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reuse image, quelques « variétés » qui sont des articles. Il y fait paraître beaucoup d'aisance et de verve cursive, à son ordinaire, aussi bien dans le portrait de Paul Léautaud (qui semble être, d'ailleurs, un saisissant modèle) que dans cette Séance nocturne au Stendhal Club où il nous invite à entendre le dialogue de quelques illustres stendhaliens morts et vivants. Le Stendhal Club aurait été une invention charmante, si le bon Adolphe Paupe, qui en était secrétaire, n'avait cru devoir en dévoiler le mystère et disons même en parler sans légèreté. C'est là une faute que Mérimée n'aurait jamais commise, ni Gobineau, ni Jacquemont, ni Mareste. Mais plutôt que ceux-là, c'était Romain Collomb, que Paupe, Stryiensky et l'excellent avoué Chérami, semblaient avoir élu pour modèle... Paix à leur mémoire!

Jusque dans ses romans, M. André Billy demeure chroniqueur de mérite. Ce n'est pas un créateur de caractères profonds, de héros qu'il soumet à des crises de passion pour les observer patiemment, ni un romancier de mœurs naturaliste; il ne copie pas la réalité à la façon des élèves de Flaubert et de Zola: au juste, ses contes rappelleraient plutôt par certains côtés les contes allégoriques du XVIIIe siècle, s'ils se proposaient davantage de démontrer quelque chose et s'ils n'étaient pas souvent de pures fantaisies. Mais parfois aussi, comme les Scènes de la vie littéraire à Paris, ils sont, plutôt que des romans, des satires de moeurs fort piquantes. Barabour ou l'Harmonie universelle est de ces récits sans aucune attache à la logique ou à la vie quotidienne. L'invention en rappelle celle des contes ultra-fantaisistes de P.-J. Toulet. Non par la manière, certes : M. Billy n'est nullement ce qu'on appelle un «< styliste »>, ni ne s'y efforce. Il écrit un langage naturellement vif et dégagé, sur lequel il garde de raffiner. Il n'a pas non plus, il ne cherche pas à avoir cet esprit cruel et savoureux dont Toulet rehausse ses plus fantasques histoires. Il est abracadabrant et (au sens scientifique) absurde avec tranquillité; puis il est fort intelligent et critique. Il nous emmène au pays de la quatrième dimension, tout en nous faisant sentir par certains détails exactement vus et notés que nous sommes encore dans notre monde. C'est un rare mélange. L'action se forme, s'enchaîne et se défait, à la façon des nuages; elle semble se nouer, puis disparaît, puis reprend et se déroule. On la suit, pour ainsi dire, comme la fumée d'une cigarette. C'est un curieux roman que Barabour.

Je n'entreprendrai pas de le raconter. Barabour ne se raconte pas. Mais il se lit et amuse.

Le Théâtre

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JACQUES BOULENGER.

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né d'une bizarrerie de nature, que les progrès de la science médicale expliquent sans l'excuser: les socié taires du Théâtre-Français, dédaignant l'usage, s'entêtent à jouir d'une verte vieillesse et remettent au lende main le soin de mourir d'un honnête trépas. Le scandale ne serait pas petit, dans une société qui fait profession de respecter les habitudes classiques, et qui s'abandonne en toute confiance à la doctrine de Diafoirus ou de Purgon. Par malheur, des intérêts privés, œ qu'on nomme assez bassement des « douzièmes », viennent envenimer un problème, par lui-même assez virulent, déjà.

Donc il advint que les sociétaires jeunes et les socié taires adultes de la Comédie-Française reconnurent un jour que les sociétaires-vieillards gardaient jalousement les places qu'eux-mêmes souhaitaient d'occuper. Ainsi va la vie. Les comédiens à part entière ne mettaient aucune bonne grâce à quitter la scène du monde t pour le moins, celle de la Comédie-Française. La fin de l'année, de cette année, menaçait de sonner sans qu'aucun impatient eut reçu les palmes neuves du sociétariat! Et pourquoi? Parce que les chemins de la gloire et de l'ar gent étaient obstrués par des cacochymes. Il ne restait ni part, ni demi-part, ni quart de part, ni douzième de part à distribuer. M. Honnorat, ministre de l'Instruc tion publique et des Beaux-Arts, gardait jalousement les fonds que le règlement lui réserve sans vouloir faire connaître ses secrets desseins. M. Desjardin, d'autres peut-être, allaient-ils être sacrifiés encore aux artistes en place? Le comité se déclarait impuissant. En fin décem bre, il ne pouvait que faire des propositions, rappeler de solennelles promesses...

Mais, Dieu merci, les intérêts des néophytes étaient en de bonnes mains. M. Georges Le Roy qui, sous la dictature de M. Clemenceau, fut nommé soudain, socié taire à six douzièmes, n'oubliait point ses petits camarades. Et, au nom du groupe des sociétaires de l'Asso dr ciation syndicale-d'un certain nombre de ces sociétaires

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il organisa une offensive. Il fit signer par les mécon tents et ceux qu'indignait tant d'injustice, une magni fique pétition adressée aux pouvoirs publics, que symbolisait en chair et en os, M. Honnorat. Et cette pétition enfin, disait ceci : Qu'il serait souhaitable, profitable, exemplaire, juste aussi, que les sociétaires du ThéatreFrançais fussent mis d'office à la retraite, sans excep tion et tempérament, par un jeu mathématique et fatal, quand ils auraient dépassé une certaine limite d'âge que les suppléants fixaient à 65 années pour les femmes et 70 pour les hommes. M. Honnorat reçut cette pétition sans sourciller et, pour mieux montrer sa prudence, ne répondit rien.

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L'on se sent emprunté, dans une si belle bataille, à défendre des vieillards, qu'on préférerait vénérer sous les espèces de reliques et encenser de louanges commé héritiers, si l'on compare leur jeune gloire en bourgeons moratives. Mais comment ne point blâmer l'appétit des à des fruits encore savoureux. En vain je cherche, dans cette troupe rebelle que conduit l'excellent M. de Féraudy -mais qu'allait-il faire dans cette galère? celui-ci qui remplacerait celui-là. Il ne faut égorger un ancêtre qu'à bon escient, et ne point laisser tomber la couronne en quenouille.

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Soyons francs cette cruelle réforme prévoit une première charrette où monteront MM. Silvain et Paul Mounet et la bonne Mme Kolb, qui a poussé la mansuétude jusqu'à signer des deux mains un libelle qui voulait son exécution, donnant l'exemple d'une résignation au des tin vraiment polynésienne. Or, je le demande à ceux qui sont étrangers aux passions du Café de la Régence: Chrysale? Qui jouera, en place de M. Paul Mounet, qui jouera demain, en place de M. Silvain, Tartuffe ou

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don Diègue, Ruy Gomez de Silva, Charlemagne ou le vieil Horace? Qui remplacera Mme Kolb dans les rôles de mees Je ne sais si la valeur attend le nombre des années, mais aujourd'hui elle n'éclate pas. A côté des droits des sociétaires qui se sentent du génie, il y a les droits du public, qui voudrait qu'une scène nationale lui offrit quelques mérites. Si ce petit tumulte a pour résultat de nous régaler souvent d'un spectacle où l'interprétation sera pitoyable comme à Maman Colibri, c'est tant

pis.

Il semble que dans une affaire qui ne demanderait pour être réglée que l'usage du bon sens et un certain souci du bien public, on oublie trop d'illustres exemples, et qu'on n'accepte pas avec assez de bonhomie les injustices du destin. Mounet-Sully est mort à 75 ans, sans qu'on ait pensé jamais à lui commander de faire retraite. Et qui donc, parmi tant de beaux fils, se peut vanter de l'égaler? L'occasion ne leur a pas manqué. D'autres, sans doute, bien avant le terme officiel et mathématique de 70 ans, montreront de la faiblesse. Une arithmétique si exacte n'est pas bien humaine, et ce souci démocratique dans l'avancement à l'ancienneté a de quoi déplaire.

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Davantage, que souhaitent donc ces sociétaires? Ontpas la puissance en mains? Pourquoi ces cris et ces menaces? Le comité de la Comédie-Française a-t-il pas out pouvoir sous la présidence d'un directeur-mannequin? Nomme-t-il pas ses pairs, décide-t-il pas du choix at des pièces, de la mise en scène, de tout? Est-il pas enfin, mui-même, nommé par l'assemblée générale des sociésaires? Que nous veut cette République de Venise, mpuissante à se gouverner? Demanderait-elle un roi?

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Peut-être, le cadeau lui serait excellent. Pour conduire in chariot de Thespis embourbé, où les jeunes voude traient jouer les rôles des vieux, où les vieux se dévoSent du désir de jouer les rôles des jeunes, pour mettre s la raison et à la discipline cette troupe turbulente qui orte à la ville les fureurs de la scène et fait de grands qclats sur de petites affaires, un prince qui saurait se teraire entendre et obéir, serait utile. Mais le débile M. pabre ne sait que se soumettre aux fantaisies de Byzance. Saurait-il jamais rappeler au Comité qu'en Son sein réside la toute-puissance, sans règlement nouveau, pétition ou véhément appel à l'opinion et aux corps constitués ? Saurait-il expliquer aux sociétaires fe que les huit élus qui les gouvernent ont le mandat de rajeunir la Maison de Molière, qu'ils peuvent, par de vote, mettre à la retraite celui des leurs qui après vingt ans de services semble incapable? Mais comment instruire de ce secret l'aréopage inquiet qui s'entre-congratule, se complimente en se détestant, et ne craint rien tant que le sacrifice d'un voisin qui donnerait à l'autre le goût du sang?

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Cependant, M. Honnorat doute. Las de se taire, il voulut montrer sa valeur. Il reçut M. Paul Mounet. Il lui demanda s'il avait des projets. M. Paul Mounet avait décidé de prendre quelques loisirs, mais dans deux ans. Et comme il est débonnaire, il a accepté de ne plus jouer que soixante fois par an. C'est un peu plus qu'il ne fait aujourd'hui. Mais M. Honnorat ne le sait pas. Cependant, nos mécontents, que conduisait encore M. de Féraudy lui-même mais qu'allait-il faire dans cette galère ? s'en venaient voir le président de la République, à qui ils confièrent leur déception. M. Millerand est trop fin pour n'avoir pas marqué de l'inquiétude. Mais attendons la suite. L'on ne sait quelles grandes surprises nous réserve demain.

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Par intérim : FRANÇOIS PONCETTON.

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L'année 1920 finit par une exposition Cézanne (à la galerie Bernheim) et par une exposition Renoir (chez Durand-Ruel). Des trois artistes morts qui affolèrent les marchands et les collectionneurs, les écrivains d'art et aussi, somme toute, les peintres, le seul Degas est délaissé. Quant à Gauguin et à van Gogh, un silence momentané s'est fait autour d'eux. Les jeunes peintres, lorsqu'ils parlent des tableaux de Degas qui sont (ou qui furent) au Louvre, s'amusent à citer Degas en même temps que Dubufe. Ils ne feignent pas encore de con

fondre les fleurs d'Odilon Redon avec les fleurs de Mme Madeleine Lemaire. Mais cela viendra.

Les deux maîtres qui « tiennent le coup » sont Renoir et Cézanne. Mais si les jeunes gens admirent Renoir, ils. ne se réclament pas de lui. Au contraire, dans l'Europe entière, tous ceux qui font profession de couvrir de couleurs des toiles vierges, ont pris, pour Mecque, Aix-enProvence; et, sciant un pied à leur table de cuisine, choisissant, dans le cellier, le fruit le plus vert, et, dans le buffet, l'assiette la plus fruste, s'écrient: : « Saint Cézanne, priez pour nous ! »>

Cette admiration endémique, qui jette pour l'heure vers Cézanne tout un peuple de peintres, risque de rendre stérile et non avenue la production picturale d'une ou de deux générations. En aimant « trop » Cézanne, nos jeunes contemporains risquent la même mésaventure que leurs confrères d'autrefois, les élèves, les cadets de Michel-Ange. Le « cas Cézanne » est très comparable, en peinture à ce que fut le « cas Wagner » en musique... Rien de plus redoutable que la déflagration du génie. Songez aux méfaits involontaires de Malherbe: 1' « Enfin Cézanne vint!» que chantaient en choeur mille peintres vivants peut faire autant de mal à la peinture que fit de mal à la poésie l'hémistiche de Boileau. Songez aussi aux désastres que subirent les plages lyriques après le raz-de-marée Hugo. L'autocratisme esthétique, souvent bien massif et sommaire, de Cézanne, est plus dangereux que l'autocratisme davidien. David, vivant, enseignait ce qu'il savait, ce qu'il faisait. Cézanne, mort, après avoir vécu dans l'isolement le plus hermétique, agit par ce qu'il aurait voulu savoir, par ce qu'il aurait voulu faire. L'autorité de la certitude est inflexible; toutefois, elle est limitée. Mais par quels sables mouvants, par quels mirages n'est-on pas entraîné, puis perdu, si l'on offre sa servitude à un génie dévoré d'inquiétude, explorateur têtu des ténèbres, qui acharna toute sa vie à dégager du chaos, pour soi-même et seulement pour soi-même, quelques formes et quelques lois ?

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question.

Voici (dans la Nouvelle Revue Française de novembre) une sérieuse étude de M. André Lhote, intitulée l'Enseignement de Cézanne. Voici (dans le numéro 2 de l'Esprit Nouveau) quelques affirmations d'un représentant de cet « Esprit Nouveau » (M. Vauvrecy); voici enfin un numéro spécial de l'Amour de l'Art, entièrement réservé à Paul Cézanne, et où on trouvera les opinions et le jugement de deux peintres, MM. Maurice Denis et Emile Bernard, et la relation des entretiens qu'cut jadis, avec Cézanne, sous un pin provençal,

nort

loin du fameux Jas de Bouffan, M. Joachim Gasquet. M. André Lhote nous apporte l'opinion d'une génération de peintres qui, demain, tant on va vite, seront regardés comme des perruques, comme des pompiers. Pour ceux qui sont moins pressés, et qui ne considèrent pas qu' un talent est aussi rapidement hors d'usage que ces complets et que ces chaussures que l'on fabrique aujourd'hui (lesquels sont usés avant d'avoir servi), M. André Lhote est un des esprits les plus réfléchis et les plus volontaires de son époque; qui s'applique à se connaître et à se trouver, non pas dans l'aventure, mais dans la méditation; ambitieux de sagesse et de savoir, et qui cherche, entre l'intelligence et la sensibilité, un point d'équilibre, qu'il ne veut pas devoir à la chance, mais qu'il veut édifier, établir, après l'avoir longtemps sollicité, éprouvé, puis contraint.

Sans Cézanne, M. André Lhote serait probablement très différent de ce qu'il est ; aussi le « cas Cézanne »> inquiète-t-il et trouble-t-il le théoricien de la Nouvelle Revue Française: « Grâce au maître d'Aix, écrit M. André Lhote au début de son étude, la médiocrité, la bassesse, au lieu d'emprunter à la photo-peinture des Artistes Français leurs moyens d'expression, prennent hypocritement un visage décent. Devant cette supercherie, on aurait envie de crier: « A bas Cézanne ! », si on ne savait que certains peintres, par des moyens différents, quoique issus des siens, perpétuent son esprit. »

Un grand artiste, de nos jours, trouve moins d'élèves que d'imitateurs. La terrible multiplication des peintres fait qu'une œuvre originale est trahie dans sa forme avant d'avoir été saisie dans son esprit. On a cité récemment ce mot mélancolique de Debussy, disant à un autre musicien: « Aujourd'hui, nous ne sommes plus que des modistes! » Cela est vrai pour tous les arts. Un Debussy, un Rimbaud, un Cézanne sont, vis-à-vis de leur << suite » ce que sont une Reboux, un Doucet, un Poiret vis-à-vis des Galeries Lafayette ou des grands magasins du Printemps. La plupart des ateliers, des Salons et des salles d'expositions sont, eux aussi, comme ces halles de la mode et du goût, de véritables << magasins de nouveautés ». L'exploitation de «< la nouveauté », tel est le docile mot d'ordre ! Le public qui se soumet aujourd'hui à « la nouveauté », « par peur d'avoir l'air de ne pas avoir compris », n'est pas moins << philistin » que le public qui ricanait devant Delacroix et devant Baudelaire. Mais « l'avant-garde » n'est plus le scandale et le péril; elle est l'exemple, la sécurité. Et nous voyons ceux qui suivent aller si vite qu'ils dépassent parfois, sans s'en apercevoir, ceux derrière lesquels ils croyaient courir. Ainsi arrive-t-il que, essouffilés, les rusés professionnels novateurs se mettent au pas, s'arrêtent, prennent un temps, puis, rebroussant chemin, « retournent à leur vomissement », attirant ainsi, sans effort et sans vergogne, vers ce qu'ils raillaient naguère, la foule intrépide, qui n'y voit que du

feu.

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Le grand mérite de M. Lhote est de chercher un terrain stable. Cézanne, pour lui, n'est pas une mode, mais un modèle. Son point de vue, vis-à-vis de Cézanne, est extrêmement curieux et intéressant. D'après M. Lhote, pour Cézanne, « les mouvements des ombres et des lumières cachent l'immobilité d'une loi supérieure. Il s'agit de trouver et de transcrire la minute suprême où les deux faces de la réalité se superposent et fusionnent parfaitement. » Jusqu'ici, aucune ambition bien neuve. Selon des procédés et des tempéraments différents, ce fut là ce que cherchèrent tous les grands artistes, de Piero della Francesco à Vermeer de Delft, de Raphaël à Ingres, de Rembrandt à Delacroix. Mais où apparaît, selon M. Lhote, l'apport personnel de Cézanne, c'est que, depuis lui, l'objet, l'anecdote, le sujet disparaissent de l'oeuvre d'art: « non seulement les végétations et les

maisons sont débarrassées de leur caractère particulu anecdotique, mais il n'y a plus, au sens où l'entend réalisme de Courbet, ni maison, ni arbre, ni terra « proprement dit ». Un vaste rythme, ici vertical, in giratoire, entraîne tous les éléments du spectacle en trombe cohérente et figée ». Et, plus loin: « L'ordon nance n'est plus cette distribution des objet selon l'in portance que iui accorde une conventior immuable mais une spéculation strictement plastique sur des dif férences de dimensions tout abstraites. » L'exemple que M. Lhote donne pour appuyer son opinion est celui-c Dans une toile de David, « le geste de la femme qu au centre du tableau de Sabines, étend les bras hon zontalement est autant un mouvement de supplicati que l'affirmation d'un angle constructif »; dans Cézanne, au contraire (les Baigneuses), « les nudités sont strictement, ainsi que les troncs d'arbres du seco plan, que la limite de pyramides idéales ».

M. Lhote est ainsi conduit tout naturellement à te miner son étude en proposant « de rayer de la liste d vocables pompeux celui de Beauté ». M. Lhote do peut-être ici au mot « Beauté » un sens un peu lim exclusif. Nous vivons (hélas ! sans doute) dans siècle trop vieux pour n'avoir pas appris à découvrir beauté dans des oeuvres où elle n'existait pas, pour yeux de nos aînés. Qu'un peintre qui parle peinture soit pas éclectique, cela est son droit, probableme a ét même son devoir: mais, à côté de Joconde et de Vi la Bethsabée nous semble belle, et cette divinité b doue; beau, ce monstre chinois, ce bijou nègre, et prodigieux émail de la matière qui est peut-être secret du prestige que les tableaux de Cézanne exem

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sur nous.

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Le point de vue de M. André Lhote est le point vue d'un artiste et d'un esprit qui gravissent encor partie ascendante de la courbe que tout talent créate décrit, depuis le moment où il commence à s'expri jusqu'à l'heure mélancolique où il n'a plus rien à cha Dans le cas Cézanne, M. Lhote est plus « partie » « juge ». Sans être du tout exclusif ni partial, le c cézannien possède la ferveur de la jeunesse ; il est a menté à la fois par un idéal et par une nécessité.

Le point de vue de M. Maurice Denis, auquel n voulons nous arrêter maintenant, est plus libre, plus jectif. M. Lhote est lié à Cézanne comme la brand est liée au tuteur. Les « tuteurs » de M. Maurice De ont certes été nombreux, importants et bien choisis mais désormais les liens sont détachés entre la brand en pleine force et ses soutiens. Aussi M. Maurice De parlera-t-il de Cézanne avec grand respect, mais n sans indépendance.

Toutefois, comme M. Lhote, M. Maurice Denis visage moins l'art de Cézanne en soi que dans l'inte prétation que chacun en peut donner et en donnera L "Chacun attend de lui la confirmation de son pro système. » Mais, à cet égard, M. Maurice Denis semble nous refuser toute confidence; et il préfère rapporter un phrase qui lui a été dite par Cézanne, lorsque, en 100 il l'alla voir à Aix, avec le peintre Roussel: «De Pi pressionisme, j'ai voulu faire quelque chose de solide

de durable comme l'art des Musées. >>

Cet «< art des Musées »>, pour M. Maurice Denis, pas, on le sait, beaucoup de secrets: et cette connais sance l'engage à expliquer les relations muséennes de l'art cézannien. Rien de plus juste et de plus ingénieux que la parenté. établie par M. Maurice Denis, entre Ce zanne et « les Baroques ». « Dans le XVII° siècle, ce n'est Ipas la perfection de Versailles, le goût français classi que qui lui fournissaient l'excitant dont il avait be soin, mais bien plutôt les morceaux de bravoure des Napolitains, des Génois et des Bolonais, l'emphase des Baroques, les excès de l'italianisme. A-t-on vu que dans ses paysages, ses natures-mortes, ses esquisses,

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de la composition s'affirme par de grands partis pris pompeux, analogues à ceux des Baroques ? Et il n'est pas jusqu'aux plis compliqués des serviettes, au mouvement théâtral des rideaux et des étoffes à ramages, au galbe redondant des figures nues, à la fantaisie d'ornemaniste avec laquelle il interprète les fruits et des frondaisons, qui ne le montrent fortement épris, entre toutes les formes classiques de celle où la peinture fut la plus généreuse et la moins étriquée... »

I Puis M. Maurice Denis montre comment Cézanne, à

e goût des grands Baroques, mêle, l'influence des impressionnistes. Mais l'impressionnisme de Cézanne est empéré par le besoin qu'avait Cézanne d'« organiser es sensations ». « Il y a une différence, dit M. Maurice Denis, entre l'instantané impressionniste et la pose de Cézanne... L'attitude de Cézanne en face de la nature essemble à la curiosité patiente et généralisatrice des inciens. Comme eux aussi, en conservant sa sensation, cherche à établir le juste équilibre entre la nature et e-style ».

On voit, en lisant cette dernière phrase, que M. Denis comme M. Lhote quand il parle de la « métaphore lastique » de Cézanne) cherche à son tour, dans l'œuvre e Cézanne, « la confirmation de son propre système ». en a d'ailleurs toujours été ainsi lorsqu'un peintre vant a parlé d'un maître antérieur, et dont l'influence été telle que personne, après lui, n'a pu s'y soustraire solument. On pourrait confronter des textes ou dés ropos de Delacroix et d'Ingres, touchant Raphaël, qui ontreraient Delacroix et Ingres trouvant, très commopement et très naturellement, en Raphaël, la justificaon de leurs recherches et de leurs ambitions.

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L'on n'est donc pas du tout surpris, en achevant la cture de la temarquable étude de M. Maurice Denis, deviner que M. Denis trouve, dans cette absence de jet, de signification, qui, dans l'oeuvre de Cézanne, chantait M. Lhote, moins une occasion d'admiration D'une raison de reconnaissance. M. Denis affirme ainsi foi (qui est le bon sens même): « L'art était grand and il savait; et les plus belles époques sont celles les peintres ont le plus fidèlement traduit les idées, passions, les croyances de leurs contemporains. Céinne n'a traduit que la nature, et encore celle qu'il celle qu'il oyait, comme il la voyait, la sienne. Mais c'est aussi u'il s'agissait de réduire les limites, le domaine, la déinition de la peinture... Avec quelles maladresses, uelles lacunes, quelles grossières imperfections l'œuvre Je Cézanne nous a rendu un idéal d'une peinture excluivement « peintre », je n'entreprendrai pas de l'exposer ci; l'essentiel est qu'il l'a fait ».

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Les quelques pages, où, dans ce même numéro de Amour de l'art, M. Joachim Gasquet relate certains. propos à lui tenus par Cézanne, confirment cette fonction de « peintre » qui lui est reconnue par M. Maurice Denis. Cézanne parle de la couleur et de l'ombre comme un poète parle des déesses et des fées (il est vrai que c'est, ici, un poète qui fait parler Cézanne).

Mais nous n'avons que trop cité. Nous conseillons de dire, dans l'Amour de l'Art, ce que M. Joachim Gasquet fait dire à Cézanne, que Cézanne n'a peut-être pas expressément dit, mais que pourrait avoir dit tout grand peintre, qu'il se nomme Cézanne, Titien, Watteau, ou Corot.

Après avoir résumé ici l'opinion qu'ont de Cézanne deux peintres de ce temps, qui représentent l'un l'art actuellement en formation, et l'autre, celui qui, formé, a atteint un palier, une certitude, il nous resterait à exposer comment l'Esprit Nouveau (celui des cubistes et des dadaistes) incorpore Cézanne; comment

aussi parlent de lui les esthéticiens, les littérateurs. L'Esprit Nouveau nous promet de « revenir très longuement, dans de prochains numéros, sur Cézanne, ses œuvres, ses méthodes »; nous y reviendrons à notre tour, et dirons aussi quelle place M. Elie Faure, dans son Histoire de l'art, donne au mouvement cézannien. JEAN-LOUIS VAUDOYER.

Mémoires & Documents

La campagne allemande contre la "honte noire"

Périodiquement, la presse allemande se déchaîne en attaques violentes dont le brusque déclanchement fait partie d'un plan de campagne déterminé. Une agence spéciale sise à Berlin, en relation avec les différents ministères, recueille les informations sur un sujet donné, les renforce par tous les moyens de grossissement, puis les disperse dans les journaux en fournissant à ceux-ci le leit-motiv.

Nous retrouvons là ces procédés du temps de guerre, où les publicistes allemands, alignés comme à la parade, embouchaient simultanément la trompette mégaphonique sur un signe du Press-Bureau de Ludendorff.

De ces agitations spasmodiques qui poursuivent un but invariable: ameuter l'opinion mondiale contre la France, la plus acharnée a été la campagne contre nos troupes noires.

Après une éruption volcanique d'articles enflammés dans les journaux et revues, le mouvement a donné naissance à une association sous un vocable pathétique : « Ligue allemande de détresse contre la Honte Noire ». Fondé par un publiciste bavarois, Heinrich Distler, ce groupement qui siège à Munich, 11, Klarstrasse, compte surtout des femmes parmi ses membres.

Parmi les ouvrages qu'il a patronnés et répandus le plus activement, nous en citerons deux. Une brochure éditée à Berlin « Français de couleur sur le Rhin », avec ce sous-titre : « Un cri de détresse des femmes allemandes », contient une longue et sensationnelle énumération de crimes et d'attentats sexuels imputés à nos troupes indigènes d'occupation, car les Allemands couvrent de la même réprobation Sénégalais et Africains du Nord.

Pareillement, dans son livre « La Honte Noire en Rhénanie », le Dr Martin Hohbolm, privat-docent à Berlin, présente « une collection de pièces de procès effarante et monstrueuse », avec des détails d'une crudité dont ne semblent guère choquées les lectrices allemandes. Pourtant il se plaint que « les âmes allemandes sont empoisonnnées», parce que les commissaires de police doivent instruire, au point de vue physiologique, les innocentes jeunes filles plaignantes; il reproche aux soldats de couleur « de lever le gibier blond jusque dans son asile ». « Et le monde tolère cela », s'écria-t-il, et l'auteur conclut que l'emploi des troupes de couleur ne peut se justifier que par le fameux Va victis! « hurlement de bête fauve qui retentit à travers l'histoire mondiale »>.

Malheureusement, cette impressionnante accumulation d'horreurs se borne à des imputations sans preuve, à des articulations vagues, dont une revue allemande ellemême, la Sozialistche Monatshefte, a fait justice en constatant que « ces outrages sont singulièrement diminués du fait qu'il s'agit d'accusations et non de constatations officielles ». Elle ajoute qu'en Hesse rhénane, le ministre de la justice a prescrit d'examiner tous les faits incriminés et que, dans la plupart des cas, « les résultats différaient passablement des accusations »>.

D'ailleurs, certains publicistes, mieux éclairés, ont eu

le courage de blâmer l'attitude des femmes allemandes, leur curiosité provocante et leur familiarité vis-à-vis des soldats d'Afrique.

« Nous avons pu constater de nos propres yeux, dit le Berliner Montagspost, qu'il y a assez de femmes et de jeunes filles allemandes oublieuses de leur honneur, qui assiègent le soir, en bandes bruyantes, les casernes des noirs et des Marocains, pour échanger avec le «< chéri » des paroles de tendresse par des procédés de pantomime. »

Et l'enfant terrible de la presse allemande, Maximilien Harden, dit leur fait à ses compatriotes du beau sexe, dans la Zukunft, avec sa hardiesse coutumière.

Après avoir reconnu qu'au point de vue de la tenue et de la discipline, Marocains et Sénégalais ont fait leurs preuves pendant la guerre, il rappelle malicieusement que chaque fois qu'un Hagenbeck exhiba des races exotiques, on vit des femmes affolées à tel point « qu'on les arrachait aux barrières entourant le campement de ces hôtes plus difficilement que l'on arrache un canot à la paroi de glace qui l'emprisonne ». Comment s'étonner aujourd'hui si à ces sombres guerriers, vigoureux et bien faits, « la fortune sourit partout sur le champ du vertige >> Physiologistes et psychologues ne peuvent qu'enregistrer le fait, déclare-t-il, « en présence de nos mâles par trop spiritualisés, produits dégénérés de notre cycle de civilisation, de plus d'un sein qui se consume s'envole un désir ardent vers les fils de la zone torride »>, et il conclut par ce rude avertissement : « Nos insulteurs échauffés et excités feraient bien de se souvenir que la France eut passablement à souffrir en ce qui concerne la violation de la propriété sexuelle pendant les années d'occupation allemande. »>

Dans cette campagne de violence haineuse, qu'y a-t-il de sérieux au fond?

Pour répondre à cette question, il faut distinguer les noirs des Africains du Nord.

Les travailleurs sénégalais ont eu une conduite exemplaire deux grandes passions, le jeu et la palabre charmaient les loisirs de ces grands enfants. Ils se préoccupaient assez peu des femmes; une seule plaisanterie les mettait fort en colère, lorsqu'une « gretchen » s'étant approchée d'eux en souriant, frottaient leurs mains noires de son doigt blanc pour voir « si ça déteignait »>, puis s'enfuyait à toutes jambes.

Dans les villes, on voyait les noirs circuler par deux, se tenant par le doigt, s'arrêtant extasiés devant les magasins où s'étalaient des mannequins ou des têtes de cire féminines, et dépensant toute leur paie en achat de boucles d'oreilles et de montres. Dans les villages, leur grande joie consistait à se promener en la société de bambins qu'ils conduisaient paternellement par la main.

Aussi, lorsque les braves nègres quittèrent les bords du Rhin (1), on vit les femmes allemandes, «< avec une tendresse humide, orner de fleurs les capotes et les chéchias des Sénégalais ». C'est encore Harden qui souligne ce fait. Quel éloquent démenti aux déclamations force

nées contre la « Honte noire »>!

Maintenant que les noirs ne sont plus là, les Rhénans reconnaissent leur excellente tenue, mais ce départ n'a pas donné satisfaction aux gens de la Ligue, qui reportent toute leur animosité sur les Africains du Nord, cette autre « plaie d'Egypte », ce « gesindel ».

Avant de juger la conduite des Marocains il faut remarquer que ces musulmans n'étant pas astreints à la vertu par leur religion, on ne peut leur demander d'être des saints sur les bords du Rhin.

(1) Les tirailleurs sénégalais ont quitté l'Allemagne au mois de mai à destination de la Syrie il ne reste plus sur les bords du Rhin qu'un régiment de tirailleurs malgaches.

Mais les ordres sont très sévères, la discipline est

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goureuse.

Depuis le mois d'août, dans la garnison de May par exemple, qui compte un régiment entier de ti leurs marocains on n'a signalé qu'un seul fait grave meurtre d'une femme allemande de très mauvaise qui s'était d'elle-même introduite à l'intérieur de caserne. Les journaux après une campagne de clame furibondes ont battu précipitamment en retraite, que les résultats de l'enquête ont révélé ces détails

Certes on rencontre dans les villes occupées d'une « mædchen » aux côtés d'un tirailleur, ou m encadrée de deux robustes guerriers de bronze, mais jeunes filles tout à fait consentantes n'ont en aucune çon l'air de « victimes ».

Par contre, on arrête fréquemment la nuit autom casernes des rôdeuses professionnelles guettant l railleurs qui sauteraient le mur pour les honore leurs faveurs.

Quant aux crimes et aux attentats, répétons qu'i sont produits très rarement; et sur le flot des racont très peu de faits précis qui surnagent. On se trou présence d'une agitation systématique toute artif pure polémique de presse malhonnête qui obéit mot d'ordre.

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Au fondil importe de le remarquer las pagne est menée surtout par les Allemands de la droite du Rhin, gens qui n'ont jamais vu de tirai qu'en image, tandis que les habitants de la rive g placés à même de voir et de constater, s'accomm malgré tout, assez bien de la présence de leurs gar Si les Allemands détestent cordialement nos t indigènes, la raison première en est dans leur froissé; se voir garder par des êtres de race infe obéir aux injonctions de soldats noirs ou bronz ne plaisantent pas plus sur la consigne qu'une pa nelle prussienne, semblent une humiliation intol à leur dignité d'hommes et d'Allemands.

Mais voici d'autres motifs qu'ils n'avouent g l'exaspération de gens qui ont perdu toutes les lonies en voyant combien celles des autres restent pères, fureur jalouse de constater l'attachement France des soldats de couleur, enfin et surtout, sibilité d'entreprendre parmi ces contingents une pagande quelconque noirs et Marocains qui ne naissent que la discipline, restent insensibles aux citations des idées anarchistes, bolchevistes ou anti çaises; et les Allemands enragent à la pensée que leur puissance de mensonge n'aura pas de prise su âmes frustes mais loyales.

Enfin, si la défense de la vertu des jeunes Allema a servi de prétextes pour attiser la flamme de la b contre la France, les instigateurs de cette campa visent un but plus large et plus lointain.

L'Allemagne envisage comme prochaine son dans la Société des Nations; elle compte s'y intro présentée par les Etats-Unis et la main dans la de la Grande République; une fois dans la place s'efforcera de faire voter une motion interdisant l'emp par les nations civilisées de troupes extra-européens ce qui porterait une atteinte directe à la force milit française. Pour y parvenir l'opinion germanique, puyant sur le préjugé américain à l'égard des hom de couleur, n'hésitera pas à rouvrir le dossier de

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<< honte noire ».

fendre devant ces assises mondiales la cause de fidèles soldats noirs ou bronzés qui ont combattu vaillamment sous notre drapeau et mêlé leur sang si néreusement à celui des enfants de la terre française.

Mais nos représentants n'auront pas de peine à d

HENRI CARRE

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