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exemple, celui d'avoir participé, à Genève, au fonctionnement du Bureau international du Travail, à la tête duquel se trouve M. Albert Thomas. Celui-ci, on ne l'ignore point, depuis qu'il a fait son chemin dans 'e socialisme, se voit impitoyablement désavoué par ses anciens fidèles, qui le considèrent comme un simple capitaliste en saine logique, la seule fréquentation de ce réprouvé devient donc, dans un milieu d'énergumènes, une inexcusable tare.

Cependant, malgré les plus furieuses logomachies, malgré l'invitation à «une action plus virile devant l'intransigeance présente des compagnies et du gouverment », que présente un membre extrémiste de la commission exécutive, M. Chaverot, le Congrès d'abord semble pencher vers les réformistes; le rapport moral, qui l'action de la C. G. T. et qui maintient la Ca approuve confiance des cheminots à M. Bidegaray, est, voté par C 54.000 voix contre 46.000. La majorité apparaît donc sérieusement marquée. Seulement, aussitôt des protestations s'élèvent le vote a été truqué; il y a eu des fraudes dans le dépouillement du scrutin; et les extrémistes menacent de quitter la salle pour se réunir aussitôt en un Congrès dissident.

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Soit qu'ils fussent de bonne foi, soit qu'ils n'osassent point affronter l'accusation d'avoir volontairement pipé les suffrages de leurs camarades, les réformistes acceptent alors qu'une commission, composée de cinq de leurs partisans et de cinq adversaires, reçoive immédiatement le mandat d'examiner les réclamations des plaignants et de vérifier leurs dires; après un contrôle minutieux et une rectification des chiffres d'abord adoptés, on arrive au tableau suivant, où se manifeste très clairement la mentalité particulière de chaque réseau :

Tunisie

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Algérie
Orléans

2.735

1.449

69

2.644

6.993

Midi

3.027

1.822

137

Nord Etat

: 14.703

4.454

739

10.137

9.327

470

1.883

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P.-L.-M.

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Alsace-Lorraine

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981

Est

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5.240

Compagnies secondaires

7.826

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Par suite d'une erreur ou pour tout autre motif, nombre total des syndiqués représentés au Congrès est ainsi de 108.000 au lieu de 105.000. Il faut remarquer que cette revision du scrutin a largement profité aux extrémistes qui, maintenant, n'auraient plus qu'à déplacer trois cents voix pour conquérir la majorité. Il faut noter, d'autre part, que les cheminots du Nord-Belge, dont le contingent est d'environ 4.000, et qui se déclarent favorables à M. Bidegaray, se sont abstenus.

Cette abstention n'a pas échappé à M. Monmousseau, et il a tout de suite compris l'importance essentielle pour son succès de maintenir les Belges à distance au moment du vote final. Avec une promptitude de décision qui fait honneur à ses capacités de manoeuvrier parlementaire, il profite du désarroi jeté dans les rangs des réformistes par le vent de défaite qu'ils viennent de sentir souffler sur eux, pour arracher l'accueil favorable d'une motion qui leur supprime toute possibilité de retour offensif dans les scrutins à venir ; cet internationaliste intégral demande en effet que, pour participer au droit de suffrage, les nient obligés non seulement d'être inscrits à la Fédération nationale, mais aussi à la C. G. T. française; et l'on accepte aussitôt cet exclusivisme fondé sur une question de frontières; or, les camarades belges sont

cheminots

bien «< fédérés », mais ils relèvent de la C. G. T. belge et non de la française. Ils se trouvent donc, en bloc, éliminés du Congrès, ou au moins réduits au rôle d'assistants neutres.

L'escamotage une fois accompli, on reprend les assauts oratoires, et l'on consent, avec une patience relative, à laisser M. Bidegaray développer longuement ses idées.

Pendant deux heures, il chante les louanges de la C. G. T., célèbre les mérites de son programme maximum, proclame « le réalisme >>> de l'Internationale d'Amsterdam, critique les extrémistes, malmène vivement ceux qui veulent subir avec docilité les ordres de Moscou, et appuie d'ailleurs sur les bienfaits d'une discipline rigoureuse. Pour conclure, il dépose une sorte d'ordre du jour, d'une rédaction assez terne, trop étendu pour être entièrement reproduit ici, mais sur lequel on se comptera en fin de congrès.

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Dans cet ordre du jour, M. Bidegaray se recommande des principes syndicalistes déterminés par la charte d'Amiens »; il préconise « l'union la plus étroite >> des syndiqués pour lutter contre « le capitalisme du rail »; il demande qu'on en finisse avec « toutes les Oppositions qui pourraient nuire à l'action des travailleurs », et se prononce contre l'exclusion éventuelle des dissidents, ce qui diminuerait les chances de succès « dans les différentes étapes de la bataille qui doit aboutir à l'émancipation totale du salariat... » En tant que revendications corporatives, il mentionne « l'application de la journée de huit heures, la revision de l'échelle des salaires », et, surtout, il lance le couplet sur « la réintégration des révoqués, c'est-à-dire la réparation de la monstrueuse injustice commise envers les meilleurs... >>

On voit que, ni dans le fond, ni dans la forme, ce papier ne se distingue très sensiblement des euvres ordinaires du même genre. C'est habillé de la même rhétorique, le même programme que, depuis des années, on se repasse de main en main dans toutes les solennités révolutionnaires. Du reste, le papier opposé par M. Monmousseau, et sur lequel on doit également se compter, ne nous offrira, lui non plus, rien de nouveau; seulement, il est d'un ton plus corsé, le ton de l'homme qui opère dans l'opposition en face de l'homme occupant le pouvoir.

Comme M. Bidegaray, M. Monmousseau commence par un discours; il explique la théorie de « la lutte des classes », auréole d'une apologie sans réserve « la dictature du prolétariat », et invite nettement ses auditeurs à se rallier aux grands prêtres de l'internationalisme moscovite ; comme M. Bidegaray, il proteste contre toute exclusion des dissidents, parle volontiers de discipline et d'unité ouvrière, et se couvre au besoin, lui aussi, de la charte d'Amiens. Voici, d'ailleurs, les extraits les plus significatifs de sa motion:

« L'idéal syndicaliste, y est-il dit, s'accomplira seulement par la transformation totale de la société.... «Nées de la lutte des classes, les organisations ouvriè<< res ont pour but essentiel la disparition du patronat « et du salariat... Le syndicalisme prépare l'émancipation intégrale des travailleurs, qui ne peut se réaliser « que par l'expropriation capitaliste; il préconise, « comme moyen d'action, la grève générale, et consi« dère que le syndicat, aujourd'hui groupement de ré «sistance, sera, dans l'avenir, le groupement de pro«<duction et de répartition, base de réorganisation so«ciale... Il doit poursuivre immédiatement la réalisa-. «tion des revendications corporatives restées en sus« pens, telles que statut du personnel, échelle de trai«tements, indemnités de cherté de vie, application in«tégrale de la journée de huit heures, et réintégration « des révoqués.. Il réprouve toute collaboration de clas«ses, et entend ne pas donner suite à l'action des com« missions paritaires... »

Rien que cette dernière phrase indique, à elle seule, tout ce qui fermente de verbomanie en ces milieux déséquilibrés, et combien on y accepte aisément, sans en être gêné, sans même probablement s'en apercevoir, les contradictions les plus catégoriques entre les paroles et les actes. Les syndicalistes proscrivent la collaboration des classes; ils ne tolèrent même pas ces commissions paritaires où employeurs et employés peuvent délibérer en commun de leurs intérêts. Mais, aussitôt ce dogme établi, «< ils mandatent des délégués pour liquider, au mieux de l'intérêt des cheminots, les revendications en suspens, échelle des traitements, statuts du personnel, etc... Ils considèrent, en effet, que « des tractations sont inévitables entre patrons et ouvriers ». Seulement il ya, paraît-il, tractations et tractations; il y a celles qui impliquent la collaboration des classes et celles qui ne l'impliquent pas... Admirable matière à casuistique byzantine !

Jusqu'ici, comme nous l'avons noté déjà, les livergences entre M. Bidegaray et M. Monmousseau résident surtout dans leurs procédés de style. Mais nous arrivons à la question du choix à faire entre l'Internationale d'Amsterdam et celle de Moscou ; c'est le point où se creuse brusquement le fossé entre les deux factions; car si M. Bidegaray regarde vers Amsterdam, voici ce que M. Monmousseau et ses partisans pensent de

Moscou :

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« Le Congrès fédéral des cheminots considère que la « Révolution russe, par ses principes et son action quo«tidienne, au milieu de difficultés issues de l'opposition « intérieure et extérieure du monde capitaliste, est néan« moins la première expérience de Révolution pro« létarienne. Le Congrès déclare ne pouvoir rester << dans l'Internationale d'Amsterdam qui, par « alliance avec le bureau international des gouverne«ments capitalistes, montre qu'elle tourne le dos à la « lutte des classes, et n'est qu'une caricature de l'Inter« nationale ouvrière. Fidèle à l'esprit de la résolu«<tion d'Amiens, il entend que le syndicalisme con<< serve son indépendance complète vis-à-vis des partis politiques, et il estime que l'adhésion du syndicalisme « français à l'Internationale syndicale de Moscou, loin « de constituer une violation de la Charte d'Amiens, « est la manifestation la plus sincère de ses principes

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« révolutionnaires... >>

Donc, sur toutes les questions. y compris même le vœu contraire à aucune exclusion de la future minorité dissidente l'unité syndicaliste paraît en somme persister; seule, la question d'Amsterdam ou de Moscou alimente la discorde inais elle l'alimente lar gement; c'est sur elle, et rien que sur elle que l'on va se compter à l'heure du vote, dans cette réunion qui a censément pour but la solution de problèmes corporatifs. Et cette fois, la majorité se retourne; elle passe nettement, par 55.140 voix contre 53.677, et 1.071 abstentions, dans le camp de M. Monmousseau; M. Bidegaray et les réformistes sont battus.

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| médiatement que le Congrès mo-difie le mode de recrutement du bureau; M. Bidegaray s'oppose avec fer meté à cette motion, il se retranche derrière les statuts.

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A partir de ce moment, le conflit qui n'avait jamais mérité d'être pris au tragique, mais que l'on pouvait

prendre au sérieux, va relever du vaudeville.

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En effet, d'après les statuts syndicaux, le bureau fé déral qui appartient à la faction vaincue est nommé par les Congrès des différents réseaux ; or, la majorité des réseaux reste favorable à la C. G. T., et, par conséquent, au parti Bidegaray; celui-ci, moralement désavoué par ses camarades, demeure ains: le maître de la situation; en fin de séance, quand on désigne les délégués au Conseil fédéral, les réformistes se trouvent au nombre de trente, et les extrémistes au nombre de vingt-trois; M. Moninousseau demande im

Alors, dès la nuit même, les extrémistes se réunissent entre eux et décident la nomination d'une commission exécutive qui élaborera de nouveaux statuts et les présentera à un Congrès extraordinaire spécialement convoqué à cet effet; en attendant, ils nomment un bureau de leur choix, dont M. Sémard est le secrétaire, et M. Chaverot le secrétaire-adjoint. Mais, de leur côté, les réformistes nomment aussi un bureau où, à défaut de M. Bidegaray qui n'est plus candidat, ils élisent M. Montagne comme secrétaire, et M. Toulouse comme secrétaire adjoint. Le schisme semble, dans ces conditions, aussi complet que possible. Il va pourtant s'aggraver encore.

Car les extrémistes se considérant comme les seuls représentants authentiques de la majorité des syndiqués, prennent, de leur autorité privée, possession de l'immeuble sis rue Baudin, où se trouve le siège de la Fédération; et ils s'y installent. Mais M. Bidegaray qui, statutairement, conserve son investiture antérieure, refuse de remettre la caisse et la comptabilité au camarade Sémard, son hypothétique remplaçant. Bien plus: comme la Fédération des cheminots est illégalement constituée - et ceci, entre parenthèses, suffirait à légi timer les poursuites judiciaires contre lesquelles presse d'extrême gauche éleva de si furieuses protes tations la maison de la rue Baudin se trouve avoi été achetée et payée au nom de M. Bidegaray, qui s trouve ainsi régulièrement en être le seul et unique pro priétaire, et qui peut réclamer aux tribunaux l'expul sion des nouveaux occupants.

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Avant toutefois de se résigner à faire appel à « la justice bourgeoise » de son pays, M. Bidegaray préfère répondre par un coup de main au coup de main des envahisseurs. Un matin donc, suivi d'une troupe. de ра tisans, il procède à une attaque brusquée contre le loca pénètre dans les couloirs et les pièces vides, et surpren quelques gardiens endormis, qui, affolés, supplie

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qu'on ne leur fasse pas de mal ». On se contentera a effet de les mettre à la porte. Mais la stratégie révol tionnaire ne tient, paraît-il, jamais compte des possib lités de contre-offensive; car M. Bidegaray, qui avat surpris les extrémistes, se laisse à son tour surprendr par eux : ceux-ci s'introduisent de nouveau dans la place, par les soupiraux des caves, dit-on, et expulsent leurs expulseurs.

Pendant que ces événements se déroulent, la C. G. I. ne sait plus quelle attitude elle doit garder entre les deux partis en guerre. Chacun lui réclame le timbre con fédéral auquel il prétend avoir droit. Mais si la C. G. T donne son timbre à l'un des deux, c'est de la neutralité et risquer de se compromettre avec le

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vaincu de demain; si elle donne son timbre à tous les deux, c'est avoir l'air de vouloir consacrer le schisme déjà terriblement avancé ; si elle ne donne son timbre à personne, c'est exclure jusqu'à nouvel ordre tous les cheminots syndiqués de la Confédération générale du ces conjonctures ultra-délicates, elle adopte, conformément aux meilleures traditions établies en d'autres milieux, la ressource suprême de toutes les assemblées soucieuses de ne pas assumer des responsabi lités embarrassantes; elle charge une Commission de trouver la solution du problème et de prendre une décision... Dès lors, elle a du temps devant elle.

Seulement, tandis qu'on en est là, M. Bidegaray, qui paraissait se tenir tranquille, sort brusquement de sa tente et il en sort pour aller se placer sous la protec tion de la « justice bourgeoise ». Au milieu des clameurs indignées et féroces de ses anciens amis, il sollicite une ordonnance de référé qui le remette en possession de ses

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bureaux. Et « la justice bourgeoise », assez embarrassée; M. Monmousseau fussent capables de réussir l'offensive devant une situation qui, en droit strict, semble évidemment favorable à M. Bidegaray et aux réformistes, mais qui, en équité, justifie dans une certaine mesure les prétentions des extrémistes, « la justice bourgeoise »>, décide que, provisoirement, l'immeuble de la rue Baudin al n'appartiendra ni aux uns ni aux aux autres...

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ent Du spectacle de cet imbroglio picaresque, on ne peut vraiment pas dire qu'il ressorte l'impression que le parti révolutionnaire, en son ensemble, se trouve actuellement dans une posture qui rehausse son prestige et renforce ils ses moyens d'action.

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Et cette impression peut servir de conclusion générale à l'exposé sommaire que nous venons d'esquisser du récent Congrès des Cheminots, à condition toutefois de ne point pousser au delà de certaines limites les possiité d bilités optimistes résultant du travail de désagrégation qui se manifeste dans les grandes organisations antisociales de notre démocratie,

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On a beaucoup fait état, par exemple, de la scission entre extrémistes et réformistes, comme si ces derniers représentaient réellement un élément de résistance aux iolentes doctrines subversives de leurs adversaires; et l'aucuns ont pensé que les idées d'ordre trouveraient armi eux des points d'appui appréciables. Rien n'est lus faux. Les mystiques ou les profiteurs qui se querelent brutalement autour de la II ou de la III Interationale peuvent être divisés entre eux par des quesons de tactique et surtout par des rivalités de persones. En définitive, ils cultivent le même idéal de régreson vers une barbarie de pédants sanguinaires ; ils sont parfaitement d'accord sur la nature du but à atteindre ; a stupide et cruelle « lutte de classes » reste, pour les ins et pour les autres, le premier article de leur évangile. Ga principale différence, c'est que les réformistes préten

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aux

ent faire la révolution au chloroforme, sans que le paContent crie trop et se débatte; les extrémistes dédaignent sanesthésiques et veulent opérer sur la chair vive. Il esterait à savoir si les premiers ne sont pas ainsi plus con langereux que les seconds.

A cet égard, certaines déclarations de principe, formudées par M. Bidegaray en des occasions solennelles, nous yutorisent à ne pas le distinguer très nettement de M. Midol, de M. Monmousseau et des autres. Le 15 octoanore 1919, au Congrès international de Washington, il lisait aux délégués allemands : « Je suis plus content de rateriser avec les ouvriers boches qu'avec les bourreurs hile crânes des Compagnies et des ministères. » Le 15 octobre 1920, à Tours, parlant devant des syndiqués de Orléans et de l'Etat, il disait : « Il faut que la classe uvrière soit plus unie que jamais dans l'intérêt de tous ; tar, après la révolution russe, une autre viendra. » Le 24 avril 1920, dans la Bataille, il écrivait : « La classe ouvrière se trouve en face d'un édifice qui menace de tomber en ruines. Il ne faut pas que les organisations syndicales, bénévolement, bêtement, pourrais-je dire, aillent donner de la tête contre ce mur chancelant. Vous avez une arme qui doit servir à l'abattre ; et cette arme, c'est l'organisation syndicale. » De tels propos sont significatifs. Nous savons bien qu'on doit y faire la part d'une rhétorique qui ne correspond pas obligatoirement, d'une façon exacte, aux secrètes pensées d'un meneur de foules. Il n'en demeure pas moins évident qu'une extrême prudence est de rigueur.

D'autre part, au point de vue de la sécurité publique et de la paix générale, un affaiblissement notoire des agences de perturbation collective ne constitue pas un phénomène indifférent. Cent mille grévistes, en 1920, n'ont pu avoir qu'une puissance révistes, en 1920, brève; il serait invraisemblable que les 50.000 séides de

où échouèrent leurs prédécesseurs avec des effectifs doubles; d'autant plus qu'ils trouveraient aujourd'hui devant eux des camarades fidèles à leur poste, mieux avertis de la folle et coupable aventure où l'on essaie de les précipiter, un gouvernement plus résolu à la résistance, une opinion publique plus hostile et mieux organisée pour se défendre.

Et puis, l'un des principaux avantages de cette dislocation de groupements purement politiques, quoi qu'ils en disent, c'est que les associations professionnelles recueillent d'une façon presque automatique et fatale les syndiqués qui échappent à l'emprise des pontifes révoFédération générale des mécaniciens et chauffeurs, lutionnaires. Déjà, dans le monde des cheminots, la l'Association des agents des trains sont en voie de reconstitution. On délaisse les agités du communisme pour se rallier à de grandes œuvres de mutualité, comme cette Fraternelle des cheminots qui, depuis 40 ans qu'elle existe, est arrivée au chiffre de 160.000 adhérents et qui s'est constituée un fonds de réserve de 60 millions, mais qui met à la base de son programme l'entente de l'employé et de l'employeur, et le devoir pour l'un et l'autre de collaborer à la prospérité de l'entreprise dont ils vivent tous les deux.

C'est en effet dans cet équilibre de la puissance corporative et de la puissance patronale que se trouvera très probablement la solution de la plupart des graves problèmes actuellement pendants devant la sociologie. Déjà, des rapports permanents s'établissent, qui sont pleins de promesses pour l'avenir. Pour ne parler que des agents de chemins de fer, ceux-ci voient leurs intérêts matériels et moraux protégés par un statut qui règle leur avancement et établit le contrôle de la discipline à laquelle ils sont soumis; par l'intermédiaire de délégués élus, ils peuvent suivre le fonctionnement des services de leurs réseaux; demain, comme membres de ce Conseil supérieur que prévoit la prochaine réorganisation des grandes. entreprises ferroviaires, ils seront associés à la politique générale des transports...

Et, sans doute, ces réformes eussent-elles pu être acquises plus tôt sans les politiciens démagogues pour qui la culture des discordes civiles fut toujours un simple moyen de parvenir, une sorte d'exploitation industrielle de la crédulité humaine. Par bonheur, il semble que cette crédulité commence à s'apercevoir des abus dont elle est victime. L'idéal soviétique, qui n'est pas neuf, mais qui bénéficiait naguère du prestige dont on pouvait l'illuminer dans le monde des abstractions, n'a pas gagné à descendre sur la terre de Russie et à subir l'épreuve d'une réalisation concrète. En France au moins, la méfiance naît; le bon sens de la race se réveille. Il faut s'en louer. Car, après tout, ce que perdra le socialisme sous ses diverses formes sera toujours autant de gagné pour le progrès social.

MAURICE SPRONCK.

La suppression des droits d'octroi

Si la lecture du Journal officiel est toujours ennuyeuse, elle est parfois instructive si l'on veut bien essayer de ne pas s'en tenir aux mots qu'on y lit, mais pénétrer les idées générales qui les ont dictés pour en tirer une philosophie.

Notre attention a été attirée, dans le Journal officiel du 4 mai 1921, par le texte d'une loi « autorisant la ville de Meudon (Seine-et-Oise) à créer des taxes de remplacement de ses droits d'octroi.»

Il n'y aurait pas lieu de s'y arrêter, si une pareille

loi était un fait isolé et ne marquait que la tendance d'une ville, mais elle vient à la suite d'un certain nombre d'autres lois analogues pour d'autres villes et semble dénoter une tournure d'esprit qui tend à se généraliser dans les municipalités.

Il est curieux de noter que jamais de semblables changements dans les sources de revenus (tant pour l'Etat que pour les communes) n'ont été aussi nombreux que pendant la période d'incertitude économique que nous traversons actuellement.

Il semble que l'on devrait être très prudent avant de bouleverser ainsi des habitudes qui, si elles ne sont pas parfaites, ont, du moins, l'immense avantage de ne soulever.d'objections de la part de personne parce qu'elles sont entrées dans les mœurs, et de tabler d'une façon à peu près certaine sur les ressources qu'on a le droit

d'en attendre.

Mais il serait vain de chercher les raisons qui motivent pareilles attitudes de la part des municipalités dans le domaine du bon sens ; il faut plutôt les trouver dans celui de la politique aux théories socialistes. Ces théories consistent, d'une manière générale, à vouloir faire payer par certaines catégories d'individus seulement, les sommes nécessaires à l'ensemble des citoyens du pays (s'il s'agit de l'Etat) ou de la commune (s'il s'agit d'une municipalité).

Cette manière d'envisager l'administration des finances d'un Etat ou d'une ville, a conduit déjà à une solution absurde ne pas faire payer une marchandise ce qu'elle vaut et combler le déficit produit en puisant ailleurs. Nous en avons eu deux exemples typiques, dans la période d'après-guerre, dans la façon d'agir de la Ville de Paris avec les tramways et omnibus et avec le gaz.

Pour éviter de laisser augmenter les prix des places dans les autobus et celui du mètre cube de gaz, la Ville de Paris s'est engagée à combler les pertes qui résulteraient du maintien des prix anciens. Elle n'a pu se procurer les sommes nécessaires à cette opération qu'en créant des impôts nouveaux ou en augmentant ceux qui existaient déjà c'était donc, en définitive, les personnes qui ne prenaient pas le tramway et celles qui ne se servaient pas de gaz qui payaient une partie des dépenses de ceux qui employaient tramways et gaz. Il est vraisemblable que c'est une libéralité dont elles se seraient bien passées.

En matière d'impôt, il est certain qu'un impôt qui ne touche pas tout le monde, pour frapper seulement un petit nombre de « privilégiés » rapporte peu et écrase ceux qui le paient. Nous en avons un exemple avec l'impôt sur le revenu il frappe durement un petit nombre de Français; les dissimulations et les fraudes augmenteront fatalement et pour avoir les mêmes ressources, l'Etat se verra contraint de pressurer davantage ceux qui font leur devoir. Il n'est pas besoin d'être prophète pour prédire que le nombre de contribuables honnêtes ne peut aller qu'en diminuant.

Un exemple qui illustre bien ce qui vient d'être dit nous est fourni par l'examen du rendement de l'impôt sur le chiffre d'affaires. Pour les huit premiers mois pendant lesquels cet impôt a été appliqué, son produit a été au total de 1 milliard 418 millions; on avait prévu qu'il donnerait 3 milliards 329 millions, soit près de 2 milliards de moins que ce que l'on espérait.

Ce seul point nous montre quelle prudence il faut montrer lorsqu'on veut tabler avec précision sur le rendement probable d'un impôt entièrement nouveau.

Une autre déduction s'impose à l'esprit lorsqu'on regarde les sommes produites par cet impôt, mois par mois.

En septembre 1920, il a rapporté 292 millions; il avait atteint dès le début son maximum, car ce chiffre n'a fait que diminuer avec une régularité remarquable mais désespérante pour arriver au mois de mars 1921 au chiffre de 147 millions. Les personnes qui n'ont pas l'esprit chagrin ne verront là que la conséquence du marasme économique actuel ; les pessimistes vous diront que c'est peut-être aussi parce que le nombre des déclarations sincères diminue...

Il y a une erreur de psychologie fondamentale dans ces lois qui basent le recouvrement de l'impôt sur la déclaration de celui qui doit le payer. Au lieu de se bercer d'utopies en supposant l'homme parfait et en élaborant des lois à la mesure de sa perfection, il serait plus judicieux de considérer l'homme tel qu'il est, avec ses défauts, de faire des lois qui lui soient applicables et d'essayer de le perfectionner.

On soutiendra que, remplacer dans une ville les droits d'octroi par d'autres taxes, c'est satisfaire tous les cousommateurs pour ne frapper que ceux qui, théoriquement, peuvent le supporter.

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Là encore, il ne faut pas se payer de mots. S'il est vrai que la très grande majorité de la population trouve l'octroi << agaçant » on l'accepte, cependant, sans récri miner. Mais il ne faut pas prétendre que la suppression des droits d'octroi allègera les charges du consommateur. Nous avons encore eu, récemment, l'expérience faite à Paris du remplacement des droits d'octroi sur les boissons hygiéniques par des taxes sur les autos, voitu res, chevaux et cercles. On n'a pas entendu dire que le prix des boissons hygiéniques ait baissé à Paris les droits d'octroi supprimés ont continué à être acquittés par les consommateurs, mais au lieu d'aller remplir les caisses de la Ville, ils sont allés dans la poche du vendeur. Que l'on tente de les rétablir, le vendeur augmentera ses prix proportionnellement à ce qu'il aura à payer. La chose n'est pas reversible, et l'on se rend difficile ment compte de l'avantage qu'a pu trouver le consom mateur dans ce changement; par contre, on voit trè nettement les difficultés que la Ville s'est créées procurer des ressources.

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Les taxes de remplacement coûtent cher à établir; et les percepteurs vous diront que, pour un certain nom bre d'entre elles, l'on dépense, pour les établir, presque autant que ce qu'elles doivent produire.

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Il en est malheureusement de l'Etat et des Villes comme des particuliers: l'expérience d'autrui ne leur profite pas. Il n'y aurait qu'à jeter un coup d'oeil en Espagne pour en tirer une excellente leçon et un exemple à ne pas suivre.

Il fut décidé, il y a quelques années, que les droits d'octroi seraient supprimés par toutes les municipalités et remplacés, dans un délai qui doit être aujourd'hui expiré, par des taxes nouvelles.

A l'heure présente, on peut dire que toutes ces municipalités sont sans ressources et qu'elles ne savent où et

comment en trouver.

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Il semble qu'avant de nous lancer à imiter en grand une manière de faire dont on peut constater les résultats désastreux dans un pays voisin du nôtre, on pour rait attendre l'expérience que sont en train de faire cer taines de nos villes à cet égard. Il est probable que l'on voyait les effets déplorables que ce régime de suppression des droits d'octroi par des taxes de remplacement ne manquera pas de produire dans les communes où il vient d'être mis en vigueur, les villes n'iraient pas grossir le nombre de celles qui s'en repentiront.

MARCEL LEBON.

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D'une guerre à l'autre guerre

LE CRÉPUSCULE TRAGIQUE

VI

LA VOIE ÉTROITE PARMI LES TÉNÈBRES

ot Il est des âmes qui se reprennent toutes dès qu'elles des ne se livrent plus toutes, et qui ne sauraient avoir un ené secret sans devenir entièrement secrètes. C'est pourquoi it p les privilégiés, susceptibles d'éprouver l'amitié véritable, aver exigent une intimité absolue et prennent ombrage des pple plit moindres réserves. Elles ne sont la plupart du temps que des taquineries innocentes, mais que leur ami prolonge et pousse, s'il en remarque l'effet excessif, puéril à ses yeux et ridicule. Des êtres d'une exquise sensibitonslité n'entendent rien à cette façon de prendre au trau, the gique des vétilles. Ils croient rendre service à celui qu'elles font souffrir en le grondant, en essayant de le corriger. Mais celui qui aime d'amitié a raison de prendre au traalation:gique ces petites choses, dont il aperçoit, lui, l'influence funeste. Car telle est la différence plus essentielle de l'amour et de l'amitié, et sans doute la plus éminente supériorité de l'amitié sur l'amour tandis que l'amour s'accommode d'une certaine dose de mensonge, et peuttre en est-il vivifié, l'amitié en est empoisonnée. Philippe se rappelait et n'arait pas honte de se rappeler les souffrances inouïes, pour le vulgaire, absurdes, qu'il avait endurées au temps de sa jeunesse Par amicale, parce qu'on lui cachait sans motif une chose sans intérêt c'est qu'à ces moments-là il sentait que Son amitié pouvait en mourir, et l'enfantillage prenait ses yeux les proportions d'une catastrophe. Son amitié de l'Oxford demeurait le plus pur souvenir de sa vie sen auimentale et le plus serein, parce que jamais la sécurité end en avait été troublée ainsi, grâce non seulement à la reéracité de Rex Tintagel, mais à la précision ingénue on de cette véracité. L'autre Rex, son fils, ne comprenait pas moins que lui-même, tant leurs sensibilités étaient pareilles, ce qui devait maintenir et ce qui devait tuer leur amitié (car la tendresse paternelle et la piété filiale, à ce degré de passion, qu'est-ce, qu'une amitié ?) Hélas! que pouvaient-ils l'un et l'autre, malgré leur bonne volonté, contre la fatalité maligne qui venait de susciter entre eux Lydie Tverskoi, vivant symbole, non du de mensonge, mais de ce qui ne peut pas être dit? Ils se résignaient tous les deux, ils étaient tous les altdeux consternés. Rex n'eût rien souhaité davantage que de n'avoir pas ce jardin secret. Philippe était trop scrupuleux pour en violer la clôture; mais il chérissait trop son fils, qu'on lui ravissait, pour avoir la force de s'interdire de rôder, de guetter alentour, d'épier. Toute sa préoccupation, durant de longs mois, fut cet espionnage qui le faisait rougir de honte, cependant que leur vie commune gardait les apparences de l'intimité la plus étroite, qu'ils demeuraient chaque jour et causaient ensemble des heures, avec agrément, avec abandon, assez ingénieux, en même temps que soucieux de ne se point blesser, pour dissimuler, parmi tant de choses qu'ils disaient sans contrainte, la contrainte que mettait entre eux l'arrière-pensée toujours présente de la chose qu'ils ne disaient pas.

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Philippe, du moins, voulait ne devoir qu'à lui-même, à ses inductions, à ses analyses, d'une pénétration presque miraculeuse, la connaissance obscure, hypothétique, de l'intrigue ensemble mystique et vulgaire dont il devinait une à une les péripéties. Il négligeait les documents que lui auraient pu fournir les propos du monde. Autant interroger les domestiques! Il eût encore moins interrogé Rex, et il prenait soin de ne trahir ni sa curio

sité ni ses alarmes. Il assistait cependant, étant doué de seconde vue, à ce drame qui le désespérait, il en était positivement le témoin, lucide, impuissant, passif, et l'on pourrait dire: endormi. De son unique visite à la princesse, il avait, grâce à la prodigieuse mémoire de ses yeux, gardé une image parfaitement nette et minutieuse du décor, des physionomies, de tous ces détails que se font donner les voyantes, avant de hasarder la plus vague réponse aux questions qu'on leur pose; et tous ces éléments lui servaient à imaginer les scènes où il faisait intervenir Rex chez la princesse, ou mieux à s'en procurer véritablement l'hallucination.

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Il avait su, avec cette certitude d'une nature tout particulièrement catégorique que donnent les intuitions à ceux même qui nient tout autre procédé d'appréhension: que l'expérience et le raisonnement et qui répudient plus fièrement cette sorte de connaissance précaire, peu orthodoxe, il avait su le jour exact de la seconde visite de Rex chez la princesse: précisément quatre jours quatre jours! après la première qu'ils avaient faite ensemble. L'avertissement qu'il en avait reçu à l'instant même où, ce jour-là, Rex était rentré pour le dîner, et dont il ne pouvait pas plus critiquer la valeur probante qu'il n'en pouvait douter, était de l'ordre matériel; il le comparait lui-même à ce bizarre phénomène, souvent observé, de tout jeunes enfants jaloux de leur mère, qui sentent, à la lettre, qui sentent, par une sorte de répugnance physique, qu'elle vient de se livrer à un amant. Le choc avait été si surprenant et si rude qu'il avait tressailli, n'osant d'abord lever les yeux sur Rex, puis brusquement les avait levés regard, non point qui interroge, mais qui annonce qu'il sait, et Rex en avait pâli. Et cette fois avait été la dernière où, sans rien se dire, ils s'étaient communiqués l'un à l'autre. Presque aussitôt après, ils étaient redevenus tous deux maîtres de soi et impénétrables.

A peine Philippe avait-il su, qu'il avait ressuscité toute la scène en son décor, avec la figure des personnages, leurs places, leurs numéros, comme on dit au théâtre, et leurs passades. Ses yeux, soit dans le moment qu'ils voyaient ou quand ils se ressouvenaient, n'aper-. cevaient pas seulement le dessin des corps et des visages, mais, avec la même netteté, le dedans des âmes : ils étaient témoins des sentiments comme des gestes. Philippe savait exactement quel regard avait lancé Lydie Tverskoï à Rex quand il avait paru et, une seconde, hésité sur le seuil du salon, et exactement comment il fallait interpréter ce regard. Tous les mouvements empruntés et les expressions de Rex, Philippe les aurait pu reproduire sans l'erreur la plus légère, et dire à quelle mesure battait alors le cœur de son fils, et la sorte d'émo... tion que trahissait ce rythme.

Il croyait même entendre toutes les répliques. Il n'aurait su les écrire. Ainsi qu'en un rêve très distinct, il avait dans les oreilles le son des voix, et il comprenait le sens des paroles, sans toutefois retenir les syllabes articulées. L'effort qu'il faisait pour les saisir, comme au réveil, irritait et fatiguait ses nerfs. Puis un apaisement, un soulagement, comme après une alerte, lui indiquaient qu'à cette deuxième rencontre cela était d'avance bien certain rien n'était arrivé d'irréparable. Mais combien y gagnait-il de temps. ? La joie du péril cette fois détourné lui était gâtée aussitôt par le pressentiment de l'imminence et de la fatalité de la chute. Il se rappelait une phrase d'un vieux roman: « Les chutes des honnêtes femmes sont d'une rapidité à faire frémir »;

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