X à Renoir avait également reçu. D'autre dons, assurément, de Mme Satre, la femme du maire de Pont-Aven, por- Mme Satre, M. Chassé a causé avec elle. Elle lui a dit nous l'aimions bien. Seulement, à cette époque-là, sa d'autres peintres qui s'en sont bien moqués et je l'ai su, devait abandonner cette manière, s'écarter de cette in mal disposée, et ma mère m'avait dit : « Il paraît que des Huence. M. Charles Chassé expose les faits. Avec une « peintres se sont battus, hier soir, à propos de votre por à impartialité qui donne beaucoup de prix à son travail, « trait. En voilà des histoires à votre sujet ! » [...] Quand il nous raconte ses « consultations ». Les témoins, les Gauguin me l'a montré, je lui ai dit : « Quelle horreur ! » contemporains existent encore. Interrogés par M. Chassé, ils ont répondu. Quelques-unes de 'ces réponses frappent jamais de ça chez moi. Pensez ! à l'époque, et dans lin et qu'il pouvait bien le remporter, car je ne voudrais par leur naïveté, par leur vaniteuse candeur. D'autres, au petit endroit comme celui-ci ! Gauguin était très triste, contraire, touchent par leur fervente piété. et il disait, tout désappointé, qu'il n'avait jamais réussi Les confidences et les souvenirs des vivants vont for un portrait aussi bien que celui-là. J'ai su depuis qu'à la cément du document au « ragot ». Mais le livre de vente Degas, mon portrait, que j'ai refusé comme cadeau, M. Chassé est un livre impartial, désintéressé, respec- s'est vendu pour plusieurs dizaines de milliers de tueux. Ce n'est certes pas toujours le cas pour les livres francs... ; Et comme M. Chassé fait remarquer à Mme consacrés à des hommes dont tous les contemporains Satre qu'elle a cependant accepté de conserver chez elle n'ont pas encore disparu. Certains récits pittoresques; une marine de Moret, l'ami et disciple de Gauguin : où l'auteur fait parler son personnage comme un crétin « Oui, dit Mme Satre, mais c'était une marine, tandis, ou comme un charretier, donnent l'impression d'une vé. qu’un portrait ... » rité artificielle et faussée. On voudrait ne pas les avoir Le livre de M. Chassé est riche de pareils documents, lus. Le livre de M. Chassé n'a rien de gênant. Pas une fois M. Chassé ne se hasarde vis-à-vis de son person qui valent par un pittoresque direct et savoureux, nage. Il nous dit : « Voici ce que j'ai entendu; voici ce En 1889, Gauguin quitte Pont-Aven pour le Pouldu, que l'on m'a écrit »; et de tous ces documents s'élève où il devait demeurer plus d'une année. Là, il s'installe dans l'auberge de Mlle Marie Henry. Mlle Marie Henry, peu peu la figure familière de Paul Gauguin, figure passagère et rapide, comme aperçue entre deux portes, par la suite, devint Mme Mothéré : « M. Mothéré, très et que, pour la connaître mieux et dans son ensemble, fin lettré, écrit M. Chassé, s'est aimablement mis à ma nous devrons aller chercher dans d'autres ouvrages, par disposition pour me donner tous les renseignements qu'il exemple dans celui de Charles Morice, dans celui de détenait et que lui ont fournis, non seulement sa femme, mais encore les amis de Gauguin qu'il lui a été, permis Victor Segalen ou dans celui de Rotonchamps. de connaître. » La longue lettre de M. Mothéré est bien X! curieuse, tant par les renseignements qu'elle donne que par la manière dont elle les donne. Par cette lettre, nous On a beaucoup répété que Gauguin aimait la Bre voyons Gauguin à quarante-deux ans : « De taille élevée, tagne et qu'il y alla souvent parce que son sang paternelle visage brun, l'aspect grave et imposant. [...] Sa démarétait un sang breton. M. Chassé nous dit que cela n'est che lente, son geste sobre, sa mine sévère lui donnaient pas vrai. La mère de Gauguin, cela n'est pas douteux, beaucoup de dignité naturelle. [...] De ses pérégrinations était d'origine péruvienne ; mais son père était originaire de matelot, il avait rapporté quelques préceptes d'un d'Orléans. Puisque ce n'est pas par atavisme que Gau pragmatisme rudimentaire qu'il résumait en une formule guin aimait la Bretagne, par quel sentiment y était-il plus d'une fois inscrite dans ses cuvres ou sur les objets attiré ? Le fidèle ami de Gauguin, M. de Monfried, en familiers qu'il aimait à décorer : « Vivent le vin, l'amour a donné à M. Chassé la raison suivante : « Si Gauguin et le tabac ! » est allé en Bretagne, ce n'est nullement qu'il y fut attiré Au Pouldu, Gauguin vivait avec un amateur relativepar l'art ou le style local. Il allait chercher, dans ce qu'il ment fortuné, Meyer de Haan, homme « roussâtre et. croyait un pays aux murs archaïques, une ambiance, difforme », fort chétif, que Gauguin dominait tout à fait. une atmosphère différentes de nos milieux civilisés à ou Ensemble, ils faisaient de la musique (mandoline et trance, afin de retourner, dans ses propres ceuvres, à l'art piano) ou bien, après le travail, le soir, ils jouaient aux primitif. » Une autre raison est le bon marché de la vie dames, au loto. Ils travaillaient surtout beaucoup et se bretonne. Gauguin, on le sait, avant d'être peintre, fut déplaçaient peu. , agent de change. L'argent qu'il avait gagné en exerçant Petit à petit, autour de Gauguin, d'autres peintres: cette profession fila vite lorsqu'il ne l'exerça plus. L'un arrivent et se groupent : « Au milieu de l'été 1890, M. de ses historiographes prétend qu'il gaspilla quarante Mothéré raconte que la pauvre petite maisonnette du mille francs en achetant des rosiers rares pour orner le Pouldu abritait sous son toit : Meyer de Haan dans la jardin de la maison qu'il habitait aux environs de grande chambre, Gauguin dans la chambre l'Observatoire. cour (1), M. Sérusier dans la chambre sur la rue, M. FiliToujours est-il que Gauguin, fort pauvre, est, en 1886, ger dans l'atelier, la propriétaire dans le cabinet de toià Pont-Aven, région particulièrement douce de la Bre- lette et la bonne dans la buvette. » M. Mothéré ne nous tagne. M. Sérusier,le compagnon de Gauguin et le maître cache pas que le toit de la cuisine, régnant sous la fenêtre de M. Maurice Denis, dit qu'à cette époque, à la pension de Gauguin, permettait à ce dernier de gagner par ce Gloanec, on pouvait vivre (gîte et nourriture) pour chemin la buvette et la bonne : « Vivent l'amour, le vin soixante-dix francs par mois. et le tabac! » Cette pension était alors fréquentée par des peintres sages et routiniers, lesquels considéraient l'élève de Pis (1) M. Bidou a décrit la chambre de Gauguin au Pouldu saro comme un barbouilleur. Mais au second séjour qu'y « La chambre de Gauguin était ornée de l'Olympia de Manct, fit Gauguin, revenant do son voyage à la Martinique du Triomphe de Vénus de Botticelli, de l'Annonciation de (1888), la pension Gloanec possède ses « révolution- Fra Angelico, d'estampes d'Outamaro et de décorations de naires ». C'est à ce moment que Gauguin fait le portrait Puvis de Chavannes. » sur la n très pour la On pourrait glaner encore, dans le livre de M. Chassé, , selles, fut conservateur du musée céramique, directeur d'autres anecdotes, d'autres petits traits, par la réunion du musée départemental des antiquités, directeur de desquels on ne prétend certes pas faire connaître Gau- musée de peinture et de sculpture. C'était un érudit pasguin dans son intimité profonde, mais dans son appa- sionné - si ces deux termes souffrent d'être rapprochés rence pittoresque. Quand il n'achetait pas pour ses chers musées, il acheCitons encore ces quelques propos tenus par M. Séru- tait pour son propre compte. Quelles luttes secrètes, sier à M. Chassé : « M. Sérusier répétait à Gauguin cette quelles tempêtes sous ce crâne de collectionneur, quand í , phrase de Jules Lefebvre : « Un peintre doit être bête ; fallait choisir entre les deux parties ! Il avait pour peser * faites bêtement ce que vous voyez. » Et Gauguin de ré- ses décisions une balance que je ne puis croire que pondre : « Un peintre peut faire tout ce qu'il veut, sensible. Mais je ne jurerais pas qu'il ne faussait pas « pourvu que ce ne soit pas bête. » Gauguin aimait aussi involontairement les raisons qu'il mettait dans le plabeaucoup à affirmer : « Le laid peut être beau, le joli, teau quand l'objet était, par trop tentant et la trouvaille ( jamais » M. Sérusier raconte encore ceci : « Gauguin par trop avantageuse. Mais quel conservateur de musée était très doux [....]. Je dois cependant avouer qu'il pre- n'a pas des peccadilles de ce genre sur la conscience ? nait grand plaisir à effrayer Séguin, très craintif de sa Le Breton, en tous cas, cachait les siennes. nature ; quand Séguin, par exemple, posait les unes 1er Ils étaient bien rares, écrit dans la Renaissance près des autres les couleurs complémentaires, Gauguin, Camille Gronkowsky, ceux qui pouvaient pénétrer chez qui condamnait le procédé, sortait tranquillement son Gaston Le Breton et visiter sa galerie. Plus rares encore revolver de sa poche, l'armait, le posait sur la table... et ceux qui étaient admis dans le cabinet de travail réservé Séguin ne rapprochait plus les couleurs complémen- au Moyen Age, à la Renaissance et aux Antiques. Quant taires. » aux deux chambres où il gardait pour lui seul la jouis En 1891, Gauguin part pour Tahiti une première fois. sance de ses dessins incomparables, nous n'exagérons Il en revient deux ans après, avec quatre francs en po- pas en affirmant que l'on compterait sur les doigts d'une che. Mais il hérite d'un oncle d'Orléans (13.000 francs). seule main le nombre de ceux qui y entrèrent pendants Il mange at argent à Paris, en compagnie d'Anne la dernières années. » Javanaise, rencontrée à Montmartre. Il portait alors une Ces trésors ont été étalés pendant deux jours dans redingote bleue à boutons de nacre, un gilet se bouton les salles de la Galerie Petit, pour la parfaite instrucnant sur le côté et dont le col était brodé de jaune et de vert, un pantalon mastic, un chapeau de feutre gris milliers d'oisifs de l'un et l'autre sexe. Pas tous cepen tion de quelques connaisseurs et l'ébattement de plusieurs avec un ruban bleu de ciel, des gants blancs, un bâton dant. Il fallait conserver une réserve décoré de sculptures et où une perle fine était enchâssée. seconde vente à l'Hôtel Drouot qui aura lieu dans une Dans cette tenue, il revient, en 1894, en Bretagne. La ou deux semaines. En outre le grand collectionneur, de Javanaise Anna est. avec lui à Pont-Aven. Parfois il son vivant, avait amputé ses collections de leur merquittait son chapeau gris à ruban bleu de ciel, et, coiffé veilleuse série céramique. Pierpont Morgan était passé d'un bonnet d'astrakan, il se promenait, un singe ou un par là, comme à l'hôtel Foulc, de la rue Magdebourg, perroquet juché sur l'épaule... Un pareil costume, et cette comme à l'appartement de Bernard Franck, avenue du société, scandalisèrent les Bretons. Les gamin s'attrou Bois-de-Boulogne, comme dans tant d'autres sanc paient autour de lui. A Concarneau, Gauguin, une fois, tuaires de l'art et de la curiosité. Les pièces inestimable gifle l'un d'eux. Le père de l'enfant et des marins intervinrent. Bagarre. Gauguin reçoit un coup de sabot qui qui avaient servi à documenter le traité de la Céramique lui casse la jambe. Pendant qu'on le soigne, la Javanaise polychrome à glaçures métalliques ont traversé l'Atlan tique, sans espoir de retour. retourne à Paris, dévalise l'atelier du peintre et disparaît. L'héritage de l'oncle d'Orléans est dissipé. Gauguin était pas moins d'une qualité rare et charmante. On sen Ce qui constituait l'ensemble de la Galerie Petit n'en décide de repartir pour l'Océanie. Il écrit à son ami Monfried : « ... Je pourrai alors finir mes jours libre et tait que chaque pièce avait été l'objet des prédilections d'un homme de goût, d'un connaisseur, qui les avait tranquille sans le souci du lendemain et sans l'éternelle lutte contre les imbéciles. » Gauguin s'embarque en 1895. achetées, pour en jouir, et non pour en tirer une satis faction de vanité ou de spéculation. Malgré moi, je Il ne devait jamais plus revenir en Bretagne. Mais cette revoyais dans cette même galerie la fameuse exposition Bretagne, là-bas, jamais non plus il ne devait l'oublier. des toiles du financier Cronier, en 1906, quand la foule Le dernier tableau auquel ait travaillé Gauguin, et que Mme Victor Ségalen possède actuellement, représente s'allongeait en serpent tortueux des portes de la salle au trottoir du boulevard. C'était déjà Mo Lair-Dubreu: «'quelques chaumières couvertes de neige, ct qui, frileuse qui officiait et c'était déjà la même dose de sottises ment, se groupent autour d'un clocher... >> débitées par le même torrent de curieux, avant et surOn peut assez facilement rêver sur cet « effet de tout après la vente : neige », peint par Paul Gauguin, sans doute dévoré de nostalgie, peu de temps avant sa mort, dans les soli Vous savez, ce fameux Billet doux? Cronier l'avait tudes océaniennes où ce grand artiste s'était réfugié. payé 110.000 à Mme Jagerschmidt, la fille de Feuillet de Conches. JEAN-LOUIS VAUDOYER. Hum! Feuillet de Conches! N'est-ce pas le décor vreur de certaines lettres de Marie-Antoinette, qui depuis... La Curiosité. Douteux, vous dis-je, la tête pourrait être repeinte Et le Gainsborough dont vous ne parlez pas? Oh! celui-là, je vous le passe. - Et dire qu'on nous représente ce Cronier comme m Quand ces lignes paraîtront, la pièce sera jouée. descendant de la grande lignée des amateurs d'autreMo Lair-Dubreuil, assisté de son quadrille d'experts, fois, un des derniers fermiers-généraux ! Il avait acheté aura dispersé la fleur des collections de Gaston Le Bre- 75.000 francs une pendule à musique qui a fait 3.000 à ton, cet étonnant directeur général des musées de Rouen, la vente. dont l'activité suffisait à toutes les tâches. Parbleu! On nous rebat les oreilles des tableaux Ce robuste Normand, aimable, accueillant, qu'on qui ont doublé de prix et personne ne parle de ceux voyait assister aux grandes ventes parisiennes et figurer qui se sont effondrés. dans les comités d'organisation des expositions univer- Comme le Concert dans le Parc et la Collation à la fontaine, payés jadis 600.000 francs et adjugés Qui tranchera cette question? La Commision des 180.000. Réparations? Nous y disposons d'une voix sur cinq. - Et le Lorgneur attribué à Watteau, tombé de L'Angleterre a tout intérêt à la reprise du mark. La 250.000 à 6.500. baisse du mark est loin d'être funeste à l'industrie allePlacement de père de famille. mande. Par contre, elle gêne considérablement les concurCronier n'avait pas plus de flair pour les huiles que rents anglais de cette industrie. Les hommes d'affaires du pour les sucres. parti républicain d'Amérique, actuellement au pouvoir, On serait bien embarrassé pour faire de semblables ont partie liée, sur ce point, avec les Anglais. Je précise : rapprochements avec les joyaux réunis par Gaston Le l'Angleterre, l'Amérique ont tout intérêt à la reprise du Breton. Le catalogue est vierge de pédigrees ; la plupar mark, à celle même du franc Mais l'Angleterre, l'Amédes objets reçoivent pour la première fois le baptême des rique, ont-elles l'intention de nous aider à éteindre notre enchères. Je parierais cependant qu'aucun n'aurait été dette intérieure ? Pour en revenir aux réparations, l'Italie payé par l'avisé connaiseur le dizième des sommes que ne marche pas avec nous, est-il besoin de le dire. La Belles avisés, connaisseurs vont débourser pour les posséder.gique, que nous avons indisposée par notre politique Non, pas même cette adorable Vierge à l'enfant en ivoire, douanière tandis que l'Angletere semble lui offrir au du XIV° siècle, ces terres cuites de Corneille et de Molière contraire tout son appui économique et financier, la Belpar Caffieri, ce savoureux dessin de J.-A. Peters, repré-gique s'interrogera avant de voter pour nous. Le moratosentant Collé lisant ses comédies à sa femme, ni cette rium admis par les Anglais, non par amour de l'Alleminiature en émail de Hall, qui est bien la merveille du magne, mais par intérêt purement anglais, semble donc gence et que son heureux possesseur considérait, je crois inévitable. à bon droit, comme unique. La miniature du musée Voilà ce que la Chambre a refusé d'envisager. Elle a Jacquemart-André, donnée au célèbre miniaturiste, est à clos le débat financier à la manière de l'autruche, en fercent coudées de ce chef-d'oeuvre de grâce et de ce tour mant les yeux sur le danger. de force de technique. Après le plaisir de posséder des pièces belles et rares, COMMENT SORTIR DE LA? vient la satisfaction de les avoir achetées « pour un morceau de pain ». Un grincheux dirait même que pour exige environ 150 milliards à répartir, disons-nous, sur Cependant la réparation de nos régions dévastées la majorité des collectionneurs cette seconde condition huit exercices. Ajoutons à cela 250 milliards déjà dépen passe avant la première. sés pour la guerre. Ces chiffres sont visibles, je pense. HENRI CLOUZOT. Allons-nous refuser 'de les considérer froidement? court terme, et quasi-clandestin, du soin de combler les Enquêtes déficits passés et futurs ? N'est-ce point assez de 80 mil liards de Bons de la Défense, dont le remboursement est 1) Enquête sur la situation financière (1) devenu, d'ores et déjà, tout à fait impossible, bien que ce soit le droit strict des porteurs de l'exiger d'un M. LEON CHAVENON moment à l'autre? Et si l'on consolide par des emprunts périodiques cette On sait quelle part le savant directeur de l'Information a prise à la polémique (s monétaire ». L'intervietu vaste dette flottante au fur et à mesure qu'elle s'accroîqu'on va lire met bien des choses au point. tra, peut-on assur qu'on ne touchera pas bientôt le fond même de l'épargne française? Et la charge des N'attendez de moi l'exposé d'aucun système. intérêts constituant, dès maintenant, la plus lourde part Il est évident, dès maintenant, que tous les dogmes de nos dépenses ordinaires aggrave encore cette poliou principes économiques antérieurs à 1914 ne s'adaptent tique. Cette politique, enfin, dirige sur des valeurs d'Etat plus aux événements. Les constructeurs qui fondent leurs improductives et onéreuses, un capital essentiellement projets sur ces anciennes bases sont forclos. Il n'y a plus nécessaire à l'industrie afin de rétablir la fourniture au à lutter contre les événements, mais bien à les suivre et pays des choses les plus indispensables à sa vie. interpréter leurs suggestions avec une souplesse atten Il faut donc sortir de là. tive. Quel que soit le système employé, vous devez comQUELS SONT LES FAITS mencer par FAIRE DU CRÉDIT. Or, cette opération, voilà ce que nos adversaires appelLa transformation de l'économie de guerre en celle de lent « de l'inflation ». r La richesse ne se crée pas paix exige, dans le monde entier, un laps de huit à dix d'une manière aussi simple, disent-ils. Le fiat de l'Etat années. En France, nous avons, en outre, la plaie des n'est pas doué de la toute puissance économique que régions dévastées à soigner. C'est un supplément d'effort, vous lui attribuez. Une telle politique n'est qu'une illude travail et de production qui nous incombe. sion dangereuse. » Pour ces réparations, nos dirigeants veulent absolu- En effet, la richesse ne se crée pas sans travail, mais ment compter sur les paiements allemands et l'on a ins de même qu'on ne peut aujourd'hui travailler sans le crit ces paiements au budget comme s'ils étaient cer concours d'une puissance immatérielle qui s'appelle la tains, sous la rubrique « dépenses recouvrables ». Certes, technique, de même la production ne va pas sans une la politique extérieure doit tendre, de toute son énergie, autre force du même ordre, le crédit. Et le crédit, n'en à obtenir ce recouvrement. Mais il serait d'une prudence déplaise aux économistes les plus classiques, le crédit élémentaire de prendre nos dispositions en vue des se fait ; le crédit se crée de rien hormis la confiance << retards » éventuels de l'Allemagne. Ce n'est pas là du mutuelle des intéressés. pessimisme... Est-ce que l'Allemagne a versé hier, Si vous pensiez le contraire, voyez d'un peu près I'r décembre, les 85 millions de marks or qu'elle devait qu'est, en Angleterre, une « banque d'émission de chèdonner en acompte sur l'échéance du 15 janvier 1922? ques », ou en Allemagne une « acceptation de banque ». Et voici que l'Angleterre s'apprête à remettre en ques- Ces institutions et procédés, dont nous n'avons aucun tion le règlement même de ces réparations, à accepter équivalent en France, sont de véritables « fabriques de peut-être un moratorium à long terme au bénéfice de crédit ». Le mot n'est pas de moi mais de M. Withers, nos débiteurs... un écrivain monétaire qui fait autorité de l'autre côté du détroit. (1) Voir l'Opinion des 5, 19 et 26 novembre et du décembre. Choisissez donc, pour la France, le mode de fabri CC 3 cation de crédit qu'il vous plaira. Peu m'importe. Mais lieu de s'efforcer à des compressions insuffisantes pour il ne faut nier ni la situation lamentable de nos affaires, ne pas dire malsaines (quand elles consistent à refuser ni la nécessité d'en sortir. d'alimenter les forces vives de la nation, l'instruction Quelque moyen que l'on choisisse, on aboutit à l'ac- publique, par exemple), ils se rendraient compte que la , croissement des moyens de paiement. Cet accroissement liaison naturelle établie par les événements entre l'écoa des inconvénients que nous n'ignorons point, mais il nomie nationale et les finances publiques devrait est des mesures à prendre contre ces inconvénients. Il retrouver dans les méthodes administratives. Ils convone s'agit plus de jeter à tort et à travers des billets de queraient les Etats généraux de la production... Comité banque dans la circulation, comme on a fait inconsidé- économique, Chambre professionnelle, appelez cela rément en 1919 et 1920. On pourrait exiger, pour le comme il vous plaira, cet organisme serait écouté dans bon emploi du nouvel argent, des garanties efficaces. ses voeux, et ses suggestions étudiées. Celles que Probus a introduites dans son projet parais. Je crois bien que les événements nous forceront d'arsent fort raisonnables et méritent d'être étudiées avec river enfin là où un grand ministre aurait trouvé natu rel de fixer le point de départ de son gouvernement. attention. On peut aussi concevoir une émission de papier M. L'INGENIEUR monnaie remise remise directement à l'industrie française sur la garantie de son propre actif. Ne serait-ce Notre enquête, sur le point d'être close, n'aura pas eu point naturel puisque l'industrie serait la première à l'honneur de recueillir un seul avis de banquier. Ce n'est bénéficier de l'opération ? Pour cela, toutefois, un mi pas faute à nous d'avoir sollicité cet avis. nimum d'organisation collective serait indispensable Il se pouriait toutefois que la réponse de M. l'Ingé: entre les grandes firmes industrielles. Il est impossible nieur, publiée ci-dessous, expliquát le silence de M. le de laisser l'industrie française s'éteindre faute d'une Banquier. Aussi bien, qui n'entend qu'une cloche.. et telle organisation intérieure. celle-ci sonne tellement juste! D'ailleurs je ne réclame pas une chute indéfinie de En tout cas, l'ingénieur qui va parler ici, tout en désil'unité monétaire. J'estime, au contraire, qu'un accrois Tant garder l'anonymat, n'est pas une entité (que le letsement actuel de la circulation fiduciaire devrait abou teur se rassure!), mais une personnalité bien vivante. tir à une stabilisation prochaine. Une bonne partie de son existence est consacrée à la L'histoire économique nous montre des exemples manœuvre d'un corps d'armée d'ouvriers et d'au moins d'une telle stabilisation : rappelez-vous la revalorisation un bataillon d'einployés, munis, les uns et les autres, de du rouble sous le ministère Witte. Le rouble était à l'artillerie industrielle la plus moderne. 4 francs, il est tombé à 2 fr. 66. Cela a-t-il ruiné la Russie d'alors ? L'économie de la nation est en proie à un malaise grave, et ce malaise est fait de ceci : il n'existe, en LE DEVOIR DU GOUVERNEMENT France, aucun lien rattachant solidement la finance à Le ministre des Finances représente aujourd'hui un l'industrie. pouvoir absolu, dont les moindres actes se répercuteni On admire que l'industrie allemande continue à prosaussitôt dans l'économie nationale tout entière. pérer en pleine crise financière, voire en pleine débâde Bien que ce soit là un fait observé d'ordre tout mo- monétaire. Je n'entrerai pas dans la discussion des rapderne, notre ministère des finances demeure, par son ports qui peuvent exister entre le change et l'exportaorganisation, ses méthodes, ses principes, ce qu'il était tion. C'est une question d'économie politique où je me sous le baron Louis. Mais un Louis, comme un Colbert, déclare incompétent. Mais il suffit de considérer comdu reste, n'aurait aujourd'hui qu'une préoccupation ; bien, depuis bien avant 1914, la finance et l'industrie l'essor de l'industrie nationale ; une dilatation de la pro- allemandes sont fonction l'une de l'autre pour n'être pas duction non une compression de la richesse acquise, étonné que leur faisceau résiste à toute épreuve. quelle qu'elle soit. CRÉDIT INDUSTRIEL EN ALLEMAGNE ET EN FRANCE Pensez-vous que Colbert épargnerait nos modernes Fouquet dans leurs fortunes de guerre ? En Allemagne, le crédit à l'industrie est pour ains - Pardon ! un profiteur de la guerre n'est pas for- dire illimité. Mais ce n'est pas le crédit tel que le conicément un concussionnaire, surtout quand ce profiteur prennent nos banques. est une firme industrielle. Chez nous, la notion de crédit est inséparable de celle On a voulu récupérer par l'impôt les bénéfices de de garantie. Et, pour une banque française, -les garanguerre. On n'a fait que détourner les bénéfices indus- ties ne sont suffisantes que si elles sont surabondantes triels vers un remploi inconsidéré en augmentation de Un exemple : Je veux parler des émissions d'obligacapital. L'industriel s'est forgé ainsi une entrave très tions collectives, garanties par l'Etat, au bénéfice des lourde, qui eût été moins lourde, probablement si l'Etat sinistrés du Nord. Il s'agit de faire la une émission de lui avait laissé une plus grande liberté. D'autant que le l'ordre de grandeur du capital social des industries à petit commerçant, avec ou sans boutique, mais sans relever. Le crédit nécessaire est donc, en l'espèce, bica main-d'æuvre spécialisée et l'intermédiaire sans frais supérieur au crédit commercial dont les industries in généraux, (oublions les parasites), ont facilement téressées peuvent légalement jouir, même groupées . échappé à ce fameux impôt. Ce sont eux, pourtant, les Aussi les banques qui ont consenti à faire cette émission vrais profiteurs de la guerre. Pour consolider leur for: demeurent incapables de le fournir en temps voulu. tune rapide ils n'ont eu que la peine de convertir en En effet. Dans la reconstruction progressive des usititres de rente au porteur qu'ils ont gagné au jour le nes comme dans leur remise en marche, il y a un rythme jour, ou encore, dans une spéculation instantanée. Mais obligatoire. La construction d'un bâtiment nouveau il n'est pas trop tard pour atteindre cet argent, à son entraîne sa garniture en marchines ; l'achat des machitour. nes entraîne leur fonctionnement et ce fonctionnement D'ailleurs, le gouvernement a des devoirs encore plus l'écoulement des produits. Cela se fait comme par ondes positifs que cette justice comptable. successives, d'un rythme continu. C'est à la continuité Nous parlions de grands ministres. Mạis aujourd'hui, de ce rythme que la trésorerie bancaire ne peut suffire ni Louis, ni Colbert ne se contenteraient, pour gouver- De par leur organisation actuelle, les banques sont obliner, de l'organisme qui paraît suffire à M. Doumer. Augées de subordonner l'époque des émissions à des conlieu de se confiner dans des équilibres de chiffres de sidérations d'ordre public et de toutes sortes de facplus en plus précaires, fictifs, et d'ailleurs instables, au , teurs étrangers à la marche de l'affaire industrielle 10 décembre 1921 L'OPINION 661 la guerre. une 'où un retard. Ce retard entraîne des solutions provi- du crédit n'est plus un secret pour personne et l'on sait ires. Le rythme de croissance est rompu. assez que son facteur principal n'est autre que la conAutre exemple, plus général. Si une firme industrielle fiance publique. Et cette confiance que vous manquvrez 1 un groupe de firmes, en fonctionnement normal, de- parfois assez imprudemment, pensez-vous que le public ande aux banques une avance de fonds pour une fa- nous la refuse? Quant aux employés et aux directeurs cication dont le devis est établi et le bénéfice prévu, la indispensables, nous pourrions aussi bien vous emprunponse est la suivante : « Fournissez soit des gages ter les vôtres, pour commencer... » ersonnels, soit la garantie collective de toutes les indus- Devant un langage aussi nouveau, les banquiers ont ies du groupe. D'ailleurs, ajoute la banque, le crédit compris et consenti à causer. Les banques ont reconnu ue nos règlements nous permettent de vous offrir doit le principe de leur rôle social et l'impossibilité de s'y ester sensiblement au-dessous de ces gagés et de ces soustraire dans le régime économique nouveau issu de aranties. » En Allemagne, il en va autrement. De tout temps, Maintenant tout cela est passablement oublié! a banque allemande a fourni le crédit aux industrieis Néanmoins, il en reste quelque chose. Dans leur élan on pas en fonction de l'actif mis en gage mais sur passager de solidarité, les grandes banques et les ile appréciation critique de l'avenir de l'industrie en- grandes firmes industrielles ont « échangé » de notoires żsagée, sur la perspective du bénéfice. La banque alle administrateurs. Le conseil de la Société Générale comnande prévient sans cesse les besoins de l'industrie prend désormais trois ou quatre chefs d'industrie. La llemande. La nôtre place l'industrie nationale au même | Banque des Pays du Nord, une des plus intelligentes, ang que le client ordinaire et, presque toujours, après a fourni un administrateur à la Compagnie de Saintacheteur de rentes. Chamond; elle en a reçu, d'ailleurs, un autre en échange. Cette conséquence demeure très insuffisante au fond, LE DEVOIR DE LA BANQUE FRANÇAISE mais elle est très importante dans la forme. Les banques ne peuvent plus dire : nous ignorons la position de Dans le passé, nos banques ont toujours traité les l'industrie. Elles y sont mêlées. hoses de l'industrie comme une matière première à Il ne reste plus qu'à instaurer une méthode nouvelle, eur disposition, qu'elles pouvaient traiter à leur gré adaptée aux besoins de la production, une méthode et d'après leur seul intérêt. permettant la reconstruction du pays et même N'envisageant pas leur rôle social, les banques refu- construction économique d'une perfection inconnue. saient de comprendre que l'ensemble de la production Au point de vue économique, le pays doit tendre à lu pays ne peut fonctionner si l'ensemble de la finance se former en agrégats d'entreprises, chaque agrégat ne fournit pas à l'ensemble de l'industrie l'ensemble des ayant pour armature une solidarité verticale entre tous rédits nécessaires. Et cette solidarité, cette nutrition ses membres. D'autre part une solidarité horizontale nutuelle de la finance et de la production, n'est-ce pas doit s'établir entre tous ces agrégats. Ainsi chacun tie fondement le plus solide de toutes les affaires, même rera du voisin et fournira au voisin le maximum de les bancaires ? profits. La méthode bancaire française exigeant des garan- Au lieu de s'hypnotiser sur son chapitre « Profits et ies surabondantes pour ouvrir le crédit ressemble pertes », la banque doit prendre en considération ces l'assez près à celle d'une Compagnie de transport qui tendances inhérentes à toute économie nationale moefuserait de faire partir un bateau ou un train qui derne. Elle doit se dire : si je ne donne pas satisfaction 'aurait pas son chargement complet en marchan- à ces tendances, il y aura dans le pays une perte de Hises et en voyageurs. Mais les Compagnies de trans- potentiel dont je subirai les premières conséquences. ports n'agissent pas ainsi. Elles savent que par-dessus Parler ainsi n'est qu'expliciter l'évidence. Mais c'est e bénéfice immédiat d'un billet de voyageur il existe l'évolution qui est pénible, non l'examen critique. Le in intérêt majeur : le trafic à entretenir, la « ligne » gouvernement qui, seul, est qualifié pour aider à cette sauvegarder. évolution prend, du fait de son inertie, une responsabiTout ceci a été controversé entre les intéressés, au lité redoutable. Cébut de la guerre. Une solidarité invincible est en voie de formation La collectivité des industriels et la collectivité des dans le pays : celle que crée l'industrie. Cette solidarité anques se sont mises en rapport dans des réunions existe non seulement entre patrons, non seulement entre -rivées. Aux remontrances des industriels les banquiers ouvriers, mais encore entre patrons et ouvriers dès que nt répondu d'assez haut : « Nous avons fait ce qui ceux-ci s'aperçoivent de la valeur technique et de la ous a plu; nous avions à considérer les besoins de fonction indispensable de ceux-là. De cette solidarité otre clientèle, non les vôtres ! Inutile de faire des pro- on peut tout attendre, de grands résultats, mais aussi ets d'ensemble ni des devis d'avenir. D'ailleurs, vous de grandes exigences. Il est des chefs d'industrie, surouvez compter sur notre bonne volonté pour faire le tout parmi les sinistrés, à tel point solidaires de leur écessaire quand il concordera' avec l'utile, de notre personnel qu'ils pourraient, s'ils le voulaient (et ils ne -oint de vue. » veulent pas, étant d'excellents citoyens) provoquer Les industriels ont répondu : « Faites attention à l'émeute pour contraindre le pouvoir à l'action. Ceci eci : Qu'est-ce qu'une Société de crédit? C'est une So- ne constitue pas une menace, mais la mesure d'une force iété dans laquelle on engage trois ou quatre cents mil- organisatrice qu'il convient de diriger. ions dont le quart seulement libérable de suite. On nstalle des bureaux, on met en marche tous les rouages lassiques de la banque. Est-ce bien difficile? Nous ne Dans le prochain numéro, paraîtront les dernières réroyons pas exagérer en disant que l'effort cérébral xigé pour cela est environ le dixième de celui dépensé ponses à cette enquête. Le cycle des opinions les plus diverses paraît, en effet, bien près dêtre épuisé. ar un chef d'industrie. Dès lors, nous croyez-vous Je demanderai au lecteur la permission d'analyser les ncapables d'accroître d'un dixième cet effort cérébral oppositions révélées au cours du débat et de montrer, qui est précisément le nôtre? Que diriez-vous si nous dans ma conclusion, quelles issues communes il est peutnettions en commun toutes les garanties que vous exi être possible de leur assigner. gez de nous sans, d'ailleurs, en fournir vous-mêmes l'équivalentes à l'ensemble de vos clients. Le mécanisme (A suivre.) JEAN LABADIÉ. : х |