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La taxe de 50 0/0 sur les

exportations allemandes (1)

La Chambre a pu mesurer cette semaine, dans toute son ampleur, l'angoissant problème des réparations. Il s'est imposé à elle lors de l'examen du budget des dépenses recouvrables et de la discussion du projet de loi présenté par le gouvernement sur le « paiement au Trésor d'une fraction de la valeur des marchandises allemandes importées en France ».

La distinction entre le budget des dépenses recouvrables et les deux budgets ordinaire et extraordinaire a été, on le sait, vivement critiquée. Elle est évidemment contraire à la règle traditionnelle de l'unité et de l'universalité du budget. Nous croyons pourtant qu'elle répond, dans les circonstances actuelles, à des nécessités impérieuses et à la réalité des choses. Tandis qu'en d'autres temps, la multiplication des budgets particuiers a pu avoir pour objet ou pour effet de masquer au Parlement et à la nation la vérité de la situation financière, elle est propre au contraire à la mettre aujourd'hui en pleine lumière.

N'oublions pas que dans le monde entier la propagande allemande, systématiquement attachée à dénigrer la France, a osé nier l'immense effort fiscal réalisé par nous l'an dernier, et soutenu avec obstination que la

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France comptait, pour assurer l'équilibre normal de son budget, sur les sommes que par la violence elle espérait extorquer de l'Allemagne.

La distinction de nos budgets répond victorieusement à cette calomnie. Les budgets ordinaire et extraordinaire, qui ont été ou seront complètement équilibrés par l'effort du contribuable français, représentent soit les dépenses ordinaires de la vie française, soit les dépenses nées de la guerre, mais dont la France seule doit en définitive supporter le poids. Mais le budget des dépenses recouvrables est tout autre chose il comprend exclusivement les dépenses que, de par les traités signés par eux, les Allemands se sont engagés à rembourser aux nations victimes de la guerre. Les charges assumées du fait des besoins impérieux des régions envahies, des veuves, des orphelins et des mutilés, la France ne peut pas, ne doit pas les supporter en dernière analyse. Le contribuable français en fait l'avance au contribuable allemand qui en est le véritable et seul débiteur. Cette vérité, que la France doit énergiquement distinction du budget des dépenses recouvrables d'avec maintenir, est clairement et utilement exprimée par la les budgets ordinaire et extraordinaire.

Les dépenses effectuées par la France pour le compte de l'Allemagne ont atteint au 1er mai 1921 la somme formidable de 61 milliards. Cette somme, comme Pa indiqué dans son rapport au nom de la Commission des Finances M. de Lasteyrie, se décompose ainsi : 27.200 millions pour les pensions et allocation's, 27.800 millions pour les réparations, 4 milliards pour les intérêts des sommes empruntées, plus 2 milliards représentant les frais d'entretien des armées d'occupation.

Ces dépenses, la France les a assumées en quelque, sorte par provision, pour parer à la détresse de ses enfants, qui ne pouvaient attendre. Elles ont permis notamment, dans les régions dévastées, d'accomplir une œuvre de restauration, encore, hélas! bien incomplète, mais dont cependant le pays a. le droit d'être fier.

Dans son remarquable rapport sur les crédits pour les régions libérées, M. Leret d'Aubigny a cité des chiffres réconfortants: au 31 décembre 1920, sur 52.000 kilomètres de route détruits par l'ennemi, 30.000 ont été réparés ou entièrement refaits, 80 0/0 des ouvrages d'art ont été reconstruits. On a remis en état 249.000 maisons endommagées et construit 120.000 habitations provi

soires.

Il est d'ailleurs probable qu'une plus stricte économie et la substitution de l'initiative privée à de coûteux organismes administratifs, permettront d'alléger assez sensiblement les charges fiscales de la restauration des régions libérées. C'est ce que la Commission des Finances de la Chambre a voulu marquer avec force en réduisant les crédits demandés par le gouvernement pour les régions libérées. Le gouvernement demandait 10 milliards 297.135.047 trancs. La commission n'en a accordé que 9.032.412.747; mais, il faut le dire tout de suite, cette réduction de 1.264.722.300 francs n'atteint nullement les sinistrés : elle est réalisée uniquement sur les frais d'administration. Et il y aura lieu sans doute, comme il a été proposé, d'instituer un contrôle spécial des sommes dépensées dans ces régions.

La tâche à accomplir reste considérable. Le coût des travaux de reconstitution à effectuer peut être évalué à 26 milliards de francs, valeur de 1914; mais il faut, bien entendu, pour exactement apprécier la charge actuelle des réparations, multiplier les chiffres d'avantguerre par un coefficient qui, suivant le prix des matières est de 3, de 4, de 5 et bien souvent plus encore; de sorte que l'on peut sans exagération évaluer à 80 milliards le montant des dépenses qui restent à faire dans les régions libérées. Si les travaux s'échelonnent sur une période de dix années bien longue, certes, pour les populations sinistrées, il faut compter sur une dépense annuelle de 8 milliards pour les réparations. Ajoutez-y 4 milliards au minimum pour les pensions des veuves et des mutilés, et 2 milliards pour les intérêts des emprunts, et vous arrivez, pour les dix années qui vont suivre, à un budget de dépenses recouvrables qui ne saurait malheureusement être prévu inférieur à 14 milliards.

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Or, il est bien clair qu'il est impossible à la France de payer tous les ans, pour le compte de l'Allemagne, cette somme de 14 à 15 milliards qu'en vertu des traités contresignés par les Alliés et par elle-même, l'Allemagne nous doit. Et c'est cette somme qu'il faudra aller chercher chez elle si elle se refuse obstinément, comme elle l'a fait jusqu'à présent, à remplir ses obligations.

Le problème financier se rattache ainsi directement au problème même du traité de paix, des sanctions, des voies et moyens qui doivent en assurer l'exécution.

Les Alliés avaient, à la Conférence de Paris, fixé le chiffre des réparations dues par l'Allemagne et prévu divers modes de perception du montant de ces réparations.

Entre autres mesures, figurait un prélèvement de 12 0/0 sur le montant total des exportations allemandes. C'est cette taxe de 12 0/0 qui, à Londres, après bien des péripéties, a subi une complète métamorphose et est devenue la taxe de 50 olo sur le montant des marchandises importées dans les pays alliés. Ce n'est plus un mystère que cette transformation est due à la très vive insistance de nos amis anglais.

Ceux-ci, fort préoccupés du dumping allemand et de la protection des industries fondamentales indispensables à leur existence nationale celles qu'ils appellent

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les les « key industries >> ont saisi avec empressement cette occasion de familiariser le public anglais, traditionnellement attaché au libre-échange, avec des mesures de protection douanière, en imposant une taxe de 50 0/0 sur les marchandises allemandes dont la Grande-Bretagne commence à être inondée.

Mais, des avatars multiples qu'a subis la taxe sur les exportations allemandes, il lui est resté quelque chose: on ne sait quel caractère équivoque, quelle ambiguïté de nature. On n'a jamais pu savoir exactement si, dans la pensée de ceux qui l'imaginèrent, et surtout dans ses effets probables, elle serait une sanction pénale ou un mode normal de perception des réparations dues aux

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Alliés.

Cette incertitude fondamentale est très clairement apparue pendant les débats fort intéressants de la Chambre des Communes, où le German Reparation Act fut longuement discuté avant de l'être à la Chambre française.

Le prélèvement de 50 0/0 ne pouvait être un moyen de percevoir l'indemnité allemande que si le gouverne ment allemand y donnait son acquiescement, et y collaborait franchement. Le mécanisme de l'opération eût alors été le suivant : un commerçant français, important pour 1.000 francs de marchandises allemandes, en aurait payé 500 au Trésor français et 500 à son fournisseur allemand, lequel aurait reçu du gouvernement allemand en marks l'équivalent des 500 francs qu'il n'aurait pas touchés de son client français. De sorte que par cette filière, le gouvernement allemand aurait, en dernière analyse, payé la moitié du prix au gouvernement français.

Si les choses s'étaient passées de la sorte, on escomptait, pour toutes les puissances alliées ensemble, un prélèvement annuel d'environ 3 milliards de francs, sur lesquels la Grande-Bretagne aurait touché 1.400 millions

environ et la France 600 millions.

Malheureusement, pour que la taxe de 50 o/o donnât ce résultat, il aurait fallu que l'Allemagne fût consentante or cette mesure n'était prise que parce qu'à Londres l'Allemagne était, au contraire, apparue récalcitrante, résolue à répudier les obligations que lui impose. le Traité de Versailles. Cette contradiction fondamentale viciait, semble-t-il, dans son principe même la taxe de 50 0/0 sur les exportations allemandes.

En effet, l'Allemagne, dès qu'elle eut connaissance des décisions de Londres, prit toutes les dispositions utiles pour échapper à l'effet de la taxe considérée

comme une sanction.

Le gouvernement allemand fit savoir aux commerçants qu'ils ne leur rembourserait en aucun cas les sommes qui ne leur seraient pas versées en raison du prélèvement de 50 0/0.

La presse allemande préconisa le boycottage d marchandises britanniques, françaises et belges; d'autre part, l'exportation allemande devait être détournée. vers les pays neutres, vers la Russie et vers l'Italie, dont l'Allemagne espérait et espère encore qu'elle ne s'associera pas aux sanctions politiques ou économiques décidées par les Alliés.

Les grandes associations économiques, le « Deutscher Industrie und Handelstag », qui comprend toutes les Chambres de Commerce, le « Hansabund », le « Central Verband des Grosshandels », le « Verband des Arbeitgeber im Bergischen Industriebezirk », le « Verband der Hamburger Einfuhraendler », le « Verband der Seidenindustrie Deutschlands », le « Mitteldeutscher Industrieverband », le « Wuppertaler Textilverband »>, le « Verband der Hanseatischen Weinhaendlervereine »>, recommandèrent à leurs membres de s'abstenir de toutes affaires avec les nationaux des Etats qui appliqueraient la taxe, et en tous cas d'exiger le paiement comptant

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Les Allemands pouvaient d'autant plus aisément se dérober à l'effet du prélèvement que, contrairement à ce qui avait d'abord été affirmé en Angleterre, ce sont les pays neutres qui sont devenus les meilleurs clients du Reich. Depuis 1913, il s'est produit dans le commerce extérieur de l'Allemagne un considérable déplacement les exportations vers les pays de l'Entente jouent aujourd'hui un rôle bien moins considérable dans l'économie nationale allemande. La grande revue londonienne The Economist, a publié un tableau bien ŝignificatif, d'où il résulte que, tandis qu'en 1913, 40 0/0 des exportations allemandes étaient allées en Angleterre, en France, en Belgique et en Italie, les exportations vers ces quatre pays ne représentaient plus, en 1920, que 15 0/0, en omettant naturellement les prestations gratuites opérées par l'Allemagne en vertu du traité de paix.

Dans ces conditions, étant donnée la mauvaise volonté nettement affirmée du gouvernement et du peuple allemands, la taxe de 50 0/0 a toutes chances d'être radicalement inefficace en tant que mode de prélèvement des réparations.

Ce qui, malheureusement, n'empêche pas qu'elle puisse avoir, au point de vue commercial, de graves inconvénients. N'est-ce rien que de priver l'industrie française des matières premières qu'elle peut tirer d'Allemagne, et de la forcer à les chercher et à les payer plus cher dans des pays dont le change nous est défavorable? N'est-ce rien que de soumettre de nouveau le commerce à l'entrave des règlements administratifs, à la gêne des prescriptions minutieuses de la loi, même atténuée par l'arbitrage démoralisant des dérogations? N'est-ce rien surtout que de rétablir par la force des choses, pour la discrimination des produits allemands, ou pour la détermination de la part de leur valeur qui est imputable à du travail allemand, le système des certificats d'origine qui, pendant la guerre, a donné tant d'embarras et de mécomptes? N'est-ce rien que d'envenimer tous les rapports commerciaux avec les pays étrangers, alors surtout que l'on prévoit de la part de l'Allemagne un vaste effort de camouflage par la création, en pays neutre, d'établissements intermédiaires pour la réexpédition des marchandises allemandes, pour la transformation et le finissage des produits allemands?

En dehors des graves inquiétudes qu'à tous ces points de vue le projet de loi a fait naître dans l'esprit de la Chambre, une autre question se posait à elle impérieusement celle, fort délicate, de la répartition entre les Alliés du produit du prélèvement sur les exportations allemandes.

Nous ne savons encore pas si tous les Alliés appliqueront la taxe, ni s'ils l'appliqueront dans les mêmes proportions, avec le même pourcentage, et, pour tout dire d'un mot, avec la même énergie. Dans le projet anglais comme dans le projet français, il est fixé un maximum de prélèvement de 50 0/0, mais point de minimum. Il est donc à craindre qu'un pays qui appliquera le pourcentage le plus élevé nuise grandement à son commerce, sans être même assuré qu'il trouvera dans la répartition entre Alliés du produit total du prélèvement la récompense de son sacrifice.

Comment se fera ce prélèvement, nul à l'heure actuelle ne peut le dire. Lors du débat sur le Reparation Act, à la Chambre des Communes, M. Lloyd George, répondant

à une question très précise de M. Guinness, a formellement refusé de faire aucune déclaration relative à l'application des sommes qui pourraient résulter de la mise en vigueur du bill.

Il semble pourtant que, dans l'esprit de M. Lloyd George, les sommes encaissées par la Grande-Bretagne doivent lui rester jusqu'à concurrence de la part d'indemnité qui lui revient. Au contraire, selon les déclarations faites le 16 mars à la Chambre par M. Briand, les pourcentages établis à Spa devraient s'appliquer à la masse produite par les sommes prélevées dans les différents pays alliés.

Il y a entre les deux points de vue une divergence certaine, et d'autant plus troublante qu'il paraît impossible de maintenir rigoureusement et en tout état de cause les pourcentages de Spa, car il ne serait pas admissible que des pays, qui, pour des raisons particulières, ne procéderaient à aucun prélèvement, eussent le droit de venir ensuite toucher une partie des sommes perçues par les autres Alliés.

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C'est donc avec plus de résignation que d'enthousiasme que la Chambre a voté, sans modifications essentielles, le projet de loi qui lui était présenté par le gouvernement. Si sérieuses que fussent ses réserves, et si fondées ses inquiétudes, elle n'a pas voulu, à une heure décisive, rompre le front diplomatique allié. Elle s'est rendu compte des difficultés de la tâche qu'à Londres M. Aristide Briand avait menée à bien avec une si habile fermeté pour rien au monde, elle n'aurait voulu y ajouter.

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Mais il reste et c'est le sens de l'amendement proposé par nous au cours de la discussion, et retiré sur la prière du gouvernement que cette loi ne peut à aucun point de vue et en aucun sens être considérée comme un par l'Allemamode de perception des réparations dues gne. Elle n'a et elle ne peut avoir. que le sens d'un suprême avertissement au peuple allemand.

C'est pourquoi nous avions demandé qu'elle ne fût votée que pour la période allant jusqu'au 15 mai 1921. A cette date les gouvernements alliés, si l'Allemagne ne s'est pas décidément inclinée devant notre droit appuyé sur notre force, auront, à défaut des sanctions de Londres restées sans résultat, à procéder aux mesures d'exécution qui assureront aux Alliés et en particulier à la France tout leur dû. Aussi, sommes-nous bien décidé, comme nous l'avons annoncé à la Chambre, si par impossible, à la fin du mois de mai, le Parlement et le pays n'étaient pas enfin mis en présence d'une action précise et efficace, à demander l'abrogation de la loi sur les 50 0/0.

Comme l'a dit M. Briand le 12 avril « à un pays qui depuis deux ans attend des réalités, ce ne sont plus des paroles qu'il faut apporter, mais des actes et des résultats ».

Maurice BOKANOWSKI,

député de la Seine, Rapporteur général adjoint de la Commission des Finances.

Grandeur et décadence de "l'Ustica" L'Ustica! On sait que ce plaisant vocable désigné l'Union syndicale des techniciens de l'industrie, du commerce et de l'agriculture créée au début de 1919 four grouper les techniciens et leur assurer le rôle qui leur revient dans le relèvement du pays. Dès l'origine, les fondateurs affichaient l'intention de poursuivre parallèlement à l'action professionnelle une action sociale et politique; on devait mettre au service des collaborateurs techniques des diverses entreprises la puissance de l'or

ganisation syndicale qui avait si bien profité à la «< classe ouvrière ». Cependant, on se défendait de faire cause commune avec celle-ci; on affirmait la complète indépendance de l'Ustica.

de

« Précisons bien notre situation », disait la brochure propagande, (l'Organisation des Techniciens); « Nous n'ap partenons pas à la C. G. T. Nous avons avec cette organisation des rapports amicaux, et c'est tout. Nous suivons une voie parallèle. »

Une polémique d'hier a mis au grand jour ce qui se cachait derrière ces déclarations émollientes.

A vrai dire, les gens avisés n'avaient pas tardé à voir clair. Quand Jouhaux réclama au nom de la C. G. T. la constitution d'un conseil économique du travail, c'est l'Ustica qui se présenta pour former les cadres de ce C. E. T.

Au moment des grèves du printemps de 1920, l'Ustica prit nettement parti contre l'enrôlement volontaire des élèves des écoles techniques pour assurer les services publics. C'est elle qui mit à peu près sur pied le projet de nationalisation industrialisée préconisé au nom du C. E. T. Dès ce temps, il n'était guère possible de conserver des illusions sur les tendances de l'Ustica. Le << rapport moral » de son conseil syndical à l'assemblée générale du 29 juin 1920 ne dissimulait d'ailleurs point le regret que la collaboration du groupement avec la avec la C. G. T. éloignât beaucoup de techniciens influencés par <«<les campagnes tendancieuses de la grande presse ». En dépit de toutes les réticences, l'adhésion formelle à la C. G. T. ne pouvait plus être qu'une question de mois. Mais on aurait alors difficilement prédit les étranges destinées de l'Ustica, aujourd'hui ballottée par la tempête qui secoue les divers partis socialistes.

Le lancement et la conduite d'un bateau de ce genre dépendent d'un homme de barre. Quel est donc le pilote de l'Ustica? Un des personnages les plus représentatifs du temps agité que nous traversons; un curieux ferment ou « vibrion » du corps social. Le secrétaire général et la cheville ouvrière de l'Ustica, M. Roger Francq, est un homme jeune, bien découplé, actif, intelligent, la plume facile, la langue merveilleusement pendue, à qui une fortune opulente assure tous les moyens et les loisirs propres à favoriser l'essor d'un remarquable génie d'intrigue. Ingénieur, mais surtout technicien d'affaires, il fut capitaine d'artillerie pendant la guerre et passa quelque temps en cette qualité au pays des soviets. Ce qu'il y vit décida sans doute de sa vocation. La Russie semble avoir eu toujours une influence singulière sur les destinées des officiers d'artillerie : il y a l'exemple de l'ancien lieutenant Bonaparte, il y en a d'autres plus

récents...

Revenu à Paris, le capitaine Francq faisait sa cour à M. Albert Thomas, ancien ministre, susceptible de le redevenir, lorsque son aplomb et son entregent frappèrent M. Charles Dulot qui crut trouver en lui l'homme alors cherché par les dirigeants de la C. G. T. pour organiser un conseil consultatif dont les syndicats pourraient solliciter les avis sur des problèmes économiques déterminés. C'est ainsi que M. Francq, abouché avec les chefs du syndicalisme révolutionnaire, fut chargé à peu près seul de constituer le Conseil économique du travail. Ces révélations apportées par M. Dulot, avec grand mea culpa, dans l'Information sociale du 31 mars, éclairent d'une lumière toute nouvelle l'histoire de la naissance de l'Ustica et de ses attaches beaucoup plus étroites qu'on ne voulait bien le dire avec la C. G. T. Elles-mêmes ont été provoquées par les événements qu'a récemment déclenchés la dernière évolution M. Francq, en proie au prurit de l'ambition.

un

le

La C. G. T. n'est plus à l'avant-garde; les dictateurs de Moscou lui ont jeté l'anathème; le parti socialiste français est désormais scindé. M. Francq n'a pas hésité

longtemps: il est allé vers les plus violents, vers la troisième Internationale aux applaudissements enthousiastes de l'Humanité, il a bruyamment adhéré au communisme! Cela est dans la logique de son caractère et l'on devait s'y attendre. M. Francq joue sur le velours: si la société « bourgeoise et capitaliste » résiste aux assauts du communisme, il continuera à jouir de ses avantages de privilégié; si la Révolution intégrale triomphe, il compte bien en être un des profiteurs et prendre un bon rang dans l'état-major des futurs commissaires du peuple.

Mais ce n'est pas en vue de ce résultat que de fort braves gens, trompés par l'enseigne, avaient adhéré à l'Ustica; aussi beaucoup ont-ils protesté. Ils ont trouvé un porte-parole dans un membre du conseil syndical de l'Ustica, M. Montagnon, qui sous le nom de Montbar, a publié deux articles dans l'Information sociale, où il réclamait des explications et demandait qu'on respectât le « contrat moral » passé avec ceux qui sont entrés dans l'Ustica. Il se plaignait, au nom de beaucoup d'entre. eux, qu'il y eût « trop de ratés » parmi des dirigeants peu sérieux et sans autorité technique; il s'élevait

d'avance contre toute dictature et tout mysticisme social.

M. Montagnon, exclu de l'Ustica par le conseil syndical, a répondu par une lettre fort vive où il démasque le double jeu de M. Francq. Plusieurs de ses collègues se sont rangés derrière lui; l'un d'eux n'a pas hésité à qualifier sévèrement « une direction manquant d'autorité » non seulement technique, mais « morale ». C'est la débâcle de l'Ustica; l'Humanité le reconnaît ellemême en avouant que le recrutement est tari et que la caisse serait vide sans les subsides du secrétaire général.

Mais qu'adviendra-t-il du C. E. T. ? C'est ici que la situation devient fort étrange. M. Francq reste jusqu'ici au Conseil économique de la C. G. T., qui l'avait délégué au récent Congrès d'Amsterdam; cependant ce sont ses amis communistes, rejetés hors de la C. G. T., qui viennent d'exclure M. Montagnon d'une organisation cégétiste!« Ces choses-là sont rudes, il faut pour les comprendre avoir fait ses études », et de préfé rence en Russie. La logique slave n'est pas la même que la nôtre, et l'on doit se garder de confondre le sens communiste avec le sens commun.

D'autre part, le parti communiste entend avoir, lui aussi, son Conseil économique. M. Frossard annonçait, i! y a un mois, que le Comité directeur en avait déjà étudié la création... avec « quelques techniciens de l'Ustica ». L'indispensable Francq, fervent adepte de la religion de Moscou, était, en effet, tout indiqué pour lancer la nouvelle galère. Mais, comme l'explique le même Frossard, il y aura une différence fondamentale entre le nouveau Conseil économique du travail et celui de la C. G. T.: « celui-ci travaille à établir des projets réalisables dans le cadre du régime capitaliste; celui-là se placera dans l'hypothèse de la révolution accomplie et il dressera les projets socialistes que, le cas échéant, nous ferions entrer dans le domaine des faits ». Comment Protée-Plutus. Francq évoluera-t-il dans cette passe difficile? Quelle souplesse d'équilibriste lui permettra de garder un pied dans chacun des camps ennemis ? On a pu le voir il y a quelques semaines développer ses idées sur la reconstitution de nos régions dévastées dans le meeting-conférence organisé par la C. G. T. ; et ces mêmes idées sont bafouées chaque jour par les mêmes publicistes de la Troisième Internationale tel M. Keim, dit Ker, naguère compromis dans l'affaire Abramovitch - qui se. montrent les plus ardents champions de M. Francq. On ne saurait tenir longtemps pareille gageure et jouer indéfiniment les Janus. La coquille de noix qui porte la fortune... politique du « mécène communiste» surnagera peut-être l'Ustica semble bien coulée. Les naïfs

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qui lui avaient fait confiance n'auront guère à la regretter ils devront se tourner d'un autre côté pour réaliser leur rêve d'une fédération professionnelle des intelligences collaboratrices de l'industrie.

Quant à la société actuelle, elle jugera des coups que se porteront les deux conseils économiques, n'ayant rien de bon à attendre de l'un plus que de l'autre, car tous deux visent à sa totale subversion, et il n'est entre eux d'autre différence que celle du comptant ou du terme. Mais pour les curieux de psychologie politico-sociale, le plus intéressant dans toute cette affaire est le type du millionnaire judéo-bolcheviste, si parfaitement incarné par M. Roger Francq. On a vu de tout temps, quelquesuns des plus favorisés de la société d'hier parmi les hérauts de celle de demain ; on en pourrait citer aujourd'hui qui se prélassent dans leurs propres autos, et qui mènent une existence fastueuse, parfois jalousement dissimulée à la clientèle dont ils excitent les convoitises. On dit qu'il en était autrefois, il en est certainement encore de sincères dans leur apostolat ce sont les dilettanti du chambardement. Plus souvent, ce sont de futurs hommes d'Etat qui se ruent au pouvoir par les chemins de traverse. M. Roger Francq ne semble pas avoir le désintéressement politique dans le sang; il n'est point de ceux qui servent une idée, mais de ceux qui s'en servent. MONTCHRESTIEN.

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CE QU'ON DIT

ELECTION de dimanche, dans les Côtes-du-Nord, a donné lieu à une manifestation assez singulière: il y eut 60.000 votants sur plus de 150.000 électeurs inscrits. Ce serait une erreur que d'attribuer l'abstention de près des deux tiers du corps électoral à l'indifférence, ou de vouloir s'en servir pour condamner le nouveau mode de scrutin qui avait, en 1919, donné de si bons résultats.

Cette abstention est la condamnation de la politique de clocher pratiquée encore à l'heure actuelle dans un trop grand nombre de départements. Les candidats sont désignés par des comités, qui se préoccupent trop d'intérêts particuliers et pas assez des intérêts généraux du département et du pays. On arrive ainsi à composer des listes qui ne correspondent pas du tout aux aspirations générales des électeurs. Dans un département modéré comme les Côtes-du-Nord, on a présenté une liste presque entièrement radicale, et les électeurs manifestent leur mécontentement en se mettant en grève. On s'en est si bien rendu compte que, déjà, la liste a été modifiée pour le second tour de scrutin. On a fait disparaître deux noms, dont celui d'un ancien député libéral, devenu radical au cours de la précédente législature, pour les remplacer par des personnalités ayant plus de chances de rallier un grand nombre de suffrages.

Nous avons en ce moment un Parlement modéré, qui correspond certainement à l'opinion de la majorité du pays, mais nous avons conservé les habitudes politiques d'avant-guerre, et il faudra sans doute encore un certain temps pour nous débarrasser des erreurs des vingt dernières années.

Peut-être aussi faudrait-il souhaiter que le Parlement complète la loi électorale en rendant le vote obligatoire, comme il l'est déjà dans un certain nombre de pays, notamment en Belgique, où l'abstention est frappée d'une amende lorsque l'électeur ne peut prouver qu'il a été empêché de voter par un cas de force majeure. On peut considérer que c'est un devoir pour tous les citoyens de manifester leur opinion sur la façon dont les destinées du pays doivent être conduites.

SERGE ANDRÉ.

L'adieu aux fortifs.

Par ci par là.

Hélas! le printemps est là, et c'est le moment que l'administration choisit... pour expulser de leurs petits jardins les bons campagnards de Paris.

Soyons justes. La direction des travaux de la Ville a prévu des dédommagements : « Au cas, dit-elle, où il serait procédé, dans les fortifications, à l'ouverture de chantiers qui n'ont pas été envisagés, les titulaires recevraient un préavis de huit jours, et une indemnité fixée par un expert agricole. »

Pauvres petits pois, aurez-vous le temps de pousser en huit jours ?... Et les indemnités que fixera « M. l'expert agricole des fortifs» le joli titre en vérité nous consoleront-elles de voir disparatre ces petits jardins de guerre ?...

ces

L'esprit des camelots.

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La rue est barrée, ce qui incite l'autobus à des caprid'itinéraire qui déçoivent plus d'un voyageur. Aussitôt le camelot s'y installe, c'est dans l'ordre des choses urbaines et cela ravit le flâneur.

Il y vend, vous ne savez quoi, mais vous le saurez car vous ne passerez pas plus avant sans l'avoir entendu. Et il s'abrite sous une bannière-rebus, laquelle réjouit le consommateur: Ici tout A B C.

Comment ne pas s'arrêter à côté, où il y a une réclame vivante ? Une femme à magnifique chevelure opulente et éparse sur ses épaules semble docilement à la torture, faisant ainsi le mannequin vivant. Et la bonimenteuse, sa compagne gesticulante, adresse passantes cette simple phrase sur un ton si direct et si péremptoire de reproche et d'avertissement qu'on ne saurait en effet que lui acheter le produit:

aux

Ne laissez donc pas tomber vos cheveux, Madame!

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