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qu'elle comporte et voir les conséquences qu'elle a pour

nous.

La crise actuelle est le résultat certain de la spéculation et du jeu. Depuis deux ans, denrées, matières premières, objets fabriqués et, d'autre part, valeurs industrielles et commerciales montaient sans cesse aux Etats-Unis (comme d'ailleurs en Europe): il n'y avait qu'à acheter n'importe quoi et le revendre avant ou après livraison pour gagner des pourcentages énormes. Tout le monde jouait, c'est-à-dire spéculait. J'ai vu des employés de bureaux de New-York gagner 1.000 dollars par mois sur des petites valeurs de la Coulisse (Curb Market) qu'ils surveillaient amoureusement et qu'ils achetaient à terme par petits paquets chaque jour (à New-York, la liquidation est quotidienne, ce qui permet des coups plus faciles et plus répétés qu'à Paris). Quant aux valeurs elles-mêmes, elles montaient à de telles hauteurs que le total du capital-actions, pour certaines affaires, représentait deux et trois fois la valeur sur inventaire de ces affaires, ce qui permettrait de prévoir une baisse certaine, le jour où le vent tournerait. Mais comme je faisais remarquer ce fait à un spéculateur « On n'achète pas un jeu de cartes, me dit-il, parce que l'on croit qu'il vaut 32 ou 55 sous, mais parce que l'on croit avec lui être à même de gagner vingt mille dollars. »

D'autre part, certains Américains, enthousiastes comme ils le sont toujours lorsqu'il s'agit de lancer quelque chose, s'étaient jetés à corps perdu dans le commerce d'exportation sans posséder les moyens d'information et de contrôle des vieilles affaires d'exportation anglaises, et leur esprit s'était en particulier tourné vers l'Amérique du Sud, vers Cuba et l'Amérique Centrale, tous pays où l'on est au moins aussi spéculateur qu'aux Etats-Unis. Ce qui fait que les risques de certaines affaires de New-York étaient multipliés par ceux de toutes les affaires sud-américaines lesquelles elles s'étaient associées.

avec

de

On sait qu'un mouvement de baisse s'est déclanché dans le monde entier à la suite des campagnes presse, de la répugnance ou de l'incapacité où se trouvaient les acheteurs au détail de continuer à acheter des objets fabriqués et des denrées à des prix excessifs, à la suite aussi des immenses découvertes de tous les spéculateurs et stockistes qui s'étaient finalement laissé prendre à leur jeu de l'achat perpétuel, qui avaient accumulé la marchandise non payée et qui ont brusquement pris peur devant les premiers symptômes de baisse. Les baisses, les krachs ont commencé. La tempête a surtout été très violente en Amérique du Sud et à Cuba, où l'on a dû décréter le moratorium pour éviter la faillite de toutes les banques et grandes maisons de commerce. Et les Etats-Unis se sont trouvés pris dans l'engrenage.

A l'heure actuelle, quoique déjà les faillites aient été nombreuses à New-York, on peut dire (car tout le monde l'avoue dans le quartier des affaires de NewYork) que des centaines de grandes maisons de commerce newyorkaises seraient demain en faillite si les banques ne le soutenaient pas.

Les banques américaines ont-elles raison de soutenir ces maisons de commerce ?

Certes oui. Il est vrai que si tous les Américains étaient pris de panique et s'ils se précipitaient dans les banques pour réclamer le montant de leurs dépôts (le total de ces dépôts est énorme, puisque tout Américain a un compte en banque et un carnet de chèques), les banques ne pourraient pas rembourser immédiatement leurs dépôts: il y aurait moratorium et le commerce, les affaires seraient interrompues, ralenties, paralysées durant de longs mois. Mais avec un peu d'estomac et de confiance dans la prospérité générale de la nation,

351 les choses se tasseront peu à peu, et tout cataclysme grave séra évité.

Il y a certes des pertes individuelles très considérables en ce moment à New-York. Mais ces pertes étant espacées et réparties, le train général de la vie reste à peu près le même ; les restaurants, les laitiers, les marchands de denrées diminuent peu à peu leurs prix ; les tailleurs ont diminué et continuent à diminuer les leurs; on vend, on vend à n'importe quel prix les grains, la laine, le sucre, le coton, le charbon; on liquide les stocks. Mais finalement, comme les bénéfices ont été fantastiques durant ces dernières années, les pertes que l'on fait ne sont souvent qu'un manque à gagner ou ne viennent entamer qu'une partie des bénéfices capitalisés. Et je ne vois pas à New-York les signes d'un désespoir quelconque, quoique l'on marche un peu sur une corde raide et à quatre doigts des sombres précipices.

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en

servir

Europe. L'exemple de l'Amérique doit nous mouvements semblables vont se produire dans cette période de réajustement et de retour à des prix normaux. Un pays n'est pas malheureux parce que quelques spéculateurs et stockistes sont obligés de cracher une partie de l'argent qu'ils avaient enlevé à leurs concitoyens. Ce qui importe, c'est que les banques. fassent leur devoir et soutiennent les affaires sérieuses, même si celles-ci sont en face de difficultés considérables. Ce qui importe, c'est que tous les citoyens aient confiance dans l'avenir et dans les affaires de leur pays. Dans un moment aussi difficile que celui où nous vivons, c'est de la confiance commune que sont faites la solidité et la vie du pays. Nous avons eu cette confiance durant la guerre, pourquoi ne l'aurions-nous pas, ainsi que l'ont à l'heure actuelle les Américains, durant la période de réajustement qui est la suite naturelle de la guerre ?

LOUIS THOMAS.

Mémoires & Documents

Le million quotidien

Vous avez certainement vu sur les murs l'affiche d'une marque d'automobile avec cette légende «< Ils y viennent tous, à la X... » J'ignore si tous les amateurs d'auto ont justifié cette légende, mais je sais que l'on vient tout doucement à la loterie. On en parle volontiers comme d'une chose qui, en somme, n'est point irréalisable; des hommes politiques, M. André Lefèvre entre autres, l'envisagent même avec quelque complaisance. Pour ma part, un an après l'armistice, je la réclamais déjà. On a toujours joué, on jouera toujours, que ce soit pour gagner une carafe au tourniquet de la foire, cent sous ou simplement quelques consommations au café, mille francs aux petits chevaux d'un casino, ou dix mille à une roulette quelconque. On joue, on jouera toujours. Il est impossible d'empêcher cela, aussi impossible que d'empêcher l'amour... autre sorte de loterie.

Cela posé et, je crois, tout le monde étant d'accord

ce point, j'institue une loterie que je dénomme

« populaire ». Elle le sera vraiment parce que chaque numéro ne coûtant que vingt sous, tout le monde pourra y prendre part. Il serait même loisible à ceux pour qui cette somme serait encore trop élevée, de la diviser. Mais ces derniers seront peu nombreux, car, partageant le billet, il faudrait partager le lot et dame! pour le prix, on aimera autant garder pour soi la chance entière.

Combien estimez-vous qu'il y aurait de preneurs de billets? Je ne pense pas être au-dessous de la vérité en

affirmant que sur les quarante-trois millions d'individus qui, selon les bureaux compétents, habitent actuellement la France, ils seront bien quatorze millions. Car, bien entendu, nos hôtes étrangers n'en seraient pas exclus. En comptant une certaine quantité de billets à dix sous, en prélevant les frais et les remises, je pose en fait qu'il restera onze millions. Sur cette somme, je prends celui de la loterie qui s'en va, au gré de la chance, porter la joie dans un intérieur quelconque, peut-être déjà riche, mais aussi peut-être pauvre. Et je recommence le lendemain. Si vous pensez qu'un seul lot est insuffisant, partagez-le en deux lots de cinq cent mille francs chaque; mais n'allez pas plus loin, car il importe que l'attrait demeure considérable en regard de la somme dépensée. Vingt sous! Qu'est-ce que cela aujourd'hui? Quand on saura que chaque jour on risque d'attraper un million ou seulement la moitié, on prendra facilement et avec plaisir l'habitude d'acheter ainsi pour vingt sous d'émotion.

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Vous me ferez sans doute cette objection: Quand un acheteur aura pris pendant un mois un billet chaque jour sans rien gagner, il s'arrêtera. C'est possible; un autre le remplacera. Et encore, je crois que l'attente du résultat quotidien incitera à ne pas se priver de cette émotion légitime et peu coûteuse. Je l'admets cependant. Mais supposez aussi cela peut se produire que ce jour-là, la chance favorise un de ses voisins, son quartier ou son village, voilà notre homme plongé dans d'amères réflexions. Il songera que s'il avait continué, il eût peut-être été l'heureux gagnant. Il estimera que la somme n'est pas forte; il calculera qu'il dépense chaque jour facilement vingt sous qui sont complètement perdus... et il reprendra son billet.

Comment procéder? Les détails de l'organisation seraient trop longs à examiner ici, mais le principe admis, le fonctionnement serait facile à établir. Je crois seulement que le tirage ne pourrait avoir lieu que deux mois après l'émission des billets. Cela permettrait de faire rentrer ceux qui n'auraient pas été vendus et cela permettrait aussi de ne comprendre dans le tirage que les numéros vendus.

Résultat chaque jour l'Etat, en faisant un ou deux heureux, verra affluer dans ses caisses une bonne dizaine de millions. Chacun de nous, même en ne gagnant rien, ne sera ni plus riche ni plus pauvre et la France entière, ainsi unie une fois de plus, pourra envoyer dans les régions dévastées les sommes considérables que l'on ne sait où trouver immédiatement pour la reprise de leur vie économique et sociale. Je sais bien que l'Allemagne paiera, mais en attendant... Et puis l'un n'empêche pas l'autre et cela ne fera de tort à personne.

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Voulez-vous maintenant songer à ceci? A la fin de l'année car cette loterie, vous la continuerez autant que vous voudrez il y aura en France 365 millionnaires ou 730 demi-millionnaires. Que feront-ils de l'argent apporté par la chance? Les uns le placeront dans l'industrie ou le commerce qu'ils contribueront à développer; les autres le rendront, ou plutôt le confieront à l'Etat, en demandant en échange, des Bons de la Défense nationale ou toutes autres valeurs. De telle sorte qu'à de très rares exceptions près, l'Etat sera encore bénéficiaire d'une grande partie des sommes mises momentanément en circulation.

Abordons enfin une autre objection, la principale: « C'est immoral!» En quoi, je vous le demande? Est-ce parce que le billet ne coûtera que vingt sous au lieu de vingt francs ou plus?

A ce propos, je signale la proposition d'un député, tendant à l'organisation d'une loterie, mais dont les billets ne coûteraient pas moins de vingt-cinq francs.

Or, ainsi que je le lui ai écrit, pareille loterie est vouée par là même à l'insuccès. Car, en France, comme partout dans le vieux monde, le nombre de ceux qui peuvent distraire facilement vingt-cinq francs de leur budget quotidien est relativement restreint et tel qui a dépensé cette somme aujourd'hui ne sera peut-être pas disposé à recommencer deux ou trois jours de suite.

« Immorale, cette loterie! » Allons donc; pas d'hypocrisie! Ou alors je ne vois pas pourquoi on autorise, on vante même les valeurs à lots de toutes sortes, ni pourquoi ce qui est moral au delà des Pyrénées ne l'est plus en deçà. En vérité, je vous le dis, on y viendra, au million quotidien.

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L'Opinion Régionaliste

JEAN CARVALHO.

Le patronat et le régionalisme économique

Dans les premières chroniques parues ici sous ce titre général, nous avons fait connaître la naissance des associations du régionalisme économique à Lyon, Grenoble et dans nos centres régionaux. En trois ans, ces associations, dont certaines ont plusieurs milliers d'adhérents, sont parvenues à un état de développement assez grand pour qu'elles puissent tenter de faire le tableau de leurs organisations, la somme de leurs efforts et l'étendue de leur puissance. Cette opération a été conduite avec suc-cès à Lyon par la plus importante de nos associations nouvelles, l'Association industrielle, commerciale et agricole de Lyon et la région qu'a fondée Etienne Fougère.

Le congrès qui s'est tenu à Lyon à cet effet assemblait les représentants de nos grandes fédérations régionales; ces fédérations sont à caractère patronal, mais ont déjà fait appel aux représentants régionaux de l'intelligence et envisagent la collaboration avec les organisations ouvrières. Aux côtés d'industriels comme MM. Eugène Mathon (de Roubaix), Paul Chambaud (de Mulhouse), Kopp (de Rennes), Monsavoix (d'Elbeuf), Migot (de Blois), Abel Durand (de Nantes), Devaurs (de Caen), de Hollande (de Reims), Keller-Dorian (de Lyon), se trouvaient un maître de l'Université comme Raoul Blanchard (de Grenoble), des techniciens comme MM. Beauquis, Aymé Bernard, etc.

Toutes les associations ainsi représentées possèdent en commun un caractère important: la liberté. Nos unions régionales ne sont ni officielles, ni semi-officielles; elles ne font pas double emploi avec les Chambres de commerce et leurs unions, les Chambres syndicales et leurs. unions. Alors que ces dernières se meuvent dans le cadre fixé par la loi de 1884, les associations régionales sont à l'aise dans la loi de 1901. De même, alors que les Chambres de commerce sont élues au scrutin public et sont officielles, les associations régionales se recrutent individuellement, librement. De là leur force. Cette distinction qui demandait à être précisée, ce qui n'était pas très aisé, a été faite cependant avec délicatesse par MM. Fougère, président, et Aymé Bernard, directeur de l'A. F. C. A. Nous ne pouvons redire leurs communications, ni même, hélas! transcrire leurs conclusions adoptées à l'unanimité. Nous avons cependant la place de dégager l'essentiel de leurs communications agréées.

C'est de l'Alsace qu'est venu le premier modèle. La Société Industrielle de Mulhouse, il y a près de cent ans, a montré la voie ; il a fallu la guerre et le lent développement des idées régionalistes pour faire fleurir, dans chaque région française, les grandes associations du régionalisme économique. Cependant, dans la seconde moitié du XIXe siècle, le Nord et l'Est avaient vu naître et se développer rapidement de puissantes sociétés ré

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gionales; on leur doit les plus heureuses réalisations d'enseignement technique. Aujourd'hui, 20 sociétés industrielles régionales existent. Les principales sont l'Association industrielle, commerciale et agricole de Lyon et la région, que préside Etienne Fougère; l'Association des Producteurs des Alpes Françaises, que préside M. Aimé Bouchayer, à Grenoble ; le Comité Régional de l'Ouest, à Nantes; le Comité Régional de Bordeaux, le Comité Régional de Strasbourg, Union Economique Provençale, à Marseille; le Comité Régional de Caen: la Société Industrielle de l'Est, à Nancy; sur un plan voisin, il convient de citer l'importante Fédération Industrielle et Commerciale de Roubaix-Tourcoing, le Groupement Bourguignon, à Dijon ; l'Alliance Patronale de Blois, la Ligue de défense des intérêts économiques du Nord, à Boulogne; le Comité d'initiative française à Bourges, l'Association des Commerçants et Industriels à Nice, l'Association régionaliste du Béarn et pays basà Pau; les colonies, à leur tour, peuvent s'inspirer du régionalisme économique; à Alger, la Fédération Algérienne du Commerce et de l'Industrie a son centre et se réclame des idées communes aux associations plus haut nommées.

que

Le but du Congrès auquel les associations précédentes avaient envoyé des délégués était, après avoir constaté l'existence de ces forces, de les affermir et de leur faire dégager en commun leur champ d'action. Ainsi une unité de direction caractériserait désormais l'action régionale. Ce but a été à peu près entièrement atteint. C'est un résultat considérable. Le régionalisme avait tiré ses premiers succès de sa diversité; il était arrivé à une heure où sous peine de perdre une quantité considérable de son énergie, il devait s'unifier.

Voici les quatre points sur lesquels les associations se sont fixées.

A la base de toute œuvre doit se trouver une connaissance précise de la statistique. Chaque région devra donc recenser ses forces, voir comment elles sont exploitées et le parti que l'initiative régionale peut encore en tirer, et dans quelles possibilités. Le caractère dominant des régions dirigera ce travail; ici la houille blanche; là, le charbon; ailleurs, le ou les ports; ailleurs encore, la navigation fluviale; plus loin, l'organisation de l'agriculture. L'association régionale étudiera les auxiliaires de la production, problèmes de la force motrice, des transports, des communications intellectuelles ; elle étudiera en conséquence les questions administratives de voirie, tramways, distribution d'eau, gaz, électricité, dans le sens de la production.

Ce travail effectué, il faudra passer à l'étude des questions sociales. L'évolution des idées, la législation, touffue, imposent vulgarisation des institutions existances, réajustement de textes trop vite votés, préparation et guide des institutions sociales, assurances, coopérations, allocations, habitations ouvrières et à bon marché, participations ouvrières, etc... Sur l'ensemble de ces points, c'est avant tout la région qui doit donner son avis puisque c'est dans ce milieu que, par le jeu des mœurs, l'effet réel des lois et institutions viendra effectivement jouer. »> Et voici le terrain propre des questions économiques. Les producteurs sont les premiers intéressés aux lois de la vie financière des entreprises, aux questions fiscales. L'association régionale devra étudier et soutenir les revendications professionnelles locales et régionales. Son action sera d'incessante intervention. Constatons en passant qu'il y aura pour défendre ces intérêts économiques, dans les provinces, une liberté plus grande que dans les associations centralisées qui, voisines du pouvoir, sont moins libres vis-à-vis de lui.

Enfin, comme il convient, les associations régionales suivront de près l'expansion nationale et travailleront de leurs forces concertées à son rayonnement. Leur ac

353

tivité sera de vigilance quant aux lois, aux accords commerciaux, à l'exportation et l'importation, l'organisation bancaire, les transports, les rapports internationaux, les brevets, les débouchés, etc...

Dans ce sens, les associations régionales doivent se mettre en rapport avec toutes les formes de la vie politique de la région. Tout autant avec la vie publique. Cette volonté, les principales l'ont montrée en associant à leurs travaux, les représentants les plus distingués de l'intelligence dans la région; plusieurs de nos associations ont en effet fait appel, en qualité de rapporteurs, à des membres de l'enseignement supérieur, spécialisés. Les rapports du patronat et de l'Université se sont, sieurs enseignements spécialisés sont subventionnés par d'autre part, développés autour des universités dont plule patronat régional; enfin, les Universités, reformées par M. Honnorat, ont appelé dans leurs conseils, les dirigeants de l'activité économique régionale. A Montpellier, par exemple, le Dr Ferroul, président de la Confédération des vignerons. A Aix, le président de l'Union des chambres de commerce de la région.

Les associations régionales recommandant l'entente, partout où elle sera possible, avec les associations ouvrières. Il est certain que la région économique ne saurait exister par le seul accord du patronat et de l'intelligence; l'élément ouvrier doit avoir sa place. Il n'est de meilleur cadre pour cette entente que le cadre régional. Le cadre local est trop restreint ; les luttes politiques et antisociales qui désolent les municipes rendent l'accord difficile entre patrons et ouvriers; le cadre national centralisé est trop vaste; il permit de faire naître des tentations chez les chefs des états-majors ouvriers, trop éloignés de leurs troupes; par contre, le cadre régional est bon; il est à la fois à l'abri des luttes locales et des dangers centralisés; aussi naturel que les autres, il est plus pratique. Ces ententes régionales serviront la venue du régionalisme officiel qui trouvera ainsi un terrain aménagé.

Dans ce sens, il convient de marquer quelle adhésion tacite cette assemblée des régions a donné au plus récent projet de réforme administrative. (Nous ne parlons pas du projet Reibel.)

Dans un important rapport sur les associations régionales et le régionalisme officiel, M. Edmond Weitz, président de la Chambre syndicale de la métallurgie et vice-président de l'A. T. I. A. organisatrice, a demandé que la réforme administrative commençât par le commencement, c'est-à-dire par l'extension de la capacité communale,« par exemple, pour permettre à la Ville de Lyon d'installer un urinoir au coin d'une rue sans demander la permission à Paris, ou au département du Rhône, de construire un pont de 22 mètres de large sans se heurter au veto du Conseil national des ponts et chaussées qui trouve que 20 mètres est une cote suffisante >>.

Ce commencement de liberté, dit M. Weitz, permettra de concevoir un rouage supérieur, effectivement vi

vant. >>

C'est dans ce sens que devra être accueillie la réforme des tribunaux administratifs que la Chambre vient de décider de faire passer dans le projet prochain de réforme administrative.

Après ces premières réformes pourront venir les grands travaux. Mais, comme le conseille le sage, il convient de commencer cette grande œuvre par la base. On voit de quelle prudence ont fait preuve les représentants du régionalisme patronal français. Le jour où ils s'uniront plus étroitement aux représentants de l'intelligence et de la masse ouvrière, ils nous auront donné une vraie représentation régionale qu'il n'y aura plus qu'à sanctionner. MARCEL PROVENCE.

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POLITIQUE

Feuillets de la

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Sur cette discussion sur les blés, s'est greffée par un raffinement, une discussion sur la liquidation des stocks. Le prétexte de cette confusion fut que M. André Paisant est chargé à la fois du ravitaillement et de la liquidation des stocks, a double tâche également difficile », dit-il lui-même. M. Paisant a fait en quelque sorte ses débuts ministériels dans cette affaire. Il y est apparu, avec ses qualités légères et charmantes, non exempt d'une certaine nervosité. La nervosité est la tare de M. Paisant. Au Parlement, il ne faut pas être nerveux. L'homme nerveux est tôt ou tard, un soir, à la merci de ses ennemis, et M. Paisant a des ennemis, parce qu'il est chargé du ravitaillement, parce qu'il est chargé de la liquidation des stocks, et parce qu'il est M. Paisant.

X

Puisque nous parlons de M. André Paisant, ajoutons que le suffrage universel va lui donner dans l'Oise, de nouveaux collègues. Une élection partielle aura lieu incessamment dans ce département. Entre le parti libéral et modéré que représente M. FournierSarlovèze, et l'autre,' sur la liste duquel a été élu M. Paisant, la lutte sera dure, et M. André Paisant a cette malechance dans cette affaire que, si le bloc national est mécontent du résultat, c'est encore à lui qu'on s'en prendra.

Dans les Basses-Pyrénées, il va y avoir aussi une élection partielle. Mais, là, aucune erreur de tactique n'est à craindre, aucune maladresse à redouter. Les trois députés auxquels il s'agit de donner un collègue, sont MM.

Semaine

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Nous sommes, en parlant des députés des Basses-Pyrénées, dans une atmosphère de finesse et de bonne compagnie, précieuse pour le prestige du Parlement. D'autres, pensent que ce genre de prestige n'est pas exclusivement précieux et qu'il convient de ne pas négliger l'élément pittoresque, fort goûté par certains habitués parlementaires. De ce nombre est M. Lagrosillière qui s'est livré à des voies de fait un peu brutales sur le sénateur de sa circonscription, M. Lémery.

Certains amateurs ne détestent pas ces sports violents. Il convient de ne pas les mécontenter et leur réserver de temps à autre ce régal. Il arrive de temps en temps qu'un homme irrité se jette dans la salle des Pas-Perdus ou dans des lieux avoisinants, sur un adversaire, et lui exprime un peu vivement ses sentiments, à la grande joie de la galerie.

jours ses qualités de spontanéité et de Ceci montre que la race possède touvigueur, il arrive même, comme disait l'autre, que l'homme soit une femme; les anecdotiers parlementaires n'ont pas perdu le souvenir d'aventures piquantes dont certains députés furent les héros qui furent battus, et non pas avec une fleur.

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Cela ne s'est pas passé depuis longtemps. Il serait fâcheux pour des amateurs éclairés que la tradition s'en perdît.

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M. Léon Bérard prépare un décret réorganisant les palmes académiques. M. Lefebvre du Prey préside avec un patriotisme éclairé et soucieux des intérêts agricoles, à la répartition du poiru reau. D'autres ministres prodiguent le ruban rouge.

L'un de ceux qui se lamentent de cette prodigalité, raconte combien il eut de peine naguère à obtenir cette distinction. M. Barthou, dit-il, avec qui j'étais très lié, m'avait promis d'intervenir auprès du Président du Conseil qui était alors M. Briand. Il intervenait mais sans succès, et, finalement, le ministère tomba. Quelque temps après j'eus j'eus l'occasion de rencontrer M. Briand et je me plaignis tristement à lui qu'il ne m'eût pas décoré au cours de son ministère. Il me consola gentiment et, comme M. Barthou était devenu à son tour Président du Conseil : « Je vais, me dit-il, intervenir chaleureusement auprès de Barthou ».

« Ce ne furent d'ailleurs, ni M. Barthou, ni M. Briand qui commirent cet acte de justice de me décorer. >>

Ainsi parlait cet aigri, et son aventure était d'ailleurs si peu vraisemblable, que nous n'avons pas craint d'en changer les noms, pour la rendre plus invraisemblable encore.

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manches et le repos champêtre et salutaire des vacances. C'est à son énergie, et à son énergie seule que nous devons les villégiatures de ces vacances de Pâques.

Le Sénat, méchamment, avait imaginé d'examiner le budget pendant tout le mois d'avril, M. Doumer s'est fâché et a déclaré tout net qu'il poserait la question de confiance contre le vote d'un quatrième douzième.

Connaissant le patriotisme financier. de M. Doumer, nous savons qu'il considérait en effet ce quatrième douzième comme, redoutable, mais il nous plaît de penser qu'il a voulu aussi que ses collègues fatigués et nerveux pussent goûter pendant quelques semaines le charme reposant des rivières, et la douceur printanière des bois.

Nous lui devons cela. Mais nous en souviendrons-nous ?

LETTRES

A propos de "Dominique" La Revue de Paris réorganisée M.. Henry Bidou fait maintenant la critique des livres avec son goût et sa pénétration ordinaires s'étant séparée de M. Fernand Vandérem, celui-ci a été recueilli par la Revue de France.

Son premier article débute par une sorte d'examen de conscience où M. Vandérem ne trouve que des raisons d'être content. On y voit d'abord que c'est grâce à lui que les a jeunes » ont obtenu a la faveur de l'élite » (dont M. Vandérem est le chef) et l'accès de recucils dont auparavant ils n'eussent jamais osé aborder le seuil (la Revue des Deux Mondes, peut-être ?)

Heureux jeunes »! Sans M. Vandirem, Rempart des jeunes, ni Koenigsmarck, ni Civilisation, ni les Croix de bois n'auraient peut-être eu aucun succès. Aussi bien, M. Vandérem nous ap prend que la critique professionnelle n'a jamais compté que deux écrivains de talent (avant Fernand Vandérem qui l'a rénovée): Sainte-Beuve de 1830 à 1838 (car plus tard Sainte-Beuve n'a écrit que Port-Royal et les quatre cinquièmes. des Lundis) et Jules Lemaître.

cet

Ayant ainsi parlé, le Rempart des Jeunes s'occupe de justifier cette opinion favorable qu'il a de ses talents et pour cela il procède à un éreintement de Dominique. L'étude qu'il fait de ouvrage est vraiment intéressante, car elle fait clairement comprendre que le roman de Fromentin est, comme il dit, « le livre-type des délicats ». Oh! il n'y a qu'à lire le petit article de M. Vandérem (qui ne peut souffrir Dominique) pour en être sûr ! Voyez plutôt.

Le critique examine d'abord, en dix lignes, les personnages secondaires qui lui semblent inconsistants. Mais, à vrai dire, il semble n'en avoir gardé qu'un souvenir vague, si vague que cela retire du poids à cette sommaire appréciation. Leurs noms mêmes, en effet, il ne se les rappele pas au juste. « Il y a un précepteur du nom d'Antonin....

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Mme de Nièvres, d'abord. Son caractere est inconcevable, paraît-il. En effet, elle est ensemble chaste et « coquette (car il parait qu'elle est coquette); elle a aime l'amour et « en le fuyant, le recherche ». A-t-on jamais vu une femme ainsi faite ? Je vous le demande !

Quant à Dominique... il est trop jeune telle est l'objection majeure de M. Vandérem. Mais il y en a une autre, que voici Il y a chez Dominique un problème qui me trouble et qui m'indispose; c'est la question de son tempérament. En cinq ans, de dix-huit à vingttrois ans, un unique égarement de deux mois! A qui ira-t-on faire croire que des choses pareilles sont possibles ? Non pas à un homme avisé comme M. Vandérem, en tout cas !

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L'Académie française vient de prendre une petite décision qui a passé presque inaperçue. Cette décision paraissait, en effet, insignifiante. Elle est, au contraire, très importante par la tendance nouvelle dont elle est l'indice.

Voici la chose on offrait à l'Académie un don de 5.000 francs dont les revenus devaient être employés à récompenser les plus beaux actes de dévouement accomplis par des jeunes gens âgés de moins de quatorze ans.

Les revenus de 5.000 francs à 5 0/0, c'est 250 francs. Voit-on l'Académie, MM. Raymond Poincaré, de Freycinet, Ribot, Barthou, Jules Cambon, Anatole France, Pierre Loti, Paul Bourget, Donnay, de Régnier, Boylesve, les maréchaux Joffre et Foch, etc., enquêtant auprès de toutes les communes de France, soupesant les mérites des petits héros du dévouement, la valeur de leurs actes, les raisons d'accorder à tel candidat plutôt qu'à tel autre ce prix de 250 francs ?

L'Académie a refusé le don, et elle a bien fait. Elle paraît décidée à entrer par là dans une nouvelle voie, qui la ramènerait à ses traditions et à son but.

Trois grandes sociétés pourraient lui venir en aide pour la répartition de cet afflux de très humbles libéralités : la Société des Gens de Lettres et la Société des Auteurs dramatiques pour les prix littéraires; la Société d'Encouragement au bien pour les prix de

vertu.

C'est dans ces trois sociétés, dont les membres sont nombreux, qu'on pourrait constituer des commissions de prix qui répareraient les attributions. Ces at

tributions seraient soumises ensuite à l'approbation de l'Académie, et celleçi, en quelques séances, statuerait, au lieu de perdre le meilleur du temps de ses Quarante, à compulser de quarante à cinquante mille dossiers de candidats aux prix de vertu, ou à lire chaque année des bibliothèques de livres fastidieux.

L'Académie aurait ainsi le loisir d'accomplir son œuvre propre, au besoin de distinguer et de récompenser directement tel ouvrage de haute valeur que son auteur aurait oublié de lui recommander ou de lui faire recommander, et enfin de s'intéresser, sans distraction, à des institutions aussi utiles à la langue et à la littérature françaises que celle qui vient de naître à Bruxelles.

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A la minorité de faveur, Francis Jammes (1 (Ire manière) est dans le groupe des plus grands.

Les grands (pour 1922), 2.900 voix environ Paul Claudel, Fagus, Charles Maurras, Saint-Pol Roux, Charles Vildrac, André Spire, Raoul Ponchon.

Poètes de l'avenir, 2.500 voix envi ron Charles Cousin, Jean de Cours, Henry Charpentier, Fernand Divoire, Luc Durtain, Louis de Gonzague. Frick, Ernest Tisserand.

Parmi les noms rigoureusement omis: A. Dorchain, Miguel Zamacoïs, Jean Aicard.

mum de lignes comme base de calcul, par exemple 300 lignes ». Autrement dit, tout conte reproduit, quelle que soit sa longueur, serait payé pour 300 lignes au moins. Souhaitons que le succès couronne ces nouveaux efforts. Tout ce qui peut améliorer, même légèrement, la lamentable situation de ceux qui vivent de leur plume, doit être encouragé et nous serons toujours les premiers, ici, à applaudir à de telles initiatives.

Jusqu'ici, les membres de l'Institut pouvaient seuls être admis comme sociétaires sans être l'objet d'un rapport; le comité a proposé que cette décision soit également applicable désormais aux membres des académies étrangères de langue française, sous réserve de l'approbation du comité. Cette modification aux statuts vise très aimablement les membres de l'Académie belge.

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L'intéressante revue l'Alsace française, organise une vaste consultation. de la jeunesse alsacienne » pour laquelle elle fait appel aux étudiants, aux élèves de l'enseignement supérieur, à la jeunesse écclésiastique, aux jeunes fonctionnaires, aux adolescents des campagnes. Tous ceux qui sont à même de fournir une indication, à l'heure où chacun recherche le meilleur avenir de l'Alsace, diront quelles sont leurs es

sens de leur rôle. « Ce regard jeté sur les perspectives prochaines de notre pays, nous conduira, dit l'Alsace française, à des conclusions dont nous dirons les lumières et les ombres. »

Nous suivons nous-mêmes, ici, avec intérêt, cette précieuse et ingénieuse enquête.

Chez les Gens de Lettres Dimanche dernier, la Société des Gens de Lettres, au cours de son assemblée gépérances et comment ils comprennent le nérale annuelle, après avoir élu 9 membres de son comité (MM. J. des Gachons, Eugène Le Mouel, Sébastien-Charles Leconte, Ch. de Rouvre, Fortunat Strowski, Paul Brulat, Gaston Rageot, Adolphe Boschot et Mme Jeanne Landre) a nommé une commission qui va étudier le moyen d'améliorer les droits de reproduction en ce qui concerne les contes et les poèmes. On sait qu'actuellement les contes, même signés de noms célèbres, rapportent à leurs auteurs, en reproduction, des sommes absolument dérisoires : quelques francs, parfois même moins Notre confrère, José Germain, qui a défendu lu-même son projet à la Société des Gens de Lettres et obtenu la nomination de cette Commission, propose aux journaux repro ducteurs d'adopter un nombre mini

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Jadis, Jean de Tinan pour montrer combien il estimait les vers de son ami, disait : toujours. Ce sont des mots et des mots « Ah! je les connais d'avance qui ronronnent d'après un modèle qui pourrait être celui-ci :

Mon cœur est un ruisseau qui ne bat que [d'une aile.

Il ne lui en a pas voulu, le poète, de

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