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lles on trouvait au Salon? Quarante-trois. D'où sont rtis et par quel artifice se tiennent en équilibre tant industriels nouveaux, dans une branche dont cernes grandes firmes ont couru, naguère, les plus inds périls?

-Pourtant, certains projets inflationnistes, conscienusement élaborés, ont songé à corriger les effets perDieux de l'inflation. C'est ainsi que Probus, transfornt les bons de la Défense nationale en billets de nque, investit des Sociétés d'intérêt public du soin employer la nouvelle monnaie autrement qu'à fabrier des autos et des parfums.

Je connais parfaitement l'idée. Je ne puis que s répondre ceci : aucune formule de comptabilité saurait remplacer le travail et l'initiative. Foute la mission de l'Etat, en matière de produc, doit se borner à garantir le libre jeu de la concure et la propriété du bénéfice acquis. A ce propos, ez le mauvais effet du contrôle étatiste des bénéde guerre. Sous prétexte de justice fiscale, d'équité ale, on a tellement imposé ces bénéfices qu'ils se t transformés aussitôt en accroissement de capitaux. la sorte, le poids des capitaux investis dans les ndes entreprises s'est trouvé alourdi au delà de te limite raisonnable. Cela n'a pas été la moindre se de l'effondrement des prix.

de

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LE CHANGE ET LE COMMERCE EXTÉRIEUR

On prétend que l'inflation, en élevant le taux du nge, favorise l'exportation des pays à monnaie ava Dans quelle mesure cela est-il?

Je vous renvoie, sur ce sujet, à la communication j'ai faite, le 5 mai 1921, à la Société d'économie itique.

En comparant la marche relative des indices des x aux Etats-Unis et des mêmes indices en France, cours des années 1919 et 1920, je n'ai pas eu de ne à démontrer ceci: l'agio du change est un frein importations.

Frac

Quant aux exportations, l'agio ne joue que lorsqu'il supérieur à la dépréciation intérieure de la monnaie. in d'autres termes, jusque fin 1919, c'est-à-dire en ne crise de folie monétaire, les prix, aux Etatss, étaient inférieurs aux nôtres. D'où l'accroissement importations chez nous. Mais à partir de mars 1920, Pomparaison est à notre avantage : par suite de l'efde compression monétaire, nos prix intérieurs desent, nos exportations s'accroissent. Notre balance rieure s'améliore et devient positive en 1921. Mais l'Allemagne?...

Je n'ai trouvé aucune évaluation vraiment proe de l'écart que l'on prétend exister entre la dépréon intérieure du mark et sa dépréciation extérieure.

Havenstein, président de la Reichsbank, faisait rver à la commission des impôts du Reichstag, en , que les importations de l'Allemagne dépassaient, ue mois, ses exportations, dans la proportion de 5 milliards de marks-papier.

Et actuellement?

Les renseignements des statistiques allemandes le plus souvent tendancieux. Le gouvernement produire des balances favorables en comprenant les exportations les livraisons en nature au titre réparations, mais ne nous laissons pas entraîner des affirmations qui ne semblent pas reposer sur base indiscutable.

M. EDMOND THERY

minent directeur de l'Economiste européen a pris part utes les controverses importantes qui ont animé, durant e la génération précédente, le monde de l'économie polie. La question monétaire la préoccupé de tout temps et

les spécialistes se souviennent de la lutte qu'il soutint pour le bi-métallisme.

A ce propos, M. Théry perdit, en 1902, contre M. YvesGuyot un pari célèbre dont l'enjeu avait été fixé le 30 juin 1897, en ce termes : « Je parie à Yves Guyot un déjeuner de 50 louis d'OR que, d'ici au 31 décembre 1902, un kilo d'or vaudra 16 kilos d'argent environ dans tous les pays du monde, quelle que soit la production universelle de l'or et de l'argent à cette date, cette valeur résultant d'un acte législatif international ou national d'un pays quelconque. » M. Théry défendait alors une mauvaise cause. Il soutenait la « valeur relative » de l'or en tant qu'étalon monétaire. Jusqu'en 1914, au contraire l'or tendit à devenir l'étalon absolu. Mais aujourd'hui M. Théry convient que sa cause eût été meilleure et qu'il eût tout à fait gagné son déjeuner à M. Yves Guyot si, poussant à l'extrême ses arguments, il avait osé soutenir non pas seulement « la relativité » de la valeur de l'or par rapport à celle de l'argent, mais la relativité absolue de tout étalon métallique.

M. Théry à qui je rappelais ces controverses déjà d'une autre époque ne fait aucune difficulté pour reconnaître que la fonction de l'or en tant qu'étalon paraît désormais révolue, définitivement, que les masses de papier-monnaie lancées dans la circulation ne sont plus du même ordre de grandeur que la réserve métallique.

Si, me dit-il, cet étalon qui n'a plus aucune raison d'être à l'intérieur, était maintenu comme arbitre de nos relations économiques avec l'étranger, les puissances débitrices (dont la France) se trouveraient, de ce fait, à la merci des créditrices. Aucun gouvernement clairvoyant ne peut s'y résigner.

Mais, laissant de côté ce point de vue théorique déjà traité, voici comment M. Théry conçoit la politique financière nécessaire à la remise en état de nos affaires.

L'ÉQUILIBRE DU BUDGET

DOIT ÊTRE NOTRE PRÉOCCUPATION DOMINANTE

La situation précaire de nos finances et de notre trésorerie trouble gravement l'activité économique du pays en limitant les initiatives des pouvoirs publics, en retardant le règlement des marchés passés par l'Etat, et en causant un malaise moral qui se répercute à la Bourse des valeurs mobilières.

Mais la position actuelle de l'industrie et du commerce rend impossible toute aggravation des charges fiscales. D'autre part, les quelques compressions de crédit susceptibles de réalisation immédiate n'assureront pas l'équilibre.

Pour combler le déficit de l'exercice 1922 on préconise, dans certains milieux, l'accroissement de la circulation fiduciaire, qui permettrait une nouvelle avance de la Banque de France à l'Etat.

Nous considérons cette solution comme fort dangereuse et nous estimons qu'on ne devrait y recourir qu'à la toute dernière extrémité. Une émission supplémentaire de billets produirait la plus mauvaise impression à l'étranger et porterait un coup très sérieux au prestige justifié dont jouit actuellement la Banque de France. Elle constituerait, par ailleurs, un précédent redoutable qui inciterait l'administration à compter régulièrement, dans l'avenir, sur la planche aux assignats pour faire face à ses dépenses, et elle détournerait les services de l'effort à accomplir en vue d'obtenir le meilleur rendement des recettes publiques aux moindres frais. Son action sur la reprise de l'activité générale, enfin, serait contrariée par le nouveau bouleversement qu'elle amènerait dans l'échelle des prix et par l'encouragement qu'elle donnerait à la spéculation pure.

A titre transitoire, donc, l'unique moyen d'équilibrer le budget, nous paraît être, une fois encore, l'appel au crédit, mais dans des conditions rigoureusement limitées et seulement pour financer des travaux publics essentiels, offrant un caractère d'urgence et d'utilité.

Cette mesure alourdira encore notre dette intérieure et retardera le moment où son remboursement intense pourra commencer.

Cet amortissement devra devenir d'autant plus impor

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tant que, nos dépenses ne s'accroissant plus et nos ressources augmentant au fur et à mesure de la reconstitution du pays, des excédents budgétaires apparaîtront d'ici quelque temps. Il y aura lieu de les affecter sans hésitation à l'extinction de la dette intérieure.

Quant à la conversion de cette dette, elle ne saurait être examinée pour l'instant. Il conviendra, par contre, d'y procéder aussitôt que, le loyer de l'argent ayant baissé, le cours normal de nos fonds d'Etat dépassera le pair.

Et puis, il faut apurer le bilan financier de la guerre. Le problème des RÉPARATIONS est encore loin d'être résolu, puisque nous n'avons pratiquement presque rien touché de notre ancien ennemi.

Les arrangements du mois de mai 1921 prévoient le versement par l'Allemagne d'annuités en marks-or durant une longue période. S'ils sont observés, notre tréso rerie s'en trouvera soulagée ultérieurement. Mais pendant les premières années, nous aurons à faire à nos régions libérées des avances considérables.

Celles-ci nous seront moins pénibles, d'une part si on intensifie les règlements en nature dans les limites prévues par le récent accord de Wiesbaden d'autre ; si la SOLIDARITÉ INTERALLIÉE, dont on a beaucoup parlé mais qui est restée lettre morte, devient enfin une réalité.

part

Cette solidarité impliquerait la liquidation des dettes de guerre interalliées, par compensation avec la créance de l'Entente sur l'Allemagne. Les modalités de cette compensation auront naturellement à être étudiées soigneusement de manière qu'aucun des intérêts. présence ne soit lésé. Mais il est essentiel d'arriver à une solution qui donne à toutes les puissances victorieuses des motifs de veiller également à l'exécution des engagements pris par le vaincu.

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en

La situation internationale ne sera, du reste, vraiment améliorée que si les relations commerciales cessent d'être troublées par LES FLUCTUATIONS ERRATIQUES DES CHANGES.

On discute fort sur les problèmes posés par la dépréciation actuelle du franc. Sans entrer dans les détails complexes qui s'y réfèrent, nous croyons pouvoir affirmer qu'un change dévalué stimule les exportations et longtemps refrène les importations, parce que le réajustement des prix intérieurs et extérieurs est loin d'être instantané. A l'heure qu'il est, nos produits, exprimés en or, sont nettement moins chers que les produits similaires d'Angleterre et d'Amérique, mais plus onéreux que ceux provenant d'Allemagne et des Etats de l'Europe Centrale

Le retour brutal de notre unité monétaire à la parité nous priverait donc d'un stimulant favorable. Par contre, une dépréciation plus accentuée de cette unité nous porterait préjudice, parce qu'elle réduirait à l'excès notre puissance d'achat à l'étranger, gênerait ainsi notre industrie nationale pour l'acquisition de ses matières premières et aggraverait, par cela même, l'insécurité des transactions internationales.

peu

Nous pensons que peu à notre balance des comptes, déjà en voie de redressement, redeviendra nettement favorable; mais pour aboutir à ce résultat, il convient d'essayer d'atténuer les brusques oscillations des de

vises.

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Les Idées

La philosophie d'Emile Boutroux

La mort de M. Emile Boutroux aura un retenti ment douloureux dans le monde entier. L'action et réputation de ce philosophe s'étaient, en effet, étend chez tous les peuplés de culture occidentale et il e devenu particulièrement cher aux Anglo-Saxons. C donc une figure représentative de la culture franç qui s'efface à l'horizon.

A une époque où des courants d'idées de force gale s'opposaient dans nos Universités, M. Boutr restait, d'essence, universitaire. Et, mort à soixante-s ans, il a surtout rempli une carrière de professeur. Ent à l'Ecole normale supérieure en 1866 il devait y tourner comme maître de conférences avant de prend place en Sorbonne. Il était directeur de la Fondat Thiers, membre de l'Académie française, membre l'Académie des Lincei, à Rome, et de l'Académie b tannique. Il a représenté la pensée française en de ar breux congrès et s'est employé activement durant is hostilités comme après la guerre, à la propagande tionale. Beau-frère du mathématicien Henri Poincaré a semblé que les liens de la naissance et du sang de sent encore l'attacher à ses fonctions.

L'œuvre écrite de M. Boutroux développe, comple et synthétise son enseignement. Elle comprend part purement historique ou critique comme sa trad tion, malheureusement partielle, de Zeller, ses Etude d'histoire de la philosophie et de nombreux article qu'il a publiés dans diverses revues; elle expose véritable système, à vrai dire surtout négatif, dans s livres principaux De la contingence des lois de la ture, thèse soutenue en 1874; l'Idée de la loi nature volume paru en 1894, Science et religion (1908).

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Il ne saurait être question dans un aussi court trav d'apprécier la philosophie de M. Boutroux. Elle est cette philosophie, singulièrement suggestive et, quax on l'approche on s'étonne de voir qu'elle prend un to autre sens que celui qu'elle paraissait comporter. dit couramment que M. Boutroux a combattu le mé la voie à un idéalisme religieux. De quelle manièr nisme scientifique, restauré la liberté morale et ro pendant, a-t-il opéré ces réformes considérables?

On sait que le principe de sa doctrine pose que nécessité, même physique, est un leurre et que les dites scientifiques n'ont ni la rigueur, ni la fatalité qu' leur a prêtées jusqu'ici. Ces lois suivent le sort des p l'économie : elles passent et sont susceptibles de se nomènes dont elles essayent de fixer provisoire difier. Loin d'exprimer l'être et la raison dernière choses elles s'y soumettent, disparaissent avec elles se contentent de les décrire. Si les événements obéissen ils ont d'abord commandé. « Les lois », ainsi s'expri notre auteur lui-même, « les lois sont le lit où passe torrent des faits : ils l'ont creusé bien qu'ils le suivent Si l'être est contingent, comment l'agencement des ties de l'être serait-il nécessaire? Et qui nous pr la nécessité de l'être, puisque rien ne montre qu'il contenu dans le simple possible et qu'il doive en sort Il n'y a ni dans l'univers, ni dans les vaines règles où nous tentons de la fixer de raison suffisante de l' vers, et c'est une illusion que de s'assurer sur sa cos tance. Parlons mieux : nous ne prenons les choses q du dehors et nous ne définissons que leurs rappo externes et passagers sans entrer dans leur nature quoi, par exemple, la loi de conservation de l'éner qu'elle régit et comment nous persuader qu'elle leur e nous renseigne-t-elle sur la structure intime des co inhérente d'essence, qu'elle entre dans leur constitution première et qu'elle les assujettisse toujours? Non, m

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e décidons d'aucune fatalité jusque par les formules es plus décisives et les plus inéluctables de notre intelgence, et toutes les choses ont pu ou ne pas être, ou voir entre elles des rapports tout autres que ceux que ous constatons.

C'est ainsi que M. Boutroux fait entrer la continence non seulement dans la production du monde, mais core dans toute mutation des êtres. Il réduirait lontiers la nécessité à la logique, si la logique touteis n'exprimait aucune réalité substantielle et se conntait de figurer le jeu pur et vide des idées. Il consenrait que A égalât A si, dès que A prend une valeur elconque, on renonçait à lui trouver un équivalent solu. Partout, enfin, où il y a un atome, nous urions déterminer quelle force, fatalement, l'a produit - l'a placé où il est.

ne

Agissant ainsi, le subtil penseur, reprenant le proème de la liberté, reportait le combat sur le terrain ême d'où l'offensive était partie. C'est en s'autorint de la prétendue nécessité des lois de la matière te le mécanisme scientifique avait conclu au détermisme psychologique et à la « non liberté » humaine. es astres, disait-il, suivent des routes inéluctables et scorps se combinent invariablement dans les condions que décrit le chimiste. Ce qu'on appelle l'âme ne dérobe qu'en apparence à la contrainte universelle sa prétendue indépendance n'est que l'illusion qui onne un agencement ingénieux, Elle figure, au juste, dessin de mille impressions qui vont, viennent, s'efacent, reparaissent, s'ajustent, se dissocient pour se ejoindre de nouveau en des tonalités variables, et touours lui échappent dans leur origine et leurs infinies ombinaisons. Nous allons aussi fatalement à l'héroïsme tau crime que les bactéries vers tel ou tel rayon, t pour les mêmes raisons, parce que nos tissus se modient, parce que nos nerfs sont diversement affectés... 1 était beau de répondre à cette science si sûre de soi: de réseau de lois et de règles, d'actions et de réactions névitables où vous voulez prendre la vie normale, vous 'êtes pas sûre de le pouvoir fermer sur l'ensemble des bjets sensibles, et là où semble n'agir que la mécaique, une place reste pour des possibilités que lc alcul ne saurait prévoir.

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Au fond, le philosophe opposait à cette métaphysique e la matière dont un siècle pédant s'est plu à remlacer la théologie par ce principe du relativisme si er à ses adversaires. Ne cherchons pas, disait-il en ros, ne cherchons pas si Dieu existe, et l'âme, si une rovidence guide le destin des peuples, si un Créateur çonne des créatures... Mais gardons-nous aussi de êter à des apparences des vertus que nous refusons 1x seules réalités que nous puissions imaginer les sounir et de permettre à notre esprit qui n'opère, quant 1 matériel, que sur ces apparences de se comporter mme s'il en appréhendait le fond. Nous avons une athématique et une physique, cessons de croire que s fragiles instruments, liés à un organisme transiire et périssable, fondent une science immuable et tteignent aux suprêmes vérités.

On voit, dès lors, quelles perspectives se rouvraient. 'étreinte de fer de la nécessité si doucement desserrée, i poitrine respirait plus à l'aise et l'espoir rentrait dans coeur; l'âme s'autorisait de la liberté pour se proettre tous les mérites, Dieu reprenait sa place dans le ronde d'où on l'avait exclu, faute d'un endroit où le lacer.

Mais M. Boutroux n'allait pas jusque-là. Son apolorétique reste, comme disent les théologiens, une apoogétique du seuil et, par méthode, elle use d'une argunentation et d'une certaine abstention qui la rendent singulièrement dangereuse. M. Robert Havard de la Montagne, rendant compte dans l'Action française d'un article de M. Corpechot, écrit que M. Boutroux « se

rattache résolument et consciemment, comme le disait Paul Bourget, à la tradition philosophique et religieuse de la vieille France ». Je n'en suis pas si sûr et je lirais bien volontiers un article de M. Jacques Maritain sur M. Boutroux. Qu'il me soit permis, en attendant, de dire quelques mots d'une matière qui mériterait de longs développements.

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C'est en suivant pas à pas ses adversaires les mécanistes et en se servant d'armes pareilles aux leurs que M. Boutroux combat. Il ne considère pas de réalités différentes de celles qui sont données par les phénomènes, et s'il décide que notre intelligence n'est ni infaillible, ni absolue, il n'en envisage pas une autre: il prouve beaucoup plus par l'insuffisance que par la nécessité. Il ne paraît pas lui souvenir que ces causes sur lesquelles il raisonne tout comme ses contradicteurs restent des causes secondes et n'engagent qu'à demi l'affaire. La scolastique approfondit autrement l'examen de la contingence des lois morales et naturelles. Elle établit que l'opération de l'esprit ne portant que sur les causes secondes des événements et des objets, Dieu restant la cause première, nous ne saurions tirer vraisemblablement une nécessité de ces causes secondes, elles-mêmes dépendantes; elle déclare aussi que la substance constituant le fond dernier de l'être, toute considération qui négligera cette substance et s'en tiendra au phénomène n'atteindra pas ce fond. Or, M. Boutroux préfère à la recherche de la substance des choses l'étude de leur histoire et par là s'abandonne sans nul scrupule à ce courant sans réflexe de l'erreur moderne qu'on prétend lui faire remonter; et il se livre avec assez d'ivresse à l'universel écoulement des apparences pour écrire ces lignes étonnantes : « Agis comme si parmi l'infinité des combinaisons, toutes égales entre elles au point de vue scientifique, que peut produire la nature, quelques-unes possédaient une valeur singulière », ce qui le rejette dans le subjectivisme le plus pur.

Il se pourrait donc que la philosophie de M. Boutroux, tout en paraissant difficile, fût plus superficielle qu'on a cru. Mais elle retient à tort, surtout, en tant que philosophie moderne. Si elle s'est élevée contre un des abus notables de ce temps, elle s'est trop strictement limitée aux méthodes dont elle accusait les excès et elle n'a pas situé le début assez haut pour qu'on en puisse apercevoir les origines lointaines et le ressort premier.

C'est aussi, et enfin, qu'elle reste surtout une mòrale. M. Boutroux cède à des préoccupations éthiques, et la marche même de son œuvre le montre, quand il recherche une contingence jusque dans la disposition 'de l'univers physique. On s'aperçoit vite que le souci ou le plaisir de spéculer le touchent moins que l'entreprise. de rétablir dans leurs droits et leur endroit Dieu et l'âme humaine qui suivent ses arguments comme les rois des Restaurations les armées qui leur rendent le trône. Par là, beaucoup mieux qu'à Descartes, au delà de qui on ne saurait le faire remonter dans la durée, il se rattache à Kant et à ce mouvement néo-kantiste qu'ont illustré les Renouvier.

Or, la morale ne se mêla jamais à la philosophie sans la fausser de quelque manière, et l'événement se produisit dès Socrate. Une seule doctrine a réussi à subordonner la conduite à l'intelligence et a dû à ce tour de force de s'élever au premier rang des doctrines : la scolastique. Trop fidèle à la conception amputée que prennent les modernes de la métaphysique, M. Boutroux n'a été comme eux qu'à demi métaphysicien.

Il a voulu ce qu'il a fait. Il a contribué à délivrer l'esprit des liens où un matérialisme hardi avait immobilisé la pensée ; il a rendu à la créature une autonomie et ouvert à l'idée de Dieu des possibilités nouvelles ; sans montrer un génie de premier ordre, il a su donner une note personnelle dans le concert philosophique. Et,

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Une forme nouvelle du socialisme

en Angleterre : le socialisme de guilde Dans le livre plein de vie où il étudie sur des types et des faits si bien choisis la psychologie ouvrière anglaise, M. Jacques Bardoux (1) signale à plusieurs reprises l'esprit nouveau qui inspire les ouvriers dans l'Angleterre d'aujourd'hui. Il ne s'agit plus pour eux comme autrefois d'obtenir des améliorations de salaires ou une diminution des heures de travail, mais de faire une révolution qui transformera la société ancienne. Le mouvement d'idées qui a pris le nom de socialisme de guilde (Guild Socialism) est une des manifestations les plus remarquables de cet esprit.

C'est en 1906 que l'idée fut lancée par M. Arthur Penty dans un livre intitulé La restauration du système de la guilde. En 1908, MM. S. G. Hobson et Orage la reprirent et la précisèrent dans une série d'articles parus dans la revue New Age. Enfin, M. G. D. H. Cole se fit le théoricien et l'apôtre du système. Essayons d'en donner un aperçu (2).

Le mot guilde signifie ici le groupement en une association de tous les producteurs d'une même industrie. Ce groupement est donc plus étendu que le syndicat, puisqu'il comprend les techniciens, les employés, etc. Et à la différence du syndicat, dont l'objet principal est la défense des intérêts des ouvriers syndiqués, il a pour but exclusif la production.

Le socialisme de guilde, d'autre part, se distingue du Trade Unionisme en ce qu'il poursuit l'abolition du salariat et de la propriété privée. Il s'en rapproche par la place prépondérante qu'il donne dans l'organisation sociale à l'ouvrier qualifié. Dans cette orgnisation, la direction sera réservée aux seuls travailleurs organisés dans leur guilde, à l'exclusion des représentants de la nation élus au suffrage universel tel qu'il est aujourd'hui pratiqué.

L'idée essentielle du socialisme de guilde est que le travail d'un être humain n'est pas une « marchandise ni un article de commerce ». Il en résulte deux conséquences tout d'abord que les activités économiques ne doivent pas être gérées par une classe privilégiée, mais par tous ceux qui participent au travail. C'est la suppression du salariat. Ensuite, que le travail cessera d'être dominé par la recherche du profit. Il absorbera toute la plus-value, et la production n'aura pas d'autre objet que l'usage.

Notons avant tout que ces idées n'ont rien d'original Cette conception du travail et de la dignité des travailleurs est celle qui a été définie par Léon XIII et qu'ont toujours professée les catholiques sociaux. Quant à la théorie qui prétend écarter du travail la notion de profit, nous la trouvons plus ou moins modifiée dans la doctrine des diverses écoles socialistes.

(1) L'Ouvrier anglais d'aujourd'hui, publié par la Société d'études et d'informations économiques. Hachette 1921.

(2) D'après les publications de MM. Hobson, Penty, G.-D. Cole, et de la National Guilds League. En France, des exposés de la question ont été donnés dans la Revue d'économie politique (juilet-août 1920), par Edmond Laskine; et dans la Revue politique et parlementaire (10 novembre 1920), par M. Sisley.

Comment les socialistes de guilde entendent-ils pa ser au régime nouveau qui sera substitué au salana Ce qu'ils veulent, c'est assurer à ceux qui ont la charg du travail, le monopole de sa direction et de ses profits Ils n'admettent donc pas que le contrôle des entreprise industrielles soit partagé entre les ouvriers et les dire teurs, mais veulent réserver aux ouvriers la totalité d ce contrôle. Discuter des questions de salaires com on le fait depuis cent ans, disent-ils, c'est tourner a rond. Ce qu'il faut, c'est viser droit l'abolition da a trat de salaire. Les conseils Whitley et les institution analogues à base paritaire ne peuvent donner auc résultat utile; la divergence des intérêts entre les d partis empêche toute coopération réelle et les tentative d'action en commun échouent dès qu'elles se trouve aux prises avec un problème difficile. Les ouvries doivent se garder de participer au contrôle : ce sera fortifier le capitalisme dont ils poursuivent la des

truction.

La Trade Union serait alors maîtresse absolue de la

direction dans chaque établissement industriel. Ell engloberait tous les salariés de la profession, y compris les ingénieurs, les techniciens, les contremaîtres et k idées sur lesquelles employés de bureau. Une des G. D. H. Cole insiste le plus, c'est la collaboration entre travailleurs manuels et intellectuels. Il en fait e des bases de son système, et a formé à cette fin la Féd ration nationale des associations professionnelles tek niques et administratives, qui groupe les associations de techniciens et d'employés. Il se rencontre dans cet ordre d'idées avec les tendances nouvelles de la C. G. T. française, qui récemment a renié sur ce point la doctrine de Marx et enlève au travail manuel, la primauté sociale que celui-ci entendait lui conférer.

Dans chaque industrie, dans chacun des grands ser vices nationaux, tels que les chemins de fer, les postes etc., etc., la guilde embrasserait donc tous les profes sionnels nécessaires au fonctionnement de l'industrie ou du service. Ce sont ces guildes nationales qui dirige raient et contrôleraient Pindustrie en question are et place de l'organisme capitaliste ou de la bureaucratie de l'Etat que les marxistes voudraient lui substituer. guildes possédant seulement le monopole de leur propre L'Etat resterait propriétaire de tout le matériel, k qu'un fideicommis. travail. Cette propriété de l'Etat ne serait d'ailleur

Mais la société comprend une majorité de consomma teurs. Quel sort leur réservent ces guildes de produ teurs ainsi tout-puissants? Il faut songer à leur pr tection. M. Hobson et M. Cole ne s'accordent pas s ce point. M. Cole reconnaît à l'Etat le droit d'intervent pour défendre les consommateurs contre les excès d pouvoir des guildes représentant les producteurs. M Hobson tourne la difficulté en élevant les consom exigée à cet effet est qu'ils rendent à la société un se teurs à la dignité de producteurs. La seule condition vice quelconque. Ils seront donc répartis en des catég ries formant aussi des guildes, qui auraient leur place déchargé entièrement de toute fonction et de toute.comcôté des guildes ouvrières. L'Etat se trouverait ales pétence de l'ordre économique. Il serait seulement re présenté dans le Congrès des guildes par celles gro pant ses employés.

Voici, d'après la constitution récemment adoptée par l'industrie du bâtiment, comme fonctionne une guilde nationale. C'est la seule, croyons-nous, qui soit aujour d'hui formée.

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A la base sont les conseils de guilde, composés de un ou deux jamais plus délégués de chacun des syn dicats entrant dans l'industrie du bâtiment. A ces délé gués pourra s'adjoindre un représentant élu de chac des groupes reconnus de cette industrie, qu'il appar

eret

lenne à une catégorie administrative, technique ou 'exécution. Le conseil de guilde a qualité pour passer es contrats; il sera responsable de leur exécution. Au-dessus, nous avons des conseils régionaux, grouant au moins dix conseils de guilde, à raison d'un dé gué par conseil.

Enfin, au sommet, le conseil national, qui remplira s fonctions de conseil d'administration de la guilde ationale du bâtiment. Il comprend un représentant de haque conseil régional.

Les conseils nationaux des industries diverses déléueraient leurs représentants au Congrès des guildes. elui-ci fonctionnerait comme une seconde Chambre, à té du Parlement politique. En principe, les attribuons des deux Parlements seraient bien distinctes. Au emier, les questions de politique générale, la défense e l'empire, les relations avec l'étranger; au second, But ce qui touche la production et la distribution des chesses. Mais dans la pratique, il ne serait pas facile e coordonner leur action et d'empêcher les frottements. L'autorité du Congrès sur les guildes locales serait mitée à de simples avis, n'obligeant pas les guildes ui resteraient libres de ne pas les suivre. On éviterait insi une centralisation qui présenterait les mêmes inonvénients que l'organisation à laquelle le système ouveau prétend se substituer.

M. Edmond Laskine observe à ce propos que l'on voit enaître ici les principes d'autonomie locale et de fédéalisme que les prudhoniens opposent à la centralisaon marxiste (1).

La

Le socialisme de guilde combat d'ailleurs le régime arlementaire actuel autant que la doctrine de Marx. critique qu'il en fait est classique: un Parlement qui prétend représenter tous les citoyens pour tout, ne (1) Dans l'article cité de la Revue d'économie politique. dans son livre très intéressant, le Socialisme suivant les peules de la bibliothèque de philosophie scientifique (Flammation 1921), il caractérise le système « par le soin d'échapper au mécanisme oppressif du socialisme d'Etat et du pur collectiisme. Il se rapproche ainsi du syndicalisme français, mais il eprésente surtout une renaissance du socialisme coopératif et ssociationniste de la première moitié du XIXe siècle ».

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les représente pour rien; un homme ne peut pas représenter un autre homme, hors pour un objet précis. Le remède à cette représentation défectueuse serait dans une représentation professionnelle. Mais il s'agit d'amener par une éducation progressive chaque corporation à regarder plus loin que ses intérêts propres pour prendre le sens de l'intérêt général.

Comme tous ceux qui l'ont précédé dans cette voie, M. Cole tombe alors dans l'utopie. Il fait reposer son espérance sur une transformation de l'humanité, aboutissant à une morale nouvelle : « la conscience du service. public à accomplir »; et il fonde cette morale sur l'amitié qui naît entre les hommes travaillant à une œuvre commune! C'est méconnaître entièrement les faiblesses de la nature humaine. Il ne devrait pas oublier les enseignements de la Bible d'après laquelle les hommes ont été incapables de s'entendre pour mener jusqu'au bout la construction de la Tour de Babel. M. Cole est d'ailleurs un admirateur et un disciple de J.-J. Rousseau. dont il traduit le Contrat social.

Quant au rôle attribué au conseil réunissant les délégués de toutes les grandes fédérations professionnelles et régionales, il paraît relever d'une idée aussi chimérique. L'essentiel de ce rôle consisterait à ajuster la production à la consommation au moyen de statistiques précises, de sorte qu'on éviterait la surproduction tout en assurant à chacun la satisfaction de ses besoins dans une mesure toujours exacte.

Ce n'est pas encore ce système qui nous donnera la société idéale, rêvée de tous temps par les utopistes. L'ordre économique et social que nous tenons de la tradition est certes perfectible. Mais c'est une erreur, au lieu de l'améliorer, de vouloir le renverser pour mettre à sa place un ordre nouveau fondé sur un homme imaginaire. L'application des idées de cette école socialiste aurait pour résultat de substituer au monopole exercé par le capital, à supposer qu'il existe, celui qu'exerceraient les guildes, possédant l'usage exclusif des moyens de production On ne voit pas pourquoi la société gagnerait au change.

ANTOINE DE TARLE.

LETTRES

Feuillets de

Le nouveau directeur Ainsi, c'est M. Gémier qui l'emporte qui l'emporte seul. Jusqu'au dernier istant, on avait espéré un mariage. Mais M. Georges Ricou n'a pas voulu tre marié. Ses amis lui donnent raison. Il peut être un excellent directeur, Bourquoi se serait-il contenté, dans cette ombinaison, du poste forcément un peu ubalterne d'administrateur ?

Voici donc enfin réglée, après trois emaines d'attente, cette terrible quesion de l'Odéon qui a fait presque auant de bruit qu'une crise ministérielle. Désirée, exigée même par cette parie de l'opinion publique qui s'intéresse u théâtre, la nomination de M. Gémier nchantera beaucoup de gens. Elle apbaraîtra avant tout comme une consération justifiée. Qui n'admire, en effet, :e comédien merveilleux pour qui son métier est autre chose et plus qu'un métier ?

Sans doute, il s'est quelquefois lourdement trompé. Il y a derrière M. Gé

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mier, le théâtre Antoine souvent dévoyé, une certaine entreprise ambulante, le Cirque d'Hiver, hélas ! et l'aventure à peine ébauchée, heureusement, des Arènes de la Rue Monge, à côté d'ailleurs des très beaux spectacles de la Comédie Montaigne de l'an dernier.

Que sont les erreurs de cet admirable homme de théâtre non pas seulement devant tout ce qui a réussi, mais encore devant la monstrueuse injustice qui se préparait contre lui? Sans l'intervention de M. Bérard, demain Gémier n'aurait plus eu de théâtre. Déjà, il avait été frapper à la porte d'un music-hall. Réjouissons-nous de n'avoir pas assisté à ce spectacle là.

Une pareille circonstance n'a pas été sans influence sur la décision ministérielle. Au moment où le théâtre devient de plus en plus_une industrie quelconque, M. Léon Bérard dans la mesure de son autorité a voulu réagir contre ces pratiques déplorables en donnant l'Odéon justement à un des trois ou quatre directeurs qui ne soient pas des marchands.

GEORGES OUDARD.

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