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Mémoires & Documents

A propos du centenaire de Flaubert

UNE PREMIÈRE « MADAME BOVARY >>> La publication des Euvres de jeunesse de Flaubert oblige la critique à reviser beaucoup de jugements contestables sur le grand romantique normand. Elle apporte en effet des preuves multiples et indiscutables du romantisme de Flaubert, elle montre que ses années de jeunesse furent les plus riches d'imaginations créatrices et qu'avant 25 ans il avait conçu l'idée de tous ses chefs-d'œuvre à l'exception de Salammbó.

Une leçon d'histoire naturelle, genre commis esquisse avec une précision savoureuse la double silhouette de Bouvard et Pécuchet. Smarh offre une ébauche très nette de la Tentation de Saint-Antoine. L'Education sentimentale de Flaubert est retracée dans les pages frémissantes consacrées à Maria du poème lyrique en prose que sont les Mémoires d'un Fou, comme con éducation sensuelle est décrite avec un réalisme intense dans le récit de sa rencontre avec Mme F. à Marseille, récit qui forme la partie centrale de Novembre.

Ces rapprochements ont été indiqués par MM. Maynial, Descharmes, Bertrand et d'autres, bien qu'il reste à pousser la comparaison jusque dans les détails, maintenant que l'Euvre de jeunesse est connue en son intégrité.

Mais aucun critique ne semble avoir remarqué que Passion et Vertu, conte philosophique écrit le 10 dé cembre 1837, traite exactement le thème de la séduction développé dans Madame Bovary, et que les deux amants de ce conte, Mazza et Ernest, offrent déjà tous les traits d'Emma Bovary et de Rodolphe.

Sans doute, la véritable Madame Bovary fut l'héroïne d'un fait-divers connu dans les moindres détails, et tous les du roman ont été identifiés personnages l'éminent par critique, G. Dubosc, dans son article du Journal de Rouen du 22 novembre 1890 (1). Mais si Flaubert a dit et répété « la Bovary, c'est moi », c'est qu'en effet Emma Bovary n'est qu'une transposition féminine du Gustave Flaubert que nous ont révélé les Mémoires d'un Fou de Novembre, et s'il a pu affirmer: « Non, aucun modèle n'a posé devant moi. Mme Bovary est une pure invention », c'est qu'« il a voulu reproduire des types, sans avoir en vue des personnalités » et que ces types-là il les avait connus et étudiés, dès 1837, pour écrire Passion et Vertu.

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Ernest Vaumont comme Rodolphe apparaît, dès les premières lignes de la nouvelle, comme l'homme à bonres fortunes : « Loin d'être une de ces âmes d'exception, comme il y en a dans les livres et dans les drames, c'était un cœur ou un esprit juste et, par-dessus tout cela, un chimiste. Mais il possédait à fond cette théorie de séduction, ces principes, ces règles, le chic enfin, pour employer le mot vrai et vulgaire, par lesquels un habile homme en arrive à ses fins », et Flaubert esquisse un historique charmant de l'art de séduire, il oppose le Don Juan au Lovelace, et il nous décrit ses manèges qui sont déjà ceux de Rodolphe dans l'admirable scène des Comices Agricoles: « Il y a tant de moyens de se faire aimer, soit par la jalousie, la vanité, le mérite, les talents, l'orgueil, l'horreur, la crainte même, ou bien encore par la fatuité de vos manières, le négligé d'une cravate, la prétention à être désespéré, quelquefois par la coupe de votre habit, ou la finesse de vos bottes ! Car combien de gens n'ont dû leurs conquêtes qu'à l'habileté de leur tailleur ou de leur cordonnier!» Et plus loin : « ...devant elle, il déchirait toutes les autres femmes... ».

N'est-ce pas la méthode même de Rodolphe ?«< Alors il se mit à faire des plaisanteries sur les dames d'Yonville, à propos de leur toilette; puis il s'excusa lui-même (1) G. Dubosc Trois Normands (Defontaine éd.).

du négligé de la sienne. Elle avait cette incohérence des choses communes et recherchées, où le vulgaire, d'habitude, croit entrevoir la révélation d'une existence excentrique, les désordres du sentiment, les tyrannies de l'art, et toujours un certain mépris des conventions sociales, ce qui le séduit ou l'exaspère...

Alors ils parlèrent de la médiocrité provinciale, des existences qu'elle étouffait, des illusions qui s'y pa daient.

Aussi, disait Rodolphe, je m'enfonce dans une tris

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Vous, fit-elle avec étonnement. Mais je vous croyais très gai?

-Ah! oui, d'apparence, parce qu'au milieu du monde je sais metre sur mon visage un masque railleur ; et œpendant que de fois, à la vue d'un cimetière, au clair de lune, je me suis demandé si je ne ferais pas mieux d'aller rejoindre ceux qui sont à dormir... >>

#

Mazza «< aime la poésie, la mer, le théâtre, Byron », comme G. Flaubert adolescent, car il l'a conçue à son image et c'est Lui comme la Bovary est Lui. Emest comme Rodolphe, se dit : « C'est une sotte, je l'aurai » et «< il lui fait croire à la phrénologie, au magnétisme » comme Rodolphe « en vient aux affinités et aux attrac tions irrésistibles qui tirent leur cause de quelque exis tence antérieure ».

Mazza Willers résiste et s'abandonne comme Emma, et si elle éprouve, après sa chute, « ces déceptions et as amertumes » qu'avaient laissées dans l'âme de Flau bert la vision de Maria et la nuit d'amour avec Mme F, elle s'exalte au même degré qu'Emma. « Elle devenait elle-même comme une partie véritable de ces imagina tions et réalisait la longue rêverie de sa jeunesse, en st considérant dans ce type d'amoureuse qu'elle avait tant envié. >>

Seulement, Flaubert donne à ses ardeurs une expres sion plus déclamatoire et plus vague, parce qu'il ne sait encore ni se dominer ni s'analyser.

« Souvent, dans les transports du délire, elle s'écria que la vie n'était que la passion, que l'amour était tout pour elle; et puis, les cheveux épars, l'œil en feu, la poitrine haletante de sanglots, elle demandait à son amant s'il n'aurait pas souhaité, comme elle, de vivre des siècles ensemble, seuls sur une haute montagne, sur un roc aigu, au bas duquel viendraient se briser des vagues, de se confondre tous deux avec la nature et le ciel, et de mêler leurs soupirs aux bruits de la tempête ; et puis, elle le regardait longtemps, lui demandant encore de nouveaux baisers, de nouvelles étreintes, et elle tombait entre ses bras, muette et évanouie. »>

Mazza épouvante Ernest par ses ardeurs, et elle rêve aussi d'être enlevée comme Emma. Mais parce que Flatbert est plus jeune, et sans doute pour faire plus fort que ses camarades qui écrivent au Colibri, il représente Mazza comme une véritable Lionne ou, plutôt, un Tigresse inassouvie.

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comme

« Un jour, dans un transport de fureur et de délir Mazza le mordit à la poitrine et lui enfonça ses ongles dans la gorge. En voyant couler du sang dans leurs amours, Ernest comprit que la passion de cette femme était féroce et terrible, qu'il régnait autour d'elle ne atmosphère empoisonnée qui finirait par l'étouffer et le faire mourir, que cet amour était un volcan à qui il fallait jeter toujours quelque chose à mâcher et à broya dans ses convulsions, et que ses voluptés étaient une lave ardente qui brûlait le coeur. Il fallait donc partir, la quitter pour toujours, ou bien se jeter avec elle dans ce tourbillon qui vous entraîne comme un vertige dans cette route immense de la passion, qui commence ave un sourire et qui ne finit que sur une tombe. >>

Aussi part-il pour l'Amérique. Rodolphe se contentera de gagner Rouen. Et Mazza le poursuit insatiable, tandis qu'Emma guérira et se consolera avec Léon

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Dans Passion et Vertu, Flaubert nous peint une Bovary frénétique et qui reste fidèle à sa passion, à sa fureur amoureuse. Mazza lui immole d'abord son mari pour se rouler frénétiquement sur la couche nuptiale vide en appelant son amant d'une ardeur hystérique : « Arrive maintenant! A toi, à toi tout cela! Je t'attends ! Viens donc ! A toi, mon bien-aimé, la couche nuptiale et ses délices! A toi, à toi seul, à nous deux un monde l'amour et de voluptés! Viens ici, je m'y étendrai sous es caresses, je m'y roulerai sous tes baisers! >>

Novembre, écrivit sa première Mme Bovary à l'âge de seize ans à peine.

On y chercherait en vain sans doute ce métier ou platôt cet art incomparable de développer des caractères, de donner l'illusion même de la vie et de faire sentir cette sorte d'harmonie préétablie qui existe entre certains personnages et leur milieu, art qui s'affirme à chaque page du chef-d'œuvre de Flaubert.

Mazza et Ernest sont plus poussés, elle en imagination, lui en ironies. Il les tourne l'un au lyrisme, l'autre au grotesque bourgeois, obéissant aux deux tendances les plus nettes de son esprit adolescent, dont le contraste est si romantique. Mais Emma Bovary est dans Mazza, et toutes deux sont dans Flaubert, et Rodolphe dans Ernest. Vingt ans plus tard, leur portrait définitif, sans plus rien de conventionnel ou qui date, sera achevé et

Après l'époux, elle empoisonne ses enfants et, libre Enfin, elle lance un adieu très romantique à «< cette terre l'Europe, pleine de brouillards, où les cœurs sont tièdes omme l'atmosphère et les amours aussi flasques, aussi nous que ses nuages gris ». Mais au moment de voler ers son chimiste au cœur desséché, type parfait de ce ourgeois moyen et odieux que Flaubert a toujours dé-parfait de main de maître. esté, elle en reçoit cette lettre qui n'a même pas les hyporites ménagements de celle de Rodolphe à Emma :

:

« ...Ma position est à peu près faite je suis directeur rincipal de la commission des essais pour les mines; a fille du directeur de première classe est une charmante ersonne de dix-sept ans, son père a soixante mille livres le rente, elle est fille unique, elle est douce et bonne, elle beaucoup de jugement et s'entendra à merveille à dirier un ménage, à surveiller une maison »>.

«...Si vous voulez me rendre un dernier service, c'est le me faire passer au plus vite un demi-litre d'alcool russique... >>

Et vous devinez aisément qu'après des désespoirs très omantiques et des tirades byroniennes, Mazza prend quelques gouttes du poison et « s'étend pour la dernière ois sur ce sofa où si souvent elle s'était roulée dans les oras d'Ernest, dans les transports de l'amour. >>

C'est ainsi que G. Flaubert, « nourri de très mauvais auteurs, comme on l'a pu voir à son style », dira-t-il dans

LETTRES

Feuillets de

Le bon ou le mauvais titre On vient de rééditer un assez méhant roman de M. Georges Pioch qu'il ublia jadis quand il n'était pas enpre un personnage de revue de fin d'anée. L'ouvrage qui s'appelle a L'impuisince d'Hercule ne se trouvait plus ue sur les quais. Il y a une quinzaine années, quand ce bouquin fut mis

vente, un libraire de l'avenue de 'Opéra se fiant un peu trop au titre le assa au milieu de ces ouvrages spéaux que l'on entoure d'une ficelle our attirer davantage les adolescents irieux.

M. Pioch en découvrant son chefœuvre en si mauvaise compagnie ena, dit-on, dans une fureur extrême oubliant jusqu'à insulter le libraire qui mit enfin à la porte.

Comme il redescendait l'avenue, fort gité et se parlant seul, il rencontra Caille Mendès aujourd'hui si justement ublié, mais qui faisait alors figure de rand homme.

- Le gros homme s'ouvrit au grand omme des raisons de sa colère. « Un ivre que j'ai écrit la nuit comme Bal

Lac

en buvant du café ! Un livre qui borte sur la première page de mon proSre exemplaire cette sincère dédicace:

A moi même ! Un livre que vous

admirez sûrement,

Encore est-il que Passion et Vertu est à Madame Bovary ce que le Commis est à Bouvard et Pécuchet. Flaubert a tiré de lui-même la plupart de ses héroïnes ou de ses héros : Smarh, saint Antoine, Mathô, Jules, Frédéric, Mazza, Emma Bovary. Mme Schlesinger a posé pour Mme Renaud et surtout pour Mme Arnoux. Le milieu bourgeois qu'il observait avec l'amertume d'un Molière lui a fourni tous ses grotesques depuis le Garçon et le Commis jusqu'à Bouvard et Pécuchet, en passant par Homais et Bovary.

Ils se répartissent en deux classes, et se ramènent à deux types: le lyrique sentimental et le grotesque, c'està-dire qu'ils expriment le double caractère de Flaubert, romantique et pessimiste. Mais ils préexistent en lui dès son adolescence littéraire, et se réalisent à travers toute son œuvre, personnages de plus en plus vivants et extériorisés, dont il a modelé la statue toute sa vie amoureusement, depuis le collège jusqu'à sa mort. Et c'est peutêtre là le secret et le caractère singulier de son génie. PAUL-LOUIS ROBERT.

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mon cher maître,
le voir là. Quelle honte. Qu'auriez-vous
fait à ma place ?

-Je l'y aurais laissé, répondit Ca-
tulle Mendès protecteur.
Vous avez
manqué, malheureux, une occasion uni-
que d'en vendre quelques exemplaires.
GEORGES OUDARD.

Les Académies
C'est jeudi prochain 15 décembre que
l'Académie française doit élire le suc-
cesseur de Jean Aicard.

Candidats: MM. Du Plessis-Flan-
dre-Noblesse, Charles Grandmougin,
Gustave Guiches, Abel Hermant, Ca-
mille Le Senne, Louis Madelin, Geor-
ges de Porto-Riche. M. André Rivoire
s'est désisté.

La vacance du fauteuil de M. Boutroux ne sera déclarée que dans un mois et aucune date n'est prévue pour l'élection.

Le Français, langue diplomatique

La question du privilège du français, comme langue diplomatique, est à l'ordre du jour.

De Maulde-la-Clavière nous apprend qu'à la fin du XVIe siècle le français se substitua tout naturellement au latin, car il était, alors, entendu de chacun. Toutefois, à la même époque, le roi

de France, dans sa correspondance officielle avec le roi de Pologne, continuait d'user du latin, ce dernier souverain ignorant notre langue.

Toutefois, un demi-siècle plus tard, notre patriotisme nous mit en conflit sur ce point et en conflit, déjà ! avec l'Angleterre.

En mars 1753, des commissaires français ayant reçu un memorandum écrit en anglais, voulurent le retourner pour cette raison, réclamant que toute communication officielle fût écrite en français.

Il en résulta une crise. Le gouvernement britannique refusant de reconnaître notre langue comme unique instrument diplomatique.

Le différend occupa toute l'année et finalement l'Angleterre l'emporta.

La question fut posée à nouveau, en 1800, quand lord Grenville, s'avisa de correspondre, en anglais, avec les membres du corps diplomatique accrédités à la Cour de Saint-James.

A nouveau elle fut soulevée en 1814 par lord Castlereagh, alors au quartier général des alliés, qui décida d'écrire dans sa langue aux ministres étrangers.

En 1823, encore, Canning prescrivit à l'ambassadeur de Grande-Bretagne à Lisbonne, d'user de l'anglais et non plus du français dans ses lettres au ministre des affaires étrangères du Portugal, alléguant que celui-ci écrivait dans

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sa propre langue. Mais c'est en 1851, seulement, que Palmerston obtint l'admission définitive de l'anglais dans la correspondance courante avec les puissances étrangères.

Inauguration

Contrairement à ce qui avait été annoncé ces jours derniers dans plusieurs journaux, c'est bien le 12 décembre que sera inauguré le monument Flaubert dans les jardins du Luxembourg.

Les discours ne seront pas prononcés à cause du froid, au pied de la statue, mais dans un salon aménagé dans les bâtiments du Luxembourg.

Quatre orateurs prendront la parole: M. Edmond Haraucourt, au nom de la Société des Gens de Lettres; M. Paul Bourget en son nom et non en celui de l'Académie française, qui s'est dégagée officiellement, comme on s'en souvient; un délégué de l'Académie belge et M. Léon Bérard.

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modernes, en éditions originales. Voic quelques prix :

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Mademoiselle de Maupin, par Théophile Gautier, 1835, avec grandes mar ges, 2.020 fr.; Madame Bovary, par Flaubert, 540 fr. ; Dominique, de Fro mentin, 510 fr.; un exemplaire d Marché d'autrefois, du même auteur avec 42 lignes autographes d'Anatole France, 900 fr. ; Les Trophées, de Heredia, 550; quelques Loti ont fait entre 400 et 600 fr.; le Marc-Aurèle, de Renan, avec corrections d'auteur, 2.000; De l'Amour, de Stendhal, 1.300; La Faute de l'abbé Mouret, de Zola qui est en hausse 455 fr.; un exemplaire des Fleurs du Mal avec la bonne couverture et bien relié, 1.650; Les Diaboliques, de Barbey d'Aurevil ly, 490; Le Dernier Chouan, de Balzac en 4 volumes, 1829, 605 francs. Les France ont atteint les plus beaux prix. D'abord, exemplaire des Dieux ont Soif, sur japon avec qua rante pièces autographes de notes d'Anatole France est monté à 18.450 francs. Le Crime de Sylvestre Bon nard, 1.940 fr.; Les Poèmes doris, 2.000 ; La Rôtisserie de la reine Pidauque, 2.000; Les Contes de Jacques Tournebroche, 1.390; Histoire con temporaine, 1.080; L'Ile des Pingouins, 1.500; Le Lys Rouge, 1,200; L'Etui de Nacre, 1.520; Les Noces Corinthiennes, 700.

un

La bibliothèque Luc Olivier Mersin a produit dans une première vacation 38.000 fr.. Elle comprenait un grand nombre d'ouvrage d'art, des diction naires, des revues.

Œuvres de Gebhart en 31 volumes, éditions originales ont atteint 800 fr. et une Notre-Dame de Paris de Victor Hugo 1889, sur japon avec le planches en 4 états, 1.400 francs.

Les «Contes Drôlatiques
en Anglais

M. Robert Crawford vient de tra duire en anglais neuf histoires tires des Contes Drolatiques de Balzac

Cette traduction, qui a demandé à M. Robert Crawford deux années travail, offre cette particularité d'ètre écrite dans la langue contemporaine d Chaucer, c'est-à-dire en anglais & XIVe siècle, et en anglais du xvr siècle celui de Shakespeare.

ARTS

L'expressionnisme

Il y avait autrefois, au coin de is rue Saint-Jacques et de la rue Souffle dans une boîte vitrée fixée contre le m une épouvantable tête d'ivrogne, ridi comme le ventre du Job de M. Bond et terriblement expressive. Au dessous de ce chef-d'œuvre un peintre, M. Ha vé, donnait l'adresse de son école des pressionnisme. Hé bien ! l'expressionnis me dont on commence à parler ches nous, dont on parle bien plus en Alle magne et dont on parlera davantage core à Paris au printemps prochain, n'est pas ça. Parmi les concours de

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'Ecole des Beaux-Arts, il en est un dit i exemple, Stamboul, et alors Valensi
de la Tête d'expression ». Cette nous semblera pompier.
année le motif était a pensive ». (Ces
messieurs du quai Malaquais sont d'un
poétique !) Eh bien ce n'est encore

? Je

ROBERT REY.

bas ça l'expressionnisme. Alors J ÉCONOMIQUE

suis allé me renseigner chez Valensi qui :hez nous est en quelque sorte le chef de l'expressionisme français ou de l'exɔrimisme, comme il aime mieux qu'on lise.

J'ai trouvé Valensi dans son atelier de Montmartre, peignant. Dans la rue ous ne le prendriez point, au premier oup d'oeil, pour un artiste mais pour in ingénieur. De l'ingénieur il a les biocles, les moustaches neutres et le reard sérieux. Soigneusement il mêle, ur des plaques de verre, du bleu, du lanc et il couvre, avec des minuties "'émailleur des bandes limitées par des raits de crayon fin, sur une immense oile pleine de circonférences et de lines droites, comme une épure. Et tout n peignant Valensi m'explique :

Il est parti de la peinture en plein tir et, les mêmes causes créant les mêmes effets, il fit des toiles dans la donrée impressionniste, sans avoir en somne étudié l'impressionisme. Son premier

et seul maître avait été le sinistre Lefebvre. Puis il eut l'idée, pour concentrer l'attention du spectateur sur le point capital de chaque paysage qu'il traitait de faire converger sur ce point toutes ses touches. Il introduisait donc dans le tableau un nouvel élément qui n'était plus uniquement plastique. L'exprimisme était créé. Peu à peu, parlant à la pensée au moins autant qu'aux yeux, il se mit à faire exprimer à ses tableaux tout ce qu'un site contient de souvenir, d'évocation; ce fut là le principal. C'est alors que naquirent « l'Acropole », la vue d'Alger », la a vuc de Stamboul D.

se

au

Avant ces deux toiles Valensi avait "exprimé a Moscou la Sainte; ciel bas et noir, sol clair, amas de clochetons e déportant vers la croix centrale comne vers un immense et impéricux ainant; toutes les visions que suscite dans imagination ce mot « Moscou la Saine viennent s'y caser avec une logique errée, démonstrative; restaient ces chabiteaux, du XIII où des chapitres de dénonstrations scolastiques concrétiaient en une sculpture compliquée. Maintenant Valensi travaille Steamer »,son envoi pour les Indépenlants. Les planches du pont, le mur peré de hublots de la coque, les cheminées lont une est ouverte pour montrer à Pintérieur la flamme qui se tord comme in dragon chinois, les couchettes, s'enfoncent à travers les zones bleues et veres excentrées; l'expression de son étra"e qui coupe l'horizon est donnée par une sorte d'étincelle fusante. Il s'en dégage évidemment une idée puissante de ruže en avant. L'énorme chose au ventre de feu file comme un obus dans des couches d'air et d'eau. Les futuristes italiens, auxquels on songera, ne se sont attachés qu'à traduire la simultanéité des mouvements.

Avec Valensi, nous touchons au sommet de l'art cérébral. Qui sait, peut être que dans cinquante ans, quand nous sauons tous aller en avion, nous verrons, 'en haut, les villes comme il a vu, par

Habitations à bon marchè

En général, les habitations à bon
marché coûtent fort cher, depuis la
guerre, aux groupements ou aux muni-
Les
cipalités qui les font construire.

pertes sont à peu près inévitables, dans
ces sortes d'affaires, et les sacrifices que
s'imposent les industriels ou les villes
pour loger une clientèle digne d'intérêt
le plus souvent sont quelquefois consi-
dérables.

Il s'agit de limiter le plus possible le
déficit, en adoptant des formules bien
étudiées. Sur ce point, le système
appliqué par la Caisse foncière de cré-
dit pour l'amélioration du logement
dans l'industrie peut servir de
dèle aux organismes officiels.

mo

La Caisse foncière, fondée en 1919 au capital de 20 millions, a émis des obligations pour un montant égal à cinq fois son capital, soit cent millions. Cet argent a permis de faire des avances aux sociétés d'habitation à bon marché, et de construire plusieurs milliers de maisons.

Les obligations rapportent 6 0/0, et
sont garanties à la fois par la société
d'habitation à bon marché et par l'in-
dustriel intéressé à la construction de

logements pour ses ouvriers. Ce taux
d'intérêt et ces garanties sont nécessai-
res, si l'on veut intéresser l'épargne à
une œuvre dont l'utilité n'a jamais été
aussi manifeste qu'aujourd'hui.

La proposition de loi votée par la
Chambre et déposée sur le bureau du
Sénat tout récemment, s'inspire de ces
leçons. Elle consiste à faire émettre par
les offices publics d'habitations à bon
marché des obligations jusqu'à concur-
rence de 750 millions. L'Etat prendrait
à sa charge la moitié des annuités né-
cessaires au paiement des intérêts et de
l'amortissement, les bénéfices de la ges-
tion des immeubles construits devant
couvrir l'autre moitié. Pour cette tran-
che, la garantie des départements, des
communes ou des sociétés commerciales
et industrielles est laissée par l'Etat.

Cette double garantie est de nature à rassurer les prêteurs éventuels, et à assurer le succès des émissions prévues. Une organisation privée placée sous le contrôle de l'Etat, analogue au Crédit National, aurait de meilleures chances encore d'attirer les capitaux que les offices publics d'habitations, dont les qualités de gestionnaires peuvent être suspectées.

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quera que les importations et les expor-
tations ont sensiblement diminué en va-
leur par rapport à la période corres-
pondante de l'année dernière. Mais les
exportations ont augmenté en
en poids
(1 million 776.000 tonnes), et la di-
minution de valeur constatée n'est
qu'une conséquence de la diminution sé-
rieuse des prix qu'il n'est pas possible
de nier.

Nous avons acheté moins de houille qu'en 1920 (7 millions de tonnes), moins de céréales (1 million et demi de tonnes).- on voit ici les heureux effets de la bonne récolte de l'année, moins de textiles bruts, de fils et tissus, de machines et de mécaniques.

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Les industries exportatrices qui ont le plus souffert de la crise économique sont les industries textiles. Le commerce des vins et quelques industries de luxe ont été également frappés. On constate, par exemple, que les quantités de vins exportés en 1921 figurent au tableau pour un poids de 141.000 tonnes contre 158.000 en 1920, et pour une valeur de 270 millions de francs contre 377 millions. Même diminution pour les eaux-de-vie : 18.000 tonnes valant 92 millions contre 42.000 en 1920, valant 150 millions.

Les chiffres globaux sont rassurants : ceux de septembre donnent l'impression que la crise économique en France est en voie d'amélioration sérieuse, car les importations de matières premières destinées à l'industrie ont considérablement augmenté d'août à septembre : le poids du charbon de terre acheté à l'étranger a presque doublé, les quantités de laine brute importées ont augmenté de 50 o/o. On peut également remarquer d'importants achats de lin, doubles de ceux effectués au mois d'août.

Un contrat de transport de pétrole entre la Cie Cunard et la Standard Oil

I.'accord qui vient d'être conclu entre la Compagnie Cunard et la toute-puissante Standard Oil est intéressant à deux égards.

D'abord, c'est le plus important contrat qui ait jamais été signé pour le transport du pétrole en caisse. Il vise le transport de 7 à 10 millions de caisses à destination de trois groupes de ports ceux de l'Adriatique et du Levant, ceux de la Mer Noire, et ceux du Nord de l'Afrique et de la Sicile. Voici donc la Cunard détentrice du quasi monopole de l'approvisionnement en pétrole du bassin méditerranéen.

Le second point intéressant du contrat, c'est que la Standard Oil a rejeté

une

offre émanant du « Shipping Board américain, dont les prix étaient supérieurs à ceux de la Cunard. Ainsi l'industrie américaine, tout au moins. l'industrie du pétrole, n'hésite pas à sacrifier à ses intérêts la flotte d'Etat du pays, qui aurait de nombreux bateaux disponibles.

La Compagnie Cunard a offert des prix inférieurs à ceux de toutes les autres compagnies maritimes, et n'arrivera pas sans doute à faire ses frais. C'est une réplique à la politique de sousenchère inaugurée il y a trois mois par le « Shipping Board », quand il a voulu

α

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Diadumène, par Pierre BENOIT (A. Michel, 3 fr. 75). L'illustre auteur de l'Atlantide est aussi celui des Suppliantes et de Diadumène qui sont desrecueils de vers. Il faut le louer de ne pas se laisser distraire de l'art par son immense succès, et de ne pas oublier qu'il est un bon poète. Le plus pur et le meilleur patriotisme respire dans les poèmes de Diadumène, exprimé avec une harmonieuse éloquence.

La jeune fille au monstre, par Pierre DE LA BATUT (G. Crès, 5 fr.). Des savants faisant des fouilles sont amenés en déchiffrant des inscriptions, à conclure qu'une race de taureaux ailés, égaux, sinon supérieurs aux hommes, figurée sur les bas-reliefs assyriens, a existé, puis qu'elle existe encore. Et en effet une jeune fille qui les accompagne est enlevée par ces Kirubi et emmenée au royaume souterrain qu'ils habitent, et où ses compagnons la suivent. Description de cette civilisation mystérieuse. Tous s'échappent enfin. Bon petit roman, fort divertissant, écrit selon les formules connues du roman scientifique. L'intrigue amoureuse est malheureusement d'une extrême banalité et la langue fâcheuse (a dont je me rappelle », etc.). La Force, par Paul ADAM (Flammarion). On a réimprimé la Force, ce beau livre qui était depuis longtemps introuvable. Le général de Maud'huy l'admirait beaucoup. La veille de la Marne, il en intercala dans son ordre du jour, plusieurs phrases. Lorsqu'il l'apprit plus tard, Paul Adam en fut très ému.

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La

La Cavalière Elsa, par Pierre MACORLAN (Editions de la Nouvelle Revue française). Une jeune Juive de Ghetto, belle et intelligente, est choisie par deux des plus puissants commissaires de la Russie bolcheviste pour devenir l'héroïne légendaire qu'on proposera à l'armée rouge pour l'exalter. Sa légende est soigneusement établie, créée peu à peu. Elle avance avec les troupes innombrables et disciplinées de la Bolchevie future qui conquièrent l'Europe. France, Paris sont pris... Mais les ro mans de M. Mac-Orlan sont, pour ainsi dire, des romans d'atmosphère. Nulle intrigue puissante et enchaînée ; au contraire du mystère inexpliqué, de l'indéterminé ; enfin, c'est l'opposé de ce qu'on appelait jadis roman d'aventures. Il faut avouer qu'il nous impose fort bien l'atmosphère trouble et immonde du bolchevisme, et si Elsa est tuée dans des circonstances peu claires, en un cabaret de Montmartre, cela nous excite l'imagination. C'est ce que veut l'auteur. Mais cela suppose que ses lecteurs

en ont.

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M. Blasco Ibanez publie, dans la Revue de Genève, les Plumes du Caburé,

conte curieux et mouvementé qui met en scène les métis de l'Amérique du Sud, derniers descendants des conquistadors du XVIe siècle. « Ils portaient la culotte claire attachée à la cheville par des lanières de cuir; ils avaient aux pieds des babouches dansantes, sur le buste un poncho recroquevillé, autour du cou un foulard rouge... C'était l'insigne de leur parti, le symbole des colorados, « hommes de couleur », comme le foulard blanc était l'insigne du parti contraire: Deux amis colorados, Moralès et Galamillo, vivent et volent ensemble, unis fraternellement par la crainte de la police qui leur a fait passer la frontière. Avec un sens vif du détail et de la couleur, M. Blasco Ibanez conte leurs efforts pour réussir à s'emparer d'une plume de caluré, oiseau magique dont le bec dur comme une pioche le rend redoutable même au tigre et au croco dile. La plume du caluré est un talisman qui préserve son possesseur de tout danger. Garamillo, qui réussit à en arracher une à l'oiseau, devient redoutable et sacré aux yeux de tous jusqu'au jour où il est dévoré par un caïman en se baignant dans le fleuve. Moralès attribue cet accident fâcheux à l'oubli qu'avait commis son camarade d'emporter, ce jour-là, son talisman. Il s'en saisit et répand la terreur parmi la population, il affronte tous les dangers, personne n'ose l'attaquer, il règne en maître sur le pays. Un jour, cependant, un Anglais incrédule et mis au défi de l'atteindre, lui tire un coup de revolver en pleine poitrine; il meurt, mais en gardant sur ses lèvres un vague bonheur d'orgueilleuse confiance et de foi inébranlable.

Voir également, dans le même numéro de la Revue de Genève une remarquable étude de M. François Fosca, sur le secret de Rembrandt. Il établit un ingénieux parallèle entre Rembrandt et Shakespeare. Tous deux ont été mal suivis par leurs élèves, qui ne retinrent des enseignements du maître que la couleur et le pittoresque. Aert Van Gelder utilisa remarquablement, d'ailleurs, la mise en scène de Rembrandt, comme Heywood ou Dekker firent pour la féerie de Shakespeare; le décor seul restait debout, mais privé de la pensée qui l'animait.

Ils se ressemblent aussi par la complexité qu'ils ont apportée dans l'art ; si l'on peut reconnaître une imprégnation d'italianisme chez Shakespeare, cet italianisme n'est pas assez fort pour qu'on puisse classer l'auteur du Roi Lear dans la grande famille gréco-latine qui va de Virgile à Chénier. Shakespeare a créé un nouveau classique à lui tout seul; il est une source particulière où ont puisé nombre d'auteurs du XIXe siècle. Ainsi Rembrandt a bousculé

la peinture italienne, reine jusque-là, pour façonner et loger son école.

Pursuivant son analyse, M. François Fosco cherche à définir le secret de Rembrandt ; il ne consiste ni dans la composition, ni dans le dessin, ni dans la lumière. Quel est-il ? On ne peut le dire, il ne se démontre pas, il s'impose, il échappe au calcul.

Dans le même numéro: En colonne au Maroc, par Louis THOMAS.

Dans la Nouvelle

Revue français,

M. Marcel PROUST nous offre un m veau fragment d'A la recherche du temp perdu, où l'on goûtera plus que jam son merveilleux talent. Il sera temps à reparler de ce délicieux morceau, quand M. GILBERT il paraîtra en volume. DE VOISIN y publie des Odelettes s sibles et charmantes. Enfin on trouvera des Fragments inédits du Ja nal intime d'Amiel.

Des impressions, des sensations, des regrets y sont notés au jour le jou avec une gêne maladive, un tou ment de scrupules qui frappent. Us sentiment critique très pénétrant do mine. Quelques jugements sont curien, entre autres celui qui condamne dur ment la démocratie. Pas une page n'e indifférente.

Dans le même numéro, M. V. Llond donne une traduction d'un a rieux conte d'Amboise Dierce: Un in cident au pont d'Ocol-Creek. C'est l'histoire de l'hallucination subie pa un pendu.

La Revue de la Semaine consacre son numéro du 9 décembre à Flaubert M. Charles Du Bos y étudie la psycholagie du grand romancier; M. René DESCHARMES y apporte des documents inédits fort intéressants; M. Louis SoNOLET y conte la vie privée de Flaubert et M. John GRAND-CARTERET y examine son iconographie. Le supplément illus tré de la revue est consacré tout enta à reproduire des portraits et des caria tures curieux et peu connus du maître.

La résurrection livresque d'Ubu ze cesse d'être un thème d'articles. Voici, dans. Choses de Théâtre, numéro de dé cembre,un Ubu précurseur, où LegrandChabrier dresse un ingénieux parall entre Alfred Jarry et Jean Coctean, tous deux habiles conférenciers d'entre rampe et rideau avant la représentation de leurs œuvres.

Du même Legrand-Chabrier, une lo gue étude sur Rémy de Gourmont das le Monde Nouveau.

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