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Menus propos de la Chambre.

M. Franklin-Bouillon, qui fut entendu récemment par les commissions des affaires extérieures et de l'armée, a

revêtu, depuis qu'il n'est plus député, une autorité qu'il rechercha vainement sur les bancs du Palais-Bourbon. Ses déclarations n'avaient pas été sans choquer un peu ses amis. Car M. Franklin-Bouillon semblait avoir le zèle d'un propagateur de la foi. Il exaltait lyriquement l'œuvre de nos missionnaires et de nos religieuses en Extrême-Orient, et dénonçait le danger anglo-saxon de la propagande protestante. Et les vieux radicaux impénitents se demandaient mélancoliquement où était le temps où M. Franklin-Bouillon père faisait don à la commune d'Ouistreham d'un cimetière, à la condition. qu'il ne s'y élevât point de croix!

-Franklin-Bouillon, disait l'un, c'est la chauve-souris de la fable, tantôt souris, tantôt oiseau. A quoi un jeune député répliqua :

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quelques nouvelles charges et les avait exposées dans A peine a-t-elle été dévoilée... M. Bib avait produit certain couloir de théâtre. Ça ne faisait pas mal du tout, et ça aidait à digérer les pièces qu'on donnait dans la salle.

Or tout à coup, un portrait a disparu. Il s'agit de la figure de Mme Victor Margueritte.

Qui a bien pu s'emparer de cette adorable effigie ? M. Bib s'en moque, affirme-t-on ; et même il préfère qu'on n'en parle pas.

Il n'a plus besoin de cette réclame après sa première

aventure.

A propos d'Aimer.

La pièce de M. Géraldy vient de remporter au FranFranklin-Bouillon? il vaudrait mieux dire : tantôt çais un succès comme ce théâtre n'en avait pas connu paratonnerre et tantôt potage...

L'Heure Tragique.

Chez ceux qui dansent.

Ils avaient eu bien du guignon, ces amateurs, qui jouaient, dimanche dernier, l'Heure Espagnole, de Ravel, dans l'ancien théâtre de M. Mors. Pensez un peu : ils y travaillaient depuis longtemps, et depuis longtemps ils avaient fixé pour leur séance de charité la date du 13 décembre, sans penser qu'une grande scène allait reprendre cette petite chose. Et vlan! l'Opéra se met à monter aussi l'Heure Espagnole et les devance de huit jours!

Cependant ce contretemps les servit à souhait. Car un nouveau malheur vint accabler la belle Concepcion, qui avait organisé la fête. Le samedi, jour de la générale, M. Jean Aubert, l'un des meilleurs chanteurs de la Petite Scène, qui devait jouer le rôle de Rannio, se trouve sans voix. Il est midi : les invités arriveront à quatre heures! Que faire? La belle Concepcion saute dans un taxi, va droit chez M. Rouché, le trouve à table, l'apitoie sur son sort, et lui demande M. Couzinou.

Tout se passa le mieux du monde; on unit dans les mêmes applaudissements les chanteurs des deux troupes rivales; et la petite troupe se félicita que la grande, en la devançant, lui eût préparé d'admirables doublures...

Suite de bal.

Le grand bal «< 1721 » qui venait de réunir en un joyeux tohu-bohu pirates, boucaniers, caraïbes, gentilshommes de fortune, flibustiers et captives prit fin à l'aube. Une blonde chanteuse rentre en son logis et, fatiguée, se couche avec l'idée de dormir très tard dans la journée. La bonne entre dans sa chambre vers II heures du matin et allume le feu : un feu de cheminée se déclare. La bonne, éperdue, réveille la chanteuse ; la chanteuse, ensommeillée, répond: « Qu'on me fiche la paix. »

depuis longtemps. Pourtant, on s'est étonné que Mme Piérat ait pu être tentée par M. Hervé, qui ne sait mettre qu'une vaine éloquence dans son rôle de séducteur, et à qui il manque pour le moins d'être séduisant. C'est pourquoi l'on a fait cette épigramme à la mémoire de M. Alin Monjardin, l'apôtre de la Géraldose:.

Qu'une femme aimable et jolie
S'apprête à ruiner sa vie

Pour un gros lourdeau comme Hervé,
On en reste tout étonné.

C'est pourtant ce qu'a fait, Mesdames,

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« J'entendais le murmure d'une rivière qu'on ne voyait pas» (Chateaubriand). « On entendait le broutement d'une vache qu'on ne voyait pas (Flaubert).

« Elle aperçut une longue barque dont la proue élevée, le mât penché, et la voile latine annonçait le génie des Maures. Elle faisait écumer l'onde sous la rapidité de sa course. Un Maure se tenait debout sur la proue. La barque arrive, présente le flanc, touche au môle ». (Chateaubriand). « Elle s'avançait d'une façon orgueilleuse et farouche, la voile bombée dans la longueur du mât, en fendant l'écume autour d'elle. On aperçut un homme debout, tête nue. La trirème érafla l'idole à l'angle du môle.» (Flaubert).

Avis aux benoîts amateurs. La chasse est ouverte.

L'art d'écrire l'histoire littéraire.
Un journal annonça lundi :

M. Anatole France a emmené avec lui, à Stockholm, son petit-fils, le fils de Michel Psichari, l'auteur du Voyage du Centurion.

Rectifions vite, ou bien, dans un siècle, l'auteur véritable du Voyage du Centurion risque fort de se voir contester la paternité de son œuvre. Le Voyage du Centurion est bien de Psichari, mais d'Ernest, et non de Michel. Tous deux sont tombés pendant la guerre. Voilà pourquoi précisément il n'est pas permis de les confondre.

Le véritable auteur d'Ubu.

Depuis qu'on a nommé comme le véritable auteur d'Ubu-Roi le commandant Morin, en garnison à Brest, celui-ci se défend comme il peut. Et voici la lettre qu'il envoya à la Dépêche de Brest en réponse à un article qui, déjà, le mettait en cause :

Monsieur Jean-Pierre,

Lu avec grand intérêt votre article d'hier ainsi que la lettre ouverte, où mon excellent ami, le docteur X... (X n'est pas loin de R dans l'alphabet) me couvre de fleurs imméritées tout en se payant astucieusement ma fiole.

Evidemment, diagnostiquer et guérir sont deux, mais l'ennui, dans mon métier, c'était que les gros canons sont comme les petits lardons, ils ne savent pas dire où ils ont mal.

Il est parfaitement exact que j'ai souvent visité les pièces du groupe de mon ami le docteur X... C'était un groupe gai où j'ai toujours été admirablement reçu. Vrai aussi que j'avais baptisé Mère Ubu », la camionnette qui me trimballait de batterie en batterie et de position en position.

Mais tout cela ne prouve pas que ce soit moi l'auteur d'Ubu! Ayant participé, et avec quelle conviction, aux horribles bastringues qui constituaient le cours dirigé (?) par cet excellent P. H., de joyeuse mémoire, je connais parfaitement le véritable auteur d'Ubu-Roi, mais il est trop de mes amis pour

qu'il me soit possible de démasquer l'anonymat qu'il désire

conserver.

D'ailleurs, n'étant nullement littéraire, comment aurais-je pu pondre cette ceuvre, où les « princes de la critique »> Ont retrouvé le génie de Shakespeare, et d'Aristophane? Toute ma pâture intellectuelle comporte en effet :

1o Les dépêches ministérielles;

2o Le bouquin de Cohen sur les médailles impériales romaines. (Pour référence, voir le seigneur Delourmel);

3o Et, comme extra, pour les dimanches et jours fériés, quelques pages de la table de logarithmes.

C'est tout.

Vous voyez bien qu'en toute justice, on ne peut vraiment pas me faire endosser la paternité d'Ubu-Roi. Veuillez agréer, etc...

L'Ubu, d'Alfred Jarry, fit déjà plus de bruit qu'il ne méritait Qu'adviendra-t-il maintenant de l'Ubu du commandant Morin?

Musique interchangeable.

Le nouveau curé anglican de Windsor racontait l'autre jour à la Société chorale de sa paroisse qu'il avait été marié aux accents du Requiem de Brahms.

Mais il n'est pas le seul à qui pareille mésaventure soit arrivée. En 1863, le prince et la princesse de Galles furent mariés aux accents d'une marche de Haendel, tirée de Joseph et ses frères. Personne, à cette époque, ne semble s'être souvenu que, primitivement, cette mar che constituait la marche funèbre de Samson.

On dit bien qu'à l'origine, ta-ra-ra-boom-de-ay fut une marche funèbre qui ne réussit pas ; l'auteur en accéléra le rythme... et il en fit une chanson de café-concert...

X

M. de la Presle, le Grand Prix de Rome de musique de 1921, fit bien mieux à Notre-Dame de Versailles, le jour du mariage de M. Willemetz. On ne pouvait marier l'auteur de Phi-Phi qu'aux accents des Petits Païens, ou tout au moins de quelque rengaine de Christiné. Il sut par le mouvement et par les timbres de l'orgue, donner une telle solennité à cette musiquette, qu'un bon musicien qui le félicitait après la messe lui dit :

C'était très bien, tout à fait bien. Mais pourquoi donc avez-vous joué du Saint-Saens. Vous savez que je n'aime pas Saint-Saens...

Corruption.

Cette histoire du négociant à qui son défenseur a extorqué 140.000 francs pour « acheter les juges » en rappelle une autre dont le héros fut, il y a une quinzaine d'années, un célèbre avocat d'assises et qui, depuis, a quitté, doux euphémisme, le barreau de Paris.

Le Maître voit arriver chez lui, un beau matin, un caissier, qui lui raconte qu'il caissier, qui lui raconte qu'il a volé le banquier, son patron, qu'il manque à la caisse 30.000 francs et qu'avant de se constituer prisonnier, il vient demander à l'illustre défenseur de l'assister.

Celui-ci l'interroge et, en apprenant que le banquier ignore le larcin, il lui dit :

Du moment que votre patron ignore la chose, inu tile de vous constituer prisonnier; vous allez retourner à votre bureau comme de coutume, vous prendrez à nouveau 30.000 francs et me les apporterez. Je vous garantis l'impunité. »

Quand l'avocat fut en possession des 30.000 francs, ii écrivit au banquier qu'il avait une grave révélation à lui faire. Le banquier arrive, tout inquiet.

Voici. Votre caissier est venu me voir. Il avait perdu 60.000 francs au pari mutuel; il vous a volé 60.000 francs; il m'en a fait l'aveu. J'ai réuni d'urgence la famille qui s'est saignée aux quatre veines et a pu réunir 10.000 francs. Je vous les offre contre un désistement bien en règle et un excellent certificat...

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Un nouveau riche invita récemment un pair d'Angleterre à passer le week-end dans sa maison de campagne. Le pair d'Angleterre accepta, prit le train; et, selon l'habitude que les temps nouveaux lui ont imposée, c'est en troisième classe qu'il voyagea.

Dans son compartiment se trouvaient trois autres voyageurs avec qui il lia conversation et, pour tuer le temps, tous les quatre jouèrent aux cartes.

Arrivés à destination, ils descendirent ensemble et les trois compagnons du noble lord se hâtèrent vers la salle des bagages. N'avaient-ils pas à s'occuper des colis de quelques invités du nouveau riche dont ils étaient les valets de chambre ?

Le pair se rendit tranquillement à la maison où il était convié. Il y fut accueilli avec empressement. On lui demanda des nouvelles de sa santé, de son voyage, et brusquement son hôte s'enquit s'il avait amené son

<<< homme >>.

Et comme il paraissait surpris, l'autre précisa :

Oui, votre valet ?

-Ah! mon valet, dit le lord. Non, je n'en ai pas amené. J'ai voyagé avec trois valets, mais aucun d'eux n'était à mon service.

Hellénistes.

Dans les terrains de l'Université de Londres, on a donné, il y a quelques semaines, trois représentations en grec des Bacchantes d'Euripide. Les acteurs étaient des étudiants, secondés par des professeurs de plusieurs Universités.

Imagine-t-on qu'en France il soit possible d'organiser des représentations comme celles-là ? Où trouver un påblic et surtout des acteurs ?

Chez nos ennemis.

La monnaie de propagande allemande.

Le gouvernement et les villes d'Allemagne se sont ingénieusement servi de leurs monnaies nouvelles. Qu'elles soient en aluminium ou en papier, elles répandent la bonne parole dans le peuple.

La pièce de 50 pfennigs, qui fut lancée il y a un an portait à son verso cette inscription: Sich regen, Bringt Segen: Qui travaille s'enrichit.

Mais voici ce qu'on peut lire sur un billet de Weimar : Vous aurez jugé, vous aussi vous serez jugés. » Cela c'est pour les Alliés...

Un billet de la ville de Hambourg prêche: « Une flotte marchande nous est nécessaire »; au-dessous d'un grand vaisseau se détache un ruban noir-blanc-rouge avec cette inscription: « Que le pavillon commercial al

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On sait qu'un comité s'est constitué à Tunis pour patronner les fouilles de Carthage, dont s'occupe avec tant de zèle M. le docteur Carton.

A côté de ce comité s'est créé un comité de dames avec le même objet et ce comité de dames n'a rien eu de plus pressé que de publier un Bulletin qui s'appelle: Bulletin du Comité des dames amies de Carthage.

Ce Bulletin a publié la liste des dames du comité. Et l'on peut y lire d'abord :

« Placé sous le haut patronage de Mme Lucien Saint, résidente générale à Tunis, »>

Diable, diable! le féminisme fait bien des progrès dans notre administration coloniale. A quand la nomination de Mme Klotz comme « Gouvernante générale de l'Algérie » et de Mme Sarraut comme « Ministresse des colonies >>?

Affaires Intérieures

Comment faut-il voter le budget

EN HUIT JOURS OU EN SIX MOIS ?

On discutait un soir la fréquentation scolaire obligatoire. M. Charles Bernard jeta un coup d'œil sur les trois douzaines de collègues qui composaient la salle, et déclara : « Et la fréquentation obligatoire des députés? >>

On rit gentiment.

Personne ne croit, en effet, que des séances du budget. le matin, l'après-midi, le soir, le dimanche et les jours de fêtes sont réellement suivies par les députés. L'effort héroïque du Parlement n'est héroïque, hélas, que pour les sténographes. Si ceux-là prenaient des libertés avec la séance, il n'y aurait plus d'Officiel.

M. Doumer estime qu'il faut voter, coûte que coûte, même si on n'entend rien, même s'il n'y a personne dans la salle. S'il est une heure moins le quart ou neuf heures du soir, et qu'un collègue propose d'aller déjeuner ou se coucher, selon l'heure qu'il est : « Non! s'écrie M. Doumer ». Sa main, d'un geste impérieux, exprime sa conviction, impose une ardente volonté. Certains vice-présidents lèvent la séance quand même. M. André Lefèvre, par exemple, qui n'aime pas beaucoup qu'on lui souffle ce qu'il doit faire. Mais ceux-là, M. Doumer les considère comme de mauvais Français. C'est bien sévère.

Faut-il donc, coûte que coûte, mener le budget à la vapeur, et, plutôt que de le voir dépasser le 1er janvier, faut-il risquer de l'escamoter?

La vérité est entre les deux thèses extrêmes. Le budget ne doit pas être escamoté, mais il ne doit pas servir de prétexte à d'interminables discours qui n'ont rien de budgétaire.

Lorsque M. Doumer insiste pour qu'une discussion se poursuive devant une Chambre excédée qui ne comprend plus ce dont il s'agit, il abuse, et, pour la conception qu'i: affirme, un appareil enregistreur ferait mieux encore que des députés muéts.

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Mais lorsque, sur le budget des colonies, les onze députés des colonies viennent nous dire chacun leur conception du régime colonial, nous conter leurs petites affaires, vider leurs petites querelles d'homme à homme et nous exposer la géographie économique de leur régime, ils abusent. Lorsque, à propos du budget d'Alsace. Lorraine, les députés d'Alsace-Lorraine nous donnent leur sentiment sur la psychologie de nos provinces recouvrées, ils abusent aussi, et lorsque les quarante-huit députés des régions libérées défilent interminablement à la tribune, apportant des doléances, des suggestions et des souvenirs personnels, ils abusent encore.

De même, les chapitres de l'instruction publique ne sauraient servir de prétexte à des discours sur la culture et les humanités, ceux des travaux publics à des commentaires sur les signaux ou l'accrochage automatique, et ceux des affaires étrangères à l'esquisse d'une carte du monde. M. Uhry n'a pas raison lorsqu'il professe que toute question étant budgétaire, tout débat politique peut être vidé à propos du budget.

Ce sont les réclames électorales avouées ou déguisées, les interpellations développées sous le couvert de discussions générales, qui faussent le caractère du débat, impatientent les comptables diligents, font prendre en grippe tout orateur, et excusent l'impatience fébrile de ceux qui voudraient supprimer tout débat. Ce sont ces abus-là qui excusent ceux qui crient au président, à la faveur d'un tumulte opportun: «Sautez des chapitres! » ou tel auditeur découragé, exprimant le sentiment général lorsqu'il déclare « A partir de six heures du soir, je n'écoute plus rien ».

:

M. Doumer a tort quand il croit avoir fait travail utile en bouclant, dans le brouhaha d'une fin de séance et dans l'inattention générale, quelques chapitres de plus. Il a raison quand il proteste contre les redites, les digressions, les réclames, et les bavardages odieux. Il a tort lorsqu'il veut qu'on discute un budget dont le rapport n'est pas distribué; il a raison lorsqu'il s'oppose à ce qu'un rapporteur dont tout le monde a lu le rapport le commente et le répète à la tribune.

Le budget est une tâche importante des députés : il n'est pas la seule. Il ne doit pas prendre tout le temps des sessions, mais il doit en prendre la moitié. Il est nécessaire que tous les crédits de tous les chapitres soient votés tous les ans, puisque c'est par le vote de ces crédits que s'exprime la souveraineté du peuple, mais il n'est pas nécessaire que toutes les questions soient approfondies tous les ans. Surtout, il n'est pas nécessaire que chaque opinion se répète plusieurs fois, et que les mêmes observations soient ressassées sans trêve à la tribune.

Quatre mois par an sur huit de session, pourraient être consacrés au budget. Et certains budgets seraient approfondis telle année, tels autres les années suivantes, les budgets non approfondis n'étant, à certaines années, que l'objet d'un examen sommaire. Et chaque question de principe pourrait être traitée par des orateurs désignés à l'avance, la clôture des débats étant prononcée dorénavant avec moins d'arbitraire, mais avec plus de fermeté.

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Ces réformes, d'ailleurs, doivent être l'œuvre des mours bien plus que d'un règlement. Les députés ne se rendent pas tous parfaitement compte de ce qu'est un budget. Rien ne dit qu'avec du temps et de la méthode, ils ne le comprendront pas, surtout si un bon aménagement des services leur donne le temps suffisant pour les autres débats politiques et législatifs. Pourquoi désespérer? Les spectateurs des choses parlementaires ont remarqué déjà des précédents encourageants. Naguère, on fourrait pêle-mêle dans la loi de finance n'importe quoi la réforme de l'impôt, le taux de l'intérêt de la rente, l'uniforme des gardiens de la paix et le

programme du baccalauréat. Qui donc se retrouvait dans ces textes, ou pouvait même avoir l'idée de les aller chercher là ? On a compris enfin que la loi de finance, c'était exclusivement le budget des recettes, celui des voies et des moyens.

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Le budget des dépenses, qui est une critique des chapitres, sert encore de prétexte à des observations quel conques qui nous dit qu'il en sera ainsi demain? Alors, M. Doumer n'aura plus besoin, pour faire taire les bavards, et esquiver les discours parasitaires, de bousculer ses collègues et de leur arracher hâtivement un vote sans signification.

Il faut donc attendre beaucoup de la sagesse des hommes. Si M. Paul Reynaud, qui veut les réformer de force par un règlement draconien, connaissait mieux ses semblables, il saurait qu'ils se disciplinent euxmêmes, mais qu'on ne les discipline pas. M. Paul Reynaud voudrait que les orateurs fusent désignés par les groupes. Ciel! Que de vilaines intrigues cela nous vaudrait dans les groupes! Et puis, à ce compte, que deviendraient les députés qui ne font partie d'aucun groupe? M. Paul Reynaud voudrait aussi qu'un temps uniforme fût dévolu à chaque orateur. C'est de la plus mauvais démagogie, et M. Paul Reynaud la fait peutêtre sans le savoir. Je ne consens point, pour ma part, que le temps soit mesuré à M. Maurice Barrès, à M. Forgeot ou à M. Viviani comme à tel ou tel autre qui pourrait avoir moins d'élégante et claire concision. N'est-ce point aussi une funeste démagogie que d'accla mer comme techniciens et d'écouter pendant des heures des facteurs des postes ou des poseurs de rail? Si je veux réformer les lycées, en quoi l'opinion du concierge sur les programmes du baccalauréat a-t-elle quelque valeur ou quelque poids, sous prétexte qu'il est de la

maison ?

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Le juste arrêt de l'amitié américaine

La journée du 10 décembre 1921 est une des bonnes et victorieuses étapes que nous ayons franchies, depuis deux ans, dans cette longue et épuisante marche vers la paix française, une paix juste et durable, logique et prévoyante. Il faut les évoquer, ces rares et bienfaisantes journées, afin de n'être point ingrat et de rester confiant. Août 1920 M. Millerand n'accepte pas d'abandonner et Weygand parvient à sauver Varsovie: la marée bolcheviste reflue vers l'Orient. 5 septembre 1920: La signature de la convention franco-belge prépare le Bloc de l'Occident pour la paix. 12 octobre 1921: la Société des Nations justifie la France d'avoir refusé de déserter la cause polonaise et de réserver à la Prusse toute l'indus trie silésienne. 6 novembre 1921: L'accord polono-tchèque, complétant le traité polono-roumain, élargit et consolide la Petite Entente, assez forte désormais pour barrer la route à une descente de l'Allemagne vers le sud et à une poussée de la Russie vers l'ouest. Le 10 décembre est une date de pareille importance.

Mais, dira-t-on, par le pacte nouveau, les quatre Etats «< conviennent »>, uniquement, de « respecter leurs droits touchant leurs possessions insulaires, ainsi que leurs dominions insulaires dans la zone de l'océan Pacifique ». Ce pacte laisse en dehors de ses garanties, non seulement les autres colonies qui restent soumises aux aléas de

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l'avenir mais encore le monde chinois, dont certaines revendications seront tranchées par des déclarations de principes. Toutes les « possessions insulaires >> ne sont même pas visées. Le sénateur Lodge, après avoir réservé les questions qui relèvent de la «< juridiction domestique », a annoncé que le sort de l'île de Yap serait réglé par une convention américo-japonaise. Le traité ne prévoit aucune sanction, militaire ou navale, en cas d'inexécution. Il n'implique même pas, de la part des signataires, l'engagement de ne point recourir à la décision des armes. Il prévoit simplement, en même temps qu'une garantie territoriale étroitement limitée, la réunion d'une conférence au cas où « surgirait entre les hautes puissances contractantes un différend issu d'une question quelconque concernant le Pacifique et mettant en cause leurs droits ci-dessus visés », ou bien si ces droits » « venaient à être menacés par l'action agressive d'un Etat ».

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J'entends bien : ce pacte est prudent, modeste et simple. Il n'en reste pas moins important. Le seul fait de substituer à l'alliance anglo-japonaise une entente à quatre, de placer les possessions insulaires à l'abri d'une garantie réciproque, d'établir sur un terrain neutre un contact direct entre Yanks et Japs, d'introduire dans ce débat un tiers directement intéressé au maintien de la paix, rend de longtemps improbable toute chance de guerre américo-nipponne. Or elle apparaissait imminente. Cette éventualité est d'autant plus écartée, que le Japon, s'il sacrifie quelques bateaux, conserve du moins deux avantages également précieux l'un pour son amour-propre, l'autre pour son impérialisme alimentaire : l'amitié des blancs et les débouchés de la Chine. D'ailleurs, si le mécanisme prévu par le traité est très simple, son champ d'action l'est moins. Il s'étend à tout « différend issu d'une question quelconque concernant le Pacifique et mettant en cause les droits... touchant les possessions insulaires », c'est-à-dire, en fait, à tout conflit en Extrême-Orient susceptible de déchaîner une là-bas, le guerre. Le traité assure pour un temps, maintien de l'équilibre et la durée de la paix. Or si cet équilibre avait été rompu, si la paix avait été troublée, tôt ou tard les répercussions se seraient fait sentir jusqu'au centre de l'Europe. Les continents, je le répète, sont aujourd'hui solidaires. L'Europe est redevenue ce qu'elle était au temps primitif, une péninsule de l'Asie. Mais la France, qui fera les frais de tout bouleversement, trouve dans ce traité d'autres sécurités. Il est possible que les Etats-Unis restent hostiles à toute coopération directe en Europe. Qu'ils le veuillent ou non, ils ne sont pas moins rentrés dans le cercle des Etats européens. Ils viennent de conclure avec plusieurs d'entre eux toute une série de conventions. Quelles qu'elles soient, qu'il s'agisse du traité à quatre, de la liquidation chinoise ou du désarmement naval, ces accords présupposent des contacts fréquents et des conversations régulières. Et ce qui prouve bien que cet absence de l'Amérique était préjudiciable aux intérêts français, c'est que, dès que Washington est de nouveau redevenue une capitale européenne, le premier geste de son gouvernement a été non seulement d'adresser à la France une flatteuse invitation, mais de lui rendre un double hommage. En lui ouvrant l'accès à l'entente du Pacifique, les Etats-Unis ont voulu reconnaître, à la fois, la valeur de son œuvre extrême-orientale et la sincérité de ses sentiments pacifiques.

Ils y ont eu quelque mérite. Il fallut vaincre des résistances, déjouer des pièges et déchirer des légendes. Des milieux anglais voyaient, avec inquiétude, la France s'immiscer dans les problèmes du Pacifique. Un ménage à trois eût été plus fructueux. Il aurait été facile de se servir, au sein de ces débats tripartites, du Japon contre l'Amérique, comme on se sert de l'Italie contre la France. Un effort fut tenté, avant la réunion de Washington,

pour régler la question d'Extrême-Orient, à trois, en Angleterre. Un effort fut essayé, avant l'échange des signatures, pour écarter la France de l'entente du Pacifique. J'ignore s'il est exact que, le 2 décembre, au cours d'un entretien avec M. Hughes et l'amiral Kato, M. A. J. Balfour se soit écrié : « Nous avons assez d'occasions de frictions avec la France en Occident. Evitons de créer de nouvelles difficultés en Orient. » Il est en tout cas certain que, docile à une évidente pression, le Japon a longtemps résisté contre l'incorporation de la France et que, dociles à une évidente consigne, les correspondants anglais ont longuement commenté la légitimité de cette résistance. Le Morning Post, un organe indépendant, a indiqué, le 7, avec quelque atténuation, la thèse de lord Ridell. Le Daily Chronicle, une feuille officieuse, a été, le 8, plus nette :

En ce qui concerne la France, le Japon manifeste une certaine résistance. On fait remarquer que l'adhésion d'une puissance qui n'est pas directement intéressée aux questions d'Extrême-Orient, diminue la valeur effective du traité. « Il y a trop d'eau dans le whisky », telle est la métaphore qu'emploient souvent les Japonais pour s'en tenir à leur thèse. Les Japonais signalent un autre danger. LA FRANCE, DIT-ON, A TROUBLÉ L'ATMOSPHÈRE DE WASHINGTON. ON PEUT DONC SUPPOSER QU'ELLE JOUERA LE MÊME ROLE DANS L'ENTENTE D'EXTRÊME-()RIENT, et qu'elle adoptera une attitude qui sera plutôt dictée par des intérêts en Europe, qui sont importants pour elle, que pour ses intérêts sur le Pacifique, qui ne le sont guère.

Comme ces lignes sont intéressantes! Elles confirment, de source officielle, l'interprétation que j'ai donnée ici même, en commentant et le discours de lord Curzon et la prodigieuse campagne de potins,de dépêches et d'articles, menée contre la France, au lendemain du discours de M. Briand campagne au nom de laquelle l'Observer en arrivait à menacer la République d'une coalition européenne et d'une nouvelle guerre (27 novembre). Il fallait la charger de tous les péchés d'Israël, pour qu'il fût vraiment impossible de l'admettre à participer à un gentlemen's agreement.

Le piège était quelque peu grossier. La presse américaine eut vite fait de le percer à jour. Et dès le 26 novembre, le New York Herald relevait avec indignation le passage d'un journal anglais qui reprochait aux Français d'être « trop guidés par la logique et point assez par l'instinct », « de ne point reconnaître que leur vraie sécurité résidait dans l'acceptation complète des idées de la race anglo-saxonne. »>

pas

ans

...La France est ainsi classée, comme une grande enfant, au mal assuré, qui n'est point encore capable, après mille de lumineuse histoire, de marcher seule. Depuis longtemps passé on nous a beaucoup parlé de l'orgueil insulaire; mais ceci est peut-être le plus bel exemple qui en existe. Et c'est ausi un cas phénoménal de colossale impudence.

Quant à Wells, il se faisait rabrouer, de la même manière, par le New York Evening Post.

Le coup dépassait le but. Et il est probable que ces violences de la presse anglaise, autant que la modération dont fit preuve la délégation française en proposant, le 17 novembre, d'évacuer Kouang-Tcheou et en adoptant, depuis, la solution américaine des problèmes chinois, ont renforcé la décision du gouvernement américain et facilité la conclusion de la Quadruple Entente.

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