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pendance et leur valeur des mots d'ordre de la rue Cadet et de la rue de Valois ; d'autres hommes, enfin, qui, instruits par les leçons de la guerre, avaient donné, tout en demeurant dans leur groupe, leur adhésion officielle au parti Jonnart. Ne savait-on pas dès lors qu'il convenait e déduire de la Majorité Absolue les Albert Gérard, les Trouvé et les Royneau, les Monzie, les Jouvenel et les Paul Strauss, les Perchot, les Mascuraud et les Noulens ?

Que demeure-t-il donc de la leçon de ce scrutin dont il était aisé de prévoir l'issue? Ceci. Que le Bloc national qui, à la Chambre, hésitait à fixer les frontières de la majorité et à rejeter dans la minorité stérile du bloc de gauche les valoisiens impénitents, n'a rien à redouter du Sénat : il y a, là aussi, une majorité solide et sûre, décidée à marcher d'accord avec celle de la Chambre, et grâce au vote si clairement intervenu sur le terrain choisi, ces vérités, hier encore confuses et discutées, sont devenues lumineuses et irréfutables.

Il en demeure ceci encore et ce n'est pas la leçon la moins ironique que les hommes d'Etat de gauche ont démontré qu'il fallait les classer dans l'opposition et dans la minorité jusqu'à nouvel ordre. Ceci dit pour M. Gaston Doumergue en qui d'aucuns mettaient, paraît-il, les plus vastes espoirs. Et ceci dit aussi pour M. Maurice Sarraut, qui n'a pas été très gentil pour son frère, si difficilement dégagé, et depuis peu, des plus explicables préventions. M. Steeg, qui eût pu exciper légitimement de sa haute fonction à Alger pour s'absa tenu à marquer sa communion d'idées et de sentiments avec le Bloc national. N'a-t-il pas été plus

tenir

avisé ?

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Il est impossible qu'en s'embarquant le 19, MM. Briand, Loucheur et Philippe Berthelot n'aient pas bien que M. Marcel Hutin ait affirmé le contraire éprouvé quelque inquiétude. Les dangers auxquels ces conversations brusquées exposaient la délégation française, étaient trop évidents pour ne pas préoccuper jus qu'à ceux que l'hospitalité toujours éphémère et toujours inconfortable du Capitole républicain pénètre d'une optimiste sérénité.

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Le Foreign Office a beau multiplier, depuis l'armistice, qu'il s'agisse de la Turquie ou de l'Allemagne, de la Russie ou du Japon, les démonstrations de cet art des revirements, dans lequel il a toujours excellé l'opinion française, plus conservatrice, moins souple et plus lente, a quelque mal à suivre ses amis dans leurs variations soudaines et intégrales. Hier la délégation anglaise tentait d'écarter la France de l'Entente Extrême-Orientale et la presse officielle passait sous silence le discours de M. Viviani, dont le retentissement fut considérable, scandalisant ainsi jusqu'à Wells luimême (Daily Express, 13 décembre). Aujourd'hui, à d'heures d'intervalle, le Foreign Office accable

peu

au Labour

M. Briand de subites tendresses. Comment ne point éprouver, sinon quelque rancune, du moins quelque surprise et quelque méfiance? D'autant que D. Lloyd George est l'homme qui voit grand. Et si parfois cet invincible attrait pour les constellations grandioses lui a dicté, notamment pendant la guerre, des décisions fécondes, les excès de cette imagination impressionnable et ondoyante ont parfois coûté cher au peuple anglais l'empire gréco-byzantin qui devait se dresser sur les ruines de l'Islam morcelé, ne s'écroule-t-il pas aujourd'hui, avec autant de fracas que la Triplice qui devait se partager l'empire des mers? Or les questions économiques, auxquelles l'homme d'Etat le plus remarquable de l'Europe veut maintenant consacrer les ressources fécondes de sa brillante imagination, sont de celles qui ne se prêtent ni aux improvisations rapides, ni aux constructions grandioses. Il faut procéder, par des mains expertes et après de mûres réflexions, à des analyses minutieuses et à des déblaiements successifs. glés par cette « diplomatie de cinéma »>, Nuls problèmes ne peuvent être plus difficilement réla formule cinglante et définitive de M. R. Poincaré, pour prendre innovation redoutable, dont M. D. Lloyd George, plus que tout autre, porte la responsabilité. Et cependant, dès le 15, le premier ministre répondait Party « qu'il allait discuter avec M. Briand tous les envisageait pour janvier la réunion « à Londres d'une problèmes de l'heure ». Le 17 son journal, l'Observer nouvelle conférence européenne », à laquelle seraient transformer les relations économiques du monde exconviées l'Allemagne et la Russie - « ce qui pourrait tier. » Mais ces deux douzaines de premiers ministres, après avoir été incapables de restaurer la production nationale, entreprendraient de restaurer la vie diale. Les voyez-vous en public, sous la lueur des projections, à portée des reporters, démontrer les mécani mes du danger, jonglant avec des milliards-papier ? Et comme le bon sens français pourrait se cabrer devant ces exagérations de l'humour britannique, le projet de garantie territoriale et d'alliance occidentale réapparaît .Le général Seely, qui, par une vaillante conduite sur la Somme, racheta les coûteuses illusions de son radicalisme pacifiste, repose le problème dans le Times, avec la vigueur du juriste et la loyauté du soldat. Certes, cet échange de signatures paraît constituer la conclusion logique et la consécration morale des entretiens, au cours desquels des experts auraient progressivement liquidé les conflits et réajusté les politiques francoanglaises. Mais ne serait-il pas dangereux de céder aux suggestions de Philippe Millet et de placer au contraire cette négociation en tête du débat ? « Garantie » et « Alliance » deviennent des éléments d'échange et des moyens d'expression. Au prix d'une de ces signatures, dont le Français chicanier et paysan exagéra toujours l'importance, ne sera-t-il point possible de l'entraîner dans une de ces conférences, habilement composées et dangereusement truquées d'où il sortira les mains ligotées et les poches vides, après avoir joué et perdu la barrière du Rhin.

mon

Mais cette excellente Allemagne veillait au grain. Et au lieu de laisser les premiers ministres s'engager avec imprudence sans être avertis sur ces terrains dange reux, elle décide de rendre à la France le précieux service d'orienter le débat vers un problème concret et vers une réalité immédiate. Le 14, avant que M. Briand et M. D. Lloyd George n'aient pris contact, le Dr Wirth écrit à la Commission des réparations pour lui annoncer qu'il ne saurait faire face aux échéances de janvier et de février. Faillite précieuse! Bévue féconde! Balourdise providentielle ! Le Dr Wirth fournissait à M Briand le moyen de circonscrire le débat et d'éviter de pièges, l'occasion d'apporter un programme financier et de réaliser un accord limité.

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Nombre de Sociétés

Mais après avoir remercié Wirth il faut relire son papier.

Il est lamentable. Il constitue l'aveu le plus grave de la défaite, le signe le plus manifeste de l'impuissance allemande. Relisez. Pas un fait ; pas une date; pas un chiffe. Le Reich invoque simplement le refus auquel se sont heurtés ses négociateurs à Londres: ni emprunt à longue échéance, ni crédit à court terme. Aucune indication claire et nette sur l'effort d'hier, d'aujourd'hui et de demain pour faire honneur à la signature allemande. Le discours du 15 est aussi vague, aussi terne et aussi mou que la note du 14. Le chancelier implore sa majorité tout comme il implore les alliés. Il faudra après trois ans de paix - voter le budget en temps utile, équilibrer recettes et dépenses du trafic ferré, postal, supprimer les subsides indirects accordés à l'industrie et aux exportations. Ces réformes tardives et vitales sont demandées sans autorité et réclamées sans énergie. La parole est aussi lasse et aussi veule que la plume. Le discours vaut la note, cette note dans laquelle la Commission des réparations

et cela

« n'a trouvé aucune précision ni quant aux devises, que le gouvernement allemand serait prêt à fournir à chacune des échéances du 15 janvier et du 15 février, ni quant au délai de grâce, qui serait sollicité pour payer le solde, ni quant aux garanties, qui seraient offertes dans l'intervalle, ... ni allusion aux mesures que le chancelier a adoptées ou se propose d'adopter pour donner satisfaction aux vues exprimées par la commission dans sa déclaration orale du 13 novembre et sa lettre du 2 décembre 1921. >>

Ni politique, ni programme, ni méthode. La planche à assignats tourne. Au cours de la dernière semaine de novembre, l'inflation a augmenté de 5 milliards, soit trois fois plus qu'au cours de l'année 1920 tout entière. (Frankfurter Zeitung, 5 décembre.) Le Reich est un gouvernement qui ne sait plus, n'ose point et ne peut pas vouloir. La médiocrité des caractères est plus grande

encore que la médiocrité des intelligences. Un aveu officiel confirme les témoignages impartiaux. L'Autriche flanche. L'armature flechit. La défaite économique approche.

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Pour l'écarter, il ne suffirait ni d'accorder un moratorium, ni de réduire la créance, ni d'ouvrir un délai, ni d'empiéter sur l'avenir. C'est maintenant qu'il faut agir, intervenir en chirurgien, porter le fer dans la plaie. Une autorité doit dicter les réformes et créer l'organisme, qui assainiront la vie financière du Reich. L'intérêt des Alliés n'est pas seulement en jeu. L'existence même de l'Allemagne est en cause. La course à l'abîme se précipite. Si le mark ne se relève pas sensiblement, l'heure

est proche où le super-Etat industriel participera à la faillite de l'Etat politique, ne pourra plus importer ni matières premières, ni denrées alimentaires, réduire au chômage et à la famine une population urbaine qui ne vit point sur la terre allemande, mais dépend, pour sa subsistance, des marchés extérieurs: or elle représente 53 0/0 de la population totale.

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9 grandes firmes industrielles.. 61 sociétés diverses

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soit pour 232 sociétés une réduction dans leurs bénéfices trimestriels de 10 millions de livres sterling, de 42 pour cent.

Devant des pertes et un chômage qui réduisait telle des provinces britanniques, comme le disait avec une communicative émotion lord Derby, à l'état de « régions dévastées» ces esprits accueillent plus facilement les pensées irritantes ou chimériques, hâtives ou imprudentes.

Des banquiers commettent l'imprudence, pour justifier le refus d'un prêt au Reich, de mettre uniquement

en cause

« les conditions, qui, pour les prochaines années, ont force de loi pour la Commission des Réparations, dans la question des obligations allemandes »,

sans préciser, ni distinguer, sans incriminer le gaspillage éhonté ni l'inflation systématique. Nos diplomates sont assez naïfs pour trouver une panacée dans l'avènement des populistes de Stinnes, qui seraient les fourriers de la réaction militaire et monarchique. (Lokal Anzeiger, 15/12). Des ministres, Winston Churchill, le 30 novemla triplice anglo-américo-japonaise, qu'ils auraient voulu bre dernier, sont assez imprudents pour comparer à dresser dans le Pacifique, la triplice anglo-germanofrançaise, «< qui recréera la prospérité disparue de l'Eu

rope ».

Heureusement que d'autres Anglais voient plus clair, pensent plus juste. Par exemple, le bureau de la Fédération des industries britanniques qui, le 23 novembre, proposait d'affecter au paiement des réparations des actions dites de priorité ou de première hypothèque, dont la création serait imposée par la loi allemande à toutes les sociétés financières, navales ou industrielles tique du Daily Telegraph, qui écrivait, le 17 décembre d'outre-Rhin. Par exemple, le correspondant diplomadernier, après avoir démenti au nom du Foreign Office, quelques-unes des rumeurs dont débordent les colonnes de la presse parisienne :

« Sa manière d'aider et si nécessaire d'obliger l'Allemagne à adopter de solides méthodes financières devra être examinée à fond. L'équilibre de son budget ordinaire doit être réel et non simplement théorique. Les taxes existantes doivent être perçues, si la justice ne demande pas qu'elles soient augmentées. Le flux incessant des presses à assignats doit

Cette opération chirurgicale, cette intervention rénoatrice, cette saisie-arrêt, cet assainissement fiscal, l'opi-être enrayé. Il y a certainement des moyens d'arrêter, sinon ion britannique, le gouvernement anglais sont-ils disosés à l'entreprendre?

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complètement, du moins d'une manière appréciable, l'évasion des capitaux. Par exemple, le gouvernement allemand pourrait mettre l'embargo sur les titres étrangers possédés par des sociétés et par des sujets allemands. Le gouvernement allemand pourrait percevoir, par l'intermédiaire d'un organisme analogue à celui qui existe en Italie, ou grâce à une législation semblable à celle qui fonctionne en Grèce, les devises étrangères payées aux exportateurs et les leur rembourser en monnaie nationale ou autrement. >>>

On ne saurait écrire de meilleure encre. C'est dans cette voie qu'il faut résolument s'engager.

Un autre Anglais, un grand Anglais celui-là, lord Derby, nous y invite. Il n'est point hanté par les sou

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venirs de 1815, mais il reste fidèle à ceux de 1914. Il connaît les défauts mais il aime l'esprit de la France. Il sait qu'elle est indignement calomniée et outrageusement défigurée. Il voit juste dans l'âme allemande, et il proclame « qu'on ne peut avoir aucune confiance dans la parole des Allemands. » Il sent que les frontières territoriales de la France et les frontières industrielles de

l'Angleterre sont solidaires. Son cœur et sa raison lui démontrent que les besoins profonds et les vrais intérêts des deux pays concordent aujourd'hui comme hier. Lord Derby peut se porter garant vis-à-vis de la Grande-Bretagne de la modération française, et vis-àvis de la France de la « loyauté anglaise ». Avec lui, il serait facile de cimenter l'alliance occidentale et de bâtir la paix européenne... Mais lord Derby ne prend aucune part aux entretiens de Downing Street.

JACQUES BARDOUX.

Hugo Stinnes

A Mülheim-sur-Ruhr, dans une maison vaste, mais simple, un cabinet de travail austère, aux murs nus. Derrière une table de bois noir, un homme est assis. Cinquante ans environ, taille moyenne, regard effacé derrière un lorgnon, complet fatigué, cravate noire au nœud tout fait. Silhouette qui n'est sauvée de l'insignifiance absolue que par la barbe noire et drue contrastant avec la pâleur du teint.

Le médiocre personnage sonne. Un secrétaire paraît. Quelques lettres sont dictées, quelques signatures jetées, quelques appels téléphoniques lancés... Et voici que l'univers industriel et commerçant s'émeut dans la Ruhr, sur le Rhin, en Saxe, les puits de mines se creusent plus profonds, les hauts fourneaux flamboient davantage, les villes ouvrières se couvrent d'un voile de fumée plus dense; à Hambourg, à Berlin, des quartiers entiers changent de propriétaires; des ports de la Baltique sortent des flottes marchandes; aux Etats-Unis le cours des pétroles est modifié, en Suède le cours des bois, celui du cuivre en Espagne, celui des peaux en 'Argentine. Et l'Angleterre, que la concurrence allemande chasse de ses marchés extérieurs, voit avec appréhension grossir l'armée de ses chômeurs.

Hugo Stinnes, le Bismarck de l'Allemagne moderne, a parlé.

La merveilleuse « machine à affaires! » La plus merveilleuse peut-être qui ait jamais existé. Machine précise, réglée, puissante. Nulle fantaisie chez cet homme, et presque rien d'humain. Dans son existence aucune de ces touches romanesques qui rehaussent la vie d'un Cecil Rhodes. Nul trait qui frappe l'imagination. Mais de la volonté, de la puissance, une formidable puissance de travail, souvent de la divination et, au fond de tout cela, un succès régulier, progressif et éclatant.

Stinnes ne commence pas sa carrière dans les classiques sabots. Son père était un riche brasseur d'affaires. A vingt-deux ans, le jeune Hugo se voit déjà en mesure d'acquérir plusieurs mines de houille. A celles-ci s'ajoutent bientôt, selon le système de l'intégration verticale, des briqueteries, puis des aciéries, enfin une petite flotte marchande. Stinnes a désormais le vent en poupe. Ses entreprises se multiplient, le succès les accompagne. En 1914, notre homme est un des magnats de l'industrie rhénane-westphalienne et on évalue sa fortune à cinquante millions de marks.

La guerre la devait centupler. Dès le début des hostilités, Stinnes devient un des confidents de Guillaume II qui en fait son chef d'état-major économique. Il noue dans les pays scandinaves des relations d'affaires et des intrigues politiques qui servent en même temps les intérêts du Reich et les siens propres.

Le resserrement du blocus, puis la victoire des Alliés ruinent une partie de cet échafaudage. Mais pour une entreprise qui s'écroule, deux s'organisent et prospèrent. L'ettondrement même du mark, en facilitant les exportations de l'Allemagne, sert la fortune de Stinnes. Les paiements qu'il reçoit à l'étranger, il les investit sur place, du même coup narguant le fisc alle mand, se mettant à l'abri des fluctuations du change et se poussant au premier rang des capitalistes internationaux.

Maintenant Hugo Stinnes est le maître véritable du Reich. Ses richesses d'aucuns les chiffrent à deux milliards de dollars, deux cents milliards de markspapier lui permettent de tout acheter, entreprises et consciences. Le mécanisme de son consortium, composé de sept groupements principaux aux innombrables rami fications lui assure le contrôle de presque toute l'industrie et d'une grande partie de la banque. Les hommes à sa solde remplissent les administrations publiques, les missions à l'étranger, le Reichstag. Par la presse, dont il a acheté les principaux organes, par le cinéma, qu'il a trusté, il tient l'opinion. Le Volkspartei, le plus puis sant peut-être, à coup sûr le plus riche des partis alle mands est à sa dévotion. Et sur un signe de lui le faible ministère Wirth, sans doute, s'écroulerait...

Ce signe, il ne l'a pas encore fait. Prudence ? Mépris de l'homme d'affaires pour les agitations de la politi que? Toujours est-il que, jusqu'à ces derniers temps, Stinnes évitait de paraitre personnellement devant les feux de la scène publique. Une seule fois, à Spa, o l'avait entendu parler au nom de l'Allemagne. Avec quelle arrogance! Les Alliés s'en souviennent encore. En quittant la conférence ne disait-il pas à un familier: « L'Allemagne n'a pas été battue. Il ne me convenait point de mettre des gants blancs pour parler à nos ennemis. Après tout, que sont-ils ? Je pourrais tous acheter, si je le voulais. Mais j'ai pour mon argent meilleur emploi. >>

Cet éclat demeura isolé. Pendant un an, Stinnes ne sortit pas de la coulisse. Mais son esprit ne demeurait point inactif. Et voici que, dans cet esprit, un plan gi gantesque s'est formé. Le but: assurer en Europe à l'Alemagne une hégémonie économique plus formidable que son hégémonie militaire de jadis. Les moyens : la mise au panier du chapitre Réparations du traité de Versailles et la colonisation de la Russie.

Ce plan, Stinnes sent bien que l'union des Alliés rendrait la réalisation impossible. Aussi tente-t-il tout pour la briser. Dans ce but, il joue la carte anglaise. Se tractations avec lord d'Abernon, l'ambassadeur britannique à Berlin, ne sont, depuis longtemps, un secret pour personne. Le mois dernier, il s'est rendu à Londres L'objet ostensible de son voyage était la négociation d'un emprunt extérieur; la fin réelle en était de persuader la Cité que l'exécution du traité conduirait k Reich à une catastrophe financière où l'Angleterre risquerait de se voir entraîner. Beaucoup des interlocuteurs de Stinnes furent séduits par ses arguments comme ils le furent aussi par le mirage d'un consortium germanobritannique pour l'exploitation de la Russie. Les banquiers de Londres ne connaissent pas tous la fable de Bertrand et Raton.

Sous son front ridé et blême, Hugo Stinnes roule de vastes desseins. Mais les conversations franco-anglaises dont le voyage de M. Briand à Londres vient de marquer le début pourraient bien venir à leur traverse. Le colossal en politique n'a guère, ces derniers temps, réussi au chef de l'Allemagne. La Fortune qui s'est dérobée à l'étreinte du kaiser romantique demeurera-t-elle jus qu'au bout fidèle au ploutocrate en veston râpé ? Hugo Stinnes doit parfois méditer sur la destinée du bûcheroa d'Amerongen.

JACQUES CARLES.

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NOTES ET FIGURES

Le gagnant du Prix Goncourt.

La part de l'étude est grande dans la formation intellectuelle de l'auteur de Batouala. Les belles années de son adolescence se sont écoulées au lycée de Bordeaux, où il passait même les vacances, et s'il n'a jamais eu un mot d'amertume contre sa réclusion, c'est que de bonne heure il avait découvert les richesses du livre, et le secret de peupler de rencontres idéales le silence de sa vie intérieure. Sans doute, il était bon joueur de foot ball, habile à la salle d'armes, et ses aptitudes physiques lui avaient valu un entourage fort divers, mais sa personnalité frémissante s'était laissé deviner et les bons camarades qui l'appelaient en souriant «mon pauvre Colorado » savaient quelle attirance l'emportait en lui sur les jeux animés. L'émulation de Plectures ordonnées et continuelles l'emplissait encore quand il assembla, vers la vingt et unième année, les poèmes de son premier recueil, et ses premiers vers portent la marque d'une sévère discipline verbale. On y trouve peu de confidences intimes :

3

Je voudrais me faire comprendre
De ceux qui ne comprennent pas.
Mais je n'y peux rien; je suis tendre
Et mon cœur tressaille tout bas.

On y lit de belles pages où les « humanités » rajeunies accueillent des vocables favorables aux surprises de la rime et si, rétrospectivement, on découvre combien étaient (( vrais >> certains accents, la note générale est de souplesse voulue, de simplicité docile et lucide.

Le vrai bonheur c'est d'être bon, tout simplement,
Comme la fleur parfume.

C'est après La Maison du bonheur (1), que se dégage de cette habileté ensoleillée la personnalité mordue par les hâles de la vie :

Toi qui gardes, songeur dans ton rêve muré,
Une oreille docile, hélas! aux lois du nombre,
Personne ne pourra t'empêcher de pleurer
De n'avoir pu sauter au delà de ton ombre.

Le second livre de vers de René Maran s'appelle La Vie intérieure (2). Des incidents qui sont les incidents de toutes les jeunesses, des chagrins qui sont le lot de toutes les sensibilités, des angoisses qui ont mûri tous les cœurs, il a tiré de plus graves et plus lourdes conclusions :

Il faut qu'en l'ombre complice

Où les yeux semblent mourir,
Ta mémoire s'abolisse

En l'oubli du souvenir...

Lorsqu'il a tenté d'écrire des romans, deux voies se sont ouvertes à lui, celle de la transposition passionnée à laquelle le genre concède toutes les facilités de la fiction et tous les plaisirs de l'autobiographie, et celle de l'observation étudiée et minutieuse. C'est cette dernière qu'il a choisie en ébauchant Batouala. Fidèle à une directive antérieure, parvenu à la limite dernière du silence de soi, il s'est efforcé de représenter exactement les êtres les plus différents de sa propre mentalité et les plus éloignés de sa lourde complication consciente. Avec le minimum strict de détails descriptifs, rognant les alinéas de ses premiers textes et ciselant les phrases de son élémentaire récit, il s'est efforcé vers ces âmes obscures. Il les a comprises, il a chanté leurs chants, et il s'est amusé parfois visiblement d'être le témoin, lui, de leur grande simplicité.

Telle est la gageure qu'il y avait sous la réalisation de l'histoire de Batouala, née du destin singulier de (1) Editions Le Beffroi, Paris, (1909). (2) Editions Le Beffroi, Paris (1912).

l'auteur. La fierté humaine qui subsiste en de telles abdications des jeux de la sensibilité, se reporte toujours, en pareils cas, sur la forme, et l'art de René Maran lui doit d'être ferme. Il y a bien loin de ce travail tout personnel, de cette libération résolue des modèles admirés, aux délectations de ses heures de loisir où voisinaient à sa table de lecture Mathurin Régnier avec Charles Guérin, Gilbert de Voisins avec André Suarès, les vieux textes des éditions Edouard Champion avec Henri de Régnier, Baudelaire ou Samain! La revision constante de lui-même l'a emporté sur sa jolie passion des livres et des maîtres du langage. On craindrait aisément pour lui les ravages de la solitude et le desséchement qu'elle provoque à la longue, si la littérature, qui a été le refuge et le salut d'autres singularités que les siennes ne lui faisait désormais une place qu'il n'espérait point conquérir. S'il est délivré des peines de vivre «< contre sa pensée, son tempérament et son cœur », il parviendra sans doute à cet élargissement de son écriture, en prose, souhaité par les plus exigeants, et dont la plénitude. d'accent de quelques-uns de ses poèmes a donné déjà la grave promesse.

MANOEL GAHISTO.

Sur Robert de Montesquiou.

Oh! quelques lignes de souvenirs seulement. Car il faudrait, pour bien peindre l'homme, un volume !...

C'est au « Pavillon des Muses », à Neuilly, il y a quelque vingt ans, qu'il se montrait, dans tout son éclat, aux yeux d'une foule attentive, qu'il cherchait et qu'il réussissait à ébahir. C'était l'époque des Chauves-souris, des Hortensias bleus, du Chef des odeurs suaves; c'était l'époque des aventures, des duels, de mille folies très étudiées; et tout Paris s'intéressait aux faits et gestes de celui qui, avec ce nom et cette fortune, avait su rester jusqu'au bout le fidèle compagnon du génial bohème de Sagesse.

Il recevait princièrement : fleurs, musique, chère, parfums, tout y était d'une recherche que la renommée célébrait avec une pointe d'ironie ; et lui-même, n'hésitant pas à s'extasier sur les beautés de la fête, vous reconduisait avec un « C'était superbe, n'est-ce pas ?», qu'il jetait d'une voix de fanfare.

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Dans l'intimité, on trouvait vraiment un personnage extraordinaire. Au fond de cette demeure, magnifique jusque dans ses moindres coins, qu'il appelait, en se redressant, « l'un des plus beaux intérieurs du monde >> (et c'était probablement vrai) s'il portait, en grand seigneur, en effet, un nom sonore et glorieux, il se montrait aussi un artiste dans toute l'acception du terme, réagissant profondement aux formes, aux couleurs et aux bruits, avide d'impression subtiles, et ayant une effarante phobie de la banalité.

On a parlé de son insolence: elle était splendide. Je me souviens de certaines répliques, débitées, toujours avec cette voix claironnante et nasillarde, le buste rejeté en arrière, les sourcils froncés, à des gens « à qui il voulait être désagréable » : c'étaient des chefs-d'œuvre. On a parlé de son élégance : elle était, me semble-t-il, incontestable, et l'on peut dire que toutes ses attitudes, en leur temps, furent copiées dévotement. On a parlé de sa méchanceté ; si l'on veut ici être véridique, on ne saurait la nier il avait ce défaut effrayant, bien de chez nous au surplus, de ne pouvoir retenir un trait d'esprit qui lui venait aux lèvres ; et quel esprit !... Alors, tant pis! c'était avec une complète indifférence qu'il pouvait semer le mal comme le bien. Mérimée ne disait-il pas, déjà : de manquer « Un Français se ferait pendre plutôt que un bon mot ! » J'ajouterai : A plus forte raison ferait-il pendre son voisin !... On a parlé de sa b parlé de sa beauté. Ici, je suis embarassé. J'avoue que j'ai toujours admiré la fine

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Je n'ai jamais répété cette affreuse parole à Montesquiou je crois qu'il aurait été très réellement vexé.

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Car il est vraisemblable que même sa simplicité - il était quelquefois simple était volontaire et travaillée. Je nous revois assis, tous les deux, un dimanche, sur un banc public de l'avenue de Neuilly, comme de petits bourgeois. Passèrent deux belles madames, qui le reconnurent et qui paraissaient fort choquées. Lui, il était ravi.

Mais, princesse, disait-il devant moi dans le téléphone, il m'est absolument impossible d'aller dîner chez vous mardi : c'est mon jour de cinéma ! Le besoin d'étonner.

Un jour que le valet de chambre lui annonçait un visiteur richissime, célèbre, qui désirait connaître sa mai

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C'est qu'il avait peut-être, en tout, un seule préoccupation, une sorte de hantise: la recherche du rare. «< Des Esseintes », a-t-on dit. Il est possible - je n'en sais rien -que Huysmans l'ait portraituré dans A rebours: mais alors il a ajouté un côté maladif que Montesquiou n'avait pas.

Tel quel, en tout cas, avec ses défauts comme avec ses qualités, qui furent grandes aussi, ceux qui le connurent vraiment, l'aimèrent. Il avait beaucoup d'ennemis, et il s'en vantait il eut peu d'amis, mais sincères et fidèles; et il en était fier aussi.

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Depuis quelques années il faut employer ce mot cruel il était à peu près oublié du public. Forcé d'abandonner Neuilly, faute d'argent, exilé dans ce beau « Palais rose » du Vésinet, d'un accès difficile, le voilà qui meurt sans bruit, lui qui fit tant de bruit jadis ! Vis-à-vis de l'homme, rien à dire : aussi bien, lui-même je l'écris ici parce que je le sais l'avait-il voulu ainsi. Mais vis-à-vis du poète je l'avoue non moins franchement je crois que l'on commet une grande injustice. L'avenir en décidera.

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Paul HEUZE.

Un paradis bolcheviste en Basse Bretagne.

Il se signalait déjà par le taux excessif de ses impôts urbains, plus de 60 0/0 du montant des loyers, lorsque l'attentat commis contre le consulat des EtatsUnis a rappelé l'attention sur la bande de ses communistes, tous jeunes voyous de 16 à 18 ans, apprentis à l'arsenal de la Marine, et, à ce titre, payés pour ne rien faire par les contribuables français.

Sur la rade incomparable de Brest qui dans ses brumes vit passer autrefois le roi Grallon fuyant la ville d'Ys, et que les Américains eurent dessein d'aménager en grand port transatlantique; face à la vallée enchantée où saint Guénolé abrita sa retraite ; au-dessus de son arsenal d'une si belle ordonnance avec ses longs édifices

étagés, s'entasse, de guinguois, la ville pluvieuse, malodorante, assombrie et malfamée où, depuis plus de quinze ans, la doctrine de Karl Marx exaspère sans trêve l'individualisme des Bas-Bretons.

Du coup, la ville que Vauban ceintura de nobles remparts, a perdu cette dignité que la marine lui prêta longtemps. Les ouvriers de l'arsenal, tous déracinés de la campagne avoisinante, initiés, l'alcool des gran des villes aidant, à l'anticléricalisme le plus brutal par une épaisse bourgeoisie radicale, ont appris à maudire aussitôt qu'à parler. Et les cailloux lancés, à chaque grève, contre les magasins, renseignent les éducateurs sur la violence des passions qu'ils ont alluméees dans la sensibilité ardente de cette population celte déchaînée. Ainsi répond Prospéro à Caliban qui lui apprit à parler.

La violence même de l'âme bretonne userait ici, plus rapidement qu'ailleurs, les chefs que poussent les bataillons des « travailleurs » de l'arsenal. Cet ancien petit commis de la marine, élu député pour ses outrances, devenu depuis capitaliste puissant, assurent les jeunes communistes, a pu craindre sérieusement un échec aux élections de 1919. Mais la complicité souterraine des loges radicalisantes intervint, à point, pour lui donner le succès. Et c'est bien là le secret de la durée au pou voir municipal des socialistes, tour à tour majoritaires et minoritaires, sourdement unis, malgré tout, pour avancer les voies de la Révolution sociale.

L'histoire de l'administration communale de ces communistes, depuis plus de dix ans, formerait les chapitres divers d'un même livre écrit par Aristophane et Thucydide. Mais comment épuiser le grotesque de ces démagogues proscrivant le savon comme un artide de luxe, travaillant dans un arsenal militaire au cri de: « A bas d'armée »; s'enivrant de lourd alcool autant que d'idées révolutionnaires; abolissant à l'intérieur de leur familles la plus élémentaire morale, et revêtus de l'échape tricolore, déclarant unis, au nom de la loi, citoyens et citoyennes fiancés ! Je promets à M. René Benjamin de larges joies s'il suit jamais les séances de la Mairie ou de la Bourse du travail à Brest...

Qui n'a pas traversé les rues de Recouvrance ou de Kéravel aux taudis humides et noirs, traversés de la senteur molle des absinthes d'avant-guerre, ne peut comprendre l'observation faite par un magistrat, et confirmée par les médecins, que Brest est la ville où la proportion des incestes est la plus forte. La licence des mœurs a suivi ici rapidement le dérèglement des esprits.

C'est à Brest, vrai carrefour de toutes les démagogies, qu'on pourra aussi analyser sur le vif le ravage porté dans les meilleurs esprits par les démocrates chrétiens, issus du Sillon, dont le chef se faisait inscrire hier au Comité d'action en faveur des assassins de droit commun, Sacco et Vanzetti. Démagogie communiste, démagogie sillonniste rivalisent ici de surenchère électorale près des milliers d'ouvriers inoccupés, que l'Etat français rémunère chaque semaine.

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La voie ainsi préparée au bolchevisme, comment s'étonner que Brest demeure un des bastions les plus puissants de la Révolution sociale. Le fisc municipal y détrousse légalement le commerce; les bandes communistes y brisent vitres et magasins; les « travailleurs des services municipaux, aussi bien ceux des hôplus nombreux que jamais pitaux que de la voirie ou bien se mettent en grève périodiquement, ou bien négligent à ce point leur service, qu'aucune ville de France, à cette heure, ne montrerait de rues plus sales ou d'hôpital plus mal tenu; dès la nuit, les rues sont désertées tant y pullule la pègre du poignard et du grenade que ces embusqués craignaient si fort pendant revolver, toute prête à lancer contre des Français la la guerre.

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Tel est le paradis bolcheviste dont on aura l'avant

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