même chose et que c'est justement par ses dons propre- ennemi. Il charge : en un clin d'ạil, le docteur et les ment littéraires que Renan a exercé tant d'action, tandis cinq matelots ne sont plus que des cadavres. l'on ne saurait en dire autant de l'auteur du Discours Et Rara et Mémé, les deux enfants très révérés dans que de la Méthode... Tout de même, croyez à l'influence per- la tribu parce qu'ils portent sur la poitrine le totem du sonnelle d'Anatole France, et si vous en doutez, lisez, crabe, reprennent leur vie dans l'île paradisiaque. Chacentre autres, les. Années d'apprentissage de Sylvain que jour – car Kouang n'est pas la seule merveille du Briellet. livre - ils entonnent l'hymne de leur totem, et de C'est un livre aimable, un peu diffus (mais exprès et toutes les roches le peuple des crabes, leur peuple,:acde propos délibéré) où M. Maurice Brillant nous montre court 'se ranger autour d'eux; agitant ses.pincesen caavec mille grâce souriantes, savantes et modérées, que dence... Les pages où M. Lichtenberger rous conte des (d'avance malheureusement) vous imaginez, divers mi-choses sont excellentes. lieux ecclésiastiques. Le bon curé de Guinoiseau, vous y Un matin, à l'aube naissante, Rara et Mémé aperçoitiendra en toute occasion des discours inspirés par les -vent sur la v grande chose molle » qui entoure l'ile, sur mêmes Muses qui ont si souvent animé M. Bonnard, la mer, une surprenante baleine-montagne. C'est le petit l'abbé Coignard et les innombrables successeurs qu'ils croiseur français Citoyen, qui porte' M. Bedeau-Conflans, ont eus depuis trente ou quarante ans dans notre litté- député puissant; en mission dans ces parages, Mme rature, et son disciple Sylvain Briollet ne manquera pas Laurette de Vesnage, M. Hugues de Pionne, son cousin, i de les commenter, à la manière précisément de Jacques et divers autres personnages. Comment, durant l'escale Tournebroche, par des propos de ce genre-ci," que je assez longue du Citoyen, Laurette et Hugues poursuicueille en ouvrant le livre au hasard : vent dans la douce île leurs amours, guidés par Rara Au yrai, l'érudition n'était guère, aux yeux de mon vénéra et Mémé; comment ils y découvrent les restes d'un.de ble maître, qu'un jeu rare, subtil et délicat, et dont il impor- leurs ancêtres, philosophe et disciple de Jean-Jacques , tait, pour en dégager tout le plaisir, d'appliquer honnêtement qui s'était retiré là pour y achever ses jours en compales règles laborieuses et compliquées. gnie des sauvages ; les douces moeurs des Oyas enfin, Et tout cela, certes, n'est pas bien imprévu c'est ce qu'on apprendra avec plaisir dans le livre de et c'est M. Lichtenberger. ici qu’on admire la nouveauté de l'esprit d'un François Mauriac. Mais ce n'est pas désagréable à entendre. Et Ce joli roman, très romanesque et fantaisiste, est c'est à tous moments on ne peut plus fin. Puis il y a une plein d'inventions heureuses. M. Lichtenberger y a peint connaissance intelligente des milieux ecclésiastiques, et et conté avec beaucoup de charme ce que lui offrait.son notamment, au début, un chapitre sur la vie au sémi imagination inépuisable. Le mystérieux s'y mêle au réel naire qui présente le plus vif intérêt. avec grâce. On y goûtera sans doute, comme j'ai fait un plaisir extrême. JACQUES BOULENGER . Х La Curiosité. M. André Lichtenberger a plusieurs veines dont certes la moins bonne n'est pas celle dont il a tiré les Centaures, réimprimés récemment, et le charmant roman de Raramémé, qu'il vient de nous donner. C'est, dit le sous-titre, une « histoire d'ailleurs ». D'où au juste ?. Je ne sais trop. Mais, ce n'est peut-être pas ma seule ignorance qui m'empêche d'identifier cette île polynésienne d'Oaleya où M. André Lichtenberger place ·les deux enfants dont il nous conte l'aventure. Outre la peuplade des Oyas, dont Rara et Mémé font partie, une étrange créature, nommée Kouang, y vit encore. C'est un singe à n'en point douter, plus formidable que les plus formidables d'Afrique ou de Malaisie (...) Pourtant, n'estce pas du tout un homme ? Il n'a pas de museau, mais un nez épaté. Sous la bourre qui le surmonte, un commencement de front doit loger un embryon de pensée. Ses jambes ne se terminent ni par des mains, ni par des pattes, mais par des pieds humains dont seulement les orteils sont munis de fortes griffes. Dernier de sa race, ce témoin de la préhistoire a été pris un jour, longtemps avant que commence le conte, par Herr Doctor Professor Klagenmeyer qui lui a tué sa femelle ou femme, et ce n'est que par un grand hasard qu'il a réussi à s'échapper du bateau qui l'emmenait dans une cage à Hambourg... Cependant, très loin d'Oaleya, la guerre a éclaté. Un jour l'U-37 bis, sous-marin boche, voit sa campagne polynésienne interrompue par la tempête qui le jette à la côte. Seuls, le docteur Klagenmeyer et quelques matelots échappent au désastre. Ils sont sans armes, mais la douce peuplade d'Oaleya accueille ces dieux blancs. Ils aváncent sur le rivage, où ils aperçoivent au haut d'un mât un drapeau français que, depuis des années, un siècle peut-être, la tribu révère, répare comme un totem. A cette vue, le sang de Klagenmeyer ne fait qu'un tour : déjà, il il a ordonné à l'un de ses hommes de l'abattre, au grand désespoir des habitants de l'ile, lorsque Kouang paraît. Il a reconnu son fran Le mystère du batik La mode est au batik. Nos élégantes ont adopté, cette décoration gracieuse et légère des tissus pour leurs blouses d'été, leurs chemiseites, leurs écharpes, les robes de leurs fillettes. La soie batikée est devenue un des:plus charmants accessoires de la toilette féminine. Le mystère de ces dessins aux colorations originales entourés d'un fin réseau de vermiculures, a séduit nos Eves modernes. Elles se sont éprises de ces étoffes qui ne sont ni brochées, ni brodées, ni imprimées, et qui gar; dent la saveur du travail à la main.. Par quel miracle? Bien peu sauraient le dire, bien que la technique en soit vieille d'une quinzaine de siècles. Peut-être.me saura-t-on gré de dévoiler les secrets de cette teinture à la réserve que l'on chercherait en -vain dans aucun çais (I), et de préparer quelques : vocables nouveaux pour la (prochaine) édition du dictionnaire de l'Académie Le: procédé du batik le mot vient de l'archipe a été vraisemblablement importé de l'Inde par les marins et les marchands de Ceylan et de la côte de Coromandel aux environs du IVe siècle. Dans le drame hindou de Malate et Madhara, attribué il est question d'un rideau en chitte de Java. Chitte es le nom indigène des toiles peintes dans l'Inde. La fabrication du batik en Malaisie était réservée au femmes des hautes castes et servait à faire des robes, de manteaux, des voiles, des rideaux, et surtout des cein Baker dans Cotton painting and printing in the East. In (1) J'ai suivi la version anglaise, donnée par M. Geo po dies », de Die Indische Batik-kunst und Ihre Geschichte, pa Rouffaer et Juynboll (essentiel). au VIII° siècle 1 1 tures :Le tissu employé, comme celui des chittes; : était soies ou des velours pour des robes de soirée, ou des une fine toile de coton. manteaux de la rue de la Paix, il faut: une sûreté de Voici comment procédaient-les Javanaises : facture et une égalité de fabrication qui dépassent les Elles traçaient le dessin sur la toile à l'aide d'un pon capacités dų travail d'amateur. cis et de poudre de charbon. Puis elles emplissaient de L'atelier du Batik, français, dirigé par Mme Marguecire liquide leur « tjanting », sorte de petite bouilloire rite Pangon, et dont récemment, le directeur des beauxen miniature, munie d'un manche de bois et pourvue arts a inauguré l'exposition, n'occupe pas moins d'une d'un bec très fin qui leur servait à recouvrir de cire toutes quinzaine de petite mains pour la mise en cire; sans -- les parties du tissu qui ne devaient pas prendre la pre- parler des dessinateurs ni des teinturiers: C'est une mière couleur, généralement le bleu. L'opération achevée, petite industrie. Sur de grandes tables, dans une pièce l'étoffe était plongée dans un bain de pastel « Isatis tinc- largement éclairée, sont étalées les pièces de soie où le toria » et exposée à l'air pour développer la couleur. On dessin a été tracé au poncis.. Chaque ouvrière disons la trempait ensuite dans l'eau froide pour durcir la cire élève, le terme est plus familial - a.près d'elle un réciet provoquer, au maniement des mains, des craquelures pient où un fourneau à gaz entretient la cire à l'état à des places déterminées. En renouvelant l'immersion liquide. Avec un pinceau, de grosseur proportionnée à dans la cuve de pastel; le colorant-pénétrait à travers les la surface à couvrir liellé étend une couche de cire parscraquelures de la cire et produisait un réseau irrégulier tout où les portions de dessin à réserver l'exigent: Puis - de fines veines, du même bleu que la première teinture. lorsque les craquelures sont obtenues aux endroits vou On débarrassait ensuite la toile de la cire en la plon- lus, — c'est un tour de main que se réserve la direcgeant dans l'eau bouillante. trice, – la pièce passe à l'atelier de teinture,' où des ?Pour obtenir le btun, destiné à se marier au bleu, on cuves de toutes nuances sont prêtes à la recevoir. Après "recommençait l'opération de la mise en cire et on tei- | la teinture, une immersion dans l'eau chaude la débarrignait avec du cachou;'-dont- le pays possède plusieurs dans le procédé javanais , l'opération se répète autant de " rasse de la cire, qui est récupérée à la surface. Comme variétés, au moyen de pinceaux qui forçaient le liquide fois que l'on veut obtenir de tons. à pénétrer dans les craquetures et sur toutes les surfaces non recouvertes de cire. La pièce était séchée, et après malais et le batik français . Le premier est un mélange C'est à peu près la seule ressemblance entre le batik avoir été débarrassée de la cire (un bain légèrement alca- in enlevait les demières impuretés) présentait un agréa- | colorants végétaux pour ainsi dire indestructibles . Le immuable de bleu, de brun et de noir; obtenu avec des ble mélange de bleu en deux, tons de noir et de second emploie des colorants extraits de la houille et brun veinés. C'est ce qu'on appelle l'effet de batik. moins résistants, mais qui peuvent réunir toute la gamme S'il y avait lieu d'ajouter un rouge au: dessin, on se des-coloris nouveaux des batiks de Java, comme les servait d'une teinture faite avec l'écorce ou les feuilles toiles peintes de l'Inde répètent une leçon séculaire addu Djirak, «Symplocos fasciculata », qui renferme mirable mais sans variante. Les batiks d'aujourd'hui Valun nécessaire à mordancer le rouge. sont des ceuvres d'imagination du plus pur goût moLe batik pouvait s'exécuter des deux côtés de la toile. derne. Une fois la cire appliquée à l'endroit, la toile était ten- Certes, je le répète, il ne faut pas demander à ces due dans un cadre et placée , de contre-jour pour que légères soieries la résistance au lavage des cotonnades l'envers pût être passé à la cire en suivant exactement le exotiques. Mais nous n'avons plus l'instinct de conservatracé exécuté sur le côté opposé. : Quant au dessin, iltion de nos aïeules, qui gardaient dans leurs armoires, n'était livré ni à la fantaisie, ni à l'arbitraire. Les élé- soigneusement pliée, la pièce de soie, qu'elles avaient ments étaient- empruntés, à la flore et à la faune de reçue en cadeau de mariage pour en faire la robe de l'archipel, et gardaient une réelle originalité, bien que noces de leur petite-fille. Chaque saison, et souvent plufortement-imprégnés d'influences islamiques. sieurs fois par saison, la-mode adopte une fantaisie nouVoilà pour le passé. 'Les musées néerlandais velle. Pour y satisfaire le montage d'un dessin au-mé le musée ethnographique de Leyde en particulier tier Jacquard, la gravure et l'impression d'un décor à la possèdent de riches séries de batiks anciens: En France, planche exigent des mois de préparation. Mais le batik: les collectionneurs ne semblent pas encore s'être tournés On m'a conté l'histoire d'une grande dame qui vouvers les tissus javanais, mais j'en ai rencontré cepen lait une robe inédite pour se rendre à un dîner d'ambasdant des spécimens intéressants dans les collections eth sade à trois jours de relevée! Elle l'eut en deux jours nographiques de M. Rupalley. et demi. Trente-six heures avaient suffi pour composer Vers 1904 ou 1905, les. Hollandais, songèrent à faire le dessin, le reporter; «mettre en cire, teindre, nettoyer et revivre cette industrie de leur plus :-belle colonie. Des bâtir la robe. N'est-ce pas tout à fait pour un conte de essais furent tentés à l'école des Arts décoratifs de Har Perrault ? -- lem, 'imités quelques années plus tard à l'école rhénane Bien entendu, cette célérité d'exécution: „ne s'obtient de Berlin, puis en Suisse. Ši Paris ne vit entrer le batik que par la division du travail telle qu'elle existe dans un dans l'art décoratif qu'aux-environs de 1910, avec les atelier . Un autre avantage de cette organisation quasi envois de Mme Pangon, il n'est guère aujourd'hui d'ex industrielle, c'est le rendement relativement considérable position ni de Salon où ne figurent des étoffes décorées, de la production, qui permet, en payant des.: salaires par ce procédé. A côté de l'initiatrice, ont pris place, équitables aux élèves, d'établir des prix, accessibles à la avec plus ou moins de réussite, Mmes Blotnitzka, Cha- grande couture. Sans doute, ces frais de main-d'oeuvre annes, Mourir, Mutti; : Maublanc, Vergne, Mme Porto, sont assez élevés pour ne pouvoir être récupérés. qu'avec qui est de Genève, et Mme Prins, qui réside à Java. Car des articles de luxe et des matériaux de prix, comme la ces sont images, 'chez nous comme dans l'archipel soie ou le velours. Mais il est permis d'envisager des Testés l'apanage des mains féminines. des modèles modernes fournis par la métropole. Ces vrage de dame, au sens péjoratif que nous appliquons établissements pourraient décorer des tissus de lin, de à ces amusements innocents, cuir ciselé, bois pyrogravé, chanvre, de coton, accessibles aux bourses modestes . coussins brodés, vases décorés à la barbotine Sans con Récemment, le batikas ; a été appliqué à la décora 11 naissances artistiques ni techniques spéciales, une femme tion des velours pour pro vuire des effets de fourrure que de goût peut batiken.pour son usage une blouse ou une les Javanaises n'avaient jamais imaginés. En vérité, le écharpe de plage Mais quand il s'agit de décorer des batik n'a pas dit son dernier mot, et il est bon d'appeler l'attention sur ce procédé décoratif riche de résultats la possession de ce que nous aimons. Resterons-nous, dans le passé et le présent, gros de promesses pour dans nos rapports avec Dieu à cette bassesse et à cette l'avenir. infirmité où nous contraint la chair, le choisirons-nous parce que nous espérons satisfaire par lui nos besoins HENRI CLOUZOT. dans leur plénitude ? Non, nous tâcherons de parvenir à l'aimer d'une âme purifiée de tout intérêt, même le concernant ; nous aurons pour tous les biens et jusque Les Idées pour ceux qui nous viendront de sa bonté une « sainte indifférence » ; nous l'adorerons non plus pour nous, mais pour lui ; il nous voudra plus que nous le voudrons; Fénelon et Bossuet et notre soumission sera telle que nous irons jusqu'à nous désintéresser de notre salut et à le chérir tout au. L'actualité est favorable à ces deux grands adver- tant, s'il doit nous damner, que s'il décide de nous resaires. Metz et Dijon viennent d'honorer Bossuet. Les cueillir, en son sein. derniers volumes de la Correspondance si admirablement Et nous ne laisserons pas plus de l'homme dans notre éditée par MM. Urbain et Levesque sont consacrés à la esprit que dans notre coeur. Nous ne le contemplerons ni querelle du quiétisme. La publication dans la Collection en des images sensibles, ni dans les concepts que forme des chefs-d'æuvres méconnus des Lettres et des Ecrits péniblement notre raison. C'est ici le secret de la conpolitiques de Fénelon a suscité deux articles de M. Thi- | templation passive ». Prenons Fénelon. baudet, pleins de choses, comme toujours, encadrant une riposte de M. Charles Fontaine (1). Polémistes anciens et « Tout ce grand mystère, dit-il, s'évanouit dès qu'on critiques modernes ne se tiennent pas assez, il nous suppose avec saint Augustin que nous avons sans miracle semble, au cœur du problème, et nous voudrions par quel des idées intellectuelles qui n'ont point passé par les sens ques remarques, maĪheureusement contraintes à demeurer et dès qu'on suppose d'un autre côté que le fond de beaucoup trop brèves, les y placer. l'âme n'est point réellement distingué de ses puissances . Alors, toute la contemplation passive se réduit à quelque Nous nous tiendrons à la controverse sur le quiétisme chose de très simple et qui n'a rien de miraculeux. C'est et nous passerons, par un renversement de la méthode un tissu d'actes de foi et d'amour, si simples, si directs , commune, des idées aux personnes. Jusqu'ici , en effet, si paisibles, et si uniformes, qu'is ne paraissent plus on a voulu voir en cette affaire des faits et l'histoire d'une rivalité. S'il faut en croire la séduisante et dange- faire aucun acte, mais un repos de pure union. C'est ce faire qu'un seul ačte ou même qu'ils ne paraissent plus reuse Apologie de l'abbé Brémond, un triple complot, | qui fait que saint François de Sales ne veut pas qu'on tout extérieur est venu « envenimer » une « controverse l'appelle union, de peur d'exprimer un mouvement ou doctrinale » qui consiste en une « dispute scolastique ». « La querelle entre Fénelon et Bossuet », écrit M. Bré- (Art. XXIX). action pour s'unir, mais une simple et pure unité.... mond, « si rien ne l'a préparée, si rien n'est venu la conpliquer du dehors et la passionner, semble inexpli- lèvent ces lignes hardies ; ne recherchons pas la possi Négligeons les difficultés de psychologie que soucable ». Paroles inexplicables à leur tour chez un prêtre assez subtil pour être sans doute bon théologien. Et il est bilité de ces « idées intellectuelles qui n'ont point passe vrai, comme il ajoute plus loin, que l'étude « livre par l'homme, la théorie de la vision angélique. Il reste qe par les sens » ; ignorons qu'on nous propose à l'usage de · livre, argument par argument » de la doctrine « mènerait loin », car il ne s'agit de rien de moins que toute la Fénelon préconise l'opération mystique, par excellena, c'est-à-dire la substitution de la connaissance intuitire vie chrétienne et peut-être la vie morale tout court. à la connaissance intellectuelle. En général, et du moins Passons sur la chaleur du combat et le zèle des combattants. Admettons que Bossuet et Fénelon aiento meto quand nous pensons, nous saisissons certaines réalités et été nous en déduisons des conséquences : nous passons, par excessifs, l'un en rudesse, l'autre en finesse : leurs écarts exemple, à l'Etre Premier et à la cause première de mêmes, provoqués par un intérêt qu'ils croyaient supé- l'idée d'être et de l'idée de cause par la voie lente et comrieur à tout, ne les diminue point ; abandonnons les pliquée du syllogisme. Ici, c'est du même coup que nous instruments et les comparses, les abbés Bossuet et de nous pénétrons de la réalité initiale et de son contenu Chanterac, le cardinal de Bouillon. Examinons les proche ou lointain. Tout travail de l'esprit , soudain ilpièces publiques du procès. luminé, est rendu inutile, l'âme opère d'elle-même et sans Je les trouve surtout dans ces textes : l'Explication le secours du corps ; elle pénètre la matière et s'assimile de's Maximes des Saints et le Second traité sur les états l'essence, elle devient ce qu'elle appréhende, et dès lors, d'oraison. Ce sont livres sévères mais non pas sans agré- évidemment, il n'y a plus qu'à se laisser vivre, ce qui rement et sans vie. On connaît la thèse, pénétrons-la. Fé- vient à laisser Dieu vivre en soi. nelon, d'après Mme Guyon, veut qu'on aime Dieu hors Ce qui se pose, c'est la question éternelle et infiniment de tout profit. Il y a, dit-il, à l'égard du Créateur, un féconde de l'intuition, de l'intuition qui se donne pour amour servile, fondé sur la crainte, un amour de concu- une prise immédiate du réel et qui n'est peut-être qu'un piscence qui vise le Bien suprême, un amour d'espérance, raccourci de la connaissance intellectuelle. Bossuet n'enqui est un amour de reconnaissance, un amour de charité, tre point dans le problème. Mais il examine les conséqui subordonne notre intérêt, et enfin un « pur amour » quences. qui ne se mélange plus de frayeur ni d'espoir. Il est vrai qu'à la lettre et avec les préalables C'est ce « pur amour que prêchaient les mystiques. Il précautions dont elles s'entourent, les propositions de est, à la fois, un idéal et une méthode. Comme idéal, il Fénelon ne contredisent ni la discipline, ni le dogme tend à supprimer jusqu'à l'appétit naturel qui attire et qu'elles ne sont point singulières dans la mystique l'homme vers Dieu ainsi que vers une félicité dernière, L'Eglise, cependant, qui supporte cette mystique plus comme méthode, il vise à instaurer la « contemplation qu'elle ne l'encourage, l'Eglise se réserve et sent le passive ». danger. Aimer, c'est, communément désirer et vouloir couron- Il est flatteur d'être distingué, on s'applaudit de n ner un égoïsme ; c'est pour nous que nous souhaitons pas penser à la manière du commun et il y a un orguei des voies extraordinaires ». Que des âmes comm celle de sainte Thérèse ou de saint François de Sales (1) Revue Critique des Idées et des Livres, 25 mai 1921. avec la sûreté du génie, d'ailleurs, jouissent de l'extas ou les crera-t-on des manuels ? sur L'Expansion du Livre Français des opérations discursives, ces élus et leurs admirateurs n'ont qu'à s'en louer. Faudra-t-il pourtant aiguiller vers cet idéal dangereux la masse des fidèles et y consa Le Comité du Livre Parmi tant de groupements ayant pour objet l'expanDieu agit dans l'homme par les moyens de l'homme. sion de la pensée française , j'ai cité le Comité du Livre. C'est de nous-mêmes que nous passons à lui, c'est Far Je voudrais aujourd'hui donner quelques détails l'intermédiaire des sens qui s'ordonnent les opérations de cette organisation déjà ancienne, qu'une décision rél'esprit , de même que c'est par l'espérance, par l'attrait cente du congrès du livre va investir d'une autorité noudes beatitudes et le plaisir ou le profit des bonnes ac velle et qui sera prochainement appelée à coordonner tions que nous nous maintenons dans la a bonne voie. et diriger les efforts entrepris pour la diffusion du livre Nous voulons, enfin, posséder ce que nous aimons. Du français. moins est-ce là l'ordinaire de nos amours. Sera-t-il bon Sa naissance nous reporte aux jours sombres de 1916. qu'on préconise une doctrine qui , sous prétexte de puri- Notre ambassadeur à Rome, M. Barrère, sentant alors fier nos intentions, nous enlèvera nos moyens d'action ; le besoin de lutter contre l'emprise intellectuelle de l'Alqui , sous couleur de pur amour, nous dégagera des nécesa lemagne, chargeait notre consul général, M. Tondeur , sités et peut-être des réalités de l'amour ; qui, pour nous Scheffler, d'étudier le moyen pratique de resserrer les égaler aux anges, nous libérera des humbles travaux et relations intellectuelles entre la France et l'Italie. Celuides modestes encouragements d'ici-bas? ci examina le problème avec deux hautes personnalités Certes, de telles modalités de vie intérieure pourront | italiennes animées du même esprit patriotique, le marconvenir à des saints. Sans compter, pourtant, les dan- quis de Viti de Marco et le sénateur Vito Volterra. Tous gers qu'elles présentent, même pour des âmes d'exception, de quels mouvements illusoires n'animeront-elles pas les militaire et économique, il convenait de concerter une milita: Combèrent d'accord que, parallèlement à l'action simples, et vers quels excès ne les pousseront-ils point ? action intellectuelle contre l'ennemi commun, non seu Cette vétille de théologie, c'est tout simplement le pro- lement dans leurs deux pays mais dans tous les pays. blème de la vie morale. de l'Entente, à qui il manquait surtout de se bien conBossuet l'a vu et comme toujours il est allé naître : pour n'éveiller aucune susceptibilité chauvine, « au principe ». Il sait l'aventure que court l'esprit dès cette action devait être entreprise dans un parfait esprit qu'il se détache de la terre. Il lui paraît hasardeux, pour de réciprocité; le meilleur agent de propagande étant mieux comprendre de renoncer à penser, pour mieux le livre, c'est surtout par le livre qu'elle devait se faire. aimer de supprimer le désir. Il croit, avec saint Thomas Ces principes posés, on considéra donc qu'il y avait et le sens commun, que c'est en partant de l'homme qu'on lieu de prévoir dans chacun des pays amis ou alliés un parvient à Dieu, que par la considération et l'humble comité national représentant son élite intellectuelle et pratique des qualités usuelles on arrive à se figurer très pour réaliser l'entente par le livre d'établir une liaison loin, à l'infini, la Vertu suprême. Il estime qu'il y a de étroite entre les divers comités nationaux se prêtant mu. l'orgueil à mépriser les moyens et les dons par lesquels, tuellement appui et aide. à ordinairement, on gagne le ciel. Et il répond aux propo- Conçu au Palais Farnèse, le comité français qui prit sitions de Fénelon par ces fortes maximes : le nom de Comité du Livre naquit le 17 avril 1916 à « Comme elle est faite (dit-il de l'âme) à l'image de l'Institut de France et sa double origine, diplomatique Dieu, elle étend à elle-même cette connaissance néga et universitaire, en même temps qu'elle lui prêtait une tive par laquelle nous avons vu que Dieu était connu... certaine noblesse, lui conféra une incontestable autorité. - La jouissance est réservée à la vie future, l'espérance A l'appel de M. Tondeur-Scheffler répondirent parmi est donc le soutien et la consolation de la vie présente... les premiers MM. Alfred et Maurice Croiset, Henri De cette sorte, quand on dit que vouloir jouir ou, ce qui Welschinger, le Di Debove, le professeur Larnaude, est la même chose, vouloir être heureux est un acte inté- Louis Marin, Ernest Lémonon, etc. Le premier président ressé et un amour-propre , on renverse les notions de du Comité fut M. Maspero, auquel succédèrent MM. jouissance et de félicité. Car jouir c'est aimer pour Emile Picard, le comte Durrieu et Maurice Croiset. l'amour de lui-même celui dont on veut jouir, et mettre L'article 2 de ses statuts définissait ainsi l'action fu3 en lui sa félicité , c'est s'y attacher comme à une nature ture du Comité du Livre : « Propager, principalement pius excellente et que l'on préfère à soi-même (1)... » au moyen du livre, la pensée française à l'étranger dans ses différentes manifestations et tulecx faire connaître Ne commençons-nous pas d'entendre autrement la cause et n'entrons-nous pas, bien mieux que par l'his dans notre pays les cuvres maitiesses de la pensée toire, dans la connaissance de Bossuet ? On vient de dire étrangère ». » sur lui des paroles incroyables et qui ne témoignent que Voici ce que pratiquement on se proposait : à l'étrande la faiblesse de l'esprit moderne. Il ne saurait, cet ger, répandre notre livre, créer dans les grandes villes esprit, pénétrer l'économie d'une querelle qui porte sur des maisons de France, foyers intellectuels où se réuun point capital de psychologie, et il se contente de niraient les membres de la colonie française et les indis'amuser au détail extérieur de l'événement. Il voit en gènes francophiles, patronner l'ouvre des institutrices Fénelon une sorte de rêveur généreux qu'il tâche de françaises, organiser des échanges de professeurs, des se concilier au prix des pires contre-sens ; il considère cours et conférences; en France, dans un but d'éducaBossuet sous l'angle de la politique de parti et il en tion des masses, s'attacher à la reconstitution et à l'enfait un simple « réactionnaire ». Il ne s'aperçoit plus, tretien des bibliothèques populaires, scolaires et postscoirrémédiablement borné, que ces grands hommes mar laires. quent la fructification dernière d'institutions, de Beau programme dont le Comité a pu remplir une aroyances et de disciplines, sur certains points dépassées partie depuis sa fondation. Malheureusement la crise de Ou périmées, mais qui contenaient une telle part d'huma- la librairie et l'état des changes l'ont empêché de réadité qu'elles restent la nourriture principale des âmes liser sa mission la plus urgente : la diffusion du livre qui peuvent encore y puiser. français. GONZAGUE TRUC: A défaut de pouvoir le répandre, il tenta au moins de le faire connaître au dehors et c'est pourquoi il orga(1) Instruction sur les Etats doraison. (Second traité. Eil. nisa un service bibliographique chargé de poursuivre le LIVESQUE, pp. 68-70-93.) dépouillement méthodique des nouvelles publications 1 ز françaises et d'établir mensuellement un état descriptif | neau, directeur de l'Ecole des Mines ; Croiset, adminisdes livrés parus. Ce travail est aujourd'hui servi régu- trateur du Collège de France ; Tondeur-Scheffler, lièrement à différents organes francophiles, aux Pays- consul général ; MM. Babelon, Chatelain, Homolle Bas, en Suisse et en Italie. Il est vraiment lamentable Joubin et Pelliot, de l'Institut; Courtière et Langlois , que les conditions si onéreuses de toute .publication aient de l'Académie de médecine ; Germain, de l'Institut empêché son impression et qu'il faille, le distribuer en océanographique ; Boyer, administrateur de l'Ecole des feuillets dactylographiés. langues orientales; de La Roncière, conservateur des imFort heureusement, le comité a réussi à faire éditer primés à la Bibliothèque Nationale, etc. Devant: set son quvre, capitale, celle qui répond le mieux jusqu'ici aréopage, M. Valois a exposé que, pour l'organisation à son idée maîtresse , cet Annuaire Général de la France et la présidence, du futur Comité intercorporatif, con et de l'étranger, petite encyclopédie périodique qui nous ne pouvait songer ni à une association nettement proi dote enfin, comme les autres pays, d'un instrument por- fessionnelle, ni à une corporation industrielle ou comtatif de documentation générale. Il en paraît une édi- merciale, qui serait presque fatalement entraînée à dé. tion en langue anglaise, sous le titre French Year Book. fendre ses intérêts particuliers au détriment de l'intérêt Les Maisons de France sont encore à réaliser, mais général, mais que seule serait qualifiée une association le projet a été précisé et il semble maintenant qu'il désintéressée, donnant toutes garanties d'indépendance n'y ait pas lieu d'envisager des créations, mais seulement et groupant de très hautes personnalités. Le Comité du l'adaptation d'organisations existant déjà dans divers Livre réunissant ces conditions, il-lui a donc demandé pays, telles qu'au Brésil, par exemple, la société consti- de bien vouloir assumer ce rôle délicat. tuée auprès du lycée français de Rio-de-Janeiro, ou en Assurée de n'aliéner en rien son autonomie, de n'être Ecosse; la Scottisch-French Society. chargée que des échanges intellectuels, à l'unanimité La place nous manque pour détailler les efforts par- l'assemblée a accepté. ticuliers faits dans différents pays étrangers. Notons Demain, le Comité du Livre va donc, se trouver à la seulement qu'en Pologne et aux Etats-Unis, notamment, tête du mouvement d'expansion française. Parfaitement des résultats intéressants ont été obtenus. préparé à sa tâche d'organisation, grâce au concours ·En France, on sait la part prise par le comité à la de son très actif secrétaire général, M. Gargam de: Monpréparation et aux travaux du Congrès du Livre ce cetz, il sera à l'honneur mais aussi à la peine. Souhaitons 1917. L'oeuvre de reconstitution des bibliothèques popu- que tous ceux qui concourent à l'expansion française laires a été fort heureusement inaugurée en Alsace-Lor- éditeurs, métallurgistes, couturiers ou boxeurs aient raine, où plus de 25.000 volumes ont déjà été distribués. quelque reconnaissance à ces intellectuels dont le pres Telles sont, à l'heure actuelle, les réalisations du Co- tige rejaillira sur eux. mité du Livre. Quels sont ses projets ? GEORGES GIRARD. D'abord, en raison des difficultés. actuelles de librairie, la substitution provisoire du périodique au livre, comme La Vie Economique agent de diffusion. Cela suppose une réorganisation complète du commerce du périodique et ne se fera pas en un jour. Le Congrès national des Cheminots Ensuite si constitution dans tous les pays étrangers III de correspondants ou de groupements correspondants, pouvant facilement communiquer avec les intellectuels Les Congrès régionaux étant terminés dans les cond étrangers pour leur demander des articles à insérer dans tions que nous avons dites, c'est le 31 mai, à Paris, que les périodiques français et avec les périodiques étran- s'ouvre le quatrième Congrès National de la Fédération gers pour leur demander l'insertion des articles rédigés des cheminots. par les intellectuels français ». L'idée est intéressante et Il réunit 452 syndicats sur 713; et il représente ainsi réalisable, mais, à notre avis, ce n'est pas tant des articles environ 105.000 syndiqués, alors que, ayant la grève de d'information générale qu'il faut échanger avec l'étran- mai, le nombre de ceux-ci, comme nous l'avons noté ger, que des articles de critique littéraire : en France – n'était pas moins de 350.000; la répartition de ces comme à l'étranger, les livres que le public achète le plus syndiqués dans chaque réseau peut être intéressante volontiers sont ceux dont il a entendu parler. nous en donnons ci-dessous les chiffres : Enfin le dernier projet du Comité du Livre est de publier, dès qu'il le pourra, un organe périodique comprenant des informations d'ordre intellectuel, scientifique Alsace et Lorraine 45 et universitaire du monde entier et un dépouillement Algérie 29 des principaux périodiques de France et de l'étranger. Ceinture Il n'est pas besoin d'insister sur l'intérêt que présenterait Compagnies secondaires 8.549 cette publication. Est 64 6.767 En attendant, le Comité du Livre est immédiatement Etat Midi appelé à jouer un rôle de première importance dans la constitution du Comité intercorporatif d'expansion fran P.-O. 85 çaise, préconisé au congrès dernier par M. Georges P.-L.-M. Valois. Tunisie 6 1.847 J'ai dit ce que serait cet organisme groupant des représentants de l'Etat, des groupements intellectuels, Totaux 753 des groupements du Livre, des grandes corporations du pays (métallurgie, textiles, produits chimiques, indus Dès l'ouverture des débats, la lutte s'engage avec un tries de luxe, etc.), des associations déjà créées pour extrême violence, et révèle un état de discordes intime l'expansion française à l'étranger. Dans l'intérêt natio au moins verbalement implacable. Les extrémiste nal, par-dessus leurs intérêts particuliers, il coordonne reprennent contre le bureau fédéral tous les reproch rait l'action de toutes ces organisations. que nous connaissons déjà : par exemple, celui de n'ava L'idée paraît partout être favorablement accueillie. pas obtenu la réintégration des révoqués; et ils en ajo Avant de la soumettre au Congrès du Livre, M. Valois tent, qui n'avaient pas été précédemment formulés : pa l'a exposée à une séance du Comité du Livre, séance à laquelle assistaient les administrateurs, MM. Ches 11) Voir l'Opinion des 25 juin et 9 juillet 1921. Syndicats Adhérent 16.000 2.525 1.050 5 117 :40 Nord 32 58 19.558 4.604 17-870 10.000 16.367 132 105:137 uc |