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serons.

Chassé (1) ne permet plus à personne d'en douter ; cet 1 La Littérature
opuscule, signé d'un universitaire, est un des plus jolis
exemples, en même temps qu'une des plus fines parodies
de la bonne méthode critique. Les érudits devront le lire

"Le Crépuscule tragique" (1)

" et le gens d'esprit le conserver. Qu'il nous soit permis d'en donner ici les conclusions péremptoires :

J'imagine que pour le public M. Abel Hermant et

surprenant : il étonne. C'est ce que ne manquent jamais Comme on l'avait déjà entendu dire, mais vaguement de faire les écrivains dont l'ouvre, tout en étant imet à mots couverts, Ubu est l'æuvre du collège de Ren- mense, est aussi à ce point diverse. M. Abel Hermant a nes plutôt que de Jarry. Mais il faudrait être bien composé une cinquantaine de volumes de romans et de naïf et bien wolfien pour croire encore que les cuvres nouvelles, une demi-douzaine de tomes de chronique naissent spontanément d'une collectivité mal consciente, et onze pièces de théâtre, sauf erreur. Or d'une joyeuse peuplade primitive ou écoliers paresseux, et qu'Ubu est charge comme les Transatlantiques à un roman intelné comme ne sont point nés l'Iliade ni les poèmes lectuel comme le Crépuscule tragique, il y a de la marge Ossianesques... Il y a donc un auteur responsable, un Le lecteur qui, émoustillé par les frivoles Confidences rhapsode, si l'on veut, qui le premier mit en forme la d'une aïeule, achète Amour de tête ou la Discorde, risque légende du professeur N... Et cet auteur s'appelle Char- d'avoir un grand mécompte. On m'entend : ce n'est pas les M... Car M. Chassé est discret, plus que nous ne le que M. Abel Hermant soit jamais inégal à lui-même :

toute son œuvre est d'une tenue admirable; c'est qu'il Disons tout de suite, n'étant liés par aucune confidence, est d'une extrême . souplesse, que son registre est immais renseignés par des recherches personnelles, qu'il mense, et que ses sujets vont du plus frivole au plus s'agit de M. Charles-Gabriel Morin, né à Arles, le grave. Or le public n'aime pas beaucoup qu'un artiste 8 mai 1869, et aujourd'hui chef d'escadron d'artillerie, change de ton, et le déroute : il préfère qu'on joue éterdécoré, et commandant le parc d'artillerie de place dans

nellement sur le même mode; c'est ce qu'ont bien comle port le plus occidental de la France... Il fut élevé pris les Roybet ou les Henner et autres peintres indusà Rennes jusqu'en 1888, sortit de Polytechnique en 1893 triels. Au contraire, l'artiste ne demeure ce qu'il est qu'à et revint à Rennes comme lieutenant vers 1900. C'est lui la condition de toujours se renouveler. Et ce contraste qui écrivit les Polonais, qui forment non la version pri- des lois du succès avec celles de l'art suffit à faire senmitive d'Ubu, mais le texte original et intégral. Il avait tir qu'en aucun cas la vogue d'un ouvrage ne saurait quatre ans de plus que Jarry et n'eut qu'à céder à Jarry être l'indice de sa valeur; au juste elle ne signifie rien, un certain cahier vert, à quoi Jarry apporta des va- ni pour, ni contre. Les Transatlantiques et quelques riantes de mots (le capitaine Rolando devint Bordure autres récits du même genre ont été tirés à des centaines et les trois palatins furent débaptisés). De plus, sur

de milliers d'exemplaires; M. Abel Hermant aurait pa l'ordre formel de M. Morin et de son frère Henri, qui, employer indéfiniment cette formule, d'ailleurs délien 1894, l'autorisa à faire jouer la pièce, Jarry changea

cieuse. Mais M. Abel Hermant avait d'autres choses à le nom du héros. Le père Ebé (M. Hébert, professeur dire, et des sérieuses aussi bien que des légères, Il dit de physique, mort depuis) devint Ubu. J'avoue que le les unes et les autres sans souci du public : encore un trait est d'importance ; les noms en u sont généralement coup, il obéit à son sentiment esthétique avec un partai comiques ; et jamais Landry ou Landrieux, assassins, désintéressement. Il serait insolent de seulement l'an fé n'eussent fait sourire comme Landru... Et si Jarry vécut

liciter. ensuite sous le masque même du personnage qu'il avait Nos lecteurs pensent bien qu'une revue comme la nôtre assumé, sans l'inventer, c'est un cas de mimétisme fort ne se risquerait pas à offrir une oeuvre d'imagination qui explicable. La vraie tradition d'Ubu, le texte même, ne fût pas remarquable à quelque titre. Mais jusqu'ia qui marque un talent puéril mais évident, lui est entiè- elle s'était piquée d'accueillir plutôt des écrivains encore rement étranger, et c'est à M. Morin qu'il en faut faire nouveaux. C'est avec fierté qu'elle se vante d'avoir podésormais honneur. A vrai dire, les entretiens qu'il eut, blié avant la guerre les Tharaud, Emest Psichari, Jean anonymement, avec M. Chassé, montrent qu'il ne reven- Giraudoux, qui depuis lors- sont devenus notoires ou dique point cette gloire ; il trouve, au contraire, fort bur- célèbres. L'an passé elle a donné le beau et émouvart lesque la fortune que connut; sous les auspices de Jarry, roman de M. Gaston Chérau : Valentine Pacquault, dont << la c...ade qu'il écrivit à treize ans ». Cela donne, dit-il, on sait quel accueil lui ont fait la critique et le public la mesure de la bêtise hunaine.

Si cette année, elle s'est décidée à s'adresser à un autour Il faut ajouter que le commandant Morin marque

illustre comme M. Abel Hermant, (qu'elle ne saura't trop de dédain, et trop tard, pour cette paternité qu'il rait pas que le roman qu'elle allait avoir de lui serait

certes se flatter d'avoir découvert !), c'est qu'elle n'igno avoue. Toute l'Ecole polytechnique a connu depuis le plus élevé intellectuellement et peut-être le meilleur trente ans la tradition pré-ubuesque par ses soins. En 1901, on en a un exemple frappant pendant la campa

qu'il eût jamais écrit. gne de Chine, où deux capitaines, surpris dans un

Le Crépuscule tragique est le troisième et dernier toms débit consigné, donnèrent à la prévôté les noms d'Ubu

de la trilogie que M. Hermant intitule D'une guerre

} et de Rolando. En 1917, le G. Q. G. comptait beaucoup

l'autre guerre. On a dit que ces récits sont des sortes de d'ubuisants dans ses cadres d'artilleurs. Je connais une

mémoires romancés. Ce n'est pas très juste. Et d'abord édition d'Ubu dactylographiée à cette époque « pour

ce ne sont pas des mémoires. Il est bien permis de dire le service du grand quartier général des armées du

M. Hermant excusera ces personal remarks

qu

i Nord et du Nord-Est ». De fait, la scène de la Bataille

n'a point de femme, ni d'enfant de son sang, et que sa

: contient, de l'aveu des bien informés, des notions admi

situation ne saurait donc correspondre à celle du père rables sur la stratégie et la liaison des armes.

passionné qu'est son héros Philippe. Bref, Ubu, ainsi découronné de son mystère, rendu

La Journée brève et surtout le Crépuscule tragiqu? à son auteur, n'en est pas moins indestructible, et la

sont principalement les romans de l'amour paternel

l'auteur n'a donc pu les écrire qu'en projetant sa sensiparcelle de génie qu'il contient reste entière. Et nunc

bilité, qu'en imaginant ses sentiments d'affection et erudimini...

d'amitié dans le cadre (pour ainsi dire) de la paternité ANDRÉ THÉRIVÉ.

Toutefois il apparaît évidemment que M. Hermant a

utilisé les souvenirs qu'il a gardés d'un certain nombre (1) Les Sources d'Ubu-Roi, Floury éd.

(1) Roman, par Abel Hermant (Lemerre éd.)

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1

ou

le personnages qu'il faut bien appeler historiques, en- laire et de Flaubert; une autre part, celle de Laclos et ore que d'aucuns soient morts depuis peu d'années. Il de Stendhal, de Taine et surtout de Renan. Il va de en nomme certains, comme les Goncourt ; mais il a soin soi qu'on peut être un romancier non pareil sans être le désigner les autres si clairement qu'on ne s'y puisse doué si peu que ce soit d'entendement, d'intelligence romper, com.me Mme de Loynes (la « comtesse de Ché- proprement dite, je veux dire de goût pour les idées ery »), ou comme Jules Lemaître, dont il fait le plus (on en citerait mille exemples). Il n'en est pas moins sympathique portrait; et par là, encore un coup, ses vrai qu'une cuvre que l'on ne sent point doublée d'inrois romans sont bien un recueil de souvenirs. Mais, telligence critique, qui manque de dessous de pensée l'autre part, M. Hermant a-t-il connų Walt Whitmari pure (si j'ose employer cette métaphore hardie), qui est un des protagonistes de l'Aube ardente, et cette n'enchantera jamais tout à fait une certaine classe d'esVarie Baskirtchef qu'il appelle Sozia Wieliczka dans la prits. Tournée brève ? J'en doute pour diverses raisons ; mais

;

Le héros de M. Hermant, Philippe, est de ces intel1 est impossible de s'en aviser à la lecture de son livre, lectualistes dont le nombre tend de nos jours à dimiant les portraits qu'il trace sont criants de vraiseni- nuer constamment sous l'influence de Bergson. Philippe lance ; et, de même, ne jurerait-on pas que c'est d'après a résisté au pragmatisme précurseur d'Ashley Bell, et lature qu'il a fait ceux de Sainte-Beuve ou de Mgr même toute son oeuvre est le fruit de cette révolte contre Bauer dans la Biche relancée ? Telle est sa manière, ct la tendance qui triomphera plus tard avec son propre es romans sont toujours un peu des romans historiques.fils; c'est en cela qu'il est représentatif de toute la partie Comme Dumas fait mener à Louis XIV à

pensante de sa génération. Mais son fils ne l'est pas lenri III, dont il peint des portraits en somme si res- moins de la sienne : il débute par être l'un des « jeunes

emblants, une vie plus vraie que la vraie sans doute, gens d'Agathon », il passe par toutes les phases qu'on nais en fait légendaire, de'même M. Hermant fait mener peut supposer qui ont marqué l'évolution d'un Ernest

ses héros une existence imaginaire. Il a appelé fort Psichari, et même lorsqu'il s'est rapproché de son père ustement la plus importante série de ses romans Mė- classique et platonisant, il n'en demeure pas moins teinté moires pour servir à l'histoire de la société, et, en effet, de bergsonisme (1). Telle est la nuance que M. Hermant aos mours y sont bien rendues et des silhouettes recon- considère à bien juste titre comme caractéristique de kaissables y passent, mais il va de soi que tous les faits la génération pensante qui a suivi la sienne; et il a su y sont (soigneusement) controuvés. Une imagination si indiquer plusieurs fois avec une finesse et une vigueur puissante transforme et volontairement stylise et recrée admirables la ressemblance du père et du fils, – une tout. On sent bien que jusqu'à ses mémoires, si M. Her- de « ces ressemblances, les seules mystérieuses et vraies, mant entreprenait de les écrire, tourneraient au roman subitement frappantes, évanouies aussitôt, que crée ou Erapidement et malgré qu'il en eût.

que révèle un jeu de physionomie, un regard, une note Je disais que la Journée brève et le Crépuscule tragi- de la voix » – comme aussi cette nuance légère, mais que sont les romans de l'amour paternel et, en effet, je nette, par où diffèrent deux êtres aussi analogues que ne sache guère d'ouvrages où les sentiments du père Ces deux-là : pour son enfant aient été analysés plus intimement et exprimés d'une manière plus émouvante.

Il n'y avait, après tout, entre le sentiment patriotique

du fils et celui du père, qu'une différence de proportion ou Les angoisses de Philippe lorsqu'il sent que l'esprit d'intensité, mais Philippe, dès le premier jour, flaira une de son fils s'éloigne des tendances du sien, l'entente

autre dissemblance, qu'il devina d'abord fondamentale : ineffable des deux hommes, tout cela est noté avec une elle s'accusait dans toutes les pensées de Rex, dans ses expresfinesse, une pénétration et une sensibilité qui saisissent; sions, dans sa méthode et jusque dans sa manière d'être. Aux et les émotions du père durant la guerre sont rendues instants mêmes où ils s'accordaient le mieux, il semblait que la de façon à étreindre le cour, mais en même temps avec partie de Rcx fût transposée : l'harmonie ne cessait point une tenue, un dédain des adjectifs et des points d'ex

d'être parfaite, mais n'arrivait jamais à être à l'unisson (...) clamation, un ton d'intelligence et de noblesse enfin, qui

La cause de cet accord dissonant (...) lui apparut un jour sont du plus grand art.

que, plus particulièrement agacé de la sentir sans la comPourtant M. Abel Hermant ne s'est pas borné à cette prendre, et désespérant de la saisir jamais, il fit soudain

comme un effort de coeur plutôt que de pensée (...) et ainsi étude de l'amour paternel : parce qu'il est d'esprit clas-lui fut révélée, chez le fils de son intelligence orgueilleuse, sique (comme je me suis efforcé de le 'montrer l'an l'étrange, l'alarmante prédominance de la sensibilité. passé (1) et qu'il a toujours le souci du général et quelque dessein d'ordre intellectuel, il a voulu marquer les

(M. Hermant ajoute que le mot est pris ici dans « le caractères de la « génération » à laquelle appartient son

sens quasi sacré qu'on lui attribue aujourd'hui », et non héros Philippe (c'est-à-dire de celle qui débuta dans la

au sens purement humain qu'il avait au XVIII° siècle).

Il faudrait citer encore ces pages du chapitre XIII vie intellectuelle après 1870 et qui était tout à fait mûre

où Philippe lit le manuscrit que son fils lui a laissé en 1914), et les traits par où elle s'oppose à celle du fils de Philippe, qui avit 30 ans environ au commen

avant de partir pour rejoindre son régiment, et où l'au

teur cement de la guerre.

marque si bien en quoi le père sent que le talent de A vrai dire, une « génération » d'esprits n'est jamais

son enfant est ensemble parent et différent du sien : une. Celle d'Abel Hermant ne comprenait pas que des

...Il était plus fier que Rex eût écrit cette page qu'il intellectualistes et des classiques comme lui : elle com

n'eût été fier de l'avoir écrite ; et en même temps il sentait prenait encore les héritiers des naturalistes, tout

comme il l'eût écrite autrement. groupe d'écrivains dont l'inaptitude à l'intelligence pure

Il l'étudiait, près de surprendre l'un des secrets de leur

malentendu, qui dès lors n'était plus un malentendu. Il lui a été extraordinaire et le dédain pour les idées bien

semblait, en la relisant, comprendre enfin des théories qu'il amusant. Cependant elle a compris en même temps, et

avait entendu développer, avec une inutile âpreté d'école, par parmi ses romanciers mêmes, des penseurs comme Paul des écrivains plus jeunes que lui : (...) que tout artiste doit Bourget, et tout le groupe des renaniens, autour d'Ana- tendre à se rapprocher de l'objet qu'il interprète, jusqu'à se tole France et de Jules Lemaître, dont l'exquise culture, confondre et s'identifier avec lui ; que, par exemple, un viol'idéalisme ironique et le scepticisme fleuri ont exercé à

loniste qui exécute bien une phrase musicale n'est qu'un partir des années go une influence considérable. Une virtuose, mais « quand tout cela aura fini par disparaître,

" quand la phrase de violon, de chant, ne fera plus qu'un partie de la génération de M. Abel Hermant et de

B. héros Philippe a subi profondément l'action de Baude

(1) Je crois devoir répéter que le « bergsonisme » courant

dont il est ici question est à la véritable philosophie de (1) ...Mais l'art est difficile / 110 série,- p. 215 et suiv. Bergson ce que le « renanisme » est à celle de Renan.

car

un

son

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cuvres

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« avec l'artiste entièrement fondu en elle, le miracle de l'art La conversation, qu'il fallait bien souffrir qu'elle dirigent a se sera produit. » (1)

ne donnait lieu à aucune profession de foi et n'était pas

seulement d'une banalité, mais d'une puérilité inconcevable Et cette esthétique « bergsonienne », qui implique Selon ses procédés ordinaires, la comtesse interrogeait le souhait que l'art soit la vie elle-même et que l'ar- nouveau venu, en outrant encore sa niaiserie ; et elle poza tiste se place « à l'intérieur » de son sujet, qu'il le vive, à ce grave jeune homme des questions que l'on rougirait qu'il soit ses personnages, au lieu de les juger; qui poser à un enfant sans conséquence. (Etc.) suppose le dédain de tout roman intellectuel, de

Eh bien, songez ici à ce qu'aurait fait M. Chardonne toute cuvre d'analyse, de toute apparition de l'en

comment il se serait appliqué à nous fournir les de tendement enfin cette adoration de « la vie »,

mandes et les réponses mêmes, en excluant précisémen telle aujourd'hui que l'on ne

ne dit même plus, pour ce commentaire analytique que donne seul M. Her la louer, qu'une cuvre est belle, mais qu'elle est vi

mant; à leur donner toute la vraisemblance pec vante (et en prenant ce mot dans son sens le plus sible, en même temps qu'il aurait su les rendre significaétroit, en voulant signifier non pas que l'oeuvre a cette

tives et caractéristiques par leur insignifiance même (cas vie éternelle des

d'art, mais seulement que il est plein de talent) ; mais surtout avec quel soin i ses personnages paraissent vivre) cette esthétique aurait supprimé tout ce qui, pour le classique auteur de bergsonienne qui est celle de Marcel Proust comme de Crépuscule tragrque, est justement l'essentiel. Jean Giraudoux et, pour prendre des ouvres d'hier, de ...11 faut se borner, mais non pas sans signaler encore Jacques Chardonne, dont nous examinions le beau ro

brièvement, un autre trait du classicisme de M. Her man, l'Epithalame, il y a quinze jours, comme de Paul

in

mant : c'est que sa psychologie n'est nullement cette Géraldy, dont on applaudissait la semaine passée la psychologie en quelque sorte étroite et pratique, simple pièce aux Français ; — cette esthétique « bergsonienne »

exposé en termes théoriques des motifs, des actes des qui est celle de la génération du fils de Philippe elle

personnages ; ou plutôt elle est cela tout d'abord, mais est exactement le contraire de l'esthétique classique, qui de plus on y voit constamment paraître le souci de est celle de Philippe et d'Abel Hermant.

rapporter tout cas particulier au général, soit pour moi Voyez comment l'auteur du Crépuscule tragique pro- trer qu'il rentre dans la loi commune ou qu'il est excep cède.

tionnel. M. Hermant, comme nos classiques, songe å Chez lui, les faits sont vraiment fonction des senti

l'Homme en soi en regardant les hommes, et il a, dans

a ments intérieurs de ses héros. Il procède du dedans

sa psychologie, quelque chose de cartésien. Et comme i au dehors (autant que possible, naturellement, car c'est a naturellement l'esprit philosophique ! tout de même un roman qu'il fait). Il faut bien qu'il

Enfin, notez encore que la seule partie sentimentale da pose d'abord quelques faits concrets, et il les invente Crépuscule tragique, c'est l'étude de l'amour paternel, a saisissants (parce qu'il a du talent), mais il passe aus- conçu de la manière la plus élevée : car ce dont Philippe sitôt au commentaire, à l'analyse psychologique, et n'allègue d'autres faits que pour autant qu'ils sont néces

se préoccupe davantage, c'est de l'hérédité intellectuelle

de son fils, de la filiation de son intelligence. On imagine saires à l'action ou en manière d'exemples, pour justi- à peine comment un de nos modernes - à qui les êtres fier en quelque sorte ses considérations intellectuelles. Où

semblent d'autant plus intéressants qu'ils sont moio cela est le plus frappant, c'est dans les conversations :

conscients, ou qui du moins considère de préférence & il n'en donne même pas les répliques ; le plus souvent, qu'ils ont en eux de plus instinctif aurait pu se pro il se borne à les analyser ; il nous les montre du dedans, poser ce haut sujet.

à pour ainsi dire ; les contours concrets n'en sont marqués Et si j'ai donné l'impression que M. Hermant l'a que le moins possible : c'est justement l'opposé de l'art du

traité sans émotion, c'est que je me suis bien mal es théâtre. Mais jusque dans ses descriptions, qui sont d'ail-primé. Il faut plaindre les pauvres âmes dont l'imagina. leurs réduitès à l'essentiel, il procède de la sorte. Voyez tion et la sensibilité sont si peu actives qu'elles de sat

ne l'hôtel de la princesse Tverskoï : sa forme ne nous est raient être touchéees par une traduction intellectuelle indiquée que de la façon la plus schématique possible ; des sentiments, et qui, sous une expression simple, pure tout de suite, on nous en fait la théorie, on nous en et nue, sans points d'exclamation, sans épithètes voyandonne le sens intelligible ; c'est à notre intelligence qu'on tes, sans « tziganerie », ne savent pas découvrir tant de s'adresse ; c'est par elle qu'on nous suggère les apparences sensibles. Rien de moins « bergsonien » qu'une telle patrie. Je l'avoue sans fard pour moi, M. Abel Her

tendresse contenue, — et le plus profond amour de la manière'; rien de moins conforme à notre littérature

mant est un des maîtres les plus originaux ensemble de femmes, d'émotion pure ; en un mot, rien de plus et les plus vigoureux de ce temps. classique. M. Abel Hermant est le classicisme même. L'art moderne du roman a des procédés exactement

JACQUES BOULENGER opposés, depuis Flaubert. Le suprême raffinement, c'est, au contraire, de supprimer toute intervention de l'intel- Le Théâtre ligence, de ne s'adresser qu'à notre sensibilité, et de suggérer la psychologie des héros en nous contant seulement leurs actes et leurs paroles. Naguère on nous

“Pelleas et Mélisande" indiquait aussi les décors ; aujourd'hui on les supprime:

“Les frères Karamazov l'atmosphère doit nous être suggérée par les gestes, les actes et surtout les mots des personnages. L'Epithalame

Parmi les gens qui se rendent au théâtre, quelques-uns est à peu près tout entier en dialogues. Voilà cet effort s'imaginent poursuivre un plaisir artistique, le plus de l'art pour s'identifier à la vie dont nous parlions tout

grand nombre ne pense qu'au plaisir tout court, enfin à l'heure, pour devenir la vie même. Si l'on en avait la quelques personnes naïves se figurent que seuls des évé place, il faudrait montrer en détail comment M. Char

nements et des personnages extraordinaires méritent donne (puisque c'est lui que j'ai choisi) aurait traité la

d'occuper la scène. Ces personnes d'ailleurs, parlant de scène de la première visite de Philippe, accompagné de

ce genre de distraction, disent : « Nous allons au specson fils, chez la comtesse de Chézery. M. Hermant dit :

tacle. »

Je me souviens que mes parents, obligés d'héberger (1) Ces dernières lignes, citées par M. Abel Hermant, sont

quelques jours deux vieilles cousines de province qui de M. Marcel Proust, qui a repris cette

n'avaient jamais auparavant quitté leur petit village

mise aux Tendres lorrain, imaginèrent pour les distraire de les envoyer Stocks de M. Paul Morand. chère) dans l'attachante préface qu'il a thèse (elle lui est

à la Comédie-Française. Ils furent surpris de les voir

1

ز

venir au bout d'une heure à peine et toutes déçues. - Il Il y a de tout dans l'âme russe, excepté du bon sens, y avait là que des gens en deuil qui parlaient de leurs de la logique et de la mesure ; ils sont à l'échelle de leur faires, dirent-elles en manière d'explication ; alors, pays. Les Slaves nous stupéfient toujours et nous plaisent srès avoir atendu un certain temps, nous avons pensé quelquefois. l'il n'y avait pas de spectacle et nous sommes rentrées. Ecoutez au second acte la scène de Katherina et de - On jouait le Testament de César Girodot.

Crouchenka. Ecoutez tout le troisième acte qui est le Ces provinciales étaient peut-être dans le vrai. Je meilleur, patientez pendant le quatrième acte dont il ai pris un très grand plaisir au théâtre que dans la faudrait couper les trois quarts, et applaudissez le derinvention. Il me semble toujours, lorsque l'on veut m'y nier d'abord parce qu'il n'est pas mauvais et ensuite Cire voir la vérité sans fard, que son visage déformé parce que c'est fini. N'aplaudissez pas la diction endorimace. Sur la scène où tout est faussé, le temps, la mante et monotone qui règne maintenant au Vieux-Corspective et même la matière ; sur cette petite estrade | lombier, elle pèse d'un poids terrible sur les Frères Karai nous représentons avec quelques toiles peintes et mazov et rendrait insupportable le plus court chefhelques visages maquillés des villes, des océans, des d'ouvre. Aucun auteur n'a mis une virgule entre chaque ontagnes et des héros, tout doit être à l'échelle et mot que je sache ! Pourquoi ce parler poussif ? Excès de réalisme nuit à l'effet que l'on essaie de pro- Et si, fatigué des tirades, vous voulez vous régaler Fire sur l'imagination du spectateur. Il me semble que d'une revue, allez au Casino de Paris, où quelques ta- théâtre doit être avant tout synthétique et que, nous

bleaux réjouissent les yeux mais où vous n'entendrez diquant l'essentiel, il doit laisser à l'esprit toute liberté pas un mot d'esprit. imaginer ; ce que gâte trop souvent le développement

CLAUDE ISAMBERT. Erbeux de certains auteurs.

On ne peut faire ce reproche à M. Maurice Maeter- La Musique
ack dans Pelléas et Mélisande que l'on vient de re-
cendre au Théâtre des Champs-Elysées. C'est une bien
-eureuse inspiration qu'a eue là M. Jacques Hébertot. J'ai

Dans l'ombre de la cathédrale assé une belle et bonne soirée, tant en écoutant le texte

Même si l'on a du goût pour un art plus nouveau, on Emple et cependant riche de choses inexprimées, qu'en

ne peut parler de l'ouvre de M. Georges Hue qu'aves oyant la façon ingénieuse, sobre et surtout si pleine de

une sympathie sincère et une admiration qu'on ne maroésie, dont le décorateur, M. Alexandre de Salzmann, a

chande pas. Une sincérité profonde, un sentiment musiomposé le cadre de l'action. De grandes tentures grises cal qui est le principe et la raison même de l'art innoosées sur des plans différents, qui jouent dans une

blissent cet ouvrage. umière savamment distribuée, une forêt faite de larges Dans l'ombre de la cathédrale est un drame lyrique ubans gris, tendus du sol aux cintres, un fond trans

tiré par Maurice Léna et Henry Ferrare du roman de arent comme celui des théâtres d'ombres derrière lequel Blasco Ibanez. Réduit aux proportions d'un livret, ce ien ne change, sauf la teinte de l'heure, obscure ou

drame est d'une extrême simplicité. Le premier tablcau laire.

représente le cloître de la cathédrale de Tolède. La gaA voir l'accord parfait du texte et de cette mise en lerie du cloître occupe la scène et ouvre à droite sur le cène, nous devons nous dire que l'esthétique littéraire, jardin par une grille, à gauche sur l'église par un parort en avance sur l'esthétique visuelle, trouve aujour-vis. C'est l'heure de l'office, ce qui permet de nous mon'hui seulement l'ambiance qui convient aux phrases trer un spectacle pittoresque de mendiants qui se batrononcées.

tent sur les marches, puis de prêtres et de fidèles qui se Tout le monde connaît Pelléas et Mélisande, au moins rendent à l'office. our l'avoir entendu-chanter. J'aimerais d'ailleurs écou- Tout à coup arrive un personnage assez dépena dié. r l'admirable musique de Debussy dans un décor Il a une chemise grise sans col ; il la portera encore au areil à celui-ci. Golaud, Mélisande et Pelléas, éternel

troisième et on regrette qu'il n'ait pas cru devoir caanio, Arkel, l'impuissante sagesse, tous ces personnages ger de linge de plusieurs semaines. Il est vrai que cette evenus familiers nous émeuvent, nous les aimons et chemise, avec un veston brun et un pantalon café au lait zus sommes heureux d'applaudir leurs excellents inter- tout à fait affreux dénoncent l'homme qui, élevé dans rètes. Mme Renée Dahon est une mélancolique et ravis- l'église, l'a quittée pour l'anarchie et a connu la plus unte Mélisande. Jeune, fraîche et menue, sans doute affreuse misère. Pour bien montrer qu'il avait dans les 2 besoin de gaîté la tourmente... Qui donc m'a raconte doctrines les plus extrêmes une foi d'apôtre, M. Frant l'il y a dans le berceau de « la toute petite fille qu'un s'est coiffé de bandeaux noirs et plats qui, séparés par auvre ne voudrait pas mettre au monde » un tout petit une raie au milieu de la tête, retombent, tristement huinien dont Mme Renée Dahon ne veut pas se séparer lés, de chaque côté du visage. Un duvet brun de barbe

qui aboiera quelque jour, au moment qu'elle meurt sale, un air mol et douloureux, achèvent le personnage. rec tant de grâce touchante ?

Cet anarchiste affamé et repentant, qui se nomme MaMme Neith Blanc, MM. Edmond Menaud, Pierre nuel, est le propre frère du sacristain, lequel se nomme lanchar, Camille Bert, Balpêtré sont excellents. Esteban, représenté par M. Vieulle. Esteban est un

petit homme au teint rouge et au poil gris, avec une X

lévite noire, une calotte noire et un air de rat d'église. Si vous allez voir les Frères Karamazov et si ces cinq

Mais c'est un très bon cour, et il ouvre les bras à l'entes vous paraissent longs, dites-vous qu'ils sont tirés fant prodigue. Celui-ci, devenu une sorte de sous-sacrise deux gros volumes de Dostoievsky que je n'ai point tain, prêche le socialisme au petit peuple des serviteurs s, mais que chacun s'accorde à admirer. Dites-vous

de la cathédrale. Nous le voyons au second tableau, dans ussi que le traducteur connaissant et ménageant le pu- une grande pièce qui donne sur l'église, et qui sert de ic français, a tiré ces deux gros volumes des trois vo- logement à Esteban et à sa vieille tante Tomasa. Il fait mes non moins gros de l'ouvrage tel qu'il est écrit en

à une demi-douzaine de bedeaux, un sermon collectisse, qu'il a donc considérablement élagué et allégé

viste ; il leur promet un bonheur parfait dans un loinbondance du texte étranger et après vous être dit

tain avenir ; mais ses auditeurs veulent cette félicité cela, tâchez de comprendre quelque chose à cette

tout de suite, sé fâchent, menacent, et se taisent tout à entalité russe, si différente de la nôtre, si curieuse, que

coup, pour répondre devotement aux prières qu'on M. Jacques Copeau et Jean Croué ont courageusement

entend dans l'église. La scène est assez pittoresque. Elle

forme la première partie du tableau ; quand ce tumulsayé de mettre à la scène.

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tueux auditoire est parti, Esteban entre et félicite iro- j le chant et le timbre soulignent le moment dramatique, niquement son frère du beau travail qu'il fait. Et sur et qui est absorbé à son tour dans un nouveau dévelopcette transition, nous venons à une scène nouvelle dont pement. Mais il faudrait étudier tout cela de plus près. voici le sujet :

HENRY BIDOU.
Esteban a une fille, Sagrario, qui, séduite, a quitté la
maison. Elle est maintenant abandonnée, malade. Este-
ban refuse de la revoir. Mais au moment où il récite son Les Arts
Pater, et où il demande qu'il lui soit pardonné comme
il pardonne lui-même, Manuel et Tomasa le supplient
de ne pas être inflexible. Sagrario est là, représentée par

Gauguin en Bretagne
Mlle Davelli, Le père se laisse enfin fléchir, et l'acte

M. Charles Chassé, qui est professeur d'anglais à finit par une scène où Manuel et Sagrario, malades tous

l'Ecole navale de Brest, a eu l'heureuse idée, pour ocdeux, se promettent une amitié spirituelle.

cuper sans doute des loisirs bretons, d'aller chercher

, Le troisième acte représente la chapelle de la Vierge, à Pont-Aven et au Pouldu, la trace des passages et des toute illuminée. Il se divise lui aussi en deux parties. La séjours de Gauguin, celle aussi des peintres, qui, autour première n'est que le prétexte d'un ballet. Les auteurs de Gauguin, formèrent « le groupe de Pont-Aven : ont amené devant l'autel, dans cette soirée de l'Assomp- Séguin, Emile Bernard, Sérusier, Charles Laval, Maufra, tion, une douzaine de jeunes gens en costume Louis Moret et Filiger. XIII, vétus de bleu argent, qui exécutent une danse

Le résultat de ces recherches, M. Chassé nous le donne élégante et grave. Le tableau est joli. Le fond d'or des

dans un volume illustré, que vient de faire paraître l'édi. lumières et la Madone aux mille joyaux, brillent dans teur Floury. De pareils volumes sont extrêmement préce gouffre d'or. En avant, les mantelets, les grands cha- cieux, et il faut souhaiter qu'ils se multiplient Les peaux, le groupe d'azur froid des jeunes danseurs. jeunes peintres, croyons-nous, à l'heure actuelle, mé. Autour d'eux, un clergé, vêtu de pourpre et de tons prisent un peu Paul Gauguin; on le traite volontiers de voisins, jusqu'à une sorte de lie de vin pâle. Et, au

vulgarisateur, d'éclectique, de bourgeois. Ceux-là même premier plan, agenouillées, un groupe noir de pauvres qui s'extasient devant une statue nègre du Haut-Niger, femmes.

reprochent à Gauguin d'avoir quitté la France pou Le ballet achevé, Manuel prend sa première garde dans l'Océanie, et attribuent à une sorte d'impuissance son l'église. Scène avec Sagrario. Puis, Manuel resté seul, on besoin d'exotisme. entend un fracas à gauche. Ce sont trois de ces coquins Le talent et l'auvre de Paul Gauguin traversent en que Manuel a endoctrinés et qui viennent dérober les ce moment cette période d'épreuves que tout auteur subit bijoux de la Vierge. Manuel essaie de les arrêter, reçoit | après sa mort, quand un tableau ou un livre, avant de sur la tête un coup de chandelier et tombe. Les voleurs

devenir une « chose passée » est seulement une « chose s'enfuient, Esteban et Sagrario arrivent, et Manuel fait

démodée » laquelle ennuie ou fait sourire. Il est fort une vraie mort de héros d'opéra : je veux dire qu'il probable que Paul Gauguin subira cette épreuve victoressuscite et prononce un discours à pleine voix, le

rieusement. Quand on veut l'écraser tout à fait on dit : front ouvert, au milieu des mines désolées des siens,

« Peuh, Gauguin n'existerait pas sans Cézanne ! » et avant de se décider à fermer les yeux, soutenu par Este- cela est probablement vrai. Mais l'avenir imposera peutban et Sagrario ; et les personnages sont arrangés de être un déchet plus grand à l'ouvre de Cézanne qu'à façon à former le groupe d'une Pietà.

l'ouvre de Gauguin. Pourtant, dans l'histoire de la On souhaiterait qu'un livret fût réellement un drame. peinture de ce temps Cézanne est plus « important » Celui-ci n'est qu'un livret, c'est-à-dire un maigre pré-que Gauguin. Le temps tient assez peu compte de cette texte à musique. Il n'a même pas renoncé aux morceaux importance-là. Plus tard les auvres de Cézanne intédétachés, qui sont un résidu de l'ancien opéra. Il n'a

resseront toujours ; elles passionneront moins. Peu de tiré aucun parti de cette foi nouvelle, qui pourrait être toiles de Cézanne sont destinées à connaître cette répuun grand sujet lyrique.. En somme, le sujet est une anec- tation universelle qui est celle de certains Ingres, de cerdote découpée en une dizaine de scènes ramenées à des tains Courbet, de certains Delacroix, de certains sujets connus. Il est difficile de ne pas trouver ce support Manet, etc. Ce sont les circonstances, autant que le talent du drame très étriqué. Un vagabond quelconque, dans propre de Cézanne qui ont fait de lui ce qu'il est devenu. un temps quelconque, prêche des compagnons et finit par Ces positions éclatantes s'apaisent et se ternissent lors être tué par eux. Mais de ce grand drame de la nouvelle que les circonstances changent. Quand « l'enseignement espérance, il n'y a de traces qu'au second acte.

de Cézanne » aura été entendu, appliqué, quand toute Je n'ai point vu la partition et je n'en puis parler que une génération de peintres aura appris du maître d'Aix de mémoire, ce qui est a'ssez difficile sur la foi d'une cette forte et âpre leçon de style, de volonté que perseule audition. La qualité de la musique est excellente sonne n'entendait plus, tout ce qui limite Cézanne l'emet sa sincérité la rend vivante. Quant au problème pro-portera sur tout ce qui, pour nous, le faisait grand. prement dit du drame lyrique, on sait qu'il n'est pas Cézanne aura agi comme une médecine salutaire ; résolu pour notre temps, au moins pour l'école fran- lorsqu'on est redevenu bien portant on est porté à ou. çaise, la plupart des musiciens hésitant sur le rôle relatif blier, avec le mal et la maladie, le remède qui vous a de l'orchestre et des voix, de la musique pure et de la guéri.' Ingratitude fatale, mais non point totale ; nous vérité dramatique du drame et du chant. Ici, du moins ne voulons certes pas dire que l'avenir ne gardera rien à première vue, il ne me semble pas que M. Hue apporte de Cézanne, mais quand on consultera cette cuvre avec une solution très nette. Il n'a

pas
craint les morceaux

un ceil désintéressé, de sang-froid, on n'y verra peut-être détachés ni le Pater, ni l'Ave, ni le ballet, ni la légende, pas tout ce qu'on y voit aujourd'hui. Gauguin, au l'inévitable légende chantée par Sagrario. On ne voit contraire, et justement parce qu'il a moins dépendu de pas qu'il ait beaucoup accentué musicalement le carac

son époque, parce qu'il a été moins mêlé aux polémiques, tère de chaque personnage, ni que sa musique soit aux besoins de son temps, frappera plus tard par des très différenciée selon que parle Esteban ou Manuel. qualités sans âge, par un équilibre souvent parfait entre La personnalité de l'orchestre non plus n'est pas très des qualités de peintre et des qualités de poète. Cei nette. Il m'a semblé qu'il jouait le rôle d'un accompa- équilibre-là est très rare ; c'est le privilège de certains

gnement, ou plutôt d'un redoublement du texte par la artistes, lesquels ne sont pas forcément les plus grands symphonie, le procédé le plus commun étant de faire Un Prud'hon, un Chassériau, un Ricard, un Monticelli sortir de la masse orchestrale un seul instrument, dont reçurent ce don que, de nos jours, comme Gauguin,

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