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L'Opinion commencera dans son numéro de samedi prochain (4 juin) la publication d'un roman inédit de M. ABEL HERMANT, le Crépuscule tragique. Nos lecteurs trouveront dans cet ouvrage, dont la forme est d'une pureté classique, une attachante histoire dont les héros évoquent, par quelques uns de leurs traits, certains personnages typiques de notre temps.

L'état d'esprit des Anglais

La question des réparations a un double aspect, économique et financier, dont le premier apparaît surtout aux Anglais, tandis que nous sommes plus sensibles au second. Si nous voyons les divergences de vues s'accuser entre les deux pays, c'est que, de plus en plus chacun prend conscience de ce fait essentiel: sous un même nom ce sont des problèmes différents qui se posent au nord et au sud de la Manche. Nous sommes - anxieux d'être dédommagés de nos pertes. Les Anglais sont moins préoccupés de oe paiement que de savoir comment il réagira sur leur expansion commerciale; ils ont moins besoin de milliards que de débouchés; ils craignent de voir leur commerce atteint, si leur Trésor est satisfait; ils préfèrent les marchandises à l'or. Aussi, dans toutes les solutions qu'on leur propose, ils découvrent une opposition des moyens et de la fin. Il serait à peine exagéré de dire qu'ils ont peur des répa

rations.

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dont nous ne connaissons encore que le passif, et dont nous attendons impatiemment les bénéfices. Mais les Anglais ont déjà arrêté le compte. Beaucoup seraient prêts à s'entendre avec l'Allemagne sur la base de la prescription, avec la France sur la base de l'abandon de leur créance à son profit: ne voit-on pas cette dernière thèse soutenue par la presse libérale, par les revues libre-échangistes comme l'Economist, par M. Keynes lui-même ? Les Français sont encore occupés à liquider la dernière guerre, les Anglais sont surtout anxieux de préparer la prochaine la guerre commerciale; or, ils estiment que l'exécution intégrale du traité serait un handicap pour la Grande-Bretagne dans cette nouvelle lutte. «Pas de réparations, disaient-ils volontiers, mais pas d'encouragements à la prospérité allemande ».

Il est apparu que le traité n'est applicable que par des mesures de contrainte et de coercition; or le commerce vit de liberté et de stabilité. C'est pourquoi les Anglais souhaitent le retour à l'état normal des rela tions internationales. Cette ère nouvelle de paix, ils l'escomptent déjà dans leur budget. Le projet déposé à la Chambre des Communes par M. Chamberlain comporte une division nouvelle en budget ordinaire (destiné à servir de modèle aux budgets de l'avenir) et budget spé

cial, conséquence de la guerre, destiné à disparaître le plus rapidement possible. D'autre part, il ne fait entrer en ligne de compte aucun espoir de réparations. Comme un commerçant consciencieux, la Grande-Bretagne n'admet aucun élément fictif dans son bilan. Elle peut désormais aborder la discussion de la dette allemande avec un esprit libre, puisqu'elle n'en a pas escompté le paiement, et s'est organisée pour vivre sans lui. Dans ce pays qui tend à revenir à son état d'avantguerre, le problème des réparations n'est pas un problème spécial, privilégié, d'où dépendent tous les autres. C'est un élément de la politique générale, qui a sa répercussion sur toutes les controverses familières du Parlement, et plus particulièrement sur la question si importante des tarifs douaniers. Les partis sont donc amenés à adopter à son égard une attitude qui leur est dictée par la tradition.

Il y a quelques semaines, M. Lloyd George, dans un discours retentissant, a jeté l'anathème sur les travaillistes. Il espérait sans doute fonder une majorité sur la crainte de la révolution. Mais, au lendemain de son réquisitoire, l'Independant Labour Party a refusé d'adhérer à la Troisième Internationale, éloignant ainsi le péril. D'ailleurs, la politique toute négative annoncée par le Premier Anglais ne pouvait satisfaire les exigences du pays. Ce n'est pas par amour du socialisme que les électeurs votent contre M. Lloyd George, c'est par «anti-coalitionnisme ». Le principal danger pour le gouvernement ne vient pas de ses adversaires, mais de ses propres fautes. On peut prévoir que, pour se maintenir, il devra s'annexer la force de quelques idées libérales, répandues dans les milieux de l'industrie et du commerce, et qui, au sein du Parlement, sont communes aux libéraux asquithiens, à un grand nombre de mécontents passés au travaillisme, et peut-être même à certains éléments du parti conservateur. L'opinion libérale représente donc actuellement une force importante, qu'il sera profitable, pour le gouvernement anglais, de ménager, pour nous, d'interroger.

Les libéraux sont foncièrement antimilitaristes. Quand M. Lloyd George ratifie un projet d'occupation, ils y voient une victoire de l'impérialisme français. Des correspondances venues de Paris leur assurent que la France est avide de conquêtes, et que l'Angleterre, docile et dupée, se laisse entraîner à sa remorque. Sans doute, ils partagent notre opinion, qu'il y a pour les Allemands une obligation légale de réparer leurs dévastations, mais ils restent sceptiques sur les moyens pratiques de faire exécuter cette obligation. Ils se croient anssi justes que nous, mais plus sages. Ils distinguent, avec M. Rist, du transfert juridique de la propriété son transfert économique, qui n'est possible que dans d'étroites limites. En réalité, ils ne croient pas que les commandements des traités puissent changer grand'chose aux réalités économiques. Ils prétendent que les symboles financiers nous induisent en erreur sur la véritablé capacité de paiement d'un pays. Il y a quelques jours, un groupe de banquiers, protestant contre le projet de loi protectionniste, écrivait : « Une nation achète des marchandises étrangères parce qu'elle en a besoin, et les paie avec des exportations de ses propres marchandises Les libéraux estiment donc que, sous tous les déguisements, c'est toujours le troc qui s'opère; dans la mesure où le commerce est artificiel, il y a nécessairement une perte qui doit être supportée, en fin de compte, par l'industriel, le commerçant et le consommateur britanniques. On voit immédiatement l'application de cette doctrine à la question des réparations comme ils s'opposent à l'institution d'une caisse nationale des mines, qui aboutirait à la protection de certaines mines au détriment des autres, comme ils s'opposent à l'établissement d'un privilège au profit d'industries clefs choisies arbitrairement par le Board of Trade, ils combat

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tent, plus énergiquement encore, toute mesure qui tendrait à fausser les rouages du commerce international. Or, disent-ils, on s'y efforce par deux moyens contradictoires d'une part, les sanctions économiques sont, en pratique, des mesures prohibitives contre les importations allemandes ; d'autre part, les exigences des Alliés les obligent à favoriser dans l'avenir le développement de la prospérité allemande. Ce sont deux moyens contraires, mais également déplorables, de nuire au commerce anglais. Il faut, pensent-ils, assurer sa victoire par la liberté absolue, et n'être, vis-à-vis de l'Allemagne, ni vainqueur, ni associé.

A ces considérations, il faut ajouter des raisons plus particulières. La situation intérieure de l'Angleterre est. assez difficile pour qu'elle cherche à simplifier, dans toute la mesure du possible, sa situation extérieure. Elle manque de troupes pour réprimer les révoltes d'Irlande: elle ne veut pas s'engager encore dans une aventure continentale. Ses exportations de charbon ont diminué; elle redoute la concurrence de la Ruhr. Son commerce a déjà repris, et veut se développer; le traité de Versailles au contraire n'a pas encore été appliqué, et la créance alliée se réduit chaque jour comme une pean de chagrin on la prend en mépris.

Enfin, l'opinion libérale est particulièrement choquée de tous les projets qui comportent une intervention des alliés dans la vie allemande : tout ce qu'elle reproche, en politique intérieure, à l'étatisme, elle le reproche, en politique extérieure, à l'impérialisme allié.

Ces exigences de l'actualité, ces dispositions d'esprit, expliquent sans doute pour une part le point de vue libéral. On se rappellera, cependant, qu'il se présente sous une forme purement technique, comme une opinion sur l'enrichissement possible des alliés par les versements allemands. Au lieu de considérer l'impôt prélevé sur le vaincu, ils calculent son incidence. A la question « Combien l'Allemagne paiera-t-elle?» ils substituent cette autre : « Qui portera vraiment le poids des verl'équilibre économique, méprisées par les alliés se resements allemands? » et ils concluent que les lois de

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tourneront contre eux

Il importe de considérer ces arguments. En effet, pour le moment, il s'agit de fixation et de mobilisation de la dette allemande : la question des réparations est donc surtout une question interalliée. Comme le montant de l'indemnité dans l'avenir est fonction de deux variables, le change et le relèvement économique de l'Allemagne, sa valeur actuelle dépend de l'opinion de nos alliés sur ces variables. Or ils sont aussi des conditions du commerce anglais; et l'opinion libérale, nous l'avons vu, désapprouve également le maintien actuel de la barrière des changes par les sanctions économiques, et la prime accordée dans l'avenir au relèvement allemand. Elle réclame le jeu normal de la concurrence.

:

Ceci nous explique l'enthousiasme des libéraux pour l'accord de Londres, que M. Keynes, transportant sa tribune à Cologne, a si chaudement recommandé aux Allemands. Ils escomptent d'abord l'abandon, après l'acceptation allemande, des projets d'occupation militaire; ils saluent une victoire de la politique britannique sur la politique française. Ils voient avec plaisir l'Allemagne délivrée de toute charge trop lourde pendant les prochaines années. Ils estiment que les annuités plus lointaines ne seront jamais payées, et attendent, d'ici là, comme l'a avoué M. Keynes, une révision du traité. Ils voient le relèvement allemand frappé dans l'avenir d'un impôt de 26 o/o, qui, pensent-ils, fera peut-être disparaître la matière imposable, mais sera au moins une garantie contre la prospérité de leurs rivaux. Enfin, l'accord réalisé entre les anciens ennemis est une garantie de paix et de stabilité, favorable à la reprise des relations.

Les Anglais espèrent pouvoir se consacrer maintenant à soigner, à remettre sur pied leur grand blessé : le commerce, et ils croient voir s'évanouir ce danger qui les hantait la défaite militaire allemande payée par sa victoire économique.

M

ALFRED FABRE-LUCE.

CE QU'ON DIT

Briand s'est expliqué devant la Chambre sur la Conférence de Londres et sur son attitude dans la question de Haute-Silésie, exposant quelle avait été sa politique, et quelle sera celle de demain, si la Chambre lui accorde sa confiance. Et il a fort heureusement rappelé le mot de M. Clemenceau: « Le traité ne vaudra que ce que vaudront nos alliances. » La thèse de M. Briand est qu'après avoir fait une guerre de solidarité, nous devions faire avec nos alliés une politique de solidarité. Le point de vue des différents gouvernements n'est évidemment pas toujours le même. Trois ans après l'armistice les intérêts s'opposent jusqu'à un certain point. Chacun doit faire aux autres des concessions fréquentes; il faut seulement que les sacrifices faits d'un côté soient compensés par les avantages reçus.

Le sang-froid avec lequel le gouvernement a agi durant les dernières semaines, a montré que nous n'étions pas des impulsifs. Un certain nombre de députés souhaiteraient de nous voir nous lancer dans l'aventure de la Ruhr, qui ne nous donnerait sans doute que des satisfactions apparentes et qui au point de vue financier ne peut être que déficitaire. La présence de nos troupes prêtes à marcher sur Essen et la Ruhr qui peuvent être occupées en quelques heures constitue une menace aussi efficace, et moins dangereuse pour nous, que l'occupa

tion elle-même.

Ainsi que M. Briand l'a justement remarqué, l'Allemagne vaincue a vu son unité se consolider; on peut le déplorer, mais il est trop tard maintenant pour modifier un état de fait. En face d'une Allemagne plus étroitement unie qu'en 1914 nous conservons la force, mais nous avons aussi l'impérieux devoir de conserver nos alliances.

Peut-être eût-il mieux valu que le débat ne se prolongeât pas autant. Après les discours de MM. Tardieu, Forgeot et Noblemaire il n'y avait plus grand'chose à dire. Cette Chambre, cependant si pleine d'honnêteté et membres, de bonne volonté, compte trop de nouveaux qui peu rompus aux discussions de ce genre ignorent l'art de les terminer. Cette qualité leur viendra sans doute, souhaitons qu'en l'acquérant, ils ne perdent pas les autres. SERGE ANDRÉ.

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On a beaucoup parlé du caractère énergique de M. Leullier, qui sait, en tout, mettre lui-même la main à la pâte. Il semble bien, en effet, qu'il ignore jusqu'à présent cette peur de MM. les apaches qui empêchait maints de ses prédécesseurs d'aller voir sur place comment les choses se passent.

Mais sait-on que M. Leullier fut, pendant la guerre, préfet de l'Aisne? Il avait montré justement, dans ces périlleuses fonctions, un courage et un sang-froid remarquables. L'Opinion, dans son numéro du 12 juin 1915, a raconté une des visites de M. Leullier à un village marmité des premières lignes et a dit alors com

bien le « haut fonctionnaire » savait se montrer crâne avec bonne humeur. Nous pouvons ajouter aujourd'hui que le village en question était Soupir resté dans nos souvenirs comme un terrible coin! et que l'officier qui guidait le préfet, et qui signait Cagniard, était M. Lisbonne, le sympathique directeur de la maison Alcan. M. Leullier n'hésitait jamais à se rendre sur les points où il jugeait que son devoir l'appelait; et, au surplus, il suffira ici, pour lui rendre hommage, de révéler le surnom que lui avaient donné ce qui lui restait d'administrés dans ce chaotique secteur: ils l'appelaient le « préfet des tranchées ».

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Le choix du nom.

Pour les produits commerciaux comme pour les inventions industrielles, il est souvent malaisé de trouver des noms appropriés et qui puissent se graver dans la mé moire populaire.

Qu'on imagine pour les parfums une singulière litanie d'images poétiques, c'est assez prévu. Mais eussiezvous pensé à fournir pour un nouveau système de vidange cette enseigne qu'on voit à la Foire de Paris: « Cabine Sultane, système de la Porte ouverte »?

La décision des graphologues.

Trois experts en écriture, parmi lesquels le célèbre M. Varinard, avaient été appelés cette semaine par le Parquet de Versailles. Il s'agissait de savoir si le mot «< ancien » rajouté sur un reçu était ou n'était pas de la main du plaignant, M. Forgues. On choisit dans le dossier deux pièces de comparaison signées de M. Forgues. Les trois experts examinèrent, discutèrent et conclurent gravement que le mot pouvait être de la main de M. Forgues. L'une des deux lettres surtout offrait des caractères graphologiques absolument différents de ceux de l'écriture incriminée.

Par malheur, cette lettre probante, signée par M. Forgues, avait été écrite tout entière de la main d'un honorable avoué versaillais, Me Tissu.

Cette leçon n'est pas la première et devrait donner un peu de modestie à MM. les experts en écriture.

Les beautés immortelles.

Chez ceux qui dansent.

On causait dans un salon littéraire de toutes les étoiles qui firent parler d'elles cette année, par leur obstination à ne savoir vieillir.

Une dame d'esprit qui, sans atteindre à leur célébrité, veut prétendre de même à l'immortelle jeunesse, se plaignait qu'on ne fût plus aussi galant qu'autrefois.

Alors une jeune fille se mit à entonner cette vieille chanson de Panard

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ifs à l'ouvreuse,

A propos de Cléópátre.

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Mme Segond-Weber, jalouse du succès que la satire a fait à sa ridicule camarade, à trouvé, pour la détourner au profit de ses charmes, un moyen hardi. Elle a joué Cléopâtre.

Il y a longtemps que cela se préparait. On raconte que l'illustre tragédienne, assistant pendant la guerre à la représentation que Gémier donna d'Antoine et Cléopâtre, jugeait sévèrement Andrée Mégard et disait : « Il faut dans ce rôle plus de légèreté et plus de séduction. >>

Pour séduire Antoine et le parterre, Mme Segondavait tant vu. Et c'est pourquoi certain poète moderne Weber n'a rien négligé. Jamais l'auguste théâtre n'enqui sortait de la Comédie, l'oreille résonnant encore des alexandrins de M. Hérold, déclamait bruyamment en enflant les et en traînant sur les finales, à la façon d'Albert Lambert :

Non! vous ne direz plus que nous manquons d'audace
Cléopâtre chez nous est peinte à grandes masses.
Si deux seins ne sont pas un assez beau morceau,
Ce ventre au moins vaut bien ceux que peint Picasso!

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Un critique, dont l'article le lendemain couvrait de fleurs la sociétaire, s'exprimait ce soir-là plus libre

ment :

« Elle a voulu avoir son Hérodienne. De mauvais vers, une méchante pièce et un rôle de grande coquette. Qu'elle imite au moins Bartet jusqu'au bout, qu'elle aie le courage de se reposer. >>

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Entre deux autres critiques s'échangeait le dialogue que voici :

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444

Il y a de ans que la pièce a été reçue! Douze ans : ulement ?

Cela ne vous suffit pas?

Avouez que es charmes de Ciéopâtre datent bien ers de M. Hérold..

On entendait, en effet, par la porte entre-bâillée, quel- de trente ans, et quant aux que chose qui avec un peu de bonne volonté, pouvait ressembler à de la musique.

Cependant l'ouvreuse répondit

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Si vous veniez à La Fille z Mume Angot, je pourrais vous le dire. Avec ces gens-là, on ne sait jamais quand ils ont fini de s'accorder.

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Un de nos plus spirituels confrères nommons-le : c'est le Cri de Paris- rendant compte d'une répétition générale, écrit sans sourciller :

"...On aperçut, dans deux loges, deux femmes... On ne tarda guère à chuchoter les noms de Mme Cécile Sorel, la toute beile, et de Mme Jane Renouardt, la toute charmante.. Et il était impossible aux spectateurs de décider laquelle des deur eût, dans la salle, mérité la pomme que, sur la scène, etc., etc... >>

Ah maintenant. c'est Jane Renouardt qui va être

contente!

X

On dit que M. Hérold avait promis sa Cléopâtre à Mme Weber et qu'il n'aurait pu en aucune façon la lui retirer. Il est bien dangereux d'écrire un ouvrage pour une comédienne dans un temps où l'on doit attendre douze ans avant d'être joué.

Benserade avait eu plus de chance. Etudiant en théologie, il allait plus souvent à la Comédie qu'en classe. Etant devenu amoureux de Mlle Belleron, il fit pour elle une Cléopâtre qui fut jouée en 1636. Et comme Mlle Belleron avait encore quelque fraîcheur, sa tragédie fut assez bien reçue.

Heureux temps qui n'est plus!

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En tout cas, Mme Weber ne fut pas troublée longtemps: «Croirait-on, disait-elle, que le public des générales soit devenu aussi pudique?» Elle espéra que les fidèles spectateurs de la Comédie-Française rendraient hommage à sa beauté. Et elle eut raison. Il n'y a pas de meilleur public à Paris que celui-là. Il a le culte des vieilles étoiles et des histrions qui poussent des éclats de voix. Allez voir Cléopâtre! Vous n'y entendrez pas le moindre sifflement. Et vous verrez de braves gens qui goûtent leur petit plaisir d'entendre des vers qui ont douze pieds et de mouvoir le rideau par leurs applaudissements répétés.

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A entêté, entêtée et demie.

Et c'est bien le cas de le dire, puisque c'est le chapitre des chapeaux.

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Mais qui se plaint?

Et comme le rideau se levait, on faisait chut, et Rachilde gardait son chapeau.

Au dernier entr'acte, l'huissier se crut victorieux. Il avait usé de diplomatie pour persuader à une dame assise à six rangs derrière Rachilde, qu'elle était incommodée par l'innocent bonnet. Alors, s'adressant à Rachilde, assez goguenard :

Madame, c'est le fauteuil 193 ter qui se plaint! Otez votre chapeau.

Aussitôt Rachilde de se lever et d'aller trouver la dame dudit fauteuil. Puis, revenant vers le placeur :

Vous aviez raison, mais ce n'est que mon épingle à chapeau qui gêne.

Elle assujettit son bonnet, retira l'épingle, et revint à sa place, tandis que le placeur vaincu fuyait dans le couloir en accablant le beau sexe de réflexions philosophiques sur le nez de Cléopâtre, le ventre des vieilles étoiles et le bonnet des femmes de lettres.

Colletet, Colette et Claudine.

Au moment où Claudine va reparaître à la scène, rappelons que Claudine est un nom avec lequel la littérature française est depuis longtemps familière. Le poète Colletet le père, qui ne dédaignait pas les amours ancillaires, avait épousé successivement trois de ses servantes. La dernière fut Claudine, femme de lettres fort remarquable ou tout au moins fort remarquée, et qui, par étrange coïncidence, cessa d'écrire dès la mort de son époux. La Fontaine, qui l'avait jadis complimentée, en éprouva sans doute quelque remords, car il écrivit : Les oracles ont cessé : Colletet est trépassé.

Modern style.

Au pays des Muses.

Premières lignes des Mémoires de Georges Carpentier :

« Comme cela est difficile à écrire sans se voir taxer d'immodestie (?); et, pourtant, cela est !... De ce soir-là, je me rappellerai toute ma vie, etc., etc. ». Quel est ce jargon?

Les mémoires de M. Nabokoff.

Chez nos alliés.

M. Nabokoff, ambassadeur de Russie à Londres lorsque éclata la révolution.russe, va publier ses mémoires. Il y racontera, entre autres choses, comment l'ambassadeur du gouvernement bolchevik, Litvinof, tenta de s'emparer de l'ambassade russe.

Un certain Krysin ayant demandé une audience à M. Nabokoff, lui remit une lettre signée Litvinof. Cette lettre invitait l'ambassadeur à remettre à Litvinof l'immeuble de l'ambassade avec le personnel, les archives et le code secret. Amusé, l'ambassadeur demanda en quoi le code secret pouvait intéresser Trotsky, ennemi des diplomaties secrètes.

Il lui fut répondu que Trotsky avait besoin de connaître toutes les communications et tous les dossiers secrets pour les publier au grand jour : il voulait faire plaisir aux gouvernement étrangers «avides » d'entrer

en relations avec les Soviets.

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Mme veuve Kramer et sa fille Jennie ont demandé l'annulation du testament de feu M. Joseph Kramer, gros propriétaire de New-Jersey. Et voici sur quelle clause elles appuient leur demande.

« Je lègue à ma fille Jennie la somme de deux livres douze shillings (60 francs environ) par mois, à titre de rente viagère.

Cette rente mensuelle se répartit de la manière qui suit :

Une livre par mois pour lui rappeler le jour où, en 1916, elle m'appela « cochon noir ».

Une livre par mois pour lui rappeler le jour où, en 1918, elle me frappa alors que j'étais dans la cuisine. Douze shillings par mois pour lui rappeler le temps. où, en 1920, elle me disait, alors que j'étais malade et au lit « Ne tousse donc pas si fort, tu fais trop de bruit, tu gênes les voisins. >>

Etait-il aussi fou que le prétendent sa femme et sa fille, ce sage qui, n'ayant plus' la force d'imposer le respect à sa vieillesse sut faire entendre sa colère après

sa mort.

Oh! vous êtes tout excusé, vous, cher grand camarade. Affaires Intérieures Et personne n'a jamais songé, croyez-le bien, à vous croire capable ni coupable du péché d'immodestie. Mais n'y a-t-il personne, au Petit Parisien, qui pouvait vous retaper un peu cela?

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Le Carrefour

Il est des moments dans la vie des peuples où par l'effet d'un hasard fortuit le voile qui masque l'avenir se fend d'un seul coup. L'espace d'un instant, la vision du futur nous est donnée comme dans une clarté surnaturelle. Et chacun se dresse inquiet à l'appel du Destin. Nous venons de vivre une de ces heures prophétiques.

Un mot arraché à la mauvaise humeur d'un ministre allié, un mot, précédé et suivi de faits significatifs, a mis la France en état d'alarme. Et tout de suite la poussée d'angoisse a précipité au Palais-Bourbon qui justous ceux que la vie politement rouvrait ses portes tique de ce pays intéressent. Ainsi courent chez la devineresse ceux qu'une glace brisée ou une salière répandue ont rendu inquiets sur l'avenir.

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