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L'Expansion du Livre Français

Un effort français en Amérique latine Comment des commerçants et des industriels fran çais, dans l'intérêt de leurs affaires, ont été amenés à favoriser en pays étranger la diffusion de notre livre. c'est ce qu'aujourd'hui je voudrais conter.

L'histoire est d'hier et les héros en sont quelques combattants qu'avaient réunis les hasards de la bataille; quand vint la démobilisation, l'un d'eux, fils d'un commerçant qui depuis soixante ans pratiquait l'exportation en Amérique du Sud, proposa aux autres de pourils suivre dans la paix leur fraternelle collaboration ; acceptèrent, et c'est ainsi que d'une camaraderie de combat naquit, en juillet 1919, un comptoir de dépôts et représentations qui, installé à Santiago du Chili, se proposait d'organiser méthodiquement l'exportation des produits français en Amérique latine.

Pour une telle entreprise, l'heure était singulièrement propice les pays de l'Amérique latine, autrefois tributaires au point de vue industriel de l'Europe, étaient pendant la guerre tombés sous la dépendance des EtatsUnis et du Japon. Avec tant soit peu d'habileté, ces. deux puissances auraient facilement pu s'acquérir le marché de façon définitive; mais elles abusèrent de la situation et, tant par la mauvaise qualité de leurs fournitures que par leurs draconiennes exigences de paiement, ne réussirent qu'à mécontenter leurs clients. L'Amérique latine supportait impatiemment le joug, qu'elle secoua dès l'armistice; à ce moment, l'industrie française, bénéficiant de tout le prestige de la victoire et aussi, il faut bien l'avouer, de la dépréciation du franc, comme on dit, l'avait belle à condition, toutefois, de savoir exploiter la situation et de procéder méthodiquement.

nouveaux

Ce fut le premier souci du nouveau comptoir, dont le champ d'action embrassait cinq pays: l'Argentine et l'Uruguay d'une part, le Chili, le Pérou et la Bolivie d'autre part. S'assurant le concours de spécialistes qualifiés en chacun de ces pays, il débuta par faire « de la représentation » et, peu confiant en l'efficacité de la réclame par catalogues, organisa dans les grands centres des stands d'exposition pour tous les produits.

On ne tarda pas à constater que les principaux clients de ces stands étaient surtout les gens qui s'intéressaient à la France, c'est-à-dire ceux qui avaient appris notre langue ou étudié chez nous.

Quelle conclusion en tirer, sinon que pour développer la vente des produits français, il n'y avait encore rien. de mieux que de ne pas laisser péricliter la culture français ? Or, comment s'entretient-elle à l'étranger? Par la lecture.

Le comptoir avait donc intérêt à voir vendre nos livres qui lui amenaient des acheteurs. Curieux de savoir à quelles conditions le public sud-américain pouvait se les procurer, il ouvrit une enquête qui lui révéla des faits scandaleux et fort inquiétants: notre librairie était presque toute à la merci des dépositaires locaux qui, maîtres du marché, établissaient les prix de vente à leur fantaisie, instituant des tarifs nettement prohibitifs.

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Pour ne citer qu'un exemple, ils osaient mettre en vente un petit Larousse à 85 francs ! J'entends qu'à ce métier ils faisaient leurs affaires mais nous ne faisions pas les nôtres, loin de là; ces prix constituaient un grave obstacle à la propagation de notre pensée. En juillet dernier, M. Jacques May citait dans Comadia le prix de vente à Buenos-Ayres d'un cours de mécanique à l'usage de la faculté des Sciences, dont il y avait une édition allemande, une édition anglaise et une édition française, toutes trois identiques quant à la forme la

première coûtait 18 francs; la seconde, 21 francs; la nôtre, enfin... 116 fr. 50. Inutile de dire qu'elle restait en magasin.

Cette situation ne pouvait pas ne pas émouvoir le comptoir menacé dans l'écoulement de ses produits, puisqu'il avait vérifié que sa clientèle se recrutait surtout chez les adeptes de la culture française. Ayant donc constaté les bénéfices scandaleux prélevés par des intermédiaires sans scrupules, il réfléchit qu'une maison française, résolue à se contenter de bénéfices honnêtes et pratiquant des prix normaux, aurait tôt fait de prendre la première place, servant à la fois ses intérêts et ceux de la France,

Pourquoi ne pas être cette maison? Tout bien pesé, le comptoir entreprit des démarches auprès des grands éditeurs parisiens.

C'était en juillet 1920: le 1er octobre, il ouvrait un rayon de librairie dans ses stands d'exposition de Buenos-Ayres. L'établissement du prix de vente s'y faisait sur place de la façon suivante : les livres, à leur arrivée, recevaient une étiquette portant leur prix net en francs, compte tenu des majorations usitées en France, et d'une majoration spéciale représentant les frais, d'emballage et de port. Dans le magasin, un tableau, quotidiennement tenu à jour, donnait le cours du change; se reportant à ce tableau, au moment même de l'achat et sous les yeux du client, mis en possession de tous les moyens de contrôle, le vendeur calculait en piastres le prix du volume.

Le résultat de ce système ne se fit pas attendre en peu de temps, le rayon de librairie fut un des mieux achalandés. A l'heure actuelle (en morte-saison), il fait plus d'un millier de francs d'affaires par jour. Son succès est tel qu'on peut lui envoyer d'office six exemplaires de tout nouveau livre de droit, de médecine, de sciences ou d'art, c'est-à-dire de ceux qui ne sont pas de vente courante comme les romans, sûr qu'on est de les écouler immédiatement, sans préjudice des commandes ultérieures. Voilà en vérité qui est d'un heureux

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augure.

Lors donc qu'en décembre une deuxième librairie s'ouvrit à Santiago du Chili, le Comité France-Amérique, intéressé par l'entreprise, lui accorda son patronage. La maison fut inaugurée par le vice-président du comité local, M. Alberto Mackenna, un ami de la France, et qui le fit bien voir dans son discours : «< Le livre français contient l'essence de la pensée française: c'est l'écho du battement du cœur ardent de ce grand pays; c'est le conseil expérimenté d'une civilisation supérieure qui a lutté et qui a souffert plus que la nôtre. Aussi devons-nous nous rapprocher de la France par l'intermédiaire du livre et écouter sa voix comme celle d'une sentinelle avancée sur le chemin du progrès humain... Sur les pièces de monnaie françaises est gravée l'élégante silhouette d'une semeuse qui lance à la volée la semence dans le sillon fraîchement ouvert. C'est bien là l'emblème de la France, semeuse infatigable qui lance en effet à pleines mains les idées dans le profond sillon de la vie universelle. >>

D'un chiffre, le bulletin du Comité France-Amérique atteste le succès de la librairie de Santiago en trois jours, nous dit-il, on vendit plus de 2.000 volumes. D'ores et déjà on projette de fonder une librairie analogue à Montevideo.

Seuls sont mécontents les spéculateurs sans vergogne qui ont dû baisser pavillon.

Cet effort est intéressant et singulièrement opportun, car nous avons sur ce marché des concurrents sérieux, Ce ne sont pas tant, comme on pourrait le croire, les Espagnols que les Allemands et les Italiens.

Les Espagnols voudraient bien nous supplanter en ces pays qui parlent leur langue; surtout ils voudraient créer des revues capables de lutter contre la concurrence

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jusqu'ici victorieuse des périodiques français, comme L'Illustration, les Annales et l'Opinion. Mais leur production est trop pauvre pour qu'ils soient en mesure de tenter un effort sérieux.

Les Italiens, qui ont connu une crise de la librairie absolument identique à la nôtre, font aujourd'hui un gros effort d'expansion intellectuelle qu'ils songent à diriger surtout vers l'Amérique latine, où ils comptent de nombreux compatriotes. Ce sont eux ses plus importants fournisseurs d'éditions musicales, et ce succès les encourage. à étendre leur champ d'action par le livre, ambition qui, d'après leur ancien président du Conseil, - M. Orlando, retour de ces pays, est parfaitement réalisable.

La concurrence allemande, enfin, est la plus redoutable. Les Allemands, qui ont en Amérique du Sud quantité de nationaux, avaient su s'y acquérir des sympathies qu'ils n'ont pas entièrement perdues. Dans un intérêt de propagande, on peut s'attendre un jour ou l'autre à les voir, sur ce terrain, prendre l'offensive. Ils ne s'en cachent pas cette année même, figurait au programme de l'école de librairie de Leipzig un cours de langue espagnole, « en vue, précisait-on, de relations amicales avec l'Espagne et l'Amérique du Sud ». Pour mieux préparer la reprise des relations, les Münchener Neueste Nachrichten ont décidé de publier une édition hebdomadaire illustrée en espagnol.

Le dernier Bulletin de la Maison du Livre nous informe, enfin, qu'une société allemande projette d'installer à Santander une maison d'édition qui publierait des ouvrages en espagnol, destinés à être exportés sur le marché sud-américain.

Il ne

B XIV-7, conduite par l'ancien chauffeur du prince René. de Parme, le nommé Schloegerer, possesseur d'un modeste garage à Neunkirchen. Il passait à 4 h. 1/2 la frontière à Pinkafeld, sous l'oeil bienveillant des gendarmes de qui le comte Erdedy était personnellement connu, et auxquels il présenta lui-même un passeport anglais au nom de Guillaume Codo, membre de la CroixRouge anglaise. Arrivé en territoire hongrois et donnant au chauffeur le pourboire princier de 200 francs suisses (24.000 couronnes), il lui demanda s'il savait quel passager il avait conduit. «< quel passager il avait conduit. « Je suis l'empereur Charles », ajouta-t-il.

Connue peut-être de l'archevêque de Vienne, qui l'aurait signalée au nonce, si l'on en croit une information de l'Osservatore Romano, la présence de l'ex-empereur avait passé complètement inaperçue dans la capitale de l'ancienne monarchie. Le silence hermétique que le gouvernement hongrois observa pendant deux jours sur le voyage du « roi couronné », maintint dans l'ignorance de son équipée les milieux politiques et diplomatiques viennois jusqu'au soir du mardi de Pâques. Les journaux l'annonçaient le mercredi et, sur-le-champ, une vive émotion succédait à la surprise.

L'Autriche, où l'idée monarchiste, sans être vive et profonde comme en Hongrie, possède plus de racines dans le peuple qu'on ne le croit généralement, a cependant compris que le régime républicain peut seul lui assurer la paix intérieure et extérieure dont elle a en outre, si la dynastie, dans les campagnes surtout, conce moment le plus urgent besoin pour se refaire. En serve un certain prestige aux yeux des anciens sujets des Habsbourg réfractaires à la propagande socialiste, les milieux politiques sont d'accord pour estimer impossible la restauration de l'ex-empereur dont l'entourage inspire des défiances et que les événements de 1917-1918 ont fort discrédité. Les social-démocrates et les panger

Nous ne saurions prêter trop d'attention à cette activité qui, tôt ou tard, se tournera contre nous. s'agit donc pas seulement pour nous de conserver à notre pays les sympathies qui lui sont acquises, il faut lui en conquérir de nouvelles. Il ne suffit pas de procu-manistes nourrissent la même haine à l'égard de tout ce

rer des livres d'agrément ou de travail à ceux qui savent le français, il faut encore à ceux qui l'ignorent envoyer des livres qui leur permettent de l'apprendre. La clientèle à atteindre est surtout celle des écoles et des universités ; si nous voulons exercer une influence durable, c'est là, dans cette élite où se recrutent les dirigeants d'une nation, qu'il nous faut agir. Encore que son prix vienne de baisser, le livre scolaire reste cher. Oui, mais puisqu'il est évident que par lui nous nous ferons des clients dans toute l'acception du terme, puisqu'il est avéré que son expansion commande l'expansion de toute la production française, pourquoi les grandes corporations du commerce qui bénéficient de sa diffusion ne l'aideraient-elles pas matériellement ?

M. Georges Valois a posé la question lors de la Semaine du Livre ; nous espérons bien la voir reprendre au Congrès du printemps.

Enquêtes

GEORGES GIRARD.

Charles de Habsbourg et l'Autriche

Vienne, le 10 avril 1921.

Dans la nuit du vendredi saint, un voyageur de taille moyenne, coiffé d'une casquette de voyage, descendait du train de Salzbourg à la gare de l'Ouest, à Vienne, et se faisait conduire, dans un auto-taxi, où il oublia une canne à pomme d'or, rue de la Couronne (Landskrongasse) n° 5. Le lendemain, en compagnie du maître de la maison, le comte Thomas Erdedy, ce capitaine de cavalerie qui avait, en 1917, servi d'intermédiaire aux négociations du prince Sixte de Bourbon, il gagnait la frontière hongroise dans l'automobile

qui est Habsbourg, les uns par hostilité irréductible à l'ancien régime, les autres parce qu'ils voient dans la restauration d'une dynastie austro-hongroise un obstacle de plus au rattachement de l'Autriche à l'Allemagne. Les chrétiens-sociaux qui ont groupé dans les cadres de leur parti, non seulement toutes les forces catholiques, mais les éléments conservateurs, y compris un grand nombre de royalistes, se sont dans l'ensemble très loyalement ralliés à la République, en portant à la présidence un homme dont le choix consolidait le régime. Le petit groupe des légitimistes, état-major très distingué, mais sans soldats, ou du moins sans troupes organisées, tenu par Prangins dans la plus complète ignorance du voyage impromptu de Charles, n'aurait fait que le déconseiller s'il en avait eu vent. C'est à un Hongrois, le comte Erdedy, seul, que l'ex-souverain s'était confié, et sa tentative ne visait, au premier stade au moins, que le royaume de Hongrie. Personne ne menaçait sérieusement la République en Autriche.

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Quand on sut cependant à Vienne l'ex-empereur, c'est-àinstallé au palais épiscopal de Steinamanger dire à une centaine de kilomètres éconduit sans doute à Budapest par le régent Horthy, le dimanche de Pâques, mais conférant dans sa petite cour improvisée avec le président du Conseil, comte Teleki, le président de l'Assemblée nationale Rakovsky, tous deux carlistes déclarés, le ministre des affaires étrangères Gratz, ancien conseiller intime, tout dévoué à la dynastie, les comtes Andrassy et Bethlen, présidents du d'hier et de demain, on crut, 'dans le public au moins, au succès possible du « coup d'Etat ». Et, sur-le-champ, les manchettes sensationnelles et les nouvelles imaginaires de certains journaux aidant, les imaginations travaillèrent. Tout un soir même, Vienne fut partiellement reprise de la « fièvre obsidionale », qui, il y a deux ans,

Conseil

au temps où Bela Kun régnait à Budapest, faisait supposer et annoncer périodiquement la marche de l'armée rouge sur la capitale autrichienne; seulement, cette fois, c'étaient les gens d'extrême gauche qui s'affolaient et croyaient déjà voir arriver « l'armée blanche >> du colonel baron Lehar. L'Arbeiter Zeitung a plaisanté « l'incroyable lâcheté » depuis des rédacteurs de l'Abend, le Populaire viennois, qui réclamaient l'état de siège pour sauver leur tête de la potence. Je tiens cependant de bonne source que tel brave député-journaliste social-démocrate s'en vint lui-même trouver le préfet de police Schober, pour assurer sa fuite en cas d'invasion carliste. Les dirigeants social-démocrates adressaient en même temps un appel enflammé à tous et à toutes les «< camarades >> :

« Le rétablissement de la royauté en Hongrie est le preaustro-honmier pas vers la restauration de la monarchie groise. Chaque heure peut amener des événements qui nous forcent à une lutte décisive. Aussi soyez vigilants. Soyez à tout moment prêts au combat. >>

Le comité exécutif des conseils d'ouvriers organisait une permanence. Les députés Seitz, Adler et Eldertch demandaient au chancelier Mayr la réunion immédiate du Conseil national alors en vacances.

restauration

attesta

La séance eut lieu le vendredi 1er avril, et l'unanimité complète des partis en face de l'aventure hongroise du « roi couronné ». Les iuterpellateurs socialistes posaient au gouvernement les questions suivantes: «Est-il prêt à faire connaître aux grandes puissances et aux Etats successeurs que la République d'Autriche regarderait toute d'un Habsbourg en Hongrie comme une menace pour son libre développement ? Est-il prêt à demander aux puissances alliées et associées la prompte ratification et exécution du traité de Trianon qui attribue le Burgenland (Hongrie occidentale) à l'Autriche,et réduit l'armée hongroise à un pied de paix raisonnable? -- Est-il prêt à prendre toutes les mesures militaires de sécurité à la frontière hongroise, et à faire arrêter Charles de Habsbourg s'il pénétrait en territoire autrichien, ainsi qu'à le traiter en prisonnier du gouvernement s'il venait à le traverser » Sur les premiers points, le chancelier répondit affirmativement, et c'était toute la question du régime républicain et démocratique sur lequel se faisait ainsi l'union, soulignée par les discours du pangermaniste Dinghofer et du chrétien-social Gurtler. Un vote unanime approuva la résolution présentée par le premier de ces orateurs, rappelant que Charles de Habsbourg avait accepté, le 11 novembre 1918, de reconnaître la décision du peuple autrichien sur la forme constitutionnelle qu'il choisirait, et déclarant que le peuple demeurait décidé à défendre le libre développement de la République fédérale contre toute menace de l'intérieur ou de l'étranger.

La prétention des social-démocrates à traiter en prisonnier l'ex-souverain s'il devait traverser le territoire autrichien pour regagner son exil de Suisse, heurtait, par contre, les sentiments de respect ou simplement simplement d'humanité de nombreux parlementaires parlementaires et d'une grande partie de l'opinion publique. En outre, elle était incompatible avec les égards que le gouvernement hongrois entendait témoigner au << roi couronné »>, même s'il l'engageait, sous la pression de la Petite Entente et des grandes puissances, à quitter le royaume. En même temps, donc, que les diplomates français, anglais, italiens, tchèques, roumains, iougo-slaves, insistaient à Budapest pour le prompt départ de Charles, dont Prague et Belgrade faisaient, en cas de refus, un casus belli, les ministres de France, d'Angleterre et d'Italie insistaient à Vienne pour le rapide octroi de garanties d'un traitement digne et convenable à l'exilé de Prangins regagnant Lucerne. On trouva enfin un

compromis, selon lequel le wagon-salon de l'ex-empereur, évitant Vienne par Gratz et Innsbruck, serait accompagné de quelques officicrs et soldats de l'Entente et escorté d'un petit détachement de soldats autrichiens et d'« hommes de confiance » du parti socialofficiers autrichiens, pour démocrate. Le choix des lequel les socialistes imposèrent des gens à eux, amena des le ministre de l'intérieur chargé du département affaires militaires (car l'Autriche, avec sa petite armée de 20.000 hommes, en majorité antimilitaristes, n'a plus de ministère de la guerre) à démissionner. La faiblesse du gouvernement à ce sujet, destinée à éviter tout incident, manqua son but puisque les ouvriers de Bruck firent arrêter, plusieurs heures, le train spécial, dans l'intention de « dire leur sentiment » au ci-devant tyran. Il serait prématuré d'envisager les conséquences que l'équipée pascale de Charles entraînera dans l'Eu rope danubienne si troublée depuis le morcellement de son empire. Elle se termine présentement par le triomphe de l'esprit qui a présidé aux traités de paix issus de la victoire de l'Entente.

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Les Idées

Les générations et l'histoire

Il entre dans le dessein de la sociologie, qui prétend substituer les masses aux individus, de prendre comme unité de temps historique la génération et d'y voir un tableau, parfois assez désordonné

ou

contradictoire mais enfin aux ensembles assez clairs, des manifestations de l'activité humaine. Et il n'y a rien de blâmable dans cet objet si l'on sait s'y tenir avec sagesse et si l'on n'oublie point que ce sont des hommes qui entrent dans la composition des groupes d'hommes, des hommes, c'est-à-dire des créatures distinctes et irréductibles

au fond.

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M. François Mentré est un de ces sociologues raisonnables dont l'espèce demeurait si rare aux temps hé roïques ou mythiques et tout récents de la science qu'il cultive. Le problème qu'il se pose dans son livre sur Les générations sociales (1) est celui-ci : Y a-t-il une réalité qui réponde à cette désignation? Quels sont si elles existent les caractères de ces générations? Comment s'enchaînent-elles, s'opposant, se succédant, se pénétrant et finissant par donner un aspect et une personnalité vivante à une période temporelle, à une nation? Comment les discerner et en pratiquer l'étude? M. Mentré, ayant posé le problème, étudie les diverses théories qu'il a suscitées. De Platon à Cournot on n'a que des ébauches de solutions. A la suite de Cournot, notre auteur pense qu'il faut recourir, pour se documenter sur le sujet, à l'observation des faits historiques. Il examine les systèmes d'ensemble de Dromel (générations de quinze ans), de Ferrari (générations de trente ans mesurées au rythme de l'histoire politique), de Lorenz (générations fondées sur les généalogies). Il semble retenir comme base, peut-être assez arbitraire, une suite de trois générations marquant chaque siècle. Passant de l'historique au positif Ma. Menuque amine ensuite les faits et suggère une méthode. Il oppose aux générations animales, dissociées, les générations humaines qui se tiennent par des influences et des antagonismes réciproques. Il distingue des générations spirituelles ou sérielles, établissant une tradition et provoquant des renouvellements dans les institutions ou les corps de métiers des générations sociales, marquées par un certain développement de la pensée

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des

(1) F. Mentré, Les générations sociales 1 vol. (Bossard). Espèces et Variétés d'Intelligence, 1 vol. (id.)

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générations historiques. Il lui paraît que toutes, s'expriment par la littérature, la science, la philosophie, les beaux-arts et il esquisse un large tableau du mouvement intellectuel de 1515 à nos jours, tableau dans lequel il fixe la vie même de la France par la vie des Français. Il existe donc bien des générations sociales et on les peut suivre dans les manifestations infiniment diverses de leur esprit.

Telle est la thèse de M. Mentré, car il s'agit bien d'une thèse. Elle est intéressante, bien documentée, écrite dans une langue exacte. Elle ne se ressent pas des défauts du genre, ce qui n'est pas le moindre de ses mérites. Elle abonde en détails intéressants et en sages avis, conseillant par exemple d'étudier, dans l'histoire, les générations au lieu d'y découper des chronologies arbitraires. Et, enfin, elle contient une part raisonnable de vérité.

«Tout problème du vivant »,dit excellemment M.Thibaudet, « est un problème du continu. Il paraît donc légitime de chercher à saisir la vie dans la suite de la vie.» « Il est incontestable d'abord », conclut M. Mentré, « que la génération est une réalité biologique ; or le psychologique et le social sont entés sur le biologique et conditionnés par lui. Les rythmes jouent un grand rôle en biologie, un plus grand rôle encore en psychologie et en sociologie. Il s'agit donc de déterminer dans quelle mesure les phénomènes sociaux gardent l'empreinte des générations biologiques, dont le principal caractère est la durée uniforme ». Et c'est ici que je demande la permission de m'attarder quelque peu. Il est certain que nous ne concevons pas, dans les conditions de notre vie terrestre, la sensibilité sans système nerveux, la pensée sans organes, l'esprit sans chair, l'histoire sans les périodes historiques. Mais n'y a-t-il pas quelque danger dans cette formule le psychologique et le social sont entés sur le biologique, et dans ses applications ?

Les choses et les êtres se définissent par leurs qualités principales, par ce qui les fait être ce qu'ils sont, par ce que, jadis, on appelait leurs essences, d'où que leur vinssent, d'ailleurs, ces vertus caractéristiques et premières, du moins par l'importance. Et il semble dès lors que dans la carrière de l'homme, animal pensant et se différenciant de plus en plus par une vie particulière, la pensée ou l'existence personnelle, le psychologique et l'individuel se doivent placer en tête des valeurs.

POLITIQUE

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Nous n'échappons pas aux lois usuelles des jours. Nous avons un coeur, un estomac, des poumons, un cerveau et, en conséquence, des désirs, des appétits et des idées. Et, en ce sens le « psychologique » est «< enté-» vraiment sur le « biologique ». Mais ce n'est là que l'ordre de la génération, la mécanique et le mécanisme, le sol ou l'instrument. Ce qui importe c'est la fin et le produit, cette même pensée qui ne s'exprime que dans la personne et qui ne prend ou reprend son efficace qu'en devenant ou redevant personnelle. Certes, la plante ne pousse pas hors de son terrain, elle dépend du climat, de la pluie, du soleil et des conditions de culture, mais ce qui importe, ce qui compte, c'est elle, le grain qu'elle façonne, le fruit qu'elle prépare. Si les foules et les groupes vivent sur des idées ou des sentiments usuels, ces forces prises dans leur sens collectif n'ont guère qu'une existence générale ou verbale et re commencent d'affirmer eur vigueur que dans les unités qui composent la masse.Et le patriotisme ou la passion politique, par exemple, ne flottent pas dans l'air comme on se plaît trop facilement à le dire, mais unissent ou divisent les citoyens en vibrant d'une façon propre et particulière au cœur de chacun d'eux.

D'où, je crois, l'embarras où l'on se jette dès qu'on veut définir les générations et l'héritage qu'elles devraient se transmettre. Elles se contredisent plus volontiers qu'elles ne s'enchaînent, elles dédaignent les pères au profit de lointains aïeux, elles remettent à la mode des discussions périmées ou brisent en leur fleur des nouveautés intéressantes, elles commencent par la pénurie ou l'anarchie et n'ont pas toujours le temps d'en sortir. C'est qu'elles sont moins une convergence qu'une dispersion des énergies et ne figurent que les réactions et le facettes d'innombrables tempéraments.

On prend donc les choses de l'extérieur, l'erreur sociologique et l'erreur moderne par excellence, quand on voit dans la génération une unité, quand on veut que l'homme de génie qui, toujours, dépasse son temps l'exprime. M. Mentré n'a fait que d'un pied léger la chute commune et la faute doit s'imputer à son sujet plus qu'à lui-même. Mais il faudra se souvenir son livre, si clair, d'ailleurs, si plein et indispensable à l'établissement du bilan intellectuel des siècles derniers, que la sociologie, qui est l'apparence, ne se taille ainsi une part trop grande qu'aux dépens de la psychologie, qui est la vérité.

Feuillets de la

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Semaine

ces du matin, accusent volontiers M. Pierre de favoriser secrètement les séances nombreuses. A la vérité, M. Pierre qui a vécu bercé par le murmure des discours, et n'aime point d'autre spectacle que celui de la salle des séances, s'ennuie, dès qu'on ne siège plus. Mais il n'est point l'artisan des séances du matin. Il se borne à s'en réjouir dans son cœur. La vérité est que le Président Raoul Péret ne hait point la séance publique. Il n'ignore pas évidemment, ce qu'en vaut l'aune et il est fixé sur la valeur des séances publiques. Il sait que l'orateur-né ne parle point pour convaincre, mais pour parler. Et il fait la part du feu a Puisqu'il y a tant de paroles à prononcer au cours d'une année, pense-t-il, il faut tâcher de les répartir au mieux en un certain nombre de séances données ».

Et puis, les séances du matin ont un autre intérêt elles permettent aux vice

en

lisant

GONZAGUE TRUC.

M.

présidents de présider. C'est un plaisir qu'ils ne goûtent pas toujours; Doumer présidait sans relâche, et aucun vice-président ne put pendant sa présidence, montrer le bout de son nez à la place présidentielle. M. Deschanel était plus gentil.

M. Deschanel, d'ailleurs, avait besoin de repos. La Chambre, de son temps était plus difficile à manier qu'aujourd'hui. Il fallait, sans mécontenter individuellement les socialistes et M. Deschanel n'aimait à mécontenter personne ne point. favoriser les influences parlementaires, M. Deschanel s'y appliquait. Il s'appliquait aussi à calmer les invectives trop violentes, et à atténuer les interruptions trop fréquentes.

M. Jean Bon, député de Paris, était un des hommes qui lui donnaient, comme on dit, le plus le fil à retordre. Il

Le théâtre des Impromptus

mettait volontiers les pieds dans le plat, i LETTRES et c'est la chose que M. Deschanel, homme du monde avant tout, aimait le moins. Aussi, il était avec M. Jean Bon, sur des charbons ardents. M. Jean Bon était en état de conflit permanent avec les journalistes parlementaires dont il signalait comme incorrecte la moindre manifestation publique au cours de la séance. Et les autres multipliaient ces manifestations, simplement pour ta quiner M. Jean Bon. Alors M. Jean Bon les signalait à la vindicte de M. Deschanel, et M. Paul Deschanel avait l'âme enivrée. Il intervenait, et M. Jean Bon exprimait sa satisfaction ou mécontentement de l'effet produit.

son

Un soir, M. Jean Bon avait trouvé l'observation de M. Deschanel trop douce, trop académique plutôt. Pour faire contraste, il la souligna d'un Bien Marie » ironique.

On rit bruyamment. M. Deschanel rougit. Il était visiblement gêné.

La séance levée, comme il s'en allait, il demanda à un de ses intéressés ce qu'avait dit M. Jean Bon.

L'autfe le lui répéta. M. Deschanel ne connaissait pas cette expression. Il demanda des explications. Mais M. Jean Bon mêlé au groupe qui le suivait, avait entendu la question : « C'est, ditil, une scie de café-concert ».

M. Raoul Péret, qui est aimé des dieux, ne connaît pas ces situations délicates. Au demeurant, M. Jean Bon les lui éviterait parce qu'il n'est pas de l'Académie Française.

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La Chambre va beaucoup parler, mais il lui faudra beaucoup agir. Et c'est le difficile de l'affaire. Car com

me dit l'autre, agir, c'est nuire, et nuire, c'est se faire des ennemis. Il va falloir tondre les contribuables. Il va falloir en face des appétits déchaînés, réclamer d'une part des économies, et, d'autre part, creuser le gouffre de déficit. Tâche ingrate ! Nous connaissons bien la formule heureuse a des dépenses qui rapportent », mais nous savons, hélas, que c'est une pure formule. Lt ceux qui l'emploient le savent aussi. Il convient de plaindre les parlementaires, et de prendre garde aux conflits qui se produisent dans leurs consciences.

Ces conflits sont nombreux. Certain jour, un député disait à son collègue Coyrard, aujourd'hui sénateur Ce que demande Lerolle, est le bon sens même, mais je suis obligé

de voter contre ».

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Il y a douze ans, François Ber-! nouard s'installait rue des Saints-Pères pour imprimer de beaux livres. On sait quels jolis chefs-d'œuvre typographid'hui, il fonde un théâtre dans sa bouques sont sortis de ses presses. Aujour tique, une boutique blanche derrière une façade bleue. Cela s'appellera le théâtre des Impromptus et s'ouvrira ou plutôt s'entr'ouvrira car il ne s'agit point d'une entreprise-commerciale dans trois semaines.

Quarante personnes tout juste pourront prendre place dans la salle qui n'est guère plus grande que l'estrade.

Que jouera-t-on là-dessus ? De tout, des drames, des farces, des satires, des dialogues, ce qu'il plaira enfin à la fantaisie des auteurs d'inventer. « Nous donnerons, me dit Bernouard, une pièce inédite de Casanova. Parfaitement. Un dialogue sur la danse du Dr Mardrus et des œuvres de Pierre Mac Orlan, André Salmon, Charles Derennes, Bouet, Crommelinck, etc. Les décors seront des paravents d'après Derain, Vlaminck, Utrillo, Guy Arnoux et d'autres. Je représenterai aussi des piè ces japonaises; les acteurs porteront des masques extraordinaires qui me dessinera Foujita. »

Cet homme délicieux n'arrête pas de faire des projets. Il pense déjà à un théâtre de marionnettes; il aura peutêtre un guignol. Il prépare même une adaptation scénique de Rabelais.

a Je voudrais des œuvres assez cour. tes qui durent dix à quinze minutes et qu'il y en ait plusieurs par program

me. »

sera donc une « Les Impromptus » manière de théâtre d'expériences, où, sans pédanterie surtout, on cherchera à réaliser quelque chose de neuf, dans la gaité. a Qui sait si, à travers tous ces essais, rêve Bernouard, nous ne décou vrirons pas quelques coupes nouvelles de théâtre. Tel est mon but. D

Sage méthode | On n'innove pas d'après les règles. Ce sont des œuvres conçues librement que l'on les tire après coup.

Ces spectacles qui se répéteront plusieurs fois cette saison dans la petite boutique de la rue des Saints-Pères seront très divers. « Vous verrez, on s'amusera bien », me dit le directeur des Im

promptus, vif, jeune, charmant.

Je goûte infiniment cette formule sans prétention. Elle nous change des mines graves de tant d'ennuyeux personnages qui s'imaginent trop souvent que le plaisir des autres se fait de l'ennui monté sur un piedestal solennel. GEORGES OUDARD.

Baisse

Depuis le 1er avril, les livres scolaires ne sont plus vendus qu'avec une précédente était de 40 0/0. C'est déjà majoration de 25 o/o. La majoration une première baisse assez sensible. En prenant cette décision, les éditeurs ont

déclaré qu'ils agissaient ainsi pour permettre aux écoles de recommencer à fonctionner normalement et parce qu'ils se considèrent comme les collaborateurs naturels des écoles françaises. Cette nouvelle réjouira tous ceux qui s'inquiétaient des prix élevés réclamés pour les ouvrages classiques, et surtout des conséquences qu'un pareil état de chose pouvait provoquer en se prolongeant.

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Dans un passage et dans une sombre boutique, un libraire expose une suite d'ouvrages serrés par des ficelles et dont les titres riches d'amour, les couvertures généralement suggestives tentent d'attirer une clientèle assez particulière. L'honorable commerçant qui tient cette maison, ne doit pas souvent lire ses livres. D'un certain point de vue, on ne saurait le lui reprocher trop. Cette ignorance pourtant lui fait commettre des erreurs quelquefois. C'est ainsi qu'abusé par le titre, il n'a pas hésité à faire voisiner avec son stock habituel les Pélerinages passionnés de G. Faure. Pèlerinages eut peut-être pu calmer son ardeur, mais passionnés a été le plus fort. Il n'a donc pas balancé à mettre ces impressions littéraires de voyage sur la même ligne que le Guide secret des Plaisirs parisiens. C'est touchant.

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Devant la plaque de Baudelaire

Par le clair matin endimanché du 10 avril fut inaugurée la plaque commémo rative de Baudelaire à l'endroit approximatif de la maison natale démolie, Par des soins officiels, on avait apporté au milieu de la rue Hautefeuille, une tribune-chaire d'où furent prononcées dés harangues sonores. Et les orateurs eurent soin de les rendre plus sonores encore au moment de leurs citations baudelairiennes.

Ah! que ces vers d'émotion confidentielle, que ces aveux secrets du solitaire rôdeur parisien, semblèrent insolites sur un tel ton et dans une telle céré monie! Ils ne supportèrent pas plus le plein air que les tragédies de Racine à Orange.

La foule ne dépassait guère en nombre celle qu'on voit encerclant un camelot habile. Elle était volontaire. Pas un badaud de hasard comme il convient ce pendant aux fêtes de la rue. Au balcon surplombant la plaque, un vieux monsieur s'accouda dominant le tumulte éphémère. On chuchota que c'était un éditeur, le propriétaire de l'immeuble

actuel.

Aux auditeurs zélés, des jeunes gens distribuèrent des prospectus d'un délicat bleu pervenche...ième proclama-tion de Dada: comme les précédentes, un feu de fusées d'humour, mouillées et ratant. Aux mêmes, le vieil Achille Le Roy, anarchiste vénérable et inoffensif, proposait des papiers rouges avec. des pensées révolutionnaires sur des ripoint sans saveur. C'est ce que Baudemes antiques. Le rapprochement n'était laire eût préféré de sa cérémonie, sans doute..

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