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2. Avant le 28 février, le Reich devait livrer tout le maté

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riel en surnombre dans les dépôts de la Reichswehr : Rien n'a été livré-réduire l'armement des places maritimes 127 pièces sur 666 ont été remises; désarmer les forts de l'Est : Une demande d'arbitrage a été formulée le 26 mars. 3. Avant le 25 mars, le Reich devait retoucher la loi sur la Reichswehr et prendre les mesures législatives nécessaires' pour la dissolution des gardes d'habitants. Les lois ont été votees les 22 et 23 mars: la première est incomplète sur deux points et la seconde conçue en termes sans précision.

4. Avant le 31 mars, le Reich devait livrer toutes les armes lourdes et les deux tiers des armes portatives des gardes d'habitants. Il n'a livré que 2.031 mitrailleuses sur 8.377 et 326.000 fusils sur 600.000.

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Je suis sûr que ce tableau pourrait impressionner l'opinion britannique. Il serait facile d'en dresser un un second, non moins suggestif, en comparant la Note allemande du 22 avril sur les réparations en nature et les huit propositions de l'Internationale syndicale (4 avril). Le Dr Simons a repris, purement et simplement, toutes les formules du Congrès d'Amsterdam sur le déblaiement et le reboisement », « les 25.000 maisons bois », etc.

Mais cette démonstration suffira-t-elle à faire comprendre à nos amis d'outre-Manche, que l'offre allemande de 50 milliards marks-or (24 août), entourée d'obscures réticences subordonnée à d'obscures conditions, est inadmissible, quand ou la rapproche des 100 offerts en mai 1919, par Brockdorff-Rantzau, des 148 envisagés en janvier 1921 par la Conférence de Paris et des 132 demandés le 25 août, par la Commission des Réparations? Je n'en suis pas sûr.

Deux ans d'expériences ont démontré que le tête-àtête franco-anglais n'était pas sans péril pour les intérêts français. L'entrée de la Belgique dans le cercle, à côté du Japon docile et de l'Italie ondoyante, fut une première garantie contre un isolement voulu. Une

seconde est nécessaire.

Le Dr Simons, le 20 avril, a sollicité la médiation américaine, dans une dépêche qui, par des supplications larmoyantes et par des serments solennels et par une soumission totale, témoignent du désarroi profond, dans lequel se débat le Reich, pris à ses propres pièges. Le 22, le président Harding a écarté une médiation qui ne pouvait que léser les intérêts, compromettre le prestige et préparer l'isolement des Etats-Unis. Mais il s'est engagé, si les propositions allemandes, dont il est saisi, «présentent une base convenable de discussion », « à examiner la question de soumetttre l'affaire à l'attention des Alliés, d'une manière acceptable pour ces derniers, afin que les négociations puissent être rapidement reprises ».

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Le D Simons assure à la République française le précieux avantage de la présence américaine. Encore un service, que le Quai d'Orsay devra à la lourdeur prussienne!

Jamais la France n'eût obtenu, à Paris, en 1919, les avantages que lui concède le traité de Versailles sans la participation des Etats-Unis. Le livre émouvant et vigoureux d'André Tardieu apporte, sur ce point, une démonstration décisive. Et cependant, D. Lloyd George

et Wilson avaient, dans une certaine mesure, réalisé un accord préalable. Le président puritain avait besoin du juriste gallois pour créer la Société des Nations. Aujour d'hui, le président Harding a besoin des juristes framçais pour dénouer l'imbroglio wilsonien, autant que pour régler les difficultés extrême-orientales. La sympathie naturelle et sincère d'un Américain de pure souche, pour la France, dans une question de simple équité, est renforcée par des intérêts de premier plan.

Et d'autre part, sans la participation américaine, il est impossible de poser et de résoudre le problème, que va examiner le Conseil suprême.

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Si les Alliés acceptent une fois de plus, de réduire le montant de la créance allemande, décideront-ils, cette fois-ci encore, que la France doit faire les frais de la réduction, dans la proportion de 52 0/0 ? De même que sur 100 francs versés, la France touche 52, sur 100 francs annulés, la France participe pour 52. La générosité des Alliés s'exerce à ses dépens. Or nul n'a consenti les mêmes amputations sur son capital humain et sur son capital matériel. Il y a là une double iniquité, à laquelle l'esprit logique des Américains sera sensible. Le problème est insoluble, à moins que les Alliés consentent à réduire la dette, contractée par chacun d'entre eux vis-à-vis de ses co-associés, d'une somme strictement égale à celle qu'il renoncera à precevoir sur ses débiteurs allemands: si la participation de la France dans la créance germanique est réduite de 40 milliards de francs-or, sa dette vis-à-vis de l'Angleterre et de l'Amérique sera réduite de 40 milliards de francs-or. Il en sera de même pour la Belgique, l'Italie, la Pologne. Or cette transaction, d'une équité absolue, qui groupe autour de la France les petits Etats, ets, tout comme la mobilisation des premières créances allemandes, impossible à réaliser, sans la présence des Etats-Unis, au sei ndu Conseil suprême.

JACQUES BARDOUX.

NOTES ET FIGURES

La mort des abréviations.

D'un fulgurant trait de plume en coup de sabre, let ministre de la Guerre vient de tailler dans la forêt touffue des formules d'abréviation militaires. En décidant leur suppression radicale, il a déclaré que « le respect de la langue française y gagnera ».

Eminent académicien, M. Louis Barthou proclame ainsi son dédain pour les énigmes, cryptographies, logo griphes, mots en losange et autres innocentes récréations des habitués du Café du Commerce. Il estime, en outre, que l'ère des restrictions est close.

Pourtant, ces curieux et sympathiques assemblages de majuscules militaires ne manquaient pas de pittoresque. Qui ne regrettera la disparition de tant d'initiales familières et évocatrices, ces R. A. T., si pépères, ces G. V. C., si bonshommes, ces S. E. M. hospitalières, refuge d'auteurs délicats et d'écrivains anémiques, cette bonne vieille G. R. (Gare Régulatrice), si maternellement préoccupée du R. Q. (Ravitaillement Quotidien)? Qui ne se rappellera sans attendrissement la confortable D. A. (Direction de l'Arrière), et cette A. L. si achalandée, Artillerie Lourde, légère aux cœurs des mères ??

Qui n'adressera un souvenir ému à ce S. I. (Service d'Information) fief du colonel Marcel Prévost, au S. S. S. S. (Sous-secrétariat du Service de Santé), ce département qui avait de si belles relations sous le rè-de M. Justin Godart, et même à ce prestigieux G. O. G. auquel trois généraux commandant en chef et M. Jean de Pierrefeu ont donné une célébrité mondiale?

gne

S'il s'agit, d'ailleurs, de protéger la langue française

contre les déformations abréviatrices, l'interdiction devra s'étendre à toutes les administrations.

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Déjà, l'honorable ministre de la Marine vient de prendre la remorque. Bientôt les A. E. (Affaires Etrangères), maison qui se pique de beau langage, manqueront pas de suivre l'exemple et puisque M. Barthou décrète la mort de la C. I. C. M. (Commission Interalliée de Contrôle Militaire) du général Nollet, le Quaid'Orsay rayera de ses papiers la fastueuse H. C. I. T. R. Rhénans) pour le plus grand dam de M. Tirard. De même l'Académie des Sciences renoncera au C. Q. F. D. et le Grand Maître de l'Université au classique P. C. N.

(Haute Commission Interalliée des Territoire C

Mais le ministré de la Guerre va plus loin. Il déclare qu'à cette réforme « la rapidité du service ne perdra

rien ».

L'affirmation nous a paru hasardeuse.

Lorsqu'on remplace, en effet, les majuscules T. O. E. par Théâtre d'opérations extérieur qui totalise 26 lettres, soit un sextuple nombre de signes, on aperçoit malaisément ce qu'y a gagné la « rapidité ».

Aux derniers renseignements, nous apprenons que M. un bibliophile éclairé, n'a envisagé que le point de vue du lecteur ce dernier, assure le ministre, perd du temps à déchiffrer ces énigmes et à rétablir les mots derrière leurs initiales.

Louis Barthou, ainsi qu'il sied às

Mais toute question est polygonale, a dit Emile Faguet. Ce temps perdu n'est-il pas précisément celui qu'on a économisé dans l'écriture en réduisant à leur plus simple expression des substantifs souvent fort longs, et tout compte fait, ceci ne compense-t-il pas cela? On se trouve en définitive ramené à cette question de principe le temps du lecteur est-il plus précieux que celui du scripteur ?

:

Grave problème que les Cinq Académies devront nous aider à résoudre.

Mais sans doute M. Barthou ne s'en tiendra pas là. Epris de logique autant que d'atticisme, il élargira le domaine de sa réforme.

Un beau matin, d'un lorgnon sévère, il avisera sur la casquette d'un employé de la rue Saint-Dominique les initiales M. G.

-Holà ! s'écriera le distingué ministre, une abréviation sous mon toit ! Déplorable exemple!

Aussitôt un deuxième ukase viendra décider subsidiairement que les mots Ministère de la Guerre devront être intégralement libellés en toute circonstance : et les attributs brodés s'allongeront en conséquence sur les couvre-chefs du personnel.

Excellente aubaine pour les marchands de passementerie, si cruellement éprouvés pas la suppression des épaulettes et la circoncision des galons.

Ainsi, de cette révolution dans l'administration de la guerre, la langue française ne sera pas toute seule à profiter.

HENRI CARRÉ.

La ville de l'avenir.

Ce qui fait de New-York une ville dure à habiter pour le pauvre être humain du XXe siècle dont l'oreille et le cerveau né sont pas encore faits à la continuité du bruit et au potin transcendental, c'est le brouhaha perpétuel, les nuits traversées du murmure lointain ou proche des tramways, des chemins de fer souterrains ou surélevés. On dit qu'à New-York il y a une électricité dans l'air qui rend tout le monde plus nerveux : je n'en sais rien. Mais ce que je n'ignore pas, c'est qu'en ce moment, 8 heures du matin, par un beau soleil de printemps, je ne cesse d'entendre le bourdonnement des autos, le roulement des camions et des appels de timbres métalliques, les coups de sifflet des camions, et des chocs, des ronflements, le passage atténué du métro

(subway) et cinquante autres bruits qui viennent se fondre dans les autres pour composer une symphonie dans le goût de M. Marinetti, mais qui, hélas! ne s'arrête jamais. Or, j'habite ce que l'on appelle à New-York une rue tranquille, dans un quartier « résidentiel », comme l'on dit ici, c'est-à-dire d'où l'industrie et le mouvement des affaires sont éloignés.

Il paraît que ce tumulte n'est pas assez et qu'il ne représente point ce que sera New-York dans l'avenir. Du moins, M. Arnold W. Brunner, architecte et président de la Fédération des Beaux-Arts, vient de nous l'annoncer, dans un meeting de la section newyorkaise de la Société Américaine des Ingénieurs Civils, en ouvrant une discussion sur les moyens de prévenir la congestion du trafic dans les rues de New-York et de préparer l'agrandissement de la ville, laquelle compte plus de 5 millions d'habitants et en comptera 10 millions dans cinquante ans.

«. Tôt ou tard, a dit M. Brunner, New-York tout entier devra élever sa vie à un étage plus haut. Le rez-dechaussée de tous nos édifices devra être consacré à des passages pour la circulation et à des espaces de stationnement pour les autos dont le nombre ira sans cesse en augmentant. » Cette concentration de la vie au premierétage (que les Américains appellent le second, puisqu'ils appellent le rez-de-chaussée le premier) sera la consé quence naturelle de la construction de rues surélevées à l'usage du trafic par véhicules.

Et les ingénieurs présents à la réunion ont immédiatement proposé la construction de 6 de ces chemins surélevés à travers la ville de New-York, dont le premier à construire serait une voie nouvelle entre la 5° et la 6° avenue, de la 14° à la 59° rue, pour décongestionner surtout la 5° Avenue, où la circulation est d'une lenteur désespérante, surtout durant l'après-midi, à raison des milliers et des n.illiers de véhicules qui s'y jettent de dans, aux heures où les dames sortent et font des achats.

On a également proposé la création de passages souterrains à travers la ville, à l'usage des véhicules qui n'ont pas besoin de s'arrêter au milieu de la cité. Et ceci est de la plus immédiate sagesse : c'est le principe du chemin de fer souterrain appliqué aux charrois de tout ordre.

Il ne faut ni sourire, ni s'exlamer devant ces prédictions qui ne sont pas des rêves. Une grande partie de ces projets peut rapidement passer à l'état de réalités. Alors, la vie sera plus torrentueuse encore à NewYork, le bruit plus constant. Et les sages n'auront plus qu'une ressource: se faire enfermer dans des prisons à la campagne pour éviter les attaques de nerfs. Il est vrai qu'il y a aussi les cellules des asiles de fous.

A moins qu'un philanthrope généreux ne mette à l'étude la suppression du bruit dans les villes, et qu'il ne crée des concours dotés de prix importants pour tenter de chasser un peu d'horreur de ce monde et donner aux hommes qui réfléchissent un peu de repos. Car-la tranchée, ne l'oublions pas, était moins bruyante, moins fatigante que New-York en temps de paix.

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NANTUCKET.

Aux courses.

La fin d'avril est une époque bénie pour les vrais sportsmen c'est la période romantique des courses. Les bons chevaux commencent à montrer le bout de l'oreille et l'on cherche à deviner les futurs gagnants du Derby et du prix de Diane. Sur leur forme de deux ans, nos trois ans se classaient, au début de l'année, de la façon suivante: en tête de liste, et bien détachées devant les autres chevaux, deux juments, Durban et Durzetta. En admettant que l'échelle des poids dans le handicap s'étende entre quarante et soixante, kilos, il était naturel sur l'ensemble de leurs performances d'at

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tribuer à ces deux juments le poids de 60 kilos. Venaient ensuite Phusla, Cortland, Guerrière II, Harpocrate, Arbre Sec, Grazing, Petsik, Soldat II et Ksar avec un poids d'environ 57 kilos. Voilà les grands ténors, tels qu'ils se sont montrés à deux ans. Mais il y a des ténors qui passent un bon hiver ; d'autres qui en passent un mauvais. Les uns se retrouvent au printemps dans la plénitude de leurs moyens ; les autres, au contraire, paraissent légèrement enroués et leur carrière future s'en ressent. Il y a enfin ceux qui n'ont pas chanté du tout pendant l'été ou l'automne et qui font leurs débuts la saison suivante.

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Le classement que nous venons de donner présente une anomalie. Il est rare, en effet, qu'une jument reste en tête de sa génération. Mais deux juments, ce serait encore plus extraordinaire. Cherchons donc les poulains qui ont fait la meilleure impression cette année. Un cheval se détaché au premier plan, c'est Ksar. Il a fait sa rentrée dans le prix Hocquart, une rentrée sensationnelle. Il y a battu avec la plus grande facilité Tacite, un des cracks de l'écurie Rotschild, et il « finissait dans des foulées impressionnantes >>.

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En général, quand un cheval gagne une grande épreuve, on lui trouve toutes les qualités à sa rentrée au pesage. Dans la circonstance présente, je serais assez tenté de murmurer à l'oreille de Ksar ce que La Périchole chantait à Piquillo : « Tu n'es pas beau... et pourtant! Oui pourtant! Car ce cheval a quelque chose de particulier qui va droit au coeur du sportsman il retourne à Omnium, il en a la physionomie générale, la façon de galoper, la puissance du mécanisme à la fin d'une course. C'est du reste à cause de la ressemblance que M. Edmond Blanc, cet excellent jugé, n'avait pas hésité à l'acheter yearling à Deauville pour la somme de 151.000 francs. Il l'eût, dit-on, payé bien davantage, si les enchères avaient continué; mais leur feu s'était éteint après avoir consumé 150.000 billets, ce qui est déjà un assez beau feu de papier.

Jusqu'à la journée de dimanche, Ramier semblait être la seconde grande vedette. Ce Ramier, qui n'était qu'un 49 dans le handicap de deux ans, paraissait avoir fait d'une année à l'autre des progrès impressionnants. Ses deux premières sorties avaient été marquées par deux victoires faciles et on pensait généralement qu'il aurait raison dans le Biennal de Vatel, de Spectateur et de Grazing. Mais il a dû baisser pavillon devant ce dernier, une véritable petite machine à galoper. Le fils de Sweeper est un animal froid, qui répond avec courage aux sollicitations de son jockey. Il a donné dans cette dernière course l'impression de devoir pleinement justifier les espérances qu'on avait fondées sur lui à deux ans. Je n'en dirai pas autant de Phusla, qui semble manquer absolument de tenue et de Cortland qui a fini mauvais troisième dans le prix de Guiche que le même Grazing venait de gagner quelques jours auparavant.

Parmi les autres ténors de l'an passé, Arbre Sec et Petsik ne semblent pas être en voix; nous n'avons pas encore revu Guerrière II et Harpocrate. Quant à Soldat II, il vient d'être victime d'un grave accident d'entraînement et a dû être abattu. C'est une perte des plus sérieuses pour son propriétaire M. Cottevielle. Le prix Juigné, réservé aux chevaux de trois ans qui n'ont pas encore couru, nous a-t-il révélé un bon cheval? Nous ne le pensons pas. Le gagnant, Rambour passe, dans son écurie, pour être très inférieur à Ramier. Son runner up Abri, un produit d'Alcantara II, a paru susceptible de progrès, ainsi que Collier, par Nordant, arrivé troisième dans la course. Nous avons noté également On les a, un autre fils d'Alcantara II, très joli cheval qui, mal parti dans le prix Juigné, est susceptible de se réhabiliter dans la suite.

Mais il importe de revenir sur Rambour, car Ram

sans

bour est un fils de Ramrod et Ramrod est un étalon des Haras Nationaux. La vieille administration des Haras a dû esquisser un pâle sourire en apprenant le succès d'un de ses enfants et cette victoire a, doute, atténué un peu sa peine. Car cette administration n'est pas heureuse en ce moment; elle est en butte à de violentes attaques et il y a même des gens sans cœur qui demandent froidement sa tête. Quelle économie, pensent-ils, ce serait pour notre budget que de supprimer cette vieille personne encombrante, et quelle simplification! L'industrie privée n'est-elle pas capable. à elle toute seule, de faire naître des chevaux ? Pourquoi ne pas abroger d'un trait de plume la loi organique de 1874, la charte qui régit actuellement les Haras ?

Il serait trop long d'entrer ici dans les détails d'une discussion sur la loi de 1874. Nous nous contenterons de faire remarquer que la science de l'élevage est trop délicate pour être livrée à toutes les fantaisies; qu'il faut une directive pour maintenir et améliorer nos vieilles races de chevaux et que cette directive ne saurait être abandonnée à l'initiative de Monsieur tout le monde; que l'administration des Haras paraît donc nécessaire pour orienter la masse des éleveurs et coordonner leurs efforts. Nous estimons pourtant que la loi de 1874 pourrait être modifiée et modernisée pour répondre aux nécessités actuelles et que dans ce travail de refonte on pourrait même réaliser quelques économies. Ne dépouillons pas l'administration de tous ses atours, mais parons-la d'une autre robe, qui se rapprochera davantage de la mode actuelle. La vieille dame en paraîtra toute rajeunie. Les jupes ne se portent-elles pas aujourd'hui beaucoup plus courtes qu'en 1874 et les dessous de nos élégantes ne sont-ils pas très simplifiés?

Le prétexte invoqué pour sacrifier l'administration des Haras est l'économie. La proposition de loi dont M. Bouyssou est le père et qui tend à la suppression des paris clandestins, s'appuie sur des raisons de moralité.

« Le pari clandestin, dit l'honorable député dans l'exposé des motifs, ce pari clandestin que la loi condamne mais qu'elle ne peut empêcher, a pour lui le fort attrait du fruit défendu et la complicité de tous; complicité indifférente du public qui ne joue pas; complicité ignorante et indulgente de la police qui sait la vanité de ses efforts; complicité de l'Etat qui confirme et précise, par son télégraphe et son téléphone, les paris clandestins les plus urgents; complicité des journaux qui publient longuement chaque jour le compte rendu du mutuel et le programme de toutes les épreuves ».

Pourquoi ne pas autoriser des offices libres de paris qui fonctionneraient dans toutes les grandes villes de France, sous la direction et la responsabilité de mandataires, désignés par le ministre de l'intérieur? Le pari y gagnerait en sécurité, en franchise et, par conséquent, en moralité.

Peut-être!... Mais on peut se demander ce que ferait le joueur honnête, respectueux de la loi, qui se refuse aujourd'hui à parier clandestinement et qui va porter son argent sur les champs de courses! Du jour où ce citoyen, conscient de ses devoirs pourrait, délivré de tous scrupules, satisfaire à la porte de son domicile, sa passion du jeu, il déserterait les hippodromes, et le chiffre des entrées ne tarderait pas à baisser, au grand détriment de l'élevage. Ne vaudrait-il pas mieux resserrer la surveillance qui s'exerce autour des agences clandestines et réprimer la fraude avec une sévérité plus grande ?

Parlant toujours au nom de la moralité, M. Bouyssou va plus loin. Il propose d'autoriser, dans l'enceinte réservée au pesage, le pari au livre. Le donneur serait installé dans un enclos spécial, où auraient seuls accès

les propriétaires; il verserait une redevance à l'Etat sur le chiffre d'affaires qu'il réaliserait chaque jour.

Le donneur au livre? Je croyais ingénûment qu'il était mort, et que s'il apparaissait parfois encore au festin, ce n'était plus que sous la forme du spectre de Banquo. LE PÈRE LA FRAISE

La Littérature

Sur Binet-Valmer et à propos de prix littéraires M. Binet-Valmer a débuté dans les lettres, je crois, par deux petits romans le Sphynx de plâtre et le Gamin tendre, qui ne manquent pas d'agrément. Mais c'est des Métèques (1907) que date son succès.

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Il semblait à cette époque que le grand roman de mœurs, mettant en scène un grand nombre de personnages et des milieux divers, fût un genre dédaigné par les jeunes gens. C'est que la jeunesse était alors en pleine réaction contre l'art naturaliste, et qu'elle subis sait profondément l'action des deux maîtres qui illustraient cette réaction. L'un, Anatole France, exerçait plutôt son influence sur les esprits qu'une disposition naturelle incline vers la raison, la culture et la prose : appelons-les classiques, si vous voulez (encore que ce soit bien approximatif). L'autre, Maurice Barrès, sur les âmes où dominent la sensibilité, le lyrisme et la poésie appelons-les romantiques. Ah! que de jeunes auteurs des dix premières années de ce siècle dont le style s'efforce d'imiter la grande musique barrésienne ou la mélodie attique du maître de la Rôtisserie de la Reine Pédauque! Que d'histoires ils ont composées, dont les héros dilettantes, égotistes et dédaigneux, la psychologie lyrique, les méditations rappellent Philippe! Que de contes classiquement bâtis où ne manque jamais quelque personnage d'un certain âge, ensemble érudit, indulgent et fécond en discours fleuris où il s'efforce d'égaler Sylvestre Bonnard, Jérôme Coi gnard et M. Bergerét! Ces héros renaniens surtout, que l'auteur de l'Orme du Mail a introduits dans chacun de ses livres pour leur faire dire les moralités qu'il pense qui sont dans son œuvre comme des « pierres témoins» de son intelligence ont laissé une postérité innombrable et qui florit encore parfois dans nos romans les plus récents... Quoi qu'il en soit, par réaction contre l'école naturaliste, je le répète, il ne paraissait plus guère, lorsque M. Binet-Valmer publia les Métèques, que de petits romans psychologiques petits en surface, du moins, sinon en profondeur. Aussi fut-ce avec un véritable étonnement (je m'en souviens encore) que la critique rendit compte de ce vaste tableau. Non seulement l'auteur y faisait agir autour de ses héros principaux une foule de personnages peints de quelques traits vigoureux et simples comme il convient sur une grande toile; non seulement il prétendait montrer tout un milieu social, loin de se contenter d'y étudier quelques sentiments, mais encore il affichait hautement son dessein d'illustrer une thèse centrale, et il ressuscitait un mot (qui depuis lors est demeuré dans ce sens où M. Binet-Valmer était le premier à l'employer) pour nommer la classe sociale qu'il voulait représenter, celle de ces étrangers établis, acclimatés à Paris, et qui pourtant ne sont pas encore parisièns le mot, métèques. Aussi ne faut-il pas s'étonner si le livre fit sensation, comme on dit, et si de 1907 date le début du succès qu'en obtint l'auteur par la suite.

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Les Métèques furent suivis, quelques années plus tard, de Lucien. C'est un roman conçu d'une façon analogue, où, selon une habitude balzacienne qui est chère à M. Binet-Valmer, on voit reparaître beaucoup des personnages du précédent, et où l'auteur étudie un

vice déplorable qu'il n'est pas facile de nommer. Puis, après un recueil de contes, voici, en 1912, le Plaisir (qui ne ressemble en rien au Piacere de Gabriel d'Annunzio, traduit par M. Herelle sous le titre bizarre de l'Enfant de Volupté), récit qui respecte l'unité de temps comme une tragédie classique et dont l'action se passe en vingt-quatre heures. Désormais M. BinetValmer est tout à fait en possession de ses moyens. Lui qui avait mis des années à composer les Métèques, puis Lucien, il semble s'abandonner à une fécondité, à une force qui est en lui, et chaque année il nous donne, / outre des contes rassemblés en volume, un roman.

Le dernier, la Passion (qu'on a réédité il y a quelques mois), parut en juillet 1914. Quelques semains plus tard, la guerre éclata. M. Binet-Valmer, citoyen suisse, naturalisé français, y prit part avec la fougue et la vigueur qui lui sont naturelles. D'abord cavalier, je crois, il prit du service, dès qu'elle fut créée, dans l'artillerie d'assaut (que certains préfèrent, hélas, ne pas nommer de ce beau nom et appeler les tanks). Ce qu'il y vit, il l'a conté dans ses Mémoires d'un engagé volontaire. Mais, chez M. Binet-Valmer, le goût de l'action est irrésistible qu'il l'était chez l'étonnant président Roosevelt; aimer une idée et lutter de sa personne pour la faire triompher, c'est tout un pour lui; il ne se contenta pas, la guerre finie, de s'être battu il lui fallut battre encore, et il fonda à cet effet la Ligue des chefs de section, dont il est le président.

se

aussi

C'est une œuvre très belle. Elle se propose, il me semble, de faire durer l'esprit de guerre. Entendons-nous : il ne s'agit pas de l'amour de la guerre affreuse, de l'esprit nietzschéen de domination et de bataille, ni même du patriotisme conçu comme un point d'honneur, comme un amour-propre chatouilleux et mesquin,, dangereux; il s'agit tout d'abord de l'esprit d'union et de fraternité véritable qui s'établit entre les Français dès le début des hostilités, de cet esprit de famille, en quelque sorte, grâce auquel nous tous, ou presque tous, les Français, nous nous sentions un peu cousins; puis il s'agit de cet amour à la fois spirituel et (pour ainsi parler) physique de la France, de sa beauté, de sa valeur morales et temporelles, bref de son âme et de son corps, que nous sentions plus clairement pendant la guerre, parce qu'elle était menacée; de ce patriotisme qui n'est pas seulement une passion de la raison et l'amour de l'idée qu'on se de l'idée qu'on se paIfait intellectuellement de la trie; qui est cela, mais qui est aussi une passion du coeur, voire un instinct inné, héréditaire, qu'on éprouve quand on est un Français de bonne race. C'est le plus noble et le plus touchant des sentiments collectifs (dont bien peu sont nobles et touchants) : pourquoi n'essayerions-nous pas de conserver cette vertu à son état le plus héroïque ? M. Binet-Valmer a pensé que beaucoup de Français sauraient mettré leur patriotisme au-dessus même de leurs opinions et de leurs sentiments politiciens, et qu'ils sauraient s'unir pendant la paix contre les entreprises de l'individualisme anarchique ou de l'internationalisme (pour autant qu'il est antipatriotique), comme ils avaient su le faire durant la guerre contre les entreprises de l'ennemi. Et pour y aider, il est devenu président de la Ligue des chefs de

section.

Ce n'est pas une petite affaire, ni qui donne peu de tracas que de diriger activement, par la plume et par la parole, une société comptant peut-être une centaine de milliers d'adhérents que de discours, de conférences, quelle correspondance ! Et quand on s'adonne à une pareille œuvre, les travaux littéraires souffrent. M. Binet-Valmer n'avait-il publié, depuis 1918, qu'un recueil des contes qu'il a fait paraître dans les jourmier roman qu'il donnerait, on se devait d'en parler naux comme un écrivain qui vit de sa plume. Le pre

ici.

Aussi

Le voici c'est l'Enfant qui meurt (1). Deux volumes, selon une mode qui se répand. Jadis, l'usage était que les romans fussent très longs et comportassent un grand nombre de tomes, Ceux de Zola, de Daudet, de Maupassant, des Goncourt. emplissent encore des 500 pages. Je pense que c'est Anatole France qui a lancé le roman court (je n'en suis pas sûr, et cela n'a pas beaucoup d'importance). Il est de fait que, depuis une quinzaine d'années, les romans qu'on publiait, les romantiques les eussent appelés nouvelles. Et voilà l'influence des marchands sur l'art elle n'existe pas qu'en peinture et en musique. Parce que les éditeurs de musique ne trouvent pas à vendre facilement des morceaux d'orchestre, parce qu'ils écoulent plus aisément les morceaux de piano, une foule de compositeurs se voient contraints de renoncer à écrire des symphonies. Parce que les marchands de tableaux décrètent un jour la vogue de telle peinture, la voilà imposée à notre goût; et parce qu'ils ont cédé aisément les natures mortes de tel peintre, le voilà condamné à la nature morte. Parce que telle ou telle maison d'édition estime plus avantageux de vendre deux volumes à 7 /fr. 50 l'un qu'un seul à ce prix, peut-être l'art romanesque subirat-il de grands changements. Car il va de soi qu'on ne saurait traiter de la même façon un sujet en deux cents pages ou en six cents, ou plutôt qu'on n'y saurait traiter le même sujet. En six cents, un drame psychologique se complète presque nécessairement de traits mours. Et cette façon minutieuse de conter qu'ont les Russes et généralement les Anglais, en accumulant les etails, et qui procure si heureusement l'impression de l'écoulement du temps, de la durée de l'action, qui permet si bien d'établir les caractères, d'approfondir les types, mais qui nous donne parfois, à nous Français accoutumés à un art plus sobre, plus serré et à notre sens plus classique, l'impression d'un récit trop touffu, peu clair, un peu oiseux, il est possible que nous soyons amenés à l'adopter (car il ne saurait plus être question aujourd'hui de multiplier les péripéties purement romanesques comme on faisait jadis). Les romans russes ou anglais, si riches, sont souvent mal composés à génie égal, un Français construira mieux. Disons-le, au reste : il est techniquement beaucoup plus malaisé de bâtir un roman de six cents pages, comportant une foule d'acteurs, qu'un roman de deux cents, à sept ou huit personnages... Je souhaite que cette mode des longs récits s'impose chez nous : la technique romanesque, au moins, y reprendrait de la fraîcheur et de la nouveauté.

Dans l'Enfant qui meurt, M. Binet-Valmer, selon une coutume qui lui est chère, fait reparaître les principaux personnages de ses autres récits: il a voulu éprouver leurs âmes au feu de la guerre. C'est une excellente idée et même belle : tous ces héros que nous connaissons déjà, que certes il nous peint suffisamment dans l'Enfant qui meurt pour que nous les comprenions si nous n'avions pas lu les livres où il nous les a montrés, mais qui sont approfondis dans d'autres romans auxquels nous pouvons recourir s'ils nous intéressent, quelles vont être leurs réactions sous la terrible épreuve de 1914?

Mais d'abord observons que ce sont tous ou presque tous de belles et puissantes créatures. M. Binet-Valmer est exactement le contraire d'un romancier naturaliste qui s'attache à nous montrer la vie dans ce qu'elle a de plus << quotidien »> et de plus anonyme », et l'homme dans ses types les plus « ordinaires ». Il a une sorte d'horreur de la médiocrité des âmes s'il nous montre des êtres faibles ou vicieux, il ne nous en montre point de plat. Il aime la force, la beauté, le «tempérament », les âmes d'élite et le grand soleil des

(1) Flammarion, éd.

pays latins. De tous nos romanciers, il est le plus sam. Il est aussi celui qui s'est plu davantage à mettre en scène le génie. Cela ne va pas sans inconvénients il est difficile de faire parler et surtout de faire penser un homme de génie, et donné comme tel. Les réflexions de François Vigier, de Bernard Louvetier, de Batchano ne sont pas invariablement géniales. L'on sait gré, pourtant, à l'auteur de l'Enfant qui meurt de nous offrir une image optimiste et ennoblie de la vie. Il fait ainsi beaucoup pour l'agrément de notre propre existence. La scène de l'Enfant qui meurt se passe dans la même villa où s'est déroulé le drame qui fait le sujet du Plaisir. Seulement Pierre de Vinzel est mort, tué au début des hostilités. Catherine le pleure encore. Mais Philippe Groux, commandant un bataillon de chasseurs, est là qui continue de l'aimer. Cependant, le jeune fils de Pierre et Catherine, Doude, tuberculeux, se rapproche de la mort chaque jour... Voilà le drame. M. Binet-Valmer nous montrera Catherine prise peu à peu à la passion du magnifique soldat, mais toute enchaînée à son passé, toute imprégnée de son premier amour ; c'est la mort de son enfant charmant, c'est son immense chagrin qui l'en délivrera. Et lentement, irrésistiblement, sa vie

recommencera...

T

Tel est le simple argument, mais il est brodé de mille épisodes, parfois peu «< nécessaires » au sens classique, attachants toutefois (surtout les scènes de guerre, qui sont vigoureuses et pleines de mouvement). C'est que le livre n'est pas une conclusion: tout au contraire, il ressemble plutôt à quelque introduction, à une nouvelle série d'histoires que fait présager ce titre général, peutêtre un peu ambitieux, qu'annonce l'auteur: L'homme et les hommes. Il semble que M. Binet-Valmer y ait voulu recueillir et rassembler les personnages de ses livres antérieurs et les nouer dans un seul récit, avant de les lancer vers de nouvelles destinées.

Bien peu manquent. Bernard Louvetier, le romancier de génie, s'est suicidé à la veille de la guerre (voir la Passion), mais sa mémoire emplit le livre, car son secrétaire dévoué, Gassines, qu'il domine encore du souvenir de sa personnalité, est devenu le précepteur du petit Doude. Le grand savant, l'égal de Pasteur, de Berthelot, de Claude Bernard, François Vigier est là, qui peu à peu s'humanise (voir Lucien). Son fils, l'équi voque Lucien Vigier, meurt de ses blessures. Et voici les métèques, le docteur Batchano, toujours beau, toujours bon, génial lui aussi, et son amis Périclès Avrinos, amputé de la jambe; voici la belle Hélène d'Ursigny, que Périclès aime depuis si longtemps et qu'il épousera; voici Raymond Bardane, un peu sot, mais qui meurt en héros, et la sensuelle Christiane d'Aubenois, et toutes nos anciennes connaissances.

Nous ne nous plaignons pas de les retrouver.

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