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Le Théâtre.

« Le Bourgmestre de Stilmonde » CLAUDE ISAMBERT 180

Du nouveau sur Shakespeare

'A PROPOS DES « JOYEUSES COMMÈRES DE WINDSOR » (1)

II

Consultons donc hardiment les belles archives de la Chambre étoilée. C'est, de toute évidence, le meilleur procédé à employer, celui que suggère la réflexion la plus simple. Ces archives sont, en effet, conservées, au grand complet, au Public Record's Office de Londres. Cherchons à travers leurs documents de procédure, dans les environs de l'année 1602. Si nous y rencontrons un procès comportant les quatre éléments précis qui ont été dégagés plus haut du texte même des Joyeuses Commères de Windsor, quels éclaircissements précieux n'en obtiendrons-nous pas pour la juste compréhension de cette scène célèbre ? Et si, par surcroît, le procès retrouvé s'applique au grand seigneur de l'époque élisabéthaine auquel nous attribuons la composition du théâtre shakespearien, quelle lumière saisissante n'aurons-nous pas le droit d'en tirer pour la justification de notre thèse ? Or, justement, il ne saurait subsister le moindre doute : le procès des Joyeuses Commères existe parfaitement. Il a été engagé, dans les premiers mois de l'année 1602, par Stephen Proctor, « esquire », possesseur du domaine de Fountains Abbey, en Yorkshire, personnage qui conservait la réputation d'avoir été un juge de paix fort remuant, contre lord Derby et ses officiers. Ce curieux procès, dont les pièces se retrouvent à la fois

(1) Voir l'Opinion du 5 février 1921.

Les faits de la semaine
Questions financières.

La Bourse: J. DESPRÉAUX

dans les archives de la Star Chamber, devant laquelle il se déroula, et dans les collections politiques de la famille des Salisbury, au château de Hatfield, porte sur un riot nettement qualifié, qui aurait été commis, vers le commencement de l'année 1602, au plus tard, par les officiers du 6 comte contre les gens de Proctor, sur un territoire dont la propriété était contestée entre ce dernier, propriétaire de Fountains Abbey, et Derby, possesseur du domaine voisin de Kirkby Malazert. Če riot comporte, entre autres motifs d'accusation, des coups et blessures infligés aux gens et gardes de Proctor, une violation de clôtures et une destruction de maisons ou pavillons (lodges), et aussi une contestation de juridiction au sujet d'un prétendu délit relatif à un daim tué. Les particularités de l'instance dont Shallow menace Falstaff se retrouvent clairement énoncées dans les actes de la procédure.

On sait le rôle considérable joué par la Chambre étoilée pendant le règne des Tudors. Cette juridiction a constitué pour ces princes un instrument de domination d'une efficacité extraordinaire, surtout en ce qui touche la noblesse anglaise, qui manifesta toujours une grande appréhension de ses poursuites, en particulier pendant l'époque d'Elisabeth. La Star Chamber connaissait, au premier chef, des séditions ou riots (1). De là l'évocation toute naturelle du procès Proctor-Derby devant ce haut tribunal.

Entre le comte et l'ancien juge de paix de Fountains. Abbey, les rapports devaient être tendus depuis quelque temps déjà. Outre le conflit de propriété qui les

(1) On définit le riot comme un « tumultuous disturbance of the peace ».

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divisait, le squire s'était permis, à l'égard de son noble voisin, des propos qualifiés de calomnieux. Il l'avait taxé de fou, l'accusant d'avoir dépensé la plus grande partie de son patrimoine et de ruiner sa famille. Une enquête fut ordonnée, des témoins entendus, mais Proctor nia avec obstination.

Quoi qu'il en soit, le représentant du comte, John Malory, annonce, le 20 mai 1602, dans une lettre adressée à sir Robert Cecil, que Stephen Proctor, qui, comme juge de paix, n'avait été précédemment qu'un élément de trouble et de division par ses intrigues continuelles, venait de renforcer avec succès l'action qu'il avait intentée devant la Chambre étoilée contre lord Derby et ses officiers. Tout le clan du comte se montre fort ému de ces poursuites. « Hier, dans la Star Chamber, les affaires de Proctor se trouvaient si hautement avancées, que ses partisans ont cru pouvoir assurer qu'il l'emportait sur tous les autres en influence, ce qui l'enfle d'un tel orgueil qu'il en oublie ce qu'il a été. »> Les choses se précipitent. Proctor adresse, le 6 juin 1602, à sir William Cecil, un exposé sommaire de la cause qui est pendante entre les officiers de lord Derby, sir William Malory et autres, et lui-même. Il demande justice avec une âpre énergie, confiant en l'équité de la Chambre étoilée. Les faits sont graves on a violé sa propriété; ses officiers; assaillis, ont été Fobjet de voies de fait, certains de ses meubles pris, ses mines de charbon détruites en une nuit, plusieurs de ses maisons démolies. Injures et offenses lui ont été prodiguées à travers tout le pays. Il raconte avec précision les faits de cette agression et expose ensuite les origines de la contestation domaniale qui l'a amenée. Il n'est pas à propos de reproduire ici ces détails d'ordre historique, curieux par ailleurs. Retenons seulement ce fait que, dans le territoire litigieux, se rencontrait une partie boisée qu'on appelait à tort, semble-t-il la forêt de Netherdale. Les adversaires de Proctor revendiquaient tous les droits de justice sur cette forêt, et si l'on y tuait, par exemple, un daim ou un « woodcock »>, 'ils prétendaient juger ce délit. Une contestation de droit de chasse et de juridiction forestière se greffait donc sur les précédents griefs: elle se trouve exposée, du reste, un peu plus loin, au cours de la même pièce qui vient de nous fournir les circonstances de la sédition. Tout cela se tient, si j'ose dire.

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L'affaire se développe dans toute son ampleur devant le tribunal. Quelques mois plus tard, en octobre 160z, Proctor adresse à la Chambre étoilée un immense bill, d'environ 2 mètres de haut sur o m. 66 c. de large, qui constitue, au moins en ce qui concerne le demandeur, le document capital du procès: Grâce à l'obligeante entremise de miss Ethel Stokes, nous avons pu en obtenir, au record Office, une reproduction complète qui nous a permis de l'étudier, bien qu'éloigné de Londres. W. Malory fait une allusion significative à ce vaste factum, dans une lettre adressée à sir Robert Cecil, le 23 octobre. Il se plaint amèrement des accusations formulées par Proctor, qui le représente comme ayant trafiqué et agi par corruption dans les affaires d'appels et de recrutements de soldats (c'est l'illustration parfaite de la scène 2 de l'acte III du premier Henri IV, qui se passe devant la maison du juge de paix Shallow et dans laquelle celui-ci joue le rôle qu'on sait). Pour en revenir au bill, où Proctor évoque avec complaisance son ancien rôle comme juge de paix, nous rencontrons, dans cette pièce, toute une série d'expressions qui ne laissent pas de doute sur l'identité qu'offrent les griefs de Shallow avec ceux de Proctor. A chaque instant, nous lisons des expressions telles que rioters, riotously, riotous, riotees, etc. D'autre part, beaten my men, wounded my men, broke down houses, lodges, etc., c'est-à-dire les mêmes expressions, ou peu

s'en faut, que nous trouvons dans la première scène des Joyeuses Commères, apparaissent en plusieurs endrorts du bill, comme aussi dans les autres documents de la procédure. De même il s'y trouve encore la mention. of killing a deer dont nous avons parlé et qui soulève un conflit de juridiction. La blessure à la tête que le pauvre Slender, neveu, de Shallow, avait reçue de la main même de Falstaff, correspond bien à celle qui a atteint tel familier et compagnon de Proctor.

Enfin, il est question, dans les actes de la procédure, d'un arbitrage qui a été proposé, exactement comme dans les Joyeuses Commères. Les adversaires de Proctor ne contestent pas la sédition, toujours comme dans la pièce. Ajoutons enfin que l'ancien uge de paix, tout en demandant des poursuites cont.. les officiers de Derby, reconnaît, avec prudence, que ce dernier a pu ne pas approuver leurs méfaits et se laisser tromper par eux.

Mais ce n'est pas tout. En cette même année 1602, lord Derby, par une rencontre singulière, eut plusieurs

ennuis de chasse. Cheminant dans les environs de Richmond entre Londres et Windsor le comte rencontra William Duck, garde-chasse de la reine, qui remplissait son office de surveillance. Le garde crut bon d'adresser quelques remarques au comte au sujet des vols de chasse faits par certains preneurs de perdrix qui suivaient la cour, touchant aussi son chien d'arrêt et sa propre personne. Derby entra dans une grande colère, au dire du garde, qui prétend même que le noble sitôt à sir Robert Cecil de mettre ordre à cette affaire. lord l'aurait menacé de sa rapière. Duck demanda ausQu'advint-il de sa requête ? On ne le sait. Du reste, les faits ne nous sont connus que par la plainte du garde. Derby dut assurément concevoir une assez vive irritation de cette aventure et de la plainte qui la suivit.

Vers le même temps encore, un autre conflit relatif au gros gibier se déroula entre le comte et sa bellesœur, veuve de son frère Ferdinando, cinquième comte Celle-ci lui reprochait d'avoir fait enlever tous les red deer d'un parc, compris sans doute dans le grand procès qui les divisa si longtemps, pour les faire passer dans son propre parc, à l'exception d'un seul qui ne put être

saisi.

Ces deux faits sont intéressants à évoquer En effet, ils laissent deviner, d'accord, si j'ose dire, avec la grande instance dont on vient de parler, les préoccupations particulières de Derby au moment de la mise au jour des Joyeuses Commères. Stanley en veut notoirement à un garde de la chasse royale: est-ce done, par hasard, que l'auteur de la comédie shakespearienne a expliqué la légende de Herne le chasseur (acte IV, SC. 4, 1. 29), en mettant en cause un garde de la chasse royale de Windsor?« Une vieille tradition raconte que Herne le chasseur, garde de la forêt de Windsor au temps jadis, revient, durant l'hiver, dans le calme de minuit, rôder autour d'un chêne, avec de grandes comes au front; et alors il flétrit les arbres, il ensorcèle le bétail, il fait donner du sang aux vaches laitières, et secoue une chaîne de la manière la plus sinistre et la plus effroyable. » Il faut noter que le poète est l'unique autorité qu'on puisse citer à propos de ce revenant. Aucune autre allusion n'a été rencontrée, en effet, avant l'allusion des Joyeuses Commères, qui est justifiée, comme on vient de l'indiquer, dans le seul texte de 1623 On devine qu'une satire personnelle de ce genre ne pouvait qu'obtenir un vif succès devant le public de la Cour, où les gardes-chasses devaient avoir des ennemis

nombreux.

Autre coïncidence non moins étrange: dans la même

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soène (texte de 1602), quand Falstaff, au moment où an bruit de chasse se fait entendre, arrache sa tête de cerf et se redresse, il fait la singulière allusion que voici : « Quelle est cette chasse à cette heure de la nuit ? Je gage sur ma vie que ce fou de prince de Galles est en train de voler les daims de son père. » Or, les daims que W. Stanley avait fait enlever chez sa belle-sœur du moins d'après les prétentions de celle-ci étaient étaient aussi, en réalité, ceux de son père, puisque le cinquième comte, son frère, n'avait possédé les domaines familiaux que pendant quelques mois à peine, après la mort de leur père, arrivée à la fin de 1593. Notons que la première scène, dans le même texte de 1602, parle également d'un daim enlevé (stolne).

Il reste encore à produire le plus surprenant peut-être de tous les indices et témoignages qu'il nous a été donné de recueillir. Dans le texte de 1602 se lisent, au cours de la scène finale du parc de Windsor, les vers suivants (éd. H. C. Hart, p. XIX):

SIR HUGH EVANS.

Where is Pead? go you and see where Brokers sleep, And fox-eyed seriants with their masse,

Go laie the Proctors in the street

And pinch the lowsie seriants face :

Spare none of these when they are a-bed,
But such whose nose lookes blew and red.

Où est Pead? Allez voir où dorment les courtiers et les sergents aux yeux de renard avec leur masse. Allez coucher les Procureurs (Proctors) dans la rue et pincez au visage les sergents pouilleux n'épargnez aucun de ceux que vous trouverez lit et ne lâchez que ceux dont le nez sera piqué et rouge. »

Dans le texte de 1623, ce couplet si topique est remplacé par celui-ci, beaucoup plus anodin et même banal :

Où est Pead?... Allez, vous, et quand vous trouverez une fille qui, avant de s'endormir, ait dit trois fois ses prières, refrénez les organes de son imagination afin qu'elle dorme du sommeil profond de l'insouciante enfance. Mais celles qui s'endorment sans songer à leurs péchés, pincez-les aux bras, aux jambes, au dos, aux épaules, aux côtés, aux mollets.

Personne, que je sache, n'a jamais pu expliquer l'allusion faite ainsi aux Proctors, à la fin des Joyeuses Commères. Il est évident que le rôle du procureur, tel qu'il existe dans la vie juridique anglaise, se saurait prêter en aucune manière à la satire ni à l'ironie. Il n'est, à cet égard, nullement susceptible d'être assimilé à l'huissier, au sergent ou agent de police. Il suffit d'examiner attentivement l'article proctor dans l'admirable Dictionnaire anglais d'Oxford, publié par Murray, pour s'en rendre compte. Nulle plaisanterie n'a jamais atteint en littérature oet intermédiaire civil choisi librement par un plaideur. Il n'y aurait aucun sel à le tourner en ridicule. Quant à une raillerie possible, dirigée contre les proctors ou censeurs des mœurs de l'Université de Cambridge (acception toute spéciale du mot), on ne saurait s'y arrêter sérieusement. D'abord, l'allure même du passage exclut cette interprétation; d'autre part, nous sommes à Windsor. Aucun souvenir universitaire ne se mêle à toute cette histoire. Faut-il faire rémarquer, en outre, que si une allusion de cet ordre offrait quelque vraisemblance, sa présence s'expliquerait beaucoup mieux avec un William Stanley, ancien élève d'Université, qu'avec un William Shakespeare, à qui, seul entre tous les grands écrivains anglais, toute culture universitaire était restée étrangère? Mais tel n'est pas le cas.

Il y a donc ici une allusion intentionnelle et claire au nom de l'adversaire de Derby et de ses officiers, Comme à vingt ans de distance, elle n'offrait plus un sens facile

à saisir, l'édition de 1623 la supprima pour la remplacer par la plus innocente des satires. Ajoutons encore un rapprochement qui n'est peut-être pas négligeable : dans le vers qui suit l'évocation des Proctors figure l'épithète lowsie, pouilleux, qui s'accorde exactement avec le jeu le mots qui figure au début des Joyeuses Commères sur luces et louses (ou losses). Faut-il y voir quelque allusion aux armoiries de Proctor? Ce ne serart nullement impossible. L'adversaire de Derby, «<esquire, qui fut promu chevalier en 1604, avait sûrement un blason, mais les recherches faites, sur ma demande, par le College of Arms de Londres n'ont pu aboutir jusqu'à présent. Nous ne suivrons pas plus loin l'histoire du procès en 1609, les deux parties étaient encore aux prises pour d'autres motifs. Il est certain, par toutes les pièces conservées, que le noble lord connut, de ce chef, en. 1602, de grandes préoccupations qui ont trouvé leur écho dans la première scène des Joyeuses Commères.

une

Il y aurait un vif intérêt à insister ici sur les éléments si nombreux que nous fournit le théâtre shakespearien en ce qui touche la chasse, évoquée sous ses aspects les plus variés. Chez aucun poète ne se rencontre pareille connaissance des choses cynégétiques. Entre Shakespeare et Ben Jonson, par exemple, son contemporain, le contraste est on ne peut plus frappant. Et cependant, c'est la proportion contraire que suggérerait la logique. On compte par centaines les allusions faites par le poète d'Hamlet au daim et à tout ce qui concerne ce gros gibier. Il serait aisé d'écrire un petit volume sur la seule fauconnerie dans Shakespeare: son théâtre entier en est, si je puis dire, imprégné. Or, nous voyons, dans l'unique cahier de comptes trop court qui nous a été conservé de la maison des Derby, pour les environs de 1590, que William Stanley était un fervent adepte de ce sport, et qu'il le pratiquait, presque seul de sa famille, avec une rare continuité. Quelle lumière un pareil fait projette sur tant d'images conçues par un véritable sportsman !

Il y a deux ans, nous avions proposé, au tome Ior de tion des cérémonies de l'ordre de la Jarretière, faite à la Sous le Masque (p. 320 et suiv.), de voir, dans l'évocafin des Joyeuses Commères, une manière de remerciement de lord Derby, admis dans cet ordre en 1601. Après toutes les concordances que nous venons de fournir, une telle suggestion prend une force nouvelle. N'oublions pas, d'autre part, que ce personnage avait eu un précepteur gallois, Richard Lloyd, auteur d'une pièce sur les Neuf Preux, celui-là même qu'il a sûrement mis en cause, dans Peines d'Amour perdues, sous les traits de Schoolmaster Holofernes, auteur et metteur en scène du spectacle des Neuf Preux. Est-ce donc encore un pur hasard qui nous fait entendre une leçon du curé gallois Hugh Evans dans les Joyeuses Commères (IV, 1) et qui nous rappelle, en outre, presque à chaque scène de la pièce, son mémorable accent de parfait Welshman? On ne saurait le croire.

S'il en est ainsi, le commentaire des Joyeuses Commères doit être renouvelé d'un bout à l'autre, aussi bien que celui du Songe d'une nuit d'été. Dans chacune de ces comédies, William Stanley a exprimé ses sentiments personnels toutes deux nous traduisent ses propres souvenirs, aimables ou satiriques, ses tendres passions. comme ses rancunes. Notre conclusion est donc celle-ci: personne, assurément, ne peut méconnaître le sens manifeste de la première scène des Joyeuses Commères; personne, d'autre part, ne peut y apercevoir avec, la moindre vraisemblance l'histoire de l'acteur William Shakespeare; personne, enfin, ne peut désormais se refuser à y reconnaître un épisode certain de la vie du sixième comte de Derby.

ABEL LEFRANC.

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L

CE QU'ON DIT

A Chambre a discuté fort longuement les résultats de la Conférence de Paris. Discussion purement théorique, puisqu'elle ne pouvait aboutir à autre chose qu'à un vote de confiance. Il ne saurait nullement être question de revenir sur les décisions prises. Le gouvernement, du reste, s'est lui-même trouvé devant une situation de fait. M. Loucheur a justement fait observer aux différents orateurs qui lui reprochaient de ne pas s'en être tenu au traité de Versailles, que celuici avait été, à différentes reprises, modifié par les gouvernements qui se sont succédé depuis la signature de la paix, et que, du reste, le traité prévoyait certaines modifications. Il semble bien difficile de penser qu'un autre gouvernement aurait pu avoir une attitude différente lors de la Conférence de Paris.

Il a obtenu, en tous cas, un résultat important: c'est de faire rétablir entre la France et l'Angleterre des relations plus cordiales, alors que pendant les mois qui précédaient, on avait pu avoir l'impression que les deux gouvernements n'étaient point d'accord.

Ce résultat avait une importance considérable, non seulement pour la politique extérieure de la France, mais au point de vue de l'opinion publique. On sentait parfaitement bien depuis un certain temps que les Français se détachaient de l'Angleterre. Ceux qui avaient vu les Anglais se battre à leur côté durant toute la guerre, ne pouvaient concevoir que ces alliés, qu'ils avaient pendant quatre ans appris à estimer et à aimer, ne nous secondassent plus avec la même générosité pendant la paix.

Le discours de M. Lloyd George montre que ce n'est pas du côté de l'Angleterre que nous rencontrerons le plus de difficultés pour obtenir les améliorations réclamées par la Chambre.

SERGE ANDRÉ.

Chez nous.

Progression mathématique croissante. Elections dans le deuxième secteur. Or, dans ce secteur, il y a au moins un arrondissement dont on ne saurait contester l'esprit de suite.

Il avait un député A. Ce député A fit nommer son secrétaire B conseiller municipal. Si bien qu'à la mort de A, le conseiller municipal B devint le député B. Mais le député B avait un secrétaire C, et son premier soin fut de se faire remplacer comme conseiller municipal par ce brave C qui, à son tour, a pris un secrétaire D, lequel... Mais n'anticipons pas...

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jeune que moi, alors qu'il est né exactement 5 mois et 8 jours avant moi.

«Et, de son temps, on ne connaissait pas la frigo!» conclut M. Duval, redevenu pour un instant restaurateur.

Marks or.

On ne saurait ouvrir un journal sans y trouver quelques millions de « marks or ».

« Comment, diable, le mark or est-il fait ? se demandent de braves gens. Pourquoi notre journal ne nous a-t-il pas donné aussi, depuis longtemps, la reproducen papier - de cette pièce magique ? Le mark or n'existe-t-il donc qu'en théorie ? >> Hélas!

tion

Un argument inattendu.

Samedi dernier, au Théâtre des Arts, devant un auditoire nombreux et passionné, le Club du Faubourg donnait une grande controverse sur ce sujet : le spiritisme. Un des orateurs-contradicteurs prononça quelque chose comme ceci : « Je ne vois pas bien quelle preuve vous voulez tirer de votre théorie (sic), mais, en attendant, il y a un fait c'est que William James, le spirite américain, avait formellement promis de se manifester après sa mort; toutes les précautions étaient prises. Or, voilà plus d'un an que William James est lui !'» Alors on vit surgir à la tribune M. Carpentier, mort, et personne n'a eu aucune communication de lui!» cégétiste notoire, secrétaire de la Fédération du spectacle, étrange masque aux larges traits spirituels; et sa voix lourde, à la Dorville, s'éleva en gouaillant :

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Camarades, le contradicteur m'étonne par sa naiveté, et j'vais vous donner, pour lui répondre, un' petit' comparaison à ma façon. Vous avez tous connu des jeunes filles... mais là, des vraies (mouvements divers), je veux dire absolument pures (sourires)... Il y en avait, dans l' temps! (murmures amusés) Eh bien! n'avez-vous jamais vu deux de ces jeunes filles se faisant, entre elles, Promets-moi, quand tu te marieras, de me dire ensuite ce que c'est exactement que le mariage, comment que ça se passe, au juste? Je te le promets. C'est juré? C'est juré. Un beau jour, la jeune fille se mariait. Eh ben, ensuite, ell' n' disait rien du tout! Ah! il fallut entendre le joyeux tonnerre de rires! Et cela au grand scandale de Mme Rachilde, qui, dans sa baignoire, persistait à crier:

ce serment :

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Je demande, je demande ce que vous nous apportez pour le bonheur du peuple!

Les reines.

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Chaque jour voit élire, qui deux reines, qui quatre

reines...

Et quelle sera la reine des reines? On ne saurait le dire, les reines n'étant pas encore toutes désignées.

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A noter ceci, cependant: Parmi toutes les reines élues. jusqu'à présent, une seule est blonde. C'est le succès fou pour les brunes.

Signe des temps? Oui. Et les coiffeurs n'y contrediront point, eux qui savent combien de blondes, en ce moment, leur demandent de les teindre en brunes.

Mais je me hâte d'ajouter que l'unique reine blonde passe aux yeux de tous, pour une beauté sans pareille. Donc si, néanmoins, elle n'est point proclamée reine des reines, la conclusion sera décisive: on pourra dire que l'engouement du jour est sans conteste pour la couleur brune.

En ce cas, la reine du XIII° aurait bien des chances. Elle est majestueuse. Elle est brune. Et beaucoup de gens souhaitent son triomphe.

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Elle est dactylo. (Que de reines dactylos, cette année! Mais, nous savions du reste que dans les romans-feuilletons la dactylo jolie a remplacé la midinette!). Elle est dactylo. Et savez-vous de qui?

Dactylo de M. Clairgeon, le directeur du ravitaillement municipal de Paris, le grand chef des baraques Vilgrain. La reine des baraques Vilgrain? Voilà, en vérité, une reine qui serait d'actualité.

Vestiaires.

Ils en sont toujours au même point: encombrement effroyable.

A l'un des derniers grands bals, à la sortie, il y eut la question des chapeaux. Nous avons vu tel gentleman authentique, lassé d'attendre, prendre un couvre-chef que lui tendait l'employée du vestiaire, excédée ellemême de chercher, l'examiner, l'essayer, l'adopter et partir avec.

La morale à tirer de ces incidents, qui se multiplient, c'est qu'il faudrait absolument que les organisateurs de ces réunions consentent à considérer que la plantation d'un vestiaire mérite qu'on s'en occupe. C'est pourquoi nous supplions les directeurs du Bal deat de l'Opéra, celui de mardi prochain, de s'attaquer enfin résolument à ce problème. Ils ont là une occasion de mériter de grandes louanges. Car ce qui se passe est véritablement une honte pour Paris.

Un pessimiste.

Le XVIII! On songe au plaisant XVIII° siècle. Mais il s'agit du XVIII arrondissement, non moins plaisant, puisqu'il englobe Montmartre.

Voici donc le paradoxe : c'est dans les quartiers les plus vivants, les plus gais que l'on a rencontré le plus de difficultés à l'élection d'une reine de Mi-Carême. Oui, les Batignolles (où le proverbe veut que l'on y rigole) et le XVIII surtout ont regimbé. Le maire du XVIII s'entend. Il prétend, dit-on, que les temps ne sont pas « à la rigolade ». Soit! mais alors, quand le seront-ils ? Cinq ans de guerre, puis le chômage actuel. Demain et après-demain, un budget fantastique et les régions libérées. Quarante-deux ans à attendre; et, après ces quarante-deux ans, une Allemagne productive et cinq fois plus peuplée que la France....

M. le maire, quand nous permettrez-vous de souffler un peu ?

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Ce ne sont que rues défoncées. On dépave et l'on repave. On défonce, on creuse, on bitume.

Ce ne sont, pour conclure, que rues barrées sur rues barrées.

Mais nous savons quelqu'un qui s'en console. A chaque rue barrée qu'il rencontre, il sourit. Il se souvient, en effet, d'une bien vieille histoire authentique. Celle d'un assassin nommé Barrée. Comme les assises venaient de le condamner à mort, il se redressa fièrement : « Ça n'empêchera pas, s'écria-t-il, que vous donnerez encore mon nom à des rues ! >>

Sur quoi, malheureux comme tous les prophètes, Barrée fut guillotiné.

Tenue de soirée.

C'est la réception diplomatique à l'Elysée qui a déclenché le mouvement l'habit est de nouveau à l'honneur et ce ne sont pas les bals annoncés par l'Opéra qui vont le remiser dans l'oubli où il reste depuis 1914.

Oui, cette réception de l'Elysée fut décisive. On ora gnait (à cause du fameux habit) que fort peu de monde n'y vînt et quatre mille invitations avaient été lancées. Eh bien, il vint 2.830 personnes. L'habit triompha.

Néanmoins, qu'il soit modeste. Sans les parfums des dames, cette réception n'aurait-elle pas senti un peu la naphtaline? Et puis, voici une histoire bien édifiante : Un député socialiste d'une nation alliée, francophile, très sympathique, venait d'arriver à Paris : « Voulez-vous aller à la réception de l'Elysée ? Parbleu ! - Mais, il vous faut un habit !... Un habit ! Croyezvous que chez nous un député socialiste oserait voyager avec un habit dans sa valise Et la douane, mon cher ! Quel scandale si l'on y avait découvert un habit dans mes bagages! >>

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Cependant, à Paris, tout s'arrange. Pour dix francs, le maître d'hôtel du Claridge loua un habit à notre député. « Un habit si beau, nous confia plus tard ce der nier, que je l'aurais volontiers remporté chez moi ! >>

Quant à la tenue militaire disparue ... On s'en étonne. C'est cependant facile à expliquer, si l'an veut se souvenir que toute action postule une inévitable réaction. Que d'uniformes depuis 1914 !...

Et puis, le civil est un peu enclin à se dire: « Lieutenant! il est lieutenant ... Moi j'étais capitaine ». A trop approcher des choses, elles perdent leur prestige. La France mobilisée les a beaucoup approchées.

Mais, rassurons-nous, ce prestige reviendra. Comme reviendra le temps où des écrivains, anciens combattants, feront jouer des pièces qui ne feront pas croire qu'ils rougissent de s'être conduits en héros; le temps où ceux qui ont gagné la Légion d'honneur au front. ne chercheront plus à à laisser supposer qu'ils l'ont acquise, dans le civil, grâce à quelque démarche dans

les ministères.

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Heureuses les nations riches!

Chandeleur et Mardi-Gras! C'est-à-dire les crêpes. « Mangez des crêpes à la Chandeleur, en tenant une pièce de monnaie dans la main, et vous aurez de l'argent toute l'année », a-t-on répété cette semaine.

l'argent ceux qui en ont déjà. Ce qui amène à cette conclusion amère: Auront de

« Les ruisseaux vont à la rivière », dit la douloureuse Sagesse des Nations, laquelle pourrait, dans ce cas typique, être nommée, elle aussi, par abréviation : la S. d. N.

L'Accord de Paris et les Midinettes.

du

Lors de la dernière conférence, les midinettes. quartier de la Paix avaient découvert que les fenêtres de l'appartement de M. Lloyd George, à l'Hôtel Crillon, donnaient sur la place de la Concorde. Et chaque jour, entre midi et une heure, on pouvait y voir nos charmantes midinettes dont les mouchoirs s'agitaient et dont les sourires s'épanouissaient à l'adresse de celui dont nous redoutions un peu les théories.

M. Lloyd George, parfois, faisait à sa fenêtre une courte apparition, le temps de voir le temps qu'il faisait. Et nous savons que le jour où le Premier anglais céda à M. Briand, nous savons que ce jour-là M. Lloyd George a, lui aussi, agité son mouchoir.

Et qui sait si les petites midinettes parisiennes ne

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