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Cette Marinette croit en l'amour comme en Dieu; elle a; la religion de l'amour (on dit que beaucoup de femmes sont comme elle). Il y a des pédants (ils sont bien peu de leur temps!) qui trouveront ce culte déplorable. Ils observeront en effet (ah! ça tombera bien: Marinette parle justement quelque part de « ce raseur de Socrate ») qu'il y a deux amours, dont l'un, qui leur semble beau et véritablement divin, est celui qu'a admiré la société française du moyen âge au XVIIIe siècle : c'est celui des Cours d'amour, des platoniciens de la Renaissance, des bergers de l'Astrée, des héroïnes de Corneille, etc., qui est conduit par l'esprit, qui est une passion de la raison et en somme un amour de tête, dont on aurait tort toutefois d'imaginer qu'il s'arrête nécessairement à la hauteur du cou, mais qui consiste essentiellement à aimer parce que l'on découvre le bien et le beau en quelque objet.

Mais l'idée d'aimer parce que ferait bien rire Marinette et tout le monde aujourd'hui Marinette obéit, et fièrement, à un instinct qui la pousse vers Rémy, et tel est pour elle le seul amour vrai, la plus belle chose et la plus admirable qui soit sur terre. Hélas! Hélas! ici ces vieux raseurs dont je parle souriraient (avec indulgence) de son enthousiasme. Ils diraient qu'on peut bien s'abandonner à un instinct, mais que l'admirer religieusement, c'est vraiment exagéré ; qu'il n'est jamais venu à personne l'idée de vouer un culte à l'instinct de la conservation, par exemple; qu'on ne voit pas plus de raisons de diviniser celui de la reproduction; et que la jalousie, conséquence de l'amour, n'est pas en somme un sentiment plus honorable que la peur, conséquence de l'inclination qu'on a à préserver sa vie. Ils diraient encore que l'amour n'est qu'une passion entre nos passions, qu'il n'y a pas lieu d'admirer davantage cette passion instinctive que Marinette éprouve pour Rémy, que celle qu'elle pourrait avoir pour l'alcool, le jeu, ou pour les stupéfiants, lesquelles sont des faiblesses du même ordre exactement ; que d'ailleurs ce qui est beau, c'est d'être le maître de ses passions, de leur commander, ne serait-ce qu'afin d'augmenter les agréments qu'elles comportent, et non de leur obéir; et qu'au reste c'est là ce qu'on a toujours pensé jusqu'à ce que les romantiques aient établi le culte, la religion de la passion amoureuse et notamment ce dogme qu'en elle résident toute la beauté et tout le bonheur. Ils ajouteraient, nos vieux raseurs, que de toutes les affections qu'on peut éprouver, l'amour est la plus égoïste; qu'assurément (La Rochefoucauld ne l'a que trop montré) nous sommes incapables de rien sentir de tout à fait désintéressé; mais que si l'amour maternel et l'amitié ne le sont pas entièrement, il n'y a aucune comparaison possible entre << l'amour-propre » dont on témoigne par ces deux sentiments et l'égoïsme dégoûtant de l'amour; qu'il est bien clair, en effet, qu'on aime son amant ou sa maîtresse, non pour lui, mais pour soi exclusivement, pour les plaisirs de toutes sortes qu'on en tire, et que la jalousie dont s'accompagne nécessairement l'amour établit cela surabondamment. Enfin, nos vieux raseurs socratiques diraient au besoin à Marinette beaucoup d'autres choses faciles et pédantesques de ce genre; mais il n'est pas douteux qu'elle leur rirait au nez sans les écouter, car elle a plus de goût pour les rimes que pour les raisons, et qu'elle se contenterait de leur réciter la tirade fameuse: «Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux ou lâches, méprisables et sensuels; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées; le monde n'est qu'un égoût sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange; mais il y a au monde une chose sainte et sublime: c'est l'union de deux de ces êtres si imparfaits », etc. Et d'ailleurs elle ignorerait peut-être que ce credo romantique à l'usage de toutes nos contemporaines

et de presque tous nos contemporains, et, mot pour mot, la fin de la tirade, c'est, naturellement, une femme qui l'a inventé Alfred de Musset l'a en effet tiré d'une lettre de George Sand (1).

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A cause de cette foi qu'elle a en l'amour, Marinette trompe sans remords son mari qui est un astronome fort notoire et peut-être plein de mérites (mais ce ne serait là qu'une beauté intérieure et l'amour à la Marinette n'en a cure) avec un joli garçon qui, on le verra tout à l'heure, est des plus sots. Elle n'a aucun remords à cela: comment en aurait-elle, puisqu'elle obéit aux préceptes de l'amour qui est sa religion et que c'est, comme de juste, de sa religion que découle sa morale? Mon Dieu, tromper la plus intelligente des épouses avec une petite personne qui n'a pas beaucoup de cervelle, qui en a moins que d'appas, c'est une faiblesse à laquelle ont été parfois sujets certains maris. Mais un homme et une femme « ce n'est pas la même chose ». Ah! dame, il faut bien le dire! - Non, ce n'est pas la même chose. Car premièrement un homme, même fort épris d'une petite grue, il ne lui appartient pas nécessairement au point de hair d'emblée et condamner toutes ses anciennes affections; tandis qu'une femme, en dehors de celui qu'elle aime, tout le reste de l'univers peut aller à vau-l'eau peu lui chaut. Ecoutez plutôt Rémy et Marinette : « Même en sentiments, dit-il, il y a des sentiments variés... des gradations... des nuances... Par exemple, mon affection pour ma mère; ton respect pour ton mari » (car les amants dont les maîtresses ont pour époux des personnages considé rables, Gérard d'Houville a bien remarqué quelle manie ils ont de toujours leur en parler); et il ajouterait, ce Rémy, si seulement il était marié : « mon esitme pour ma femme ». A quoi la petite réplique : « Tes gradations, tes nuances, je n'y comprends rien. Je suis sans doute un être brutal et grossier. J'aime ou je n'aime pas. » Et de reprocher à son jeune amant ce qu'elle appelle avec dédain des « conventions centenaires » et son « fond bourgeois et conservateur »>.

Or, si l'on pouvait, on dirait à Marinette: « Quel bonheur, que Rémy ait ce fond bourgeois et conservateur! Si vous régniez tout à fait, ô pétites Marinettes anarchiques, et avec vous le seul amour, tout porte à croire que la société serait en grand désordre. Et vous ne pourriez manger tranquillement avec Rémy, dans un palace, du homard à l'américaine (qu'il vous fait arroser barbarement de Moulin à vent, le misérable !) La loi du plus fort triompherait, et ce serait au grand dommage des femmes ». Mais à la deuxième phrase, vous vous arrêteriez en rougissant de votre lourdeur.

Cependant, voyez encore ceci, qui est si « femme »>. Le train roule, emportant le sleeping où les deux amants sont étendus aux bras l'un de l'autre; Rémy dort, Marinette songe, et c'est un chapitre délicieux :

Qu'il serait étonné de savoir tout ce qu'elle pense et tout ce qu'elle attend de lui !

Oh tout ce qu'elle attend déjà de ce voyage, de ce têteà-tête enchanté amour, beauté, passion, folie, tendresse [...] Lui, l'ami, l'amant, le bonheur. Lui qui l'aime et qu'elle aime, que de joies ne lui doit-il pas ? Dans sa crédulité naïve, elle l'a investi d'un pouvoir illimité. [...] Ah! pauvre garçon, heureusement que tu n'en sais rien; une femme a mis entre tes mains toute sa vie. [...] Marinette ne veut plus être heureuse que par Rémy...

Eh bien, on n'oublie qu'une chose : c'est de penser à tout ce qu'à son tour il attend d'elle. Il est moins imdavantage, et plus susceptible; et, comme elle par lui, il pressionnable, mais aussi sensible probablement, sinon ne veut plus être heureux que par elle. Il n'attend pas qu'elle lui soit indulgente, qu'elle l'admire et qu'elle le qu'elle le défende, mais il attend qu'elle le console,

(1) Correspondance de G. Sand et d'A. de Musset, p. 65.

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charme à toute heure du jour et de la nuit. Vous aussi, petite Marinette, « que d'espoirs à trahir, avec maladresse et bonne foi! que de ressentiments à supporter avec inconscience et stupéfaction! » Et le plus grave, c'est que, si votre jeune amant sait bien qu'il faudra vous ménager et avoir mille attentions pour vous, ô fragile! - si même d'y songer si souvent, cela le rendra parfois contraint et gauche, au début, vous ne soupçonnez pas seulement, vous, l'angoisse, la peine que lui causera, à lui toujours inquiet, et jusque dans vos bras, de ne vous posséder pas encore assez, la moindre fuite de vos yeux et le plus passager désaccord de vos désirs et de votre volonté avec les siens.

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D'ailleurs, ce Rémy n'est qu'un sot. Le drame du livre, c'est que l'amant et la maîtresse soient si inégaux. Elle est pleine de fantaisie, d'esprit, de grâce, et jamais on ne vit un lourdaud plus dénué de pittoresque et même de conversation. Quand Marinette déplore la banalité odieuse du palace où ils sont descendus (mais quelle idée, aussi, d'aller s'aimer à Dinard, quand le charmant Saint-Malo est en face!) Rémy lui répond : «Je ne te suffis donc pas, Marinette, que tu as besoin, même quand je suis là, de tant de beaux rêves? » Et puis il est raisonnable, effroyablement; tout est impru-dent, imposible avec lui; Gérard d'Houville imagine pour nous faire sentir tout cela des traits justes et charmants. Marinette a lu dans l'adaptation des Romans de la Table ronde, par Paulin Paris l'histoire de Merlin. l'Enchanteur, qui se passe dans la forêt voisine de Paimpont, jadis Broceliande; et elle en parle le plus gentiment du monde. Hélas! sur quel ton condescendant ce Rémy lui demande si elle croit vraiment à toutes ces légendes! et le poids du petit cours qu'il lui fait, et pas trop bien au courant, en outre! (1). Ce garçon, 1l aurait bien dû apprendre de Sylvestre Bonnard l'art d'être archiviste-paléographe (car il l'est). Décidément, il n'a pas ce qu'il faut pour être amoureux avec grâce, car il y est besoin, si l'on y manque de génie naturel, d'une assez grande intelligence. On s'en aperçoit lorsque ayant reçu une dépêche qui l'appelle auprès de sa tante Eustachie très gravement malade, il déclare à Marinette en termes doctoraux que les devoirs de famille ne sont pas un badinage et qu'il lui faudra partir dès le lendemain pour Avignon...

Avouons-le, au reste: on ne voit pas très bien comment il eût pu annoncer à sa maîtresse une telle nouvelle sans la fâcher, puis partir sans courir de grands risques. Il est dangereux de laisser, déçue, celle qu'on aime, et Le Mesnil, dans le Lys rouge, en fait l'expérience tout aussi bien à ses dépens que Rémy dans Tant pis pour toi. Certes, les raisons qu'ont Rémy et Le Mesnil de quitter leurs maîtresses sont bien discutables. Mais fussent-elles les meilleures du monde, Marinette ni même Mme Martin-Bellême ne les admettraient pas davantage. C'est que pour les jeunes dames les devoirs de la religion (c'est l'amour) passent avant tout. A quoi l'on voit qu'il y a eu beaucoup de changements dans les femmes, depuis Racine.

Supposons, si vous voulez, que Gérard d'Houville ait donné à Rémy quelque prétexte de partir irréfutable (au point de vue « homme », naturellement): que, par exemple, Rémy, diplomate, ait été appelé par son ministre à lui servir de secrétaire dans une grande conférence politique, ou ce que vous voudrez à quoi un homme qui a l'âme faite d'une certaine façon ne saurait se refuser, pour raison d'amour, sans se taxer lui

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(1) Voir le tome II de l'édition monumentale du Lancelot, par H. O. Sommer, publ. à Washington,aux frais de la Carnegie Institution, en 7 vol. in 4°. Merlin est malheureusement la seule partie du Lancelot en prose que M. F. Lot ait laissée de côté dans son Etude (Champion).

même de bassesse et de platitude. Alors le conflit entre Marinette et lui, ce serait tout à fait celui de Bérénice et de Titus. Seulement, la solution que lui donnerait Gérard d'Houville serait bien différente de celle que lui donne Racine.

Ah! c'est une femme aussi, Bérénice! Certes, elle n'admet pas d'emblée que Titus sacrifie leur amour, même à un si beau devoir que celui d'être empereur. Elle lui dit :

Vous ne comptes pour rien les pleurs de Bérénice. Et encore:

Vous

Quoi! pour d'injustes lois que vous pouvez changer En d'éternels chagrins vous-même vous plonger! Remplacez injustes lois par préjugés, conventions centenaires, fond bourgeois et conservateur, et avez l'essentiel des discours de Marinette à Rémy. Lui, il est combattu, comme Titus. Il ne s'écrie pas : Lâche, fais l'amour et renonce à l'empire !

car il voudrait faire l'amour avec Marinette et ne pas renoncer à Eustachie. Pourtant, quand il voit que cela ne se peut, il sait comme l'empereur, comme un homme, << vaincre ses passions ». Seulement, dans Racine, Bérénice comprend à la fin la bassesse qu'il y aurait pour son amant à renoncer à l'empire pour l'amour, elle sait se vaincre elle aussi ; et voilà ce que Marinette ni aucune femme d'aujourd'hui n'admettrait jamais. Encore, dans Tite et Bérénice, l'héroïne de Corneille renchérit-elle beaucoup sur celle de Racine : c'est elle-même qui réconforte Tite et lui montre son devoir... Ah! non, Marinette ne pense pas comme la Bérénice de Corneille, ni même comme celle de Racine: pour elle, l'amour n'est pas une passion qu'il est beau de dominer; il est une religion, encore une fois, à laquelle il est beau de tout sacrifier. Marinette n'est pas classique; elle est roman tique et sur-romantique, cette petite fille de George Sand Nous le sommes aussi. Avant la guerre, quand on apprenait (ce qui arrivait assez souvent) que quelque archiduc avait renoncé à ses grandes obligations pour épouser une petite dame, tout le monde approuvait ce haut exemple. Et si quelque auteur dramatique, remettant au théâtre la situation de Bérénice, faisait prendre à son héroïne le parti qu'adopte celle de Racine, critiques, public, tout le monde le jugerait fou. Nous sommes romantiques et, depuis un siècle, nous vivons sous le règne de l'esprit féminin. La fée Viviane, qui sait tout, le dit, d'ailleurs, à Marinette :

L'homme est un travailleur, un bâtisseur, un inventeur, un guerrier, un défenseur de la famille, de la cité, du pays et de toutes les choses établies, parce qu'elles lui coûtent de la peine. Mais il n'est pas fait pour aimer. Et quand, par-ci par-là, un homme a' du génie, le génie, cette autre forme de

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eh bien, ce génie lui vient de sa mère... Pourquoi leur en vouloir de ce qu'ils sont ou ne sont pas ? De leurs lois et de leur effort pour nous maintenir à leur merci ? Ils sentent confusément que notre vrai règne approche. Leurs pauvres ruses essaient en vain de retarder, à l'aide de pièges sentimentaux qui nous retiennent encore, le moment définitif de notre triomphe et de leur soumission.

En entendant ce discours, Marinette eut un petit frisson. Elle se souvint de la mante religieuse dévorant son mâle ». Ah! il n'y a pas que les mantes religieuses! Et tous les naturalistes savent bien que, chez les plantes et les animaux, le sexe masculin est, pour ainsi dire, un sexe de luxe, peu intelligent, et qui, dans les espèces inférieures, pour comble d'humiliation, n'est même pas indispensable. (1) Résignons-nous à être mangés.

(1) Voir Edmond Perrier A travers le monde vivant, page

320 sq.

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Naturellement, je n'ai pas essayé de raconter le livre. Ce serait une singulière impertinence que de tenter de faire sentir par un sec résumé tout le charme de Tant pis pour toi. L'enchanteur Merlin n'y manque pas plus la fée Viviane et Guyomar que Morgain ou Morgane. Les femmes ont une tendance naturelle aux contes de fées, et le pauvre père Baffier m'a dit souvent, quand il me narrait les veillées de son enfance, que si les hommes s'y plaisaient aux légendes réalistes des géants et des saints, les femmes préféraient les histoires de notre Mère l'Oye.

On goûtera donc dans le livre de Gérard d'Houville le savoureux mélange d'une sagesse vieille comme le monde et d'une fantaisie dont la grâce est irrésistible... Mais on n'y trouvera, je crois bien, qu'un personnage vraiment heureux : c'est le mari de Marinette. Il vit, dans sa tour, avec ses étoiles, ses livres, sa lunette et ses mathématiques, et cet astronome ne pense pas à l'amour. Faisons comme lui, si nous pouvons.

Le Théâtre

JACQUES BOULENGER.

« Un ange passa >>

Quand un froid soudain se produit dans une assemblée, il se trouve toujours quelqu'un pour s'écrier : << Tiens un ange qui passe !» Quel gêneur, cet ange, symbole de quelques minutes de mortel ennui! Cependant, lorsqu'il se marie, tout homme est désireux d'épouser un ange. Tel est aussi le désir de Michel Merteuil qui, en Parisien averti, a choisi pour femme une petite provinciale sévèrement élevée! Il a de la chance cet imprudent, la timide jeune fille se révèle jeune femme endiablée... et Michel n'est pas content! Une épouse gaie, amusante, quelle horreur ! Il voulait un ange, vous dis-je.

Il ne veut point rire avec sa femme; lorsqu'il trouve chez lui des amis de celle-ci, il fait une tête qui mérite toutes les représailles. Cependant, je vous ai dit que Michel avait de la chance, sa femme est honnête, ou plutôt ses sigisbées sont stupides, ce qui revient au même.

Un ange existe cependant, une amie d'enfance de Michel. Elle est demeurée, quoique mariée, douce, bonne et sérieuse; devenue veuve, elle mène une de ces vies mornes que l'on appelle exemplaires. Voilà, songe Michel devant cette créature attendrissante, voilà l'idéal et le bonheur; pourquoi ne suis-je plus libre ?

déré comme nécessaire par cette famille traditionaliste.
Il faut se résigner quand la question d'argent se post!
Quel drame poignant Paul Hervieu n'aurait-il pas
tiré de cette affreuse situation sans issue pour les gens
sérieux !
Heureusement nous aimons à rire, les auteurs d'Un
Ange passa nous y aident avec beaucoup d'esprit. Tout
se dénoue en prenant les choses par leur bon côté.
<< Point n'est besoin, puisque le divorce est une chose
sage, du consentement de la famille; seul, le mariage,
qui est une folie, nécessite une approbation préalable. »
Les époux Merteuil décident donc de divorcer en ca-
chette, afin de n'être point sur la paille.

Le rideau se lève, au second acte, sur un tableau de bonheur édifiant. La seconde Mme Merteuil étudie un air d'Iphigénie avec la conscience qu'elle met en toute chose. Michel baille dans un fauteuil soigneusement couvert d'une housse.

Etre rasé par un air d'opéra chanté par une femme ou par un couplet de revue fredonné par une autre, c'est toujours être rasé, n'est-ce pas ? Seulement quand c'est du Gluck, on n'ose pas le dire.

Après mille quiproquos causés par l'arrivée des parents de Fanny, les divorcés sont obligés de promettre d'aller ensemble à Guérande pour quelques jours. Blanche suivra et passera pour une amie; ce n'est pas sans soupirs, mais enfin elle y consent.

Et comme tout a une fin, même les spectacles où nous nous amusons, le troisième acte nous fait assister à la chute, puis la fuite de l'ange avec un gigolo un peu passé, tandis que Michel et Fanny s'étant mieux connus dans la paix des champs, décident de reprendre la vie

commune.

Le Code interdit, paraît-il, aux époux divorcés de se remarier ensemble, s'ils ont entre temps contracté un autre mariage. Les Merteuil décident que cela vaut beaucoup mieux ainsi; la liberté étant la meilleure sauvegarde de l'amour.

Il est des comédies qui châtient sèvèrement les mœurs sans nous amuser beaucoup. Celle-ci, qui est très divertissante, conclut audacieusement en faveur de l'union libre, et le public applaudit à cette conclusion.

MM. Jacques Bousquet et Falk ont écrit leur pièce avec une vérve irrésistible, le dialogue est spirituel, mille réflexions charmantes donnent à ce vaudeville le ton de la comédie. ས་ Mlles Betty Dausmond et Dantès sont excellentes. Mme Marie Laure a fait une trop douce grand'maman. MM. Dechamps, Billions, Palau, Alerme et Babaroche ont joué leurs rôles avec beaucoup de finesse et d'entrain.

Le mystérieux Vermeer

On peut partager sans trop d'arbitraire les tableaux de Vermeer en quatre groupes. Premièrement les tableaux à sujets; deuxièmement : les paysages; troisièmement: les tableaux représentant des personnages dans des intérieurs ; quatrièmement les portraits.

Fanny Merteuil, que son mari ennuie prodigieuse- Les Arts ment, regrette aussi de n'être pas libre, et comme elle s'aperçoit fort bien de l'admiration que Michel manifeste à Blanche Collonges, elle propose un divorce à l'amiable, ce qui permettrait à Michel d'épouser son âme sœur, et à Fanny de mener la vie qui lui plaît. Malheureusement, la fortune de Fanny dépend de sa grand'mère, redoutable vieille dame qui habite Guérande avec les parents de Fanny, non moins redoutables et non moins vieux jeu. Imaginez la mentalité de ces générations fossiles, qui font passer avant tout le plaisir le respect des convenances; imaginez cette mentalité aggravée de l'ambiance provinciale. Certes, Guérande est la plus jolie ville du monde, elle a gardé ses remparts, ses rues étroites et tout son caractère d'autrefois, c'est ravissant pour les touristes, mais pas du tout propice au développement des idées ultra-modernes qui ont éclaté chez la jeune Fanny.

Jamais, à Guérande, un accord dans la mésentente ne semblera admissible, jamais le divorce ne sera consi

Le premier groupe est fait seulement de quatre ceuvres, lesquelles sont assez disparates: La courtisane (à Jésus chez Marthe et Marie (dans une Dresde), La Toilette de Diane (au musée de La Have), collection anglaise) et le Nouveau Testament (au docteur Bredius). La courtisane, grande toile représentant une scène de «< cabaret galant » assez pareille à celles que la plupart des artistes hollandais de ce temps aimaient à peindre, est signée et datée : 1656. Vermeer avait alors vingt-qua

tre ans, ce qui permet de dire que La courtisane est l'une de ses premières toiles. Nous ne connaissons pas ce tableau, mais M. Vanzype, qu'on ne peut certes pas accuser de tíédeur envers Vermeer, estime que « tout, ou à peu près tout ce que l'on connaît du peintre est supérieur à ce travail de maîtrise où, dit-il, on ne voit encore rien de l'âme claire, de la sensibilité délicate, de la vision particulière, si exceptionnellement ample, noble et pure qui va distinguer Vermeer de toute son époque. »

Il est certain qu'il doit y avoir dans cette Courtisane des morceaux admirables: le tapis d'Orient qui recouvre la table, le visage de la femme, sous la coiffure claire qui retombe sur le corsage, où, paraît-il, on voit déjà le fameux jaune vermeerien. Mais il est certain aussi qu'il y a, dans l'acceptation d'un sujet cent et cent fois répété par les contemporains de Vermeer, la présence d'une personnalité qui ne se dégage pas encore librement du goût ambiant. Et, si l'on accepte de donner également aux débuts de Vermeer la la Toilette de Diane et le Jésus avec Marthe et Marie, on peut dire que la variété de ces trois sujets nous renseigne sur l'inquiétude et le flottement d'un génie naissant.

Cette Toilette de Diane ne ressemble à rien de ce qu'on peignait du temps de Vermeer. C'est un tableau d'un sentiment moderne, divinatoire, prodigieux. Si l'on peut, certes, parler à propos de lui de Corrège, c'est bien plutôt à Prudhon, au Corot des figures, à Courbet, à Fantin, aux premiers Degas qu'il fait penser. Aucun Hollandais n'a jamais concilié ainsi la noblesse de la forme et la sobriété de l'émotion. Ce sont cinq femmes, peut-être faites d'après un seul modèle, dans un paysage crépusculaire, vêtues de vêtements vaguement antiques. Celle qui est Diane est assise de profil, presque au milieu de la toile; sa robe est jaune. Une femme habillée de couleurs sombres, s'agenouille devant elle et, comme le font d'autres servantes aux Bethsabées du Louvre, lui lave les pieds. A côté de Diane est assise une autre femme qui a les pieds dans l'eau ; et l'on voit, dans le fond, une figure nue assise, de dos, et une figure debout, vêtue de noir, à la fois sereine et mystérieuse.

au

Un tableau pareil, peint à Delft milieu du XVII° siècle par un artiste qui n'a jamais été en Italie, demeure inexplicable et proprement miraculeux. On peut imaginer qu'il fut inspiré fut inspiré à Verineer par des par gravures que Léonard Bramer avait rapportées de Rome et qu'il fit voir à celui qui fut probablement son élève. Vermeer venait, par entraînement, par imitation, de peindre cette cette Courtisane où son génie intérieur a si peu de matière à s'exprimer : il sent que ce n'est pas cela qu'il doit faire, mais il ne sait pas encore où aller. Les belles allégories italiennes le séduisent et aussi les noms des dieux. Peut-être estil destiné à peindre des tableaux mythologiques: il tente l'expérience. Elle produit le curieux Bain de Diane, où la présence du modèle est partout sensible et où la poésie naît moins d'une volonté de style que d'une obéissance involontaire à un tempérament qui s'ignore. Ayant peint cette Diane, Vermeer, encore hésitant, encore partagé, fait une nouvelle expérience : la peinture religieuse, Jésus chez Marthe et Marie. Ce tableau est en Ecosse. Il semble admirable. Par lui Vermeer se rapproche sensiblement du monde réel et familier dans lequel il va vivre : la Marthe présentant le pain à NotreSeigneur est la reine de toutes les servantes que Vermeer peindra par la suite; et l'on a le droit de supposer que c'est en donnant la vie plastique à cette figure que Vermeer découvre ce qu'il aime et qu'il décide de se vouer à la représentation des scènes domestiques les moins anecdotiques et les moins agitées.

Cependant l'allégorie et la religion devaient encore

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une fois inspirer Vermeer. Nous voulons parler de cet étrange Nouveau Testament, découvert par le docteur Bredius à Moscou, et que l'on pouvait voir, avant la guerre, au musée de la Haye. Ce tableau est certainement postérieur aux deux tableaux précédents. Là, la manière, à la fois infaillible et moelleuse, de Vermeer est celle de ses plus belles scènes d'intérieur, et l'on y retrouve certains accessoires chers au peintre, par exemple, la tapisserie, la chaise et le carrelage. I serait bien vain de décrire ce tableau, compliqué et obscur comme les rébus religieux de certains primitifs flamands. Il nous apprend que, à l'époque où il l'a peint, Vermeer avait tout à fait oublié les gravures italiennes qui lui plaisaient dans sa jeunesse. Cette dame pathétique du Nouveau Testament, c'est seulement pour lui une visiteuse inattendue, presque une intruse, qui, avec son serpent et son calice, sa mappemonde et sa boule de cristal, vient s'installer chez Vermeer, lequel ne pense pas une seconde à lui sacrifier, dans sa toile, sa chère tapisserie et son carrelage, sa chaise et son tapis d'Orient.

Les paysages sont tous deux des vues de Delft. Le plus beau est au Jeu de Paume. Le peintre a été, en plein air, aussi fidèle qu'un appareil photographique. Cette fidélité est telle qu'il faut bien dire que la reproduction de ce tableau ne semble pas d'abord être autre chose qu'une épreuve d'un très bon cliché. Nous ne cacherons pas que, avant d'avoir vu autrefois à la Haye ce tableau, nous préférions, pour notre part, à la reproduction de la Vue de Delft de Vermeer, la reproduction de n'importe quel Poussin, de n'importe quel Claude Lorrain, et même de n'importe quel Vernet. Mais, si l'on a une fois contemplé l'original, le souvenir qu'on en garde transfigure toute reproduction et, aussitôt, une fête de couleurs, de lumière et d'espace envahit votre mémoire. Vous revoyez cette étendue de sable rose-doré, laquelle fait le premier plan de la toile et où il y a une femme en tablier bleu qui crée autour d'elle, par ce bleu, une harmonie prodigieuse; vous revoyez les sombres. chalands amarrés ; et ces maisons de briques, peintes. dans une matière si précieuse, si massive, si pleine, que、 si vous en isolez une petite surface en oubliant le sujet, vous croyez avoir sous les yeux aussi bien de la céramique que de la peinture. Vous revoyez surtout cet immense ciel, qui, des toits de la ville au zénith, donne une impression d'infini presque vertigineuse. Vous savourez enfin çette odeur, cette haleine du climat, exĥalée vers vous par la toile, et qui vous pénètre un peu comme vous pénètre le parfum inattendu de l'eau et la sensation brusque de l'air, lorsque, après être resté longtemps en voyage, dans un compartiment fermé, vous baissez la glace et recevez de la nature, même invisible, le témoignage physique du dépaisement. La Vue de Delft, de Vermeer, est peut-être le tableau du monde qui exprime le mieux la poésie météorologique, si l'on ose ainsi parler, d'un paysage; et l'on ne saurait dire combien paraissent prétentieux, lorsqu'on a longtemps regardé cette toile compacte et consistante, les jeux lâchés et épars des peintres impressionnistes.

Mais ce n'est pas, selon nous, dans ces paysages, quelle que soit leur beauté, que Vermeer a exprimé le fond de son génie. Les chefs-d'œuvre de Vermeer, ce sont ses « scènes d'intérieur »>.

Nous voyons bien tout ce que cette appellation: « scène d'intérieur » a d'imparfait, d'insuffisant. Le mot de « scène » suggère une action; or, à de rares exceptions près, on peut dire qu'il ne se passe rien lans les tableaux de Vermeer. Et peut-être, en somme, qu'une des raisons de leur prestige sur nous est dans le contraste qui existe entre ces personnages immobiles, tran

quilles, vivant dans des intérieurs calmes et purs comme L'Expansion du Livre Français

des miroirs, et cette passion, cette tyrannie des couleurs qui pèse sur eux, et par laquelle ils semblent dominés envoûtés, asservis.

De quoi sont faits les plus importants Vermeer de cette série? Voici le plus beau de tous, peut-être: la Liseuse du Rijksmuseum d'Amsterdam: un mur blanc sur lequel est accrochée une carte géographique; devant cette carte, de profil, une femme vêtue de bleu; ses mains, levées à la hauteur de la poitrine, tiennent une letttre. Elle regarde cette lettre, debout près d'une table, face au jour, qui vient de gauche; au deçà et au delà de cette table, deux chaises. Voici l'incomparable Leçon de musique, de Windsor: une salle carrée dans laquelle le jour vient (de gauche encore), par des fenêtres où les vitres sont tenues par des mailles de plomb. Au premier plan, à droite, une table rcouverte d'un grand tapis d'Orient (le tapis de la Courtisane); puis après cette table, une chaise (la chaise de la Liseuse) et un violoncelle que l'on voit à demi; enfin, au fond du tableau, devant un clavecin qui touche la muraille, une femme debout, de dos, et, près d'elle, un jeune homme qui la regarde gravement sans faire un geste. Au-dessus du.clavecin, sur le mur (blanc, comme dans presque tous les tableaux de Vermeer), un miroir dans lequel on voit le visage de la musicienne. La jeune dame près de son clavecin (à la Galerie Nationale de Londres) est aussi debout, les mains au clavier; placée de profil, elle tourne la tête vers le peintre et tourne le dos au jour qui vient de gauche (La Dentellière, du Louvre, est le seul tableau de Vermeer où le jour soit à la droite du peintre). La Femme au collier, du musée de Berlin, est debout également, de profil également, devant cette muraille blanche (qui n'est jamais vraiment blanche, cela va sans dire), à laquelle Vermeer sait donner la précieuse qualité de la perle. On pourrait citer encore, pour y remarquer les mêmes éléments, les mêmes dispositions, les mêmes accessoires, la Liseuse, de Dresde; ie Concert, de Boston; la Jeune femme prenant une lettre d'une servante (d'Amsterdam). Cette dernière toile est, avec l'Atelier du peintre (de Vienne), celle où Vermeer a sans doute montré le plus de liberté et le plus d'audace. Peut-on dire que ce tableau d'Amsterdam soit un tableau composé? Le peintre a placé son chevalet dans une première pièce assez sombre, non loin d'une porte ouverte, de telle sorte qu'il a d'abord devant lui, à sa droite, dans cette pièce où il se tient, le chambranle de la porte, le dossier d'une chaise et une portière de tapisserie relevée; à gauche, la porte elle-même, venant vers l'artiste. Puis on voit, sur le seuil de la pièce voisine, un balai dont le manche est appuyé à l'autre côté du mur, et une paire de socques posée sur le carrelage noir et blanc. Cette seconde pièce reçoit de la gauche un jour assez vif, qui éclaire une dame assise dans l'axe de la porte ouverte. Cette dame jouait de la mandoline; mais une servante vient de lui apporter une lettre, et reste debout près de sa maîtresse, qui interrompt sa musique et qui lève les yeux. Au pied des deux femmes, une corbeille pleine de linges, et un métier à dentelle (qu'on retrouve dans la toile du Louvre); et, derrière elles, le mur blanc avec deux cadres, le cuir gaufré d'une tenture et le coin d'une cheminée.

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Au marché Saint-Germain
Sangle au dos, baston à la main,
Porte-chaise, que l'on s'ajuste:
C'est pour la foire Sainct-Germain.
Prenez garde à marcher bien juste,
N'oublies rien, monstres moy tout:

Je la veux voir de bout en bout.

Et M. Scarron, d'humeur musarde ce jour-là, fit de Normandie, de Paris et de Picardie, domaine des comme il l'annonçait des heures entières, par les rues drapiers, par les chemins boueux de la chaudronnerie, de la mercerie et de la lingerie, dans tous les recoins du vaste clos, « raccourci de toutes les merveilles et délices du monde », il promena sa muse, la donzelle des badauds baillant aux grimaces de l'Harlequin, ni « au ridicule museau ». Rien ne le rebuta, ni la presse des badauds baillant aux grimaces de l'Harlequin, ni les criards tambourins des joueurs de marionnettes, et, si maintes fois bousculé, cahoté, injurié, il pensa verser le nez dans la crotte, du moins trouva-t-il mille sujets de se divertir tout son saoul. Tour à tour, il ricana au plaisant manège des mousquetaires du roi, farauds courant la fille, s'attendrit à la liesse des marmousets riant aux anges devant des montagnes de pain d'épices, goûta fort les ruses des tire-laines pressant les bourgeoises et les tours des pages picorant à l'étal des confituriers, au hasard des rencontres dénombra à loisir << plus friand cornards et galants de connaissance, qu'un chat », se rafraîchit d'aigre-de-cèdre, s'égara ensuite chez les fromagers, se fit rompre la tête au fâcheux tintamarre des noirs chaudronniers, admira longuement les porcelaines de Chine, huma précieusement le fumet de tannerie flottant sur le quartier des maroquiniers et parcheminiers, puis, de retour au logis, pour la plus grande joie de Monsieur, rima sa visite en 27 strophes, dont le style crotesque à souhait le fit pâmer d'aise tout le premier.

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Vingt-sept strophes et il n'a pas tout dit! Je ne sache pas pourtant il ne faudrait jurer de rien que son moderne émule et digne successeur, Raoul Ponchon, en ait consacré une seule à l'actuel marché, si fort dépourvu de poésie et dont les commères satisfaites ne daignent même plus, ô Vadé! enguirlander la clientèle honteuse. Aussi bien qu'eût été faire sa muse en pareil lieu? Elle ne saurait hanter le triste repaire de la rue Mabillon, in-pace des jouvencelles en quête d'un brevet simple ou supérieur, et qu'est-ce donc, je vous prie, qu'un marché sans cabarets? Puisque le petit bleu ne coule qu'au carrefour de Buci, cher à Francis Carco, plus rien en vérité n'aide à supporter l'odeur des fromages et les relents de marée. Il faut un autre attrait à ce coin du vieux Paris: la Maison du livre vient fort à propos lui rendre quelque ani

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mation.

Car c'est chose faite samedi dernier, elle a pris possession de ses nouveaux locaux qui bordent le marché sur la rue Félibien (parallèle à la rue Mabillon). L'installation s'est effectuée sans bruit : l'inauguration officielle n'aura lieu qu'au mois de juin au moment du congrès du livre. L'important est que la Maison du livre soit enfin dans ses meubles, c'est-à-dire en mesure de travailler à plein rendement. Bien des difficultés eussent été évitées si elle avait immédiatement possédé un logis digne de son importance.

Lors de sa naissance, il lui est arrivé ce qui arrive à tous les nouveaux venus en la grand'ville: elle n'a pas trouvé à se loger, ou plutôt il lui a fallu se contenter d'une installation plus que sommaire en des locaux de fortune. Elle n'a même pas pu réunir sous un seul toit ses multiples services: elle a dû en entasser unc partie dans un magasin de la rue Gay-Lussac, une autre dans un rez-de-chaussée de la rue de Grenelle.

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