Foreign Office, et qui aura pour résultat d'aliéner à la France les sympathies des populations catholiques de la Syrie. J'en suis désolé, mais je trouve que ce rapprochement entre le discours du 22 et la signature du 23 est dénué d'élégance. On peut riposter à la parole désagréable échappée à un ami par le silence, jamais par une platitude. C'est bien mal connaître les Anglais que d'écrire qu'ils apprécient des amabilités de cet ordre et des rispostes de ce genre.

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Trois rivières arrosent le sud de la Syrie: la Litany, le Jourdain, le Yarmouk. Toutes les trois peuvent alimenter des canaux d'irrigation et fournir de la force motrice. Toutes les trois sont situées à l'intérieur de la zone que la convention Mark Sykes-F. Georges-Picot laissait à la France. La République a déjà consenti à retoucher sur deux points cette convention. En novemore 1918, elle a renoncé à la région de Mossoul. En janvier 1919, elle a accepté de transformer le mandat international sur la Palestine en un mandat britannique. Le Foreign Office lui demandait aujourd'hui d'incorporer ces trois rivières dans le territoire palestinien, afin de remplacer le charbon qui manque à la maison d'Israël et de lui assurer le confort moderne.

Et les Libanais de protester. Dans une série d'articles, le Réveil, de Beyrouth, établit que le bassin de la Litany est indispensable à l'avenir économique du Grand Liban et a toujours fait partie de cette province turque. La Commission administrative du Grand Liban télégraphie au général Gouraud:

Les prétentions formulées de repousser au Nord la limite de la Palestine jusqu'à la rive du Litani, ont surpris et indigné nos populations. Ce fleuve depuis sa source jusqu'à son embouchure, ne parcourt que des territoires libanais. Ses eaux sont indispensables à la vie agricole du pays.

Au nom des populations du Grand Liban, nous protestons contre toute cession de territoire au nord de la ligne « Sykes Picot ».

Nous comptons sur le gouvernement français pour prendre notre défense et empêcher l'aboutissement de cette injustice

criante.

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Qu'ont-ils obtenu, pour leurs mandants, en échange de ces sacrifices? Rien.

Le maintien de l'accord franco-britannique sur le pétrole? Il date de San Remo. Sa validité est certaine. Depuis quand une signature anglaise a-t-elle besoin d'être renouvelée? L'engagement de ne point négocier la cession de l'aliénation de Chypre sans le consentement préalable du gouvernement français? En quoi cette affaire intéresse-t-elle la Syrie et la France? Quels avantages auront-elles à s'immiscer dans une querelle séculaire et à s'attirer les colères grecques?

La convention que M. Georges Leygues a signée le 23, en réponse au discours inconscient prononcé, le 22, par M. D. Lloyd George, ne conférera aucune compensation aux concessions obtenues par le Foreign Office. Seraient-elles gratuites? Je me refuse à le croire. Mais la question devra être posée par la commission des affaires étrangères.

L'Angleterre est trop fière pour accepter et la France est trop pauvre pour faire une aumône. Alliance: oui Vassalité jamais. JACQUES BARDOUX.

La crise du parti socialiste italien

Lénine, en promulguant ses vingt et une conditions, a provoqué une crise dans tous les partis socialistes. Evolution ou révolution, II ou III Internationale, syndicalisme d'Amsterdam ou de Moscou, socialisme ou communisme, tels sont les problèmes qui se posent à chacun d'entre eux et que les camarades italiens vont être obligés de résoudre au très prochain congrès de Livourne. A vrai dire, ils étaient depuis longtemps divisés leur parti roule comme une nébuleuse d'où se détachent les planètes qui vont graviter autour du gouvernement bourgeois; les réformistes s'échappèrent les premiers il y a une quinzaine d'années; on peut se demander si demain ce magma, par sa force centrifuge, ne projettera pas loin de son effervescence les éléments les plus tièdes. Pour comprendre les décisions futures du congrès, il importe donc de rechercher quels sont les groupes de ce parti et quelles sont les causes de leurs dissentiments.

Il y a un an on pouvait distinguer: 1° la fraction de concentration avec MM. Turati, Trèves, Modigliani, partisans d'une évolution graduelle et désireux d'obtenir les réformes par la voie parlementaire; 2° le groupe de Lazzari, qui poursuivait la conquête méthodique de l'Etat bourgeois, mais pour hâter le jour de la révolution intégrale; 3° le groupe de Serrati, directeur de l'Avanti, qui n'estimait pas le prolétariat italien mûr pour la dictature et l'invitait provisoirement à participer aux élections; 4° les extrémistes, hérauts de l'action directe immédiate et de la stricte observance à l'égard des canons bolcheviks.

Au congrès de Bologne (octobre 1919), MM. Turati et Lazzari furent mis en minorité par Serrati et les extrémistes, et le parti décida d'adhérer à la III Internationale et de préparer la révolution. Depuis cette date, la direction du parti soutient les extrémistes. Les dissentiments ne firent alors que s'aviver entre les diflérents groupes. Chacun répondait à sa façon aux questions suivantes: Le parti doit-il collaborer avec le gouvernement ou saboter la vie parlementaire ? Les organes syndicaux doivent-ils être indépendants à l'égard des organes politiques ou doivent-ils servir à leur action révolutionnaire? Le parti doit-il accepter sans condition l'oukase de Lénine ou doit-il conserver sa propre autonomie? Bref, le peuple italien est-il capable d'instituer dès aujourd'hui sa dictature ou doit-il lentement s'y préparer ?

Sur le premier point, la proposition des divers groupes

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est très nette les extrémistes jugent toute idée de collaboration parlementaire comme une hérésie bourgeoise; M. Serrati n'admet pas que le parti puisse assumer la responsabilité du gouvernement, comme le désireraient certains membres de la fraction de concentration, tel M. Modigliani, assez confiants en leurs propres forces pour croire qu'un ministère socialiste rétablirait la prospérité économique. M. Turati et ses amis pensent, comme Jaurès, que le rôle du parti est de faire voter des lois sociales et de réaliser insensiblement la révolution. On a bien vu, lors des récentes élections provinciales, l'opposition qui existe entre les deux méthodes : les extrémistes n'ont cherché à pénétrer dans les conseils municipaux que pour les saboter. L'Avanti, à plusieurs reprises, exposa leur programme: « se dresser révolutionnairement contre le pouvoir central bourgeois, créer une milice ouvrière armée, engager toutes les dépenses nécessaires en faveur du peuple, ne pas craindre les conflits avec le gouvernement, substituer, le moment venu, les conseils d'ouvriers aux administrations. Toute l'activité des communistes dans les administrations municipales doit être une partie intégrante du travail général de dissolution du système capitaliste ». A la Chambre, les extrémistes s'efforcent de prolonger les discussions, et ces ennemis de l'ordre se montrent les observateurs zélés des règlements, toutes les fois qu'ils les peuvent invoquer pour faire annuler un vote.

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L'opposition n'est pas moins évidente lorsqu'il s'agit de déterminer les rapports entre organes syndicaux et organes politiques. Durant la guerre, un accord était intervenu à Florence, d'après lequel les questions économiques étaient réservées à l'examen de la C. G. T. et les questions politiques à celui de la Direction; mais, depuis que cette dernière est devenue maximaliste, en fait elle prétend diriger la vie syndicale comme la vie politique et transformer les coopératives, les Bourses du Travail, les syndicats en autant de « cellules révolutionnaires ». La C. G. T. en Italie ne groupe pas tous les ouvriers socialistes; elle a une rivale, l'Union Syndicale. Si les dirigeants de la C. G. T., MM. d'Aragona et Baldesi, ont maintes fois montré leur modération et professé des idées analogues à celles de MM. Trèves et Turati, s'ils ont pu être qualifiés de réformistes, au contraire, l'Union Syndicale est en excellents termes. avec les extrémistes et partage les théories de l'Ordre Nouveau de Turin. La C. G. T. cherche à réaliser son programme en imposant au patronat des contrats de travail, en soumettant au Parlement des projets de loi; l'Union Syndicale ne rêve que transformations violentes; elle veut aux commissions intérieures, chargées de faire respecter les contrats, substituer des conseils d'usines, des soviets, premières bases de la société future. Durant le conflit métallurgiste, en août et septembre dernier, si la C. G. T. a refusé de laisser le mouvement gagner les autres industries et les occupations de fabriques se transformer en expropriations, c'est moins peut-être pour des raisons théoriques que par sentiment de l'incapacité actuelle du prolétariat et par opposition à l'Union Syndicale.

Enfin, les dissentiments portent sur l'attitude à adopter à l'égard de Moscou. Le parti socialiste tout entier, sans distinction de fractions, a toujours défendu la révolution bolcheviste; il a adhéré à la III° Internationale, sans que la II eût été bien énergiquement défendue. Toutefois, dès cette époque, M. Turati et son groupe ne cachèrent point que le bolchevisme ne convenait pas à l'Italie. Une mission s'est rendue en Russie durant le dernier été et reçut de Lénine les tables de la loi en 21 articles (qui devinrent 22). M. d'Aragona, secrétaire de la C. G. T., conclut un accord avec l'Internationale syndicale de Moscou. Peu à peu, les socialistes centristes se regimbèrent contre les ordres fulminés par les bolcheviks. D'abord à propos de la question syndicale:

M. d'Aragona fit bien voter en septembre par le comité exécutif de la C. G. T. un blâme à l'Internationale d'Amsterdam, mais le 6 octobre, à Trieste, il déclara qu'il n'avait jamais voulu rompre avec elle. D'où fureur de Lénine, qui excommunia d'Aragona dont la conduite avait manqué de netteté.

Lénine, dans sa septième condition et dans une lettre que publia la Freiheit à la fin de septembre, réclamait l'expulsion de tous ceux « qui sabotent la Révolution en Italie au moment où elle commence à mûrir », de tous les socialdémocrates, de tous les réformistes. Le 1er octobre la direction du parti décidait d'obéir à cette injonction et de procéder « à une épuration radicale du parti ». Le prochain congrès devra dire s'il approuve la direction.

Lénine enfin croit à la possibilité d'une Révolution immédiate en Italie, et dans une lettre du 4 novembre déclara aux Italiens « qu'il valait mieux courir le risque d'erreurs dues à l'incapacité des hommes nouveaux que de permettre aux réformistes de saboter la Révolution >>. Les réformistes, disait-il, ont peur de voir les puissances occidentales bloquer l'Italie : « Vous hâterez la Révolution en Angleterre, en France, aux Etats-Unis, si ces pays osent bloquer la république soviétique italienne »>. Les réformistes et la C. G. T. une fois de plus opposèrent au « catastrophisme » de Lénine leur thèse évolutionniste et dirent aux ouvriers: « Regardez où la Révolution a mené la Russie : avez-vous envie de mourir de faim? » Dès la réunion du groupe parlementaire, (5 et 6 octobre), M. d'Aragona proclama la faillite du bolchevisme et en décembre la Stampa publia le rapport de M. Columbino sur son voyage en Russie; il pouvait s'intituler comme le livre de M. Hoschiller, le Mirage du soviétisme.

Ces polémiques ont eu pour résultat d'amener un regroupement des forces socialistes. Aujourd'hui on peut les classer ainsi :

1° La fraction de concentration (MM. Turati, Trèves), évolutionniste, avec laquelle finiront sans doute par voter les amis de M. Lazzari;

2° La fraction des communistes unitaires, avec Serrati, qui adhère à la III Internationale, à la condition de laisser au parti son autonomie et de ne pas procéder aux expulsions imposées.

3° La fraction des communistes unitaristes, avec Graziadei, qui cherche à empêcher la rupture des unitaires et des intransigeants;

4° La fraction des communistes intransigeants, disciples fidèles de Lénine. On a vu, à leur récent congrès d'Imola, que les extrémistes de Turin étaient les piliers de ce temple où la direction du parti était toute disposée à célébrer ses offices.

Le congrès de Livourne va donc décider de l'unité du parti. Si les intransigeants l'emportent, la fraction de concentration et peut-être quelques unitaires seront expulsés. Il est probable que le Comité exécutif de la C. G. T. suivrait les dissidents. Verrons-nous alors les socialistes retourner à la II Internationale et la C. G. T. reprendre le chemin d'Amsterdam? Les communistes auront comme organe syndical l'Union syndicaliste. S'il est une considération qui pourra empêcher la rupture, ce sera celle-là : à Imola, un des chefs de l'ordre nouveau, M. Terracini, exprimait les craintes qu'une scission lui inspirait pour l'avenir du syndicalisme. On annonce de Copenhague que Zinovieff participerait au congrès; acceptera-t-il sur place ce qu'il refusait dans ses lettres, l'autonomie du parti? La décision que preadra Moscou à l'égard de l'Italie et l'Italie à l'égard de Moscou peut avoir une grande influence sur la politique de l'Europe ouvrière à l'égard des soviets.

LOUIS HAUTECŒUR.

NOTES ET FIGURES

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Etrennes.

Tatius, dit-on, les institua lorsqu'il accepta le premier jour de l'an, en gage de paix, des rameaux verts cueillis au bois sacré de la déesse Strenua. Ce ne sont plus des rameaux verts que nous cueillons aujourd'hui en guise d'étrennes, du moins, les nôtres sont-ils plus somptueusement fleuris que ceux de Tatius; pourtant les anniversaires de fin d'année ne présentent guère, à la majorité des Parisiens, que l'image des devoirs à remplir et des achats à expédier.

C'est au

Donc les étrennes sont de fondation païenne; vous sentez bien que l'invention fit son moyen âge Charles VI qui doit à Jehan Duvivier (orfèvre du roi) pour « avoir rappareillé et mis à point un jetit jouet (jué) d'os fermant à charnière, lequel a dedans le Sépulcre de Nostre Seigneur d'un costé et fant, le tout d'or garni de rubis balais, d'émeraudes de l'autre costé l'image de Nostre Dame tenant son enet de perles... lequel jouet le Roy Nostre Seigneur envoya de Languedoc à la Royne, le premier jour de l'an». C'est le 1er janvier 1453 la Royne qui achète à Guillaume le Pelletier un « anneau d'or auquel était enchassée une petite pointe de dyamant pour donner en estrennes à celuy qui lui apporta les estrennes que le Roy (Charles VII) lui envoya ». Et les enfants? En 1556 sur les «< comptes de l'argenterie » de la reine Catherine de Médicis figure l'achat de « cinq aulnes d'étoffe jaune et rouge (couleurs du duc d'Orléans) pour servir à faire des filets (brides) à deux petits chevaux de bois peincts qui traînaient deux pièces d'artillerie que ladite dame a données à Mgr le duc d'Orléans pour ses estrennes ». Le 1er janvier 1675 Mme de Thianges offrit au duc du Maine, alors âgé de cinq ans, une chambre de poupée toute dorée « grande comme une table » contenant un lit avec un balustre et des fauteuils. Sur l'un d'eux était assis le duc du Maine « en cire et fort ressemblant »; M. de la Rochefoucauld se tenait debout derrière lui; plus loin on voyait encore M. de Marcillac, Mmes de Thianges et de La Fayette, Bossuet, Boileau, et La Fontaine; « chacune des personnes que les petites figures représentaient avait donné la sienne >>.

un

Les serviteurs, hérauts d'armes, les dames de la Halle, recevaient aussi le 1er janvier une rétribution. L'an 1579 Louis XI octroie à ses deux hérauts d'armes et à ses douze trompettes la somme de cent livres tournois, et les poissardes sont notées sur état de l'an XII comme ayant reçu 24 francs pour leurs étrennes ». Les tarifs sont en 1920 moins modestes, mais que dire aussi de la rapidité ennuyée avec laquelle nous nous débarrassons le même an de grâce du choix des cadeaux que nous offrons à nos amis?

A l'origine, sans doute, le souvenir offert le 1er janvier pour fêter l'an neuf devait être choisi avec amour, tout au moins avec soin, destiné à plaire, à réaliser un souhait, à exaucer un désir; chacun de nous se souviendra peut-être de l'ardeur qu'il apportait jadis à ces recherches, entreprises longtemps avant l'heure, avec patience, avec ténacité... Hélas! aime-t-on moins ses amis? Voici qu'une mode, en usage déjà chez nous depuis plusieurs mois est venue encourager l'indifférence universelle, supprimer tout effort, effacer ce qui restait de grâce, de sensible. prévenance dans le choix du souvenir destiné à ceux que nous aimons pour 20, 40, 100 ou venir » de tout ennui; c'est votre amie qui, son papier 500 francs, vous vous débarrassez avec le « chèque souà la main, choisit elle-même dans les magasins désignés l'objet dont la valeur est représentée en hiéro

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