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habitants du pays des harems ?... Mais les gardiens de sérails seront-ils soumis de même à cette loi draconienne ?

Le revers de la médaille.

transitaires se retournèrent contre la compagnie d'assurances qui, elle aussi, paya sans difficultés !

Ce qui prouve que dans l'Amérique du Sud il n'y a pas que les nouveaux riches qui soient ignorants.

L'Opinion, l'autre jour, à propos des plus récentes Affaires Intérieures

histoires de colliers de perles, faisait allusion à ce pouvoir que possède ou que croit posséder certaine belle personne, de faire revivre les perles mortes par le contact de sa chair. Ceci rappelle une anecdote que contait, avant la guerre, la célèbre Tortola Valencia.

Cette magnifique danseuse espagnole ne fit en France qu'une brève apparition. D'une beauté étrange, l'air d'une princesse hindoue, toujours tintinnabulante de cinquante colliers et auréolée de plumes multicolores, grande artiste au surplus, elle avait parcouru l'Europe en soulevant l'enthousiasme sous ses pas, et elle prétendait, elle aussi, que sa belle peau dorée pouvait redonner tout leur éclat aux perles éteintes. Cette réputation la fit inviter à la cour de Russie, où le tzar luimême lui proposa moyennant une royale récompense de lui confier, pour lui rendre tout son prix, un des fabuleux colliers de perles de la grande Catherine. Elle accepta, se mit au cou le pesant joyau, et commença de couler des jours d'oisiveté. Mais, rapidement, elle s'aperçut qu'elle était suivie toujours et partout par deux personnages mystérieux, qui ne la quittaient pas quittaient pas des yeux, et qui n'étaient autre, on le devine, que deux sbires veillant sur... son précieux fardeau.

Ce « manque de confiance, ainsi qu'elle disait, « la dégoûta ». Et, après une « scène » avec Nicolas II, plantant là le collier, elle quitta, en claquant les portes, le palais du dernier des Romanoff.

L'orme de lord Byron.

Sur la colline d'Harrow, où s'élève la célèbre école anglaise, un arbre vient de tomber. C'était un très vieil orme où les fervents de lord Byron avaient accoutumé de venir en pèlerinage.

La dernière pièce des Heures d'oisiveté, publiées en 1807, est intitulée, on s'en souvient: « Vers écrits sous un orme dans le cimetière d'Harrow ».

Spot of my youth !... chante le poète qui souhaitait Ede reposer au pied d'un arbre, au pied même de cet orme qui dominait la colline.

Son vou n'a pas été exaucé. Il dort, loin de sa patrie, sur une terre étrangère, mais jusqu'ici l'orme était resté debout; et les admirateurs du poète y venaient en pèlerinage.

Le vieil orme n'est plus. Il en reste tout juste assez pour faire un dossier de chaise ou de fauteuil ; et le vicaire de la paroisse qui le met en vente, attend les enchères que les amateurs de reliques ne manqueront pas de lui offrir.

Le produit de cette vente servira à remplacer les bancs de la promenade publique.

Ceux qui s'y reposeront, se rappelleront-ils le désir du poète :

Here might I sleep where all my hopes arose...

Amateurs d'art.

L'Amérique du Sud, aussi, a ses nouveaux riches. L'un d'eux voulant faire montre de goûts artistiques, s'avisait, tout dernièrement, de commander à Londres une copie de la Vénus de Milo.

Lorsqu'il reçut le précieux colis il s'indigna et réclama des dommages et intérêts à la compagnie de transit qui lui livrait une statue « mutilée de ses bras ». Sans la moindre protestation, la compagnie paya Mais cette belle histoire ne se termine pas là. Les

L'Affaire Briand

Après avoir brillamment enlevé son acquittement devant la Chambre, il ne restait plus à M. Briand, avocat de soi-même, qu'à obtenir un verdict favorable au Sénat. C'est chose faite depuis mardi. Le président du Conseil a triomphé sur toute la ligne. Ce procès marquera dans les annales de la politique extérieure française, laquelle, à partir de ce jour, s'engage dans une voie dont elle ne doit plus sortir sous peine de se déjuger. Car c'est bien un procès de tendance qui a été fait à M. Briand à l'occasion de son attitude envers l'Alle

magne.

Pour la première fois, l'opinion publique de ce pays, demeurée obscurément fidèle à la conception politique de l'honneur national, a été mise en présence de la conception sociale et économique qu'on nous dit seule appropriée aux temps nouveaux et qui doit désormais régir les nations. Cette fierté si chatouilleuse que les peuples arboraient jadis à l'égard de leurs voisins et qui les précipitait dans la guerre pour un coup d'éventail ou autre prétexte mondain d'une diplomatie restée ancien régime, a fait place à la mansuétude, à la patience et au bon sens. L'Etat tend ainsi à acquérir les vertus des particuliers, au lieu de s'en tenir à cette amoralité supérieure consacrée par Machiavel, et admirée plus que de raison par les hommes au pouvoir, pour le plus grand malheur des peuples. M. Briand n'aura pas été en vain dans sa jeunesse imprégné de l'idéal socialiste. Et ce transfuge, passé du camp populaire au camp bourgeois, loin d'avoir trahi la cause, comme on l'en accuse journellement chez ses anciens amis, aura contribué plus que personne à faire avancer la société vers l'idéal de fraternité des nations. Pour ma part, je me borne à admirer les voies mystérieuses du Destin, en espérant que cette sagesse ne recevra pas un cruel démenti de l'Alle magne, qui semble encore bien ancrée dans les exécrables préjugés d'autrefois.

En fait, ce n'est pas tant par son côté mystique que nous devrions envisager cette évolution de la politique étrangère française, - car cette conception n'est pas plus que l'ancienne exempte de mysticisme mais par son aspect pratique. A ce point de vue, le probème se résume à ceci faire payer l'Allemagne n'est pas commode dans une époque où l'on répugne à annexer des provinces contre leur volonté.

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Au temps des Jeux de Prince, on se payait, comme on dit, sur la bête, mais les lois du trafic qui ont fait du change une puissance indépendante, capable de traiter d'égal à égal avec la force, a rendu bien difficile le système des récupérations. C'est en cela, peut-être, que les économistes avaient raison quand ils disaient que la guerre était impossible dans l'état d'interdépendance des nations entre elles. Ils auraient dû dire, plus justement, que la guerre était inutile, du moment qu'elle ne payait pas. Mais il a fallu la plus ruineuse des entreprises guerrières pour que nous nous apercevions que la faillite est au bout de ce genre d'opérations. Espérons que l'Allemagne, comme nous, aura bénéficié de la leçon.

En attendant. dans la pensée de M. Briand c'est par la persuasion, par une politique conciliante à la fois ferme et douce, en prenant l'Allemagne par l'intérêt, en l'associant plus qu'en l'asservissant à notre politique économique et financière, que nous pourrons arriver à récupérer une partie des sommes énormes que le traité

de paix nous octroyait platoniquement. S'il existe encore trop de pangermanistes en Allemagne, il y a peutêtre aussi un certain nombre de gens raisonnables qui ont fait des réflexions salutaires et qui ont calculé ce qu'avait coûté en marks-or l'aventure impériale. C'est sur ceux-là qu'il faut nous appuyer, ce sont ceux-là que nous devons encourager et soutenir en leur montrant qu'il sera moins onéreux pour eux de leur dû que payer d'entreprendre une nouvelle guerre. Le malheur' veut que toute la haute industrie allemande qui devrait être la première à faire ce calcul, reste terriblement imprégnée de l'esprit féodal. Un marchand comme Hugo Stinnes est la réplique d'un hobereau. Leur conception est jumelle. Celui-là conçoit le trafic comme celui-ci la

guerre.

Pour répondre à leurs agitations, nous devons dede meurer implacables sur le terrain de la sécurité. M. Briand a raison de dire qu'il est vain de saisir la Ruhr pour nous faire payer, mais il est excellent de l'occuper pour notre repos. Il a fait là un distinguo d'une clarté saisissante que le devoir de la presse est de mettre en valeur et qui fera réfléchir l'Allemagne des Orgesch, des Einwohnerwehren ou autres formations guerrières dissimulées. Le discours de M. Briand au Sénat avec ses deux interventions successives, porte mieux, sous ce rapport, que celui de la Chambre, et ne peut laisser de doute à nos turbulents voisins.

Mais si M. Briand a été hardi en préconisant une politique extérieure de souplesse et d'accords économiques plus fructueuse que la politique de tracasserie et de soupçon, il faut convenir que le Sénat n'a pas été aussi. audacieux en matière de finance intérieure. Il y a là un désaccord flagrant dont on ne peut méconnaître la portée.

Je veux bien que la conception économique et financière se substitue à la conception purement politique dans l'Etat, mais encore faut-il appliquer celle-là intégralement et lui faire rendre le maximum. Combattre l'inflation, invoquer le péril des assignats, réclamer l'équilibre des dépenses et des recettes, c'est très bien. Mais se borner à taper sur le contribuable, demander ses ressources à l'impôt, à l'emprunt et à l'économie c'est là une conception de petits boutiquiers indigne d'un grand pays qui veut se faire une place honorable

dans le trafic du monde.

Quand M. Ribot, à propos de l'inflation, invoque les assignats il nous dévoile son grand âge. M. Ribot n'est plus de ce temps. L'assignat est une chose morte, un chiffon de paier, mais le billet qui produit, qui crée du travail, qui édifie des usines et des industries n'est plus un assignat. Et cela ne veut pas dire, certes, que je prêche pour l'inflationnisme. Il faut réfléchir à deux fois avant d'adopter cette politique financière assez cou. Mais encore faut-il penser à des innovations sans se boucher les yeux.

casse

La France ne se tirera pas de l'ornière avec le seul concours de ses employés d'octroi, de ses rats de cave ou autres agents du fisc. Il lui faut faire preuve d'imagination en matière économique et financière et marcher avec le Progrès. Je crains notre esprit de routine, si puissant et si durable que le Sénat, malgré les gémissements de l'honorable M. Chéron, n'a pas encore osé jeter bas les lamentables et ruineuses entreprises étatistes, telles que la marine marchande, l'Ouest-Etat et les monopoles qui donnent des recettes inférieures à leurs facultés de production.

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Allons, soyons hardis sur toute la ligne, sans quoi M. Briand aura inauguré une politique vaine, qui fera de nous des dupes si la contre-partie n'existe pas dans notre régime intérieur. Quel homme politique de ce côté, saura prendre les initiatives qui s'imposent ?

JEAN DE PIERREFEU.

Affaires Extérieures

La politique étrangère

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de la République Française

Dans ses discours des 25, 26 et 27 mai, M. Briand n'a pas seulement, avec beaucoup d'ingéniosité, dénoué le lasso que M. D. Lloyd George lui avait lancé, il a encore esquissé une série de développements sur la politique allemande, l'alliance belge, les sanctions automatiqus, la participation américaine. Il a tenté de définir la politique étrangère de la République française. J'eusse, préféré une définition plus ramassée et plus précise. Elle aurait, avec plus d'efficacité, orienté notre diplomatie, resserré nos alliances et écarté nos périls.

Quelle est cette politique, qui s'oppose à la formule de l'anarchie intégrale si brillamment exposée par M. Forgeot? Celle de la fédération européenne par la permanence des frontières, la réduction des armées et le désarmement des esprits.

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Du bloc occidental qui en constitue l'assise, l'alliance franco-belge reste l'armature. Peu importe, comme le disait M. Delacroix, au cours du banquet interparlementaire du 29, qu'elle n'ait point été signée dans un contrat détaillé, avec articles, appendices et annexes qu'il eût fallu passer « au crible de la Société des Nations ». Une convention militaire, des conventions commerciales suffisent pour assurer son existence juridique, pourvu que des manifestations périodiques, comme celles de Lille, du Mont-Kemmel et du Palais d'Orsay entretiennent « cette confiance intégrale », qui, comme le disait M. Delacroix, est indispensable à son efficacité diplomatique.

Ces manifestations laissent à ceux qui en ont été témoins, une impression émouvante de beauté morale. J'ignore les sentiments intimes qu'inspirent à nos amis belges les hommages rendus à la noblesse de leurs souje sais c'est qu'il m'a été impossible d'entendre M. Neuverains et à la grandeur de leurs sacrifices. Mais ce que jean, M. Delacroix, M. Féron et surtout M. Brancart, le député socialiste de Liége, célébrer dans notre langue commune, la loyauté et la modération, la vaillance et la culture françaises, sans éprouver une bienfaisante émotion. Les deux peuples se sont découverts. Le mur qui les séparait est tombé. Les légendes et les calomnies ont été balayées. La Belgique et la France savent qu'elles n'ont plus rien à craindre, l'une de l'impérialisme français, l'autre de la monarchie belge. Pour entrer en France il faut passer par Liége. C'était vrai jadis. La vérité est plus évidente aujourd'hui que la République est partiellement couverte par le Rhin. Et tandis que j'éprouvais l'émotion que donne une légitime réparation, à entendre les représentants d'un pays libre, rendre enfin hommage à la modération généreuse et à la sagesse paisible du peuple et du gouvernement de France, j'évoquais les souvenirs des capotes bleues, qui opposèrent la barrière des morts en novembre 14, en avril 15, en mai 18, chaque fois que la ruée allemande menaçait de submerger l'ilôt de terre belge, sur lequel le roi Albert avait planté son fier étendard. Je revoyais les sables de Nieuport, le cabaret de la Panne, la plaine les corps inconnus à jamais mêlés aux terres flamandes. d'Ypres, la crête de Messines, les pentes du Kemmel, Ils ne sont pas morts en vain, puisque la Belgique se

souvient.

M. Briand, en levant la surtaxe d'entrepôts qui frappait le port d'Anvers et fermait le débouché d'Alsace, en facilitant l'accord du 17 mai qui rapproche le

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Luxembourg et la Belgique et assure une interprétation réciproque, a achevé l'œuvre de M. Millerand, et cimenté l'alliance des deux pays Cet accord, en fait, sinon en droit, réintroduit le Luxembourg dans la limite des frontières belges, au point de vue ferroviaire et économique, intellectuel et consulaire. Un conseil supérieur est chargé d'assurer le fonctionnement de ce régime nouveau et la liaison entre les deux pays. Or le gouvernement luxembourgeois était d'abord venu frapper aux portes de la France. Il avait offert de contracter des engagements de même ordre. Une occasion se présentait pour réaliser l'espoir que Bismarck fit briller aux yeux de Napoléon III et pour élargir, sur un point capital, les frontières économiques de la France victorieuse. Un plébiscite avait ratifié ces offres spontanées. Les soldats français, qui, comme moi, ont tenu garnison dans le Luxembourg, au lendemain de l'armistice, lorsque le maréchal Foch y établit son poste de commandement, savent, mieux que personne, combien l'élan qui portait le Luxembourg vers la France était sincère et unanime. L'Angleterre laissa même comprendre qu'elle ne verrait aucun inconvénient à cette solution du problème luxembourgeois et à cet élargissement des frontières françaises. Au Quai-d'Orsay les opinions étaient divisées... Mais une fois de plus, le gouvernement de la République écarta les chimères de l'impérialisme napoléonien et donna la preuve de son inflexible modération.

La Belgique, éclairée par des témoignages répétés, ne douta plus de la loyauté française. Pourquoi l'Angleterre, qui pourrait ne point oublier cet épisode luxembourgeois, affecte-t-elle, partiellement du moins, de ne point partager la même confiance?

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L'alliance britannique est cependant indispensable au bloc occidental.

J'ai Enuméré, ici même, à maintes reprises, et je re saurais y revenir, les conditions matérielles nécessaires à une amélioration dans son fonctionnement et dans son efficacité : réorganisation de la propagande française en Angleterre; retour à la procédure habituelle de la diplomatie; resserrement des liens séculaires du commerce; modification du personnel et réduction des séances du Conseil Suprême. Mais tout cela serait insuffisant un désaccord profond pèse sur les relations anglo-françaises et envenime les moindres divergences.

Tant que ce désaccord moral ne sera point abordé et résolu, les rouages continueront à grincer. Il ne s'agit pas de la Silésie. Je persiste à croire que le conflit n'est point insoluble, et qu'il aurait pu être résolu beaucoup plus tôt. M. Briand est dans la bonne voie, lorsqu'il propose, par sa note du 28, de dessaisir les commissions militaires et de confier le tracé de la frontière à des experts civils, juristes et industriels. La présidence d'un arbitre américain, avec voix prépondérante, en cas de division, faciliterait une solution rapide et unanime. Le désaccord franco-britannique est bien plus profond. La liquidation définitive, je l'espère du moins, du problème des réparations et des armements, ne saurait suffire pour le dissiper. Et je ne suis pas de l'avis du Daily Telegraph, quand il écrivait, il y a quelques jours:

« Il n'y a pas de conflit entre Downing Street et le quai d'Orsay sur la politique générale. Aucun conflit de cet ordre ne saurait naître, puisque ces deux parties sont d'accord pour défendre le traité de Versailles et en imposer l'exécution. >>

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Quels avantages apporterait à l'Angleterre paisible et commerçante la restauration de l'Allemagne de 1914? Un dumping scientifique, un malaise croissant, une agitation chronique, une revanche certaine. Seule une Allemagne, libérée des anciennes équipes et des disciplines prussiennes, pourra chercher, dans un équilibre de ses provinces décentralisées et dans un équilibre de son économie réorganisée, la prospérité et la paix, que John Bull juge avec raison nécessaires à son activité commerciale. A cette Allemagne, si elle a la force de naître, la France est aussi prête que l'Angleterre, M. Briand et M. Millerand l'ont successivement et solennellement affirmé, à accorder des atténuations et des coopérations. Cette Allemagne se reconnaîtra non seulement aux caractères de son Parlement et au choix de ses ministres, mais surtout à la manière dont elle exécutera des engagements publics et renouvelés. Si elle châtie peu et mal, si elle désarme peu et mai, si elle paie peu et mal, la France, sans songer ni à des conquêtes, n à des morcellement, imposera le respect de tous ses droits, exigera le maintien de ses garanties rhénanes, appliquera le traité de Versailles et la convention de

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Ce bloc occidental, la diplomatie française doit s'efforcer de l'élargir au Sud, à l'Est et à l'Ouest.

L'inauguration du monument de Bligny, le 29, l'accueil fait à la délégation italienne, la tenue de la foule et les paroles des orateurs français, la participation da gouvernement et le geste du président de la République, témoignent de la sérénité courtoise et de l'oubli généreux avec lesquels la France accueille les soupçons et les injures, dont il plaît à la presse italienne de remplir ses colonnes. La Stampa, organe de M. Frassati, ambassadeur d'Italie à Berlin, une feuille ardemment ministérielle et presque officieuse, s'en est fait une spécialité. Le 13, son correspondant à Paris, M. Pettinato, consacre trois colonnes à la conquête de Paris par les nègres. Les boulevards « rappellent une rue de Zanzibar ». Les allées du bois « sont pleines de nourrices. noires, qui veillent sur des enfants, dont les mères s'oc cupent ailleurs ».

La France sous la tutelle des nègres ! Mais, parfaitement, c'est du Rousseau en action, tout cela, du Bernardin de Saint-Pierre, de l'encyclopédie. Je voudrais simplement demander une seule chose à ces étranges prêtres de l'union des races, suprême idéal du monde. Pourquoi trouvez-vous si facile de vous jeter au cou des nègres et si difficile de tendre aux Allemands, qui sont blancs en fin de compte, un unique doigt d'une seule main.

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Le 15, la Stampa dénonce l'impérialisme gaulois, qu rêve de réaliser en Europe le trust du fer et du charbon, alors que les industriels français escomptaient, avec inquiétude, l'éventualité d'une occupation de la Ruhr. Le 19, elle envisage une action indépendante et souple, qui permettrait à la Consultà d'agir, tantôt avec la France, tantôt contre la France... Il faudra une habileté singulièrement tenace et des circonstances singulièrement favorables pour combattre cette passion héréditaire de la combinazione et maintenir l'Italie dans le cadre rigide du bloc occidental.

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Le meilleur moyen sera encore de ménager l'amitié suisse, de reconquérir l'amitié espagnole et de resserrer

la Petite Entente.

Le conflit relatif aux zones franches de Savoie peut et doit être résolu. Sous la pression de l'opinion française, le Quai-d'Orsay, qui devrait réserver son énergie pour des causes plus justes et pour des adversaires plus grands, a modifié son attitude et renoué les négociations. L'affaire de Tanger est plus délicate, parce que la France n'est pas seule et l'Espagne n'est pas libre. Jamais le Foreign Office, je le sais de source sûre, n'acceptera que Tanger soit affranchie de son hypothèque

internationale. Cette servitude accroît les difficultés de

toute négociation. Elle ne saurait d'ailleurs s'engager que dans une atmosphère éclaircie par la solution des problèmes économiques, le contact est pris, et par les manifestations d'une action commune. Une neutralité ne se paie pas. Une alliance s'achète.

Le bloc oriental est plus avancé que le bloc occidental. Le 15 juin, des arrangements d'état-major compléteront les conventions militaires conclues entre Prague et Belgrade, et entre Prague et Bukarest. Des conversations économiques sont engagées. D'autre part, M. Benès, qui révèle dans ces négociations des qualités d'homme d'Etat, s'emploie à réaliser une entente directe entre la Iougo-Slavie et la Roumanie: un accord sur le Banat de Témeswar paraît possible. Si la Pologne n'est point encore incorporée dans ce bloc oriental, - malgré ses liens avec la Roumanie, elle a du moins accepté de s'associer à l'avertissement donné au gouvernement autrichien sur les conséquences immédiates qu'entraînerait la politique du rattachement à l'Allemagne. Et d'autre part, M. Benès, parti pour Londres le 31, est intervenu auprès du Foreign Office, dans un sens favorable aux revendications silésiennes de la nation polonaise.

A cette organisation spontanée de l'Europe orientale, pour la stabilité et pour la paix, la France doit collaborer énergiquement, méthodiquement, publiquement, avec toutes ses forces intellectuelles, économiques et militaires. Elle ne doit avoir là-bas, qu'une politique et qu'une diplomatie. La loyauté est toujours plus habile et rapporte toujours davantage que la combinazione. Aussi est-il regrettable que le Quai-d'Orsay, qui résiste mieux qu'autrefois au charme hongrois, n'ait pas cependant démenti, en temps utile, la note du Daily Telegraph, qui, le 26 avril, paraissait attribuer aux membres français de la commission du Danube le désir d'appuyer les revendications magyares, quant à la nationalité du président et à la résidence de la commission. La France ne cherche pas à diviser les peuples et à envenimer les querelles. Elle ne veut qu'unir et pacifier l'Europe.

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Dans cette tâche, l'appui des Etats-Unis lui est nécessaire. Et il est fâcheux que M. Briand n'ait consacré qu'une phrase à la coopération américaine. La force américaine si une guerre orientale ne vient point la paralyser reste le contrepoids nécessaire à l'équilibre mondial. L'Europe ne peut plus être isolée. Le cercle des nations libres s'est élargi. Les deux continents sont désormais solidaires. Le débarquement d'une armée américaine sur le sol européen a fermé une période et ouvert une ère nouvelle dans l'histoire du monde. La diplomatie française doit enfin prendre conscience de cette révolution. Au lieu de subir les initiatives, elle doit les provoquer. Il faut organiser la propagande française, favoriser les participations industrielles et ouvrir les négociations commerciales. Je voudrais que le Sénat américain fût l'hôte du Sénat français et que le maréchal Foch servît d'escorte au <<'mort inconnu des armées américaines ». Cette atmosphère permettrait de dresser en commun les avenants nécessaires au traité de Versailles comme au pacte des nations. L'intimité américaine est la garantie des libertés et la condition de la prospérité françaises.

JACQUES BARDOUX.

NOTES ET FIGURES

Le génie du Palais-Royal.

Voilà, pour de longs jours, nos Tuileries gâtées par la virago colossale et vulgaire que M. Bartholomé, envers et contre tous, y déposa provisoirement (oh! l'insidieux adverbe!) Après le sabotage de cet admirable site urbain, attendons-nous au massacre d'un autre point de vue, moins grandiose, mais aussi précieux : le jardin du Palais-Royal.

Là encore il s'agit d'un vieux projet, né jadis en des cœurs généreux, discuté naguère en de somnolentes commissions et qui, soudain, va se réaliser, mettant, à l'habitude, les Parisiens en présence d'un déplorable fait acquis.

comme

Dans les premières années de la guerre, un comité sudaméricain d'union latine eut l'idée qu'il fallait nous offrir une œuvre d'art, symbole de l'admiration et de la reconnaissance des Latins pour la France, éternel champion de la pensée latine en Occident...

C'était du temps où Paul Adam, par ses nombreux voyages d'études en Argentine, était à Paris le représentant le plus notoire de ce Comité.

On décida qu'une statue symbolisant le génie latin serait commandée au statuaire Magron et placé quelque part dans Paris. Le Génie latin, comme celui des arts, de la liberté, du travail et de tout ce qu'il vous plaira, s'offrirait aux regards sous la forme d'un homme dévêtu porteur d'attributs éprouvés, lyre ou glaive, peut-être

l'un et l'autre.

Des maquettes furent soumises à l'appréciation du

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comité.

Les ans passèrent. Enfin il fallut aborder la question de l'emplacement. On parla du Palais-Royal: - N'y comptez pas, répondit la commission des Monuments historiques. Je suis déjà fort empêchée par le Hugo, de Rodin, et le Camille Desmoulins.

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Alors, mettons ce Génie aux Tuileries.

Je m'y oppose encore, dit la commission; et elle cita la loi de 1913 en vertu de laquelle « nul ne peut modifier l'aspect ou les abords d'un monument historique classé, sans l'autorisation du ministère des BeauxArts. », avis pris de la commission des Monuments historiques. Le services des Bâtiments civils s'était d'ail leurs joint à celui des Monuments historiques pour « refouler » l'indésirable Génie.

Alors des « influences », comme on dit, entrèrent en cause. On obtint que l'emplacement du Palais-Royal pourrait être à la rigueur envisagé, toutefois avec des modifications importantes à la maquette. On referma les cartons verts sur lesquels la poussière administrative se remit à tomber lentement.

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Mais il n'a pas de place!

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Vous déplacerez le Camille Desmoulins.
Pour le mettre où ?

On inaugurera dans 45 jours, le 14 juillet; j'ai dit. Et c'est ainsi que le Palais-Royal, où tant de fantômes terribles où charmants hantent chaque nuit le clair jardin enclos, évocateurs de tant de splendeurs désuettes, va voir bientôt s'élever, parmi ses verdures et sur le noble fond de ses vieilles pierres, un grand bonhomme en blanc d'oeuf battu, plein de gestes et d'inutilité. Quel dommage que, pour honorer notre génie latin, nos bons amis, les Américains du Sud, ne nous aient point offert quelqu'autre chose dont nous aurions été moins terriblement riches ! ROBERT REY.

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L'art de la guerre et les Allemands.

Le général von Kuhl, qui fut le chef d'état-major de von Kluck euphonies à l'usage des revuistes de fin d'année vient de publier le second volume de son ouvrage sur la bataille de la Marne (Der Marne Feldzug, 1914), et l'on devrait bien traduire ce livre en français, car il offrirait aux pessimistes, à tous ceux qui se persuadent que tout va chez nous au plus mal, une lecture réconfortante.

Dans son premier tome, von Kuhl s'était efforcé de démontrer que l'état-major allemand avait admirablement préparé la guerre, et que ses fautes durant la campagne furent rares. Mais le second, qui est une relation complète des opérations qui eurent lieu avant et pendant la bataille de la Marne, donne une impression bien différente de celle qu'il souhaite.

Notez qu'il laisse entendre dans sa préface qu'un ouvrage aussi documenté que le sien ne pourra être entrepris d'ici à longtemps dans son pays, et qu'il apporte des renseignements fournis par de nombreuses compétences, généraux et officiers d'état-major. Or, «< il n'y a plus en Allemagne, affirme-t-il, ni section historique, ni grand état-major », et on ne les remplacera pas de si tôt. (Son vieux dieu l'entende!) On voit d'ailleurs qu'il a certainement lu les livres français sur la guerre. Il réfute quelques erreurs commises par von Kluck dans son livre intitulé La marche sur Paris, déclare en passant que « Tresch ne fut pas un Blücher », et que « les Anglais ne sauvèrent certainement pas Maunoury »... Mais écoutez ceci qui est, sauf erreur, intéressant.

au

La transmission des ordres en campagne avait été organisée d'une façon déplorable par l'état-major allemand, que les expériences faites aux manœuvres avaient trompé. Les ordres n'arrivaient que par T. S. F. Or, il n'existait qu'un seul et unique poste entre le Grand Quartier et les armées, et les interruptions dues mauvais temps ou à « l'intervention de la tour Eiffel » hachaient à tel point les messages qu'il fallait quelquefois les répéter trois et quatre fois pour qu'ils devinssent intelligibles. « Aux moments décisifs, les ordres mettaient souvent vingt-quatre heures à parvenir. » — Et le téléphone?« Les postes étaient trop faibles et manquaient d'appareils récents ». Ah! que dirait-on chez nous si notre état-major avait montré tant d'incurie durant la bataille de la Marne!

Mais ce n'est pas tout. Il paraît que le général von Moltke, qui n'avait rien pour faire oublier son fameux ancêtre, ne visita jamais le Q. G. de la re armée ; que von Bulow ne se rencontra jamais avec von Kluck; et que du 5 au 9 septembre aucun ordre ne fut envoyé du Grand Quartier.

A la veille de la Marne, personne, même à l'armée von Kluck, ne sut découvrir le moindre indice de l'atta

que française. « La continuation de la retraite était seule escomptée. Une inquiétude unique : la menace de flanc que faisait l'armée de Paris à l'armée allemande. La grande offensive générale de tout le front français fut une surprise complète. Aucun signe, aucun aveu de prisonniers, aucun bavardage de presse »... Et pourtant notre victoire de la Marne fut l'effet du hasard et non d'une habile stratégie; reconnaissez à ce trait que c'est un Allemand qui parle.

« En effet, l'armée de Verdun (III armée), attaquée elle-même à l'arrière-garde ne pouvait attaquer le flanc allemand. La IX armée (Foch) était défaite. Les Anglais (c'est un fait reconnu) n'avançaient pas. La VI armée n'était pas en forces. Mais Joffre découvrit la faiblesse du front allemand, et au lieu de l'enveloppement qu'il projetait, conçut l'idée d'une poussée, à l'encontre de ce qu'on attendait de lui. » Et tel fut le << miracle » de la Marne...

C'est égal quand les Allemands se donnent, après

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dicalisme dans une

Albert Wolff est un excellent garçon, très brun, plein de vie, d'entrain, de bonne humeur; il sera tout à fait à sa place à l'Opéra-Comique pour réactuellement, dans nos théâtres de musique, de l'apsoudre et apaiser les mille et un conflits qui naissent. plication intégrale et saugrenue des dogmes du synêtre beaucoup plus nuancé qu'il ne l'est actuellement : matière où leur emploi devrait Wolff est un syndicaliste convaincu, qui a beaucoup fait pour que l'on payât les chefs d'orchestre en France comme ils le sont dans le reste du monde, et il saura montrer à tous la voie du bon sens. Il a d'ailleurs fait toute sa carrière, ou presque, à l'Opéra-Comique; c'est l'enfant de la maison, où tout le monde l'aime et où il sait trouver pour tous la bonne parole qui donne du cœur au travail.

C'est, par ailleurs, un chef d'orchestre de très grande valeur. Il a appris son métier au théâtre même : doué d'un imperturbable sang-froid, il est capable de ne pas perdre le nord même lorsque, dans Samson et Dalila, c'est le baryton qui est obligé de chanter la partie de la prima dona qui a oublié son rôle dans les fumées de l'éther (j'y étais je l'ai ouï.) Il travaille vite aux répétitions, avec une patience inaltérable; il a du feu, de l'entrain, le geste précis et communicatif; les chanteurs se sentent soutenus par lui; c'est un homme auquel les journaux consacreraient des colonnes, s'il était chef d'orchestre allemand.

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Le bizarre, d'ailleurs, est qu'il n'a peut-être eu luimême la révélation de sa très grande valeur que lorsqu'il est arrivé à New-York, en 1919, comme chef d'orchestre au Metropolitan Opera: les journalistes américains, en effet, ont l'habitude d'étudier avec la plus grande précision la manière et le style des chefs d'orchestre; et ls ont fait un triomphe à Wolff, le mettant tout de suite sur le même pied que Toscanini, qui avait été l'idole de New-York durant des années. Ce succès ne s'est pas démenti durant les deux saisons que Wolff vient de faire, à New-York, où il retournera encore durant quelques semaines l'hiver prochain.

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En même temps, Wolff faisait triompher à New-York son opéra féerique l'Oiseau Bleu, écrit sur les paroles de Maeterlinck avec la petite Mme Raymonde Delaunois en tête de l'interprétation, on le donna, durant l'hiver 1919-20, une fois de plus que les opéras les plus fameux du répertoire dans lesquels paraissaient Caruso et Farrar, les vieilles étoiles de la maison. Et ceci démontra que le public de New-York était capable de s'intéresser à la musique française, même moderne.

Wolff a écrit d'autres opéras: le Marchand de Masques, qui fut donné à Nice; une Béatrice encore inconnue. Il paraît qu'il écrit une opérette, énigmatiquement intitulée C. N. G. Souhaitons-lui surtout, comme directeur de la musique à l'Opéra-Comique, de faire comme son prédécesseur et de nous découvrir un autre Pelléas. Mais ici, les dieux sont les maîtres....

GEORGES PIERREDON.

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