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core les voile-t-elle bien pudiquement sous des nuages Premier-Empire. Mais malgré ses romans passionnels, que savons-nous du cœur de George Sand? Que nous en laisse-t-elle deviner? Rien du tout. Avant les vers et. les romans de nos contemporaines, rien n'était plus rare dans les lettres françaises que des cris de femme. Et qu'aurait-il pensé de leur « impudeur », ce Paul de Molènes qui reprochait si sévèrement dans la Revue des Deux-Mondes (juillet 1843) à la pauvre Marceline d'avoir osé écrire :

Quoi! sur ton cœur jamais ne pourrai-je dormir?
Ou bien :

Pai goûté cet amour, j'en pleure les délices,

Cher amant! quand mon sein palpita sous ton sein.... Ah! qu'aurait-il dit!... Ce n'est guère que depuis une vingtaine d'années que les femmes ont osé parler en femmes de l'amour. Heureuses nos poétesses! heureuses nos romancières! L'amour tel que le sentent et l'imaginent les hommes, c'est un sujet bien rebattu, depuis tant de siècles. Elles seules encore connaissent certains détours et les modes secrets de leur ivresse; elles seules connaissent le « côté femme » de l'amour. Ce qu'en ont dit déjà les premières d'entre elles qui ont eu du talent, je ne serais point surpris si ce devait être la meilleure partie de la littérature passionnelle d'aujourd'hui.

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On a tant loué Mme de Noailles- qu'il ne reste plus grand chose de nouveau à dire d'elle. Et pourtant il me semble que nous n'avons pas encore assez célébré la joie que nous devrions éprouver d'avoir parmi nous un génie indiscutable. Songez que depuis les romantiques nous n'avions pas connu de poète si visiblement inspiré, si nous en avions eu peut-être de plus parfaits. Songez qu'elle est aussi grande, peut-être, que Lamartine! Je le sais bien, que sa prosodie n'est pas toujours impeccable, ni sa langue d'une sûreté absolue, ni ses images aussi justes qu'il faudrait, ni ses épithètes tout à fait précises. Eh bien! et Lamartine? et Musset? compose mal. Mais est-ce qu'elle compose, seulement, dans son délire sacré? Elle a le don de chanter, et elle chante; son art est presque involontaire. Elle est comme un envoyé des dieux. Elle est divine. Elle est mystérieuse. Et si ce n'est là qu'une illusion, soyons reconnaissants du moins à celle qui nous la procure. Dans son âme brûlante, le monde fond et se reforme

comme en un creuset.

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Le vent leste et soyeux Se heurte en clapotant aux buissons luxueux. -Suave hilarité du visage des dieux, L'asur, émerveillé de lui-même, s'étonne,

Il exulte! Les fleurs semblent être en cretonne Tant leur tissu mielleux est naif et pimpant.

Elle

Un plaisir sans déclin est partout en suspens. Vois, contre l'ancolie obstinée et peureuse, Voler et se buter l'abeille argumenteuse Qui rompt, avec son bruit de grêlon et de vent, La délicate paix des calices rêvant. Sur la verte pelouse où le soleil trépigne Un merle maladroit happe l'air et le mord... Dans ce fleuve impétueux d'images qui coule à travers ses poèmes, jamais une image artificielle, j'entends plaquée, une image d'ornement. Ce sont ses sensations directes, traduites, c'est-à-dire transposées. Un cri devient une couleur, une vision devient un parfum. Ne nous a-t-elle point parlé de

Autant que des arbouses.

cris vermeils

Aussi bien, nous n'avons pas d'autre moyen de rendre vivement une sensation que de la comparer ainsi. Mais jamais personne n'eut à cela plus de don que Mme de Noailles. Elle dit :

Cette musique acre, agressive et bistrée

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Et personne ne s'étonnera d'entendre parler d'une musique agressive; mais bistrée, voilà un de ces rapports neufs qu'elle nous apporte. Elle dit aussi : Il flotte dans la nuit des tisanes d'odeur Elle dit:

L'espace peinturé d'odeurs

Et beaucoup plus hardiment encore, elle appelle les biches des bois, douces et infidèles, qui fuient en tressant leurs pieds:

Tendres animaux clandestins

Vêtus de bure, Couventines,

Qui frémissez dans le matin,
Comme des cloches en sourdine...

Elle dit même :

Rêves-tu comme moi au bruit mol et coupant
Du rouleau qui tond la prairie?

tout comme elle disait naguère :

Et pourtant une angoisse invincible et profonde,
Ivre, lourde d'odeur comme un pesant cédrat,
Fait trembler mes genoux et retomber mes bras.
Ou bien :

Comme un puissant oiseau tournoie autour d'un phare Allons brûler nos yeux aux flammes du plaisir! Et pourtant ce n'est pas le bruit qui coupe, mais le rouleau; ni l'angoisse qui est iure, mais celle qui la ressent; et nous n'allons pas brûler nos yeux comme un oiseau tournoie, mais comme un oiseau qui tournoie. Toutefois, qu'importent de si légères taches au prix' d'une pareille abondance de trésors? Il n'y a eu que le génie de La Fontaine pour peindre, si vivement par des mots de rien :

Ainsi, lorsque j'étais une enfant qui rêvait,
Par l'azur éblouie et que l'azur étonne,
Lorsque je regardais, grave, petite et bonne...

Grave, petite et bonne !... » Et qui donc saurait montrer comme elle les oiseaux qui étendent sur les cieux délicats « leurs corps charmants et plats »? Son panthéisme lyrique est tel qu'elle devient à l'instant ce dont elle parle, et la mer même :

Amer plaisir, profond tel la profonde mer Qui porte allègrement les pesantes escadres.... Ne sent-elle pas, comme la mer, le poids des bateaux ? L'univers n'a jamais délié

Le nœud qui me retient unie au paysage Elle a toujours été ainsi. Dès son enfance, quand elle souhaitait tant « voir l'eau d'un lac charmant rester bleue dans son verre »>,

L'infini se prenait, miraculeuse pêche,

Dans la résille de mes yeux

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océan de parfums, de couleurs, de lignes, de musiques, de rumeurs qui roule dans son âme et qui la berce, elle ne s'abandonne pas à ce flot qu'elle aime.

Deux êtres luttent dans mon cœur :
C'est la bacchante avec la nonne.

Certes, elle ne s'est jamais laissé submerger par la mer de ses sensations; sa forte et fougueuse personnalité a toujours combattu pour se posséder; et comment n'aurait-elle pas éprouvé aussi la mélancolie, l'amère tristesse païenne et matérialiste? Mais c'est surtout depuis les Vivants et les Morts que sa lyre a pris de nouveaux accents et que son inspiration s'est élargie. La petite bacchante qui galopait à travers la nature en s'enivrant de ses cris magnifiques a connu la douleur. Puis elle a souffert la grande angoisse de la guerre. La poétesse des Forces éternelles, pour qui la France est comme une personne, et dont le coeur génial sent la France comme il sent tout, elle qui a « toujours confondu la vie avec l'amour », comme elle a éprouvé la Marne, Verdun, l'horreur de tant de sang répandu, les jeunes morts et la cathédrale !

Vivante et délicate, et pareille à la chair,

Inspirant l'amour et les larmes,

Quand le vol des oiseaux et l'azur d'un soir clair
Te trouèrent comme des armes...

Ces poèmes sur la guerre par lesquels s'ouvre son livre, et qui sont les plus travaillés, on y sent très souvant passer le souffle et le souvenir de Hugo. (Voir notamment la Patrie, p. 61.) Puis viennent l'Ame des paysages, les Poèmes de l'Esprit et les Poèmes du Cœur. Il faudrait plus de place qu'on n'en a ici pour en suivre le dessin. Du moins qu'on y note l'invariable richesse des sujets. Parce que Mme de Noailles n'écrit jamais qu'inspirée, parce qu'elle ne « versifie» jamais, jamais non plus elle ne donne dans des développements oiseux; si parfois telle de ses pièces peut sembler un peu disproportionnée, jamais elle ne comporte une strophe << vide »> : et qu'aimez-vous mieux d'un bibelot habilement fait mais ennuyeux, ou d'une statuette dont pas une ligne n'est indifférente ?

Enfin, avec son intelligente et terrible sincérité, elle parle de l'amour. Hélas! je crois bien que, durant longtemps encore, il y aura peu d'hommes qui ne souffriront pas (à cause de leur affreux égoïsme, certainement) quand ils entendront les femmes de génie parler de l'amour. D'ailleurs, il faut reconnaître que c'est bien leur tour d'écouter Tristesse de l'amour, Libération, C'est après les moments, etc. et tous les romans de ces grandes romancières modernes que vous savez. Est-ce que, depuis des siècles, comme les Anglais à Fontenoy, ce ne sont pas eux qui « tirent les premiers »? JACQUES BOULENGER.

Le Théâtre

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Le Simoun

M. Lenormand vient de triompher dans une entreprise malaisée Il est vrai que Gémier l'aidait. Mais cette collaboration souveraine n'est pas pour diminuer le mérite d'un auteur qui se joue du péril et aime à le provoquer. S'il a besoin pour séduire, du jeu des acteurs les mieux doués, c'est qu'il met à la scène des personnages si raffinés dans leur brutalité qu'ils ne souffrent pas l'interprétation de comédiens médiocres, Il n'est guère prudent de forcer l'attention et l'admiration d'un public distrait, par les éclats d'un mérite qui dépasse l'ordinaire, si l'on n'est pas soutenu par l'alliance des grands magiciens. Il ne conviendrait pas, peut-être, de déchaîner le Simoun, si un ordonnateur magnifique ne commandait à la soufflerie. Mais enfin, M. Gémier aidant, les spectateurs ont serré les dents,

au vent du désert, et ils applaudissaient encore, la bouche pleine d'une poudre amère. Ce fut un grand suc cès et dont on a plaisir à louer M. H.-G. Lenormand car il n'est pas de ces timides qui suivent les sentiers battus.

Il est délicat, un peu, d'aller vanter son œuvre,. C'est proprement le drame où se joue la passion d'un père pour sa fille. Le sujet est parfaitement scandaleux, com me on voit, et si d'aventure, une si rare aventure se développait dans l'enceinte de nos cités modestes, elle mériterait l'indignation des honnêtes gens, le mépris des critiques et au pis aller, l'intervention des magis trats. Mais ici, nous vivons dans le Sud-marocain, où la morale est plus facile, encore que les scrupules soient aussi vifs et l'amour plus hardi. Mais n'allez pas vous indigner. De ce père à sa fille, il ne s'est rien passé que la morale ne saurait approuver: M. Paul Adam, dans le Vice Filial, nous avait entraîné beaucoup plus loin C'était au temps où nous faisions profession d'indépen dance dans l'exercice du sentiment et des bonnes mours. Aujourd'hui, M. H. R. Lenormand se satisfait peindre des orages qui ne dépassent pas les limites d l'empire du cœur. Dont il soit félicité, car nous ne r doutons rien plus que le désordre.

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Enfin, vous l'avez deviné, ou presque, le Simoun l'histoire, mise au théâtre, d'un colonial, vieilli soust soleil d'Afrique, et qui aime sa fille. Pourquoi ? Pane que cette enfant charmante et sensuelle, toute arden à vivre est l'exacte image de la femme qu'il a perde jadis, et dont le souvenir empoisonne sa vie d'un gret insatiable. On devine de quelles couleurs éclatan tes un grand artiste saura peindre un si vif martyr. vie, est un des héros les plus émouvants de la mist bourreau de lui-même, dans ce supplice d'une long on humaine. Enfin, au milieu des orages et à la favemp asassinée... d'une autre péripétie sentimentale, la fille fatale asassinée... Quelle Quelle délivrance! Quel air embaue souffle après le simoun! Qu'on aime d'admirer le fa M. Gémier est un habile nautonier. et le reflux d'une marée qui emporte les cœurs. Et q

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Le plus beau, c'est le décor. Et je ne saurais faire entier. Car, j'entends par décor, les mille et une féeri M. H.-G. Lenormant un compliment plus sincère qui entourent l'action principale. J'imagine que les a mirateurs de Kipling, ceux qui éprouvent dans la f vre sa révélation des pays de l'au-delà des mers, auro mieux goûté un spectacle chauffé d'un feu si secret q éclate soudain en longues flammes. Autour de la scè gique d'épisodes qui sont d'un art parfait, qui nous principale, M. H.-G. Lenormand a bâti un cercle ma initient à la vie coloniale, qui donnent l'âpre sensation d'une voluptueuse et désespérée partie, toujours jou toujours perdue. Peu d'artistes ont mieux créé l'atmos phère, comme on dit, de ces exilés de la terre, qui, sous le souffle du simoun, vivent en deçà des hommes une vie artificielle ct pathétique.

Est-ce donc à dire que la pièce de M. H.-G. Lenor mand est un drame d'exception, une peinture singulière d'une démence rare, réservée à des initiés ? On médirait à laisser entendre une injuste opinion. Il est vrai que nous admirons là des sujets qui semblent amoraux et que les hasards de leur carrière et de la politique du mon de, ont assemblés sous les tropiques. Mais leurs souffran ces, leurs joies, leurs ambitions, leur délire, en résumé, ne dépassent que de peu nos propres états d'âme, et c n'est pas parce qu'on illustre leurs débauches ou leurs rêveries d'un paysage africain, et qu'on les réchauffe au souffle des vents du sud, qu'elles doivent paraître st dissemblables des nôtres, pour un esprit froid et doué de prudence. Le Simoun est, par sa méthode et son ca ractère, d'une tradition toute classique : ce qui établit sa valeur. Nous n'avons pas attendu le vingtième sièce et la découverte du Maroc pour admettre, en le détes

La

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ant, qu'un père pût aimer sa fille. Et ces agitations du eur qui troublent les plus honnêtes et les emportent au rime, une longue suite de moralistes, qui les redoutaient et s'appliquaient à les fuir, en ont fait une exacte et ttentive description.

Voilà bien des réserves, que je m'entête à proposer, vant que de proclamer la grande admiration que je rofesse pour ce Simoun-là. On m'aura deviné. M. H.-G. enormand nous a donné une œuvre du plus sincère et personnel mérite, qui éblouit des plus belles lumières, qui est lourde d'angoisse, soudain allègre, qui emporte e succès. Je parlais tout à l'heure de Kipling. Et quel lus bel éloge saurais-je offrir! Ces coloniaux français, frères de ceux de l'Inde, qui souffrent et meurent enfermés dans leurs cercle de feu, brûlent d'une souffrance dont nos habitudes basses et faciles nous mettent à l'abri. Heureux et malheureux martyrs ! Et que cette vision d'un monde, où tout se paye à la mesure de l'énergie, stdouloureuse !

M. Gémier a incarné le héros de cette aventure avec n art si souple à s'adapter aux moindres rides de son Féros, que la vérité apparaît un peu angoissante. L'on e saurait mieux faire, je crois, dans la peinture d'un asque. M. Gémier est décevant. Il se surpasse luiSême, à jamais. Le bel artiste, et qu'il est intelligent ! It t que les autres semblent plats à sa mesure! Coment le peindre ici: il a été fatigué, inquiet, agité des telus horribles tourments, distrait, hautain, mélancolile, obsédé et soudain, quand sa fille morte le déevre d'un cauchemar- éveillé d'un mauvais songe, avec visage si émerveillé, la face d'un homme échappé à mgonie! Et comme les autres, groupés autour de lui, urmaient une troupe intelligente! Mme Madeleine Céehat, si belle, qui fut magnifique et farouche de violence, aportée, avec une science qui marquait dans le détail En égarement, parfaite enfin; Mlle Falconetti, si fraîce et pure, MM. Bullin, Henri Rolleu, Jean Fleur,

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rezani, Gasthons, etc. !

Par intérim

La Musique

FRANÇOIS PONCETTON.

Parade

à

que Parade avait fait scandale en 1917. En 1920, le même duvrage est acclamé. Nous connaissons les revirements les spectateurs. Cependant, on en a rarement vu qui soit siussi marqué. J'ai entendu dimanche les rappels, et j'ai du le public qui ne lassait pas d'applaudir. A vrai lire, il n'est pas sûr que ce public ait entièrement péétré les intentions des auteurs, et il se peut qu'il y ait u dans son plaisir une sorte de confiance. Etrange desinée des œuvres : tout le monde a cherché un sens sotérique au Bauf sur le toit, où il n'y en avait point; et on a ri sans malice à Parade, où il y avait précisément un sens à chercher, lequel n'était pas toujours propre faire rire. Qu'on n'attende point, au surplus, que j'explique Pouvrage. M. J. Cocteau, qui en est l'auteur, a écrit, dans de Coq et l'Arlequin, quelques phrases brillantes et profondes, qui peuvent éclairer sur ses intentions. Ici, l'on me rapportera que des impressions de spectateur. Si l'on réfléchit à cette quantité d'influences, à cette combinaison de fantaisies, à cette suite de rêveries qui prennent corps dans un poème, on doit déclarer honnêtement ces causes multiples, que leur propre rapprochement transforme encore, et que l'inspiration recuit. On ne perçoit jamais qu'une partie d'un ouvrage, et voici simplement ce qui m'a été le plus

qu'on est incapabled on

sensible dans Parade.

Tout d'abord la partition de M. Erik Statie débute en mosaïque pure, dans un sentiment étrangement beau et dans une forme classique. Je n'arrive point à distinguer chez ce musicien, à l'art un peu intérieur, concentré

et sensible, le caractère révolutionnaire qu'on lui prête. Bien plus: il ne me paraît pas toujours facile de le trouver d'accord avec ses jeunes amis du groupe des Six, qui l'admirent beaucoup, mais dont la musique est à peu près à l'opposé de la sienne. Ils ont, comme les cubistes, le goût du dessin net et de la couleur non décomposée; ils ont le tympan solide, et leur oreille jeune et vive reçoit, sans qu'ils gémissent, le fracas dis-. cord du bastringue et les bruits non solfiables du tamtam. L'auteur de Socrate et des Nocturnes me paraît d'un autre temps. On voit bien que dans Parade, il a, par moment, employé les cuivres avec beaucoup d'énergie et qu'il a fait sonner les trombones. Mais on le retrouve dans des inflexions d'une étrange mélancolie qui se mêlent à ces éclats. Et il y a des passages aussi dont la vivacité suit et indique le mouvement de la pantomime. Mais, je l'avoue, toutes ces impressions sont un peu confuses. Heureux celui qui peut voir et écouter à la fois! Il a sans doute de rares plaisirs. Mais il doit être lui-même d'une espèce rare et merveilleuse. Le ballet occupe le regard, et toute l'attention avec lui; et c'est le ballet qu'il nous faut voir maintenant.

Le rideau qui se lève découvre un autre rideau, peint par M. Picasso dans l'esprit des toiles qui ferment les baraques foraines. Et voyez comme l'art peut être compliqué! Les toiles foraines sont franchement et ingénument mauvaises. Mais il se trouve que leur ingénuité même contient certains principes d'un art supérieur. Comme tous les primitifs, les auteurs de ces sauvages peintures affirment résolument. Les traits sont cernés, et un œil y est un œil, si toutefois Dieu le permet. Or cette affirmation, si contraire à l'incertitude critique où les peintres de la génération précédente ont été élevés, est une maxime du cubisme. Les toiles des forains, au lieu d'être peintes d'après la nature, sont des vues de imaginés, ce qui est le secret de tous les arts primitifs. 'esprit. Les personnages y sont, non pas copiés, mais Aussi les gestes y marquent une passion d'une extrême intensité, que le modèle ne donne point. Et cela encore est assez séduisant. Il n'est pas jusqu'aux tons, où le blanc et le noir, changés en gris par les intempéries, se rehaussent d'un brun de terre de Sienne brûlée, qui ne soient assez cubistes. Et M. Picasso s'ést diverti à peindre pour Parade une toile comme on en voit devant les cirques ambulants ou devant les musées d'anatomie. Elle est bien composée, peinte à plat, naïve, excessive, avec des détails charmants: le col neigeux d'un cheval, la tête penchée d'une femme... Amusement, sincérité, attendrissement, parodie peut-être... Qui le dira?

Ce rideau lui-même se lève, et voici un décor délicieux. Nous sommes devant l'entrée d'un cirque. Naturellement cette entrée est toute de guingois, avec une lyre posée droite, la cité, c'est-à-dire de hauts pans de murs, cride travers. C'est là le charme du dessin. A gauche et à blés de rectangles noirs qui sont des fenêtres. Dans tout cela, cette délicatesse, qui est propre à M. Picasso: une gamme de couleurs très fine, avec le blanc et le noir qui dominent. L'entrée du cirque, béante et illuminée, fait une sorte de fournaise blanche.

Deux managers. Le premier est fort curieux. Au lieu de faire sa figure d'une seule masse modelée, le peintre. l'a composée d'une série de profils, montés sur un seul axe, à la façon d'une girouette. J'entends bien que vous protestez: « La figure humaine, dites-vous, n'est pas faite ainsi. Qu'en savons-nous? Les sculpteurs, pour atteindre la ressemblance, suivent précisément cette méthode et travaillent par profils successifs. C'est du moins ainsi que travaillait Rodin. Une de ces silhouettes est blanche, l'autre noire. L'une forme une pipe. Mais au vrai, ne sommes-nous pas dans l'esprit de nos amis, un assemblage de silhouettes, dont l'une peut-être. pareillement une pipe entre les dents?

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Le second manager est un assemblage plus confus de tuyaux rougeâtres et de je ne sais quels matériaux noirs. Mais je ne pense pas qu'il faille autre chose pour faire un bon directeur de théâtre. Il est construit des mêmes éléments que la cité. C'est un homme vraiment moderne. Voudrait-on pas qu'il fût de marbre, comme les dieux, et qu'il eût un visage humain. Qu'en ferait-il? - Quand les deux managers causent entre eux, la musique se tait. Comme elle a raison, cette muse offensée! Et ce que ces hommes d'affaires ont à se dire, ils le disent, non point par le langage articulé qui appartient aux sages et aux poètes, mais par le mouvement de leurs pieds. Le frottement de leurs semelles fait des phrases, les seules qui leur soient permises. Et cela encore me paraît ressemblant, humain et raisonnable. Un directeur d'Opéra ne devrait jamais parler autrement; et, au fait, c'est bien ainsi qu'il parle.

Devant le cirque, un Chinois de soie rouge et jaune vient faire des jongleries; une petite fille, vêtue d'une veste bleu marine, vient sauter à la corde; deux acrobates, dont les maillots bleus et blancs sont des merveilles, exécutent leurs tours. Mais l'auteur ne leur à concédé aucun accessoire ; par la seule vertu du geste, ils suggèrent ce qu'ils devraient faire. C'est l'idéalisme dans le ballet, et je crois que cette vérité supérieure ferait plaisir à Mallarmé. En revanche, tandis qu'ils exécutent leurs jeux imaginaires, ces acteurs représentent sur leurs traits un drame vrai : à l'automatisme appris et imperturbable se mêle un sourire pareillement appris; des expressions traditionnelles, aussi académiques que celles que peint un prix de Rome, accompagnent leurs exercices; aux gestes exacts de sport, s'ajoutent les gestes conventionnels de la pantomime; la fatigue, la tristesse, une sorte de mélancolie infinie donnent du pathétique à ces mouvements appris qui finissent par se disloquer un peu et cette mélancolie est peut-être celle de ia créature humaine inconnue, ou peut-être ce marasme philosophique des pantins cassés. Et tout cela est charmant et spleenétique.

Voilà quelques impressions. Que dire encore? Que sur le champ blanc que fait l'entrée du cirque, ces costumes colorés ont un éclat extraordinaire. Mais ceci n'est que le plaisir des yeux. L'originalité de ce ballet est, si je ne me trompe, différente. Toute l'émotion amusée et poignante, raffinée et commune que peut donner le spectacle de la foire, cette langueur populaire, ce mystère des roulottiers vêtus d'oripeaux, cet air des saltimbanques qui ne paraissent pas vivants et dont la vue serre le cœur, la poussière élevée en brume et trouée par le son des cuivres, et jusqu'à l'écrasement de cette pauvre cocasserie dans le dur monde moderne, voilà l'esprit de Parade. C'est un poème, dont les vers pathétiques sont faits d'images transposées.

La Curiosité.

HENRY BIDOU.

Une collection de jouets anciens

Les jouets qui récompensent, en ce second nouvel an de paix, les enfants sages et même les autres, intéressent aussi les vieux enfants piqués de la tarentule du bibelotage. Tard venus dans la curiosité, les amateurs de jouets anciens n'en forment pas moins un groupe original, érudit, chercheur, à qui la rareté de la matière collectionnable suggère les plus ingénieuses combinaisons pour grossir leur butin. Dans leurs vitrines on trouve de tout. Ce qui fait le plus défaut c'est le jouet d'enfant, le joujou que l'on casse et que l'on perd, et qui disparaît pour ainsi dire sous nos yeux sans que nous sachions où il passe. J'en appelle à toutes les mamans.

Mais voyez la malice des amateurs ! Ils peuplent leurs vitrines, à défaut de poupées enfantines, avec les figurants des crèches napolitaines, inouïs de vérité et de pittoresque, avec les personnages des pièces mécaniques hors d'usage, ou les figures en cire des ex-votos et des tableaux de sainteté. Ils baptisent jouets d'enfants les petites pièces de maîtrise exécutées par les ébénistes du XVIIIe siècle, et les fragiles objets en verrerie de Nevers, qui ne sont venus jusqu'à nous qu'à l'abri d'un globe protecteur, dans quelque vieille demeure provinciale. Ils donnent même asile dans leurs cabinets à ces reproductions lilliputiennes d'intérieurs, chefs-d'œuvre d'habileté et de patience, où se complut la minutie hollandaise, mais qui tenta aussi l'application de plus d'un constructeur français.

Les jouets d'autrefois n'étaient pourtant ni moins nombreux, ni moins variés que les nôtres. A la fin de l'ancien régime la boutique du bimbelotier contenait toutes les catégories du jouet moderne. J'ai pu m'en assurer sur le très curieux tarif illustré d'un fabricant de Nuremberg possédé par M. Henry d'Allemagne, qui au milieu des précieuses séries de bronzes, de céramiques et de tapis orientaux, de bijoux, de montres, de couteaux, de peignes, de bois sculptés du XV au XVIII° siècle qui garnissent son hôtel de la rue des Mathurins, a réservé une chambre aux jouets dont il s'est fait le très érudit historien.

C'est un plaisir de feuilleter cet album, dont je ne connais pas de similaire. Toutes les variétés y sont repré-e sentées petits ménages, cuisines, chambres de poupée, e soldats de plomb, jeux d'adresse et jeux de société, jeux ré scientifiques même, car le XVIII° siècle encyclopédiste a La passé par là. Il fallait bien procurer à Emile des amuse-it d veillent dans l'âme du collectionneur quand il voit tout t ments qui l'instruisissent ! Mais que de regrets s'éce qu'il pourrait avoir et qu'il n'a pas. M. d'Allemagne, am du moins, a la satisfaction de posséder au grand complet une petite cuisine avec son fourneau, ses casseroles, ses d poêles à frire, ses plats, sa fontaine, ses chaudrons, sa t table, ses bancs, telle qu'elle figure sur l'album de Nu

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remberg.

Il y a bien d'autres pièces dont il peut être fier, ne seraient-ce que ses moules à soldats de plomb du XVIII° siècle, qui peuvent encore tirer des épreuves du Royal Auvergne comme au temps de Louis XVI, ses meubles de poupée de vrais joujoux ceux-là en carton peint ou en minces planchettes, décorés de découpures en papier pour imiter la marqueterie, ses pantins, ses petits culbuteurs d'une époque un peu plus récente.

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Je parlais tout à l'heure des poupées de crèche. La mode commence un peu à en passer. Mais dans combien de vitrines ne voit-on pas encore ces petits « pastori >> aux têtes d'argile finement modelées et polychromées, aux mains de bois dont tous les doigts sont détachés avec une délicatesse incroyable, aux costumes cousus par des tailleurs spéciaux, dont quelques-uns, comme un certain Mathieu, ne pouvaient suffire à toutes les commandes On faisait des crèches pour les montrer en payant. On rivalisait de recherche et de somptuosité dans le décor architectural, dans les accessoires, orfèvrerie, vaisselle, instruments de musique, tous à l'échelle, tous aussi soigneusement finis que des objets d'usage. La crèche de Cluny à 70 personnages, celle de la chartreuse de San-Martino n'en contient pas moins de 400. Combien a-t-il fallu détruire de ces fragiles et pieux tableaux pour suffire à l'énorme dispersion de personnages isolés qu'on trouve dans le commerce ou chez les collectionneurs !

M. d'Allemagne, du moins, possède une crèche complète, dans sa vitrine en bois doré du XVIII° siècle, avec ses angelots volants, ses bergers, ses animaux et cette reine de Saba étincelante de perles et de bijoux telle qu'on la retrouve à Cluny. C'est un ensemble rare, comme

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