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qué de la flotte anglaise. On construit, a-t-il dit, des cuirassés pour pêcher à la sardine et des submersibles pour explorer la flore sous-marine ». « L'Allemagne va venir à Washington: M. Briand proteste. » Les sans fils et les câbles transmettent et grossissent. Les journaux impriment et grossissent. Les camelots crient et déforment encore. La rumeur croît, monte, déborde, gagne la rue, pénètre aux foyers.

Et une foule en délire vient à Turin, à Naples, à Rome, et peut-être ailleurs, insulter, parfois menacer, un homme désarmé, le consul de France. J'entends bien que trois ans de malaise économique, d'agitations sociales et d'excitations quotidiennes ont allumé, là-bas, une de ces fièvres malsaines, dont l'Italie a le secret et garde le monopole. Je sais bien que l'achat des firmes lombardes par les industriels allemands et l'invasion des hôtels. italiens par les voyageurs allemands facilitent cette poussée de gallophobie. Je veux bien reconnaître que l'extraordinaire mansuétude dont a fait preuve le gouvernement français, encourage les professionnels du mensonge et de la germanophilie. On doit, cependant, à la vérité, de reconnaître que la dépêche signalant l'incident Schanzer-Briand et le prétendu jugement porté par M. Briand sur « la démobilisation spontanée et la décomposition morale de l'armée italienne », a été téléDe graphiée à la presse d'outre-monts par un journal anglais et par un journal étroitement apparenté au Foreign Office.

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Et là dessus, lord Curzon, se substituant à M. 'A.-J. Balfour, dont le ton conciliant et ému, la noble et classique éloquence avaient exercé une vive impression, le 21, sur la Conférence de Washington et sur la délégation de France, prend la parole le 24. Il aurait pu, au cours du déjeuner offert par l'United Wards Club de la cité de Londres, prononcer un toast banal ou faire un exposé général. Son discours n'est qu'une épître à la France. Certes la forme est d'une correction impeccable. Sans doute les passages relatifs à la question d'Orient d'une extrême modération. - et j'y reviendrai d'une extrême modération. Cette allocution n'en présente pas moins une double gravité. Elle esquisse une manoeuvre contre Washington

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Lord Curzon manœuvre et contre la France. Lord Curzon Washington, lorsqu'il lie la question du désarmement sur mer au désarmement sur terre et étend la limitation à « toutes les nations ». En élargissant ainsi le débat, le Foreign Office rend la tâche de la conférence extrê mement difficile et peut-être irréalisable. Lord Curzon manœuvre contre la France quand il indique que

<< la conscience et les forces matérielles combinées du monde ne toléreront pas la réapparition au centre de l'Europe d'un grand et dangereux Etat, qui fait toujours résonner son sabre dans le fourreau et qui est une perpétuelle menace pour les peuples de l'Europe ».

Comment peut-il citer, comme preuves de l'efficacité de cette force matérielle et morale, le recul des envahisseurs russes en Pologne et l'échec du complot Habsbourg en Hongrie, alors que l'un est dû à l'intervention isolée de la France et l'autre à l'intervention armée de la petite Entente ? Comment peut-il parler d'une « combina ison des forces du monde », alors que la demande aranties, l'offre d'une combinaison de forces, faite M. Briand, est restée sans réponse? Comment peutrler d'une « entente anglo-franco-italienne », alors l'Italie est quotidiennement excitée contre la la ce? Lord Curzon espère-t-il ainsi démontrer que en se refusant à rester sans navires et sans solest atteinte d'une excitation maladive et d'une mégalomanie coupable? Il favorise en tout cas des tout cas des légendes dangereuses pour son prestige et des intrigues dangereuses pour sa sécurité.

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Comme si l'échiquier diplomatique n'était point encombré, voici que le gouvernement anglais an

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Quelles en sont les causes ?

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Le conflit relatif au traité franco-kémaliste ne saurait suffire pour l'expliquer. Ces négociations dont l'Opinion n'a cessé de démontrer la nécessité n'ont eu qu'un défaut elles ont été tardives et secrètes. L'accord entre la France et les nationalistes aurait du être réalisée le jour où M. François-Georges Picot, en décembre 1919, rentrant de Syrie, avant qu'un seul coup de fusil eût été tiré en Cilicie, apporta au Quai-d'Orsay les offres pacifiques de Kemal pacha. Si l'entente s'était faite à cette date, elle nous eût économisé des vies précieuses. Elle aurait dû, en tout cas, être réalisée le jour où l'Angleterre, refusant de tenir compte de nos renseignements et de nos conseils, autorisa la Grèce à tenter la conquête de l'Asie-Mineure. La riposte était parfaitement légitime. Elle se serait produite, à un moment plus opportun qu'à la veille de la Conférence de Washington et d'une médiation en Orient. La modération dont a fait preuve lord Curzon dans ses appréciations sur la question. d'Orient, l'énergie avec laquelle il a proclamé la faillite de la guerre gréco-turque, la nécessité d'une réconciliation anglo-turque et la légitimité de la vitalité ottomane, témoignent que le Foreign Office et le Quai-d'Orsay sont bien près de s'entendre en Orient.

La cause de la tension franco-britannique est ailleurs. L'initiative qu'a prise, le 21, M. Briand, en posant la question du désarmement terrestre et en définissant l'attitude de la France menacée, s'explique par de solides raisons. Il voulait grandir le rôle diplomatique et le prestige moral de la France. Il comptait éviter des intrigues possibles et des surenchères dangereuses. Il espérait, surtout, obtenir des garanties morales et peut-être des assurances diplomatiques. Mais la manœuvre était périlleuse. Si M. Briand remportait un succès oratoire et ce succès ne pouvait manpolitique, il l'a remporté, quer d'éveiller des susceptibilités et des méfiances: la France, qui pouvait se contenter d'un rôle discret et fructueux d'auditeur attentif et intelligent, passait au premier plan. Elle abattait son jeu et l'interdisait ainsi sur la riposte. Elle élargissait, avant que des résultats eussent été obtenus, le champ des négociations et rendait des intrigues possibles. Or comment MM. Harding et Hughes n'auraient-ils pas, par leurs plans hardis, éveillé outre-Manche, des inquiétudes et lésé des intérêts? J'entends bien qu'ils donnent l'exemple des sacrifices. Et M. Augustin Leger, dans une remarquable étude publiée par la Société d'Etudes et d'Informations Economiques, a démontré que les Etats-Unis, dans la limitation des armements, payaient d'exemple.

Mais tout de même, il faudrait ne rien savoir ni de l'histoire, ni du tempérament anglais, pour ne pas comprendre que jamais la Grande-Bretagne n'a fait à la Paix une concession égale à celle qu'elle a décidée, le jour où elle a adhéré au programme américain. Elle partage l'empire des mers. Elle accepte de vivre avec une ex-colonie sur le pied de la simple égalité. Elle détruit 300.000 tonnes de cuirassés. Elle renonce à posséder les plus beaux croiseurs. Elle condamne au chômage 30.000 ouvriers de plus. Elle décime un corps. incomparable d'officiers de marine. Il est impossible des Anglais m'en ont parlé les larmes aux yeux de pareils sacrifices n'éveillent point des méfiances, des protestations, des résistances. En élargissant le débat, en cherchant la limitation à tous les Etats et à tous les

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armements, il sera peut-être possible, sinon d'éviter, du moins d'ajourner et peut-être de réduire un pareil holocauste. Les patriotes jaloux sont ainsi, en apparence du moins, d'accord avec les pacifistes exaspérés. Les uns et les autres dénoncent le réalisme français, cette prudence routinière, cette âpreté paysanne. Le péril allemand n'existe plus que dans l'imagination de ce songe creux. On découvre à Heidenau, près de Dresde, 150 culasses, puis 150 tubes, puis après 343 tubes d'obusiers neufs. Plaisanterie! Il faut réintroduire l'Allemagne dans le cercle des nations pacifiques, proposer son admission à Washington, et, en attendant, réduire le montant de sa créance, ajourner le versement de ses annuités, favoriser la reprise du mark. Les usines chôment. Les chômeurs augmentent. Les budgets craquent. La paix tout de suite. La paix à tout prix. Coulons les cuirassés, liquidons les régiments. Dénonçons les alliances. Soyons l'ennemi de nulle personne et les amis de tous !

Industriels aux abois et financiers en déficit, pacifistes en éveil et impérialistes au désespoir sont d'accord, dans des cas différents, pour élargir ainsi la Conférence de Washington. Les uns consciemment, les autres inconsciemment sabotent une œuvre qui, pour être efficace, doit être limitée. La paix du monde risque de faire les frais de cette crise de folie collective. La France doit la sauver.

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D'abord, en assurant le succès de la Conférence de Washington. Son échec aurait pour résultat de briser à nouveau les liens qui vont unir les Etats-Unis et l'Europe, d'allumer la guerre en Orient et ensuite sur le Rhin. Or la France peut éviter au gouvernement américain cette faillite de son idéalisme généreux et cette blessure pour son amour-propre. Elle n'a qu'à adopter toutes ses solutions navales, chinoises et internationales. Si une difficulté surgit pour fixer le tonnage de notre flotte, que la délégation française sollicite l'arbitrage américain, qu'elle demande à M. Hughes de le déterminer lui-même, en tenant compte de la superficie, de la population et du commerce de notre empire colonial, qu'elle accepte la présence d'officiers américains rue Royale et qu'elle offre l'hospitalité de nos bases navales aux unités américaines. Ce geste, qui n'ouvre aucun risque, aurait un extraordinaire retentissement. L'Amérique se dresserait tout entière pour saluer la France, comme elle se leva pour saluer Foch. L'amitié francoaméricaine serait scellée à jamais. Or si elle est vivante, elle vaut un traité.

Il ne suffit pas d'écarter un péril immédiat. Il faut prévoir ceux qui surgissent à l'horizon prochain.

Une conciliation franco-britannique est nécessaire autant qu'inévitable Elle doit porter sur la politique orientale, russe et allemande. Pour qu'elle puisse aboutir, elle devra être limitée aux faits actuels et viser des objectifs précis paix gréco-turque; réouverture du marché russe; paiement de l'indemnité allemande. Je n'ai pas le sentiment, quoi qu'on en pense à Paris, que sur aucun de ces points les divergences soient actuellement profondes et l'accord aujourd'hui impossible. Les déclarations du marquis Curzon sur la paix orientale, les projets de consortium international pour la restauration de la Russie, les résolutions des industriels anglais sur les modes de paiements allemands sont là pour le prouver. Cet accord général doit précéder les débats particuliers.

Mais pour qu'il aboutisse, la France ne doit plus être isolée. L'intimité avec la Belgique doit être resserrée par l'offre d'une garantie d'intégrité territoriale et par la reprise des conversations économiques. La gallophobie des masses italiennes doit être brisée par un aver tissement courtois et digne, mais ferme et précis. Le

contact avec la Petite Entente, désormais liée à la Pologne, doit être assuré. Il appartient à la France de demander que la Ligue de l'Est pour la Paix soit représentée au sein de la Conférence des ambassadeurs et du Conseil suprême. Le monopole des P. P. A. A. a vécu.

Après avoir dressé ce programme et défini cette politique, il ne restera plus qu'à en imposer l'exécution aux multiples rouages et au personnel hétéroclite de notre diplomatie, à Paris, comme à Genève et à Washington. De la méthode, encore de la méthode toujours de la méthode.

Gentillesse italienne

<< Ha detto male di Garibaldi!» Le mot est classique en Italie. Il explique toutes les indignations spontanées ou non, fondées ou non.

<< On a dit du mal de l'Italie dans une conférence! >> Les gosses se donnent le mot. A peine entrés en classe, ils congédient le professeur et proclament la grève de protestation, comme une grève de la faim intellectuelle. Et ma fille, élève de « seconde gymnasiale »> quelque chose comme la cinquième de nos lycées s'en revient sagement à la maison: « Il n'y a pas classe. On a dit du mal de l'Italie dans une conférence ». Elle aurait pu, comme plusieurs de ses petites amies, suivre les garçons, ses camarades de classe, et rejoindre avec eux les grands ; mais elle n'a pas encore adopté la mentalité sommaire et les allures dégagées des fascistes des deux

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sexes.

Les autres sont déjà loin. Ils ont débauché toutes les écoles. Les voici sur la place où s'érige la statue du roi qui fut le compagnon d'armes de Napoléon III. Ils ont déjà confectionné des écriteaux:« A bas la France! Mort à Briand! » Mort à Briand qui a osé insulter l'armée italienne à la Conférence du désarmement : c'est un journal de ce matin qui l'a dit. Les plus grands, ou les plus enflammés entraînent la troupe écolière qui ne jette pas ses livres par-dessus les moulins, mais les balance au bout de sangles de cuir, comme des encensoirs des casse-tête...

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« Au consulat de France! >> Trop tard, mes petits amis. Vos camarades de Turin, plus prompts, ont envahi déjà, dès les premières heures de ce matin, les bureaux du représentant de la France; ils ont souffleté le chancelier, menacé le consul, détruit meubles et dossiers, emporté comme un glorieux trophée l'écusson aux armes de France... Vos amis et vos aînés de Naples, nationalistes, fascistes, volontaires fumains, conduits par un conseil municipal et escortés de drapeaux et de fanions, ont été plus modestes. Ils se sont mis cinq mille pour brûler sur la place Saint-Ferdinand un drapeau français. Il ne vous reste qu'une mince ressource, comme à Gênes, comme à Venise et comme à Rome. Encore à Rome y a-t-il l'ambassade où Barrère, la bête noire, est sur le point de revenir.

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L'autorité a pris ses précautions. La rue du consulat est barrée. Faire le tour par les voies adjacentes est chose facile, mais vaine. Nouveau barrage. Il faut se contenter de siffler et de hurler des menaces indistinctes à la France. L'officier de bersagliers qui est là invite à circuler. Va-t-on le houspiller? Il est paternel et jovial. Les cris redoublent: Eia, eia, alalà à son adresse; hou, hou, contre la France et les Français. Ne faut-il pas continuer à prouver que l'Italie est un pays discipliné, où la jeunesse est vigoureuse et ardente?

Ceux-ci le montrent par les actes. D'autres reprennent la démonstration par la plume et le papier imprimé. Avant la méthode de Venise à l'automne 1921, on a eu la méthode du printemps 1921. Les deux se combinent aujourd'hui.

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La commission exécutive du Parti libéral démocratique vote la première un ordre du jour. Elle a « appris par la presse (mais quelle presse? par hasard, les journaux qui mènent depuis 1918 la campagne antifrançaise: Stampa, Resto del Carlino, Tempo, Mattino sont les neutralistes de jadis) l'outrage lancé par le premier ministre de France contre tout le peuple italien », elle « rappelle au détracteur les défenseurs de la Montagne de Reims » et « affirme avec orgueil le sentiment national italien ».

Les légionnaires de Fiume ont leur devise: Ardisco, non ordisco. Leur hardiesse n'ourdit pas. Elle est explicite et les porte aux plus hauts sommets de l'éloquence.

...L'ennemi unique qu'est la France doit à l'armée qu'il croit en dissolution son propre salut assuré par trois fois...

chaudes sur les journaux français qui parlent d'un succès de la propagande allemande.

Au fait, en quoi est-elle nécessaire, la propagande allemande ? Le Corriere della Sera de ce jour pose luimême la question. Et il ajoute celle-ci : « A qui la faute si les. Italiens sont devenus aussi irritables; comment en sont-ils arrivés au point de croire aussi facilement à une hostilité française ? » Comme si l'irritabilité italienne était d'aujourd'hui, comme si l'on en avait pas eu des échantillons à diverses époques, comme si l'animosité de 1860 n'avait pas suivi l'enthousiasme de 1859...

Et pendant ce temps, notre presse de Paris assure que les essais de manifestation de Turin et de Naples ne sauraient altérer la cordialité de l'amitié franco-italienne. Vraiment, la presse de Paris est sou

Suit l'énumération, qui, il y a deux ans, s'élevait jus- vent un peu en retard: c'est il y a un an qu'il fallait qu'à cinq.

...La France héroï-comique et blagueuse a peur du lendemain. C'est pain bénit. On n'arrête pas l'histoire ni l'avenir des peuples avec la lance de Don Quichotte, non plus qu'avec les armes de la prépotence dénuée d'âme et de raison. Non. L'Italie a des femelles (femmine) saines qui enfantent des mâles sains et nombreux, qui ne connaissent pas l'onanisme et la syphilis. Elle suivra sa destinée malgré les jalousies et les méchancetés de sa prétendue sœur latine, aigrie par le vice et la stérilité.

Quant aux mutilés et aux combattants de Bazzano, bourgade émilienne, ils se contentent d'adresser, par la voie de la presse, « à cet homme oublieux des hauts faits. de l'armée italienne son plus méprisable mépris ». Ce n'est pas moi qui le leur fais dire: méprisable, il nostro dei più spregevoli disprezzi...

A la Chambre, malgré la mise au point immédiate du ministre des Affaires étrangères, un député saisit l'occasion pour bafouer la mémoire des «< quarante morts» du Mont-Tomba, afin de mieux exalter les milliers d'Italiens tombés au Chemin des Dames. Sans doute, l'honorable M. Gray tient-il que l'art de la guerre consiste à faire tuer le plus de soldats possible. En tout cas, il connaît bien mal l'action des troupes italiennes en France, pour confondre à ce point les lieux et les époques et n'avoir rien su des cérémonies de Bligny au printemps dernier.

Les démentis pleuvent de Paris, de Washington, de Rome. On n'en fait pas accroire aux descendants de Machiavel! Le soir de son départ, M. Briand a été invité à dîner par le président de la délégation italienne. Pure comédie! On remonte aux sources. On découvre la filière le télégramme turinais, bolonais, romain, napolitain n'est qu'un télégramme de Londres, lancé au Daily Telegraph, à travers l'Atlantique. Vous voyez bien, Français, que les propos sont authentiques. Jamais journaliste n'eut autant d'autorité que Repington. Entre la parole des ministres responsables et les dires sensationnels, exciting, des faiseurs de copie, quelques journaux sensés optent pour la première. Mais d'autres préféreront toujours les seconds. Il en sera de cette affaire comme du fameux traité franco-yougoslave, comme de l'histoire plus ridicule encore de la vedette danubienne offerte au régent de Serbie et devenue le cuirassé Vedette, première unité de la flotte S. H. S.!

Voici le second jour. Le marquis della Torretta, le président du Conseil lui-même, M. Bonomi, renouvellent de façon plus formelle encore leurs assurances. L'organe du parti nationaliste explique la genèse de la << stupide invention ». Qu'importe! Les groupes nationalistes organisent des meetings de protestation. Dans la capitale, on parlera de « Crispi et la France ». Dans telle ville, le discours sera prononcé par un candidat malheureux aux dernières élections, vague agent de l'ambassade d'Italie à Berlin. Il flétrira les menées militaristes et hégémoniques de la France et fera des gorges

célébrer l'Italie. Depuis lors, nos amabilités ont si mal réussi qu'on se demande s'il ne vaudrait pas mieux parler ferme...

SPECTATOR.

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Dans la période si laborieuse de réadaptation que traverse le monde, les conflits même passagers entre les alliés d'hier, que nous voudrions voir demeurer les amis de toujours, causent rapidement un malaise souvent mal proportionné à leur importance. Il suffit aisément de quelques paroles ou de quelques gestes malheureux pour exaspérer ce malaise jusqu'à l'angoisse ou jusqu'à la douleur. A cause de ce que nous avons souffert, nos sensibilités blessées demeurent excessives et nos esprits prompts à envisager le pire. Peu d'apaisements nous sont plus nécessaires et plus bienfaisants que ceux que nous ont apportés quelques voix qualifiées pour parler au nom de leur pays et capables de dominer l'aigre bourdonnement de la bataille quotidienne.

Parmi ces voix bienfaisantes où, avec une émotion profonde, nous reconnûmes l'accent de la justice éternelle, la vôtre, Monsieur, dans ces derniers mois, s'est élevée deux fois avec une noblesse et une énergie qui nous ont profondément touchés. A Genève, quand il s'agit de fixer le destin de la Haute-Silésie, à Washington quand il fallut définir la situation particulière de la France vis-à-vis du désarmement, votre attitude fut de celles qui honorent non point seulement un homme, cet hommage vous touchera davantage mais

pays.

un

Il y a déjà longtemps, Monsieur, nous le savons, que vous incarnez l'un des plus beaux types de l'espèce humaine (qui en compte tant de si laids). Vous êtes l'exacte figure, dans ce qu'elle a de plus net et de plus affiné, du gentleman anglais.

Vous unissez la rectitude de la conscience au tact de l'homme du monde, les qualités de l'homme de sport à celles de l'humaniste raffiné, le patriotisme le plus ardent à l'équitable compréhension du droit universel, l'idéalisme humanitaire et religieux au sens concret de la mesure et des réalités. Vous êtes un admirable Anglais de toujours, et vous êtes un homme d'aujourd'hui.

C'est l'honneur d'un peuple de produire de tels citoyens. Votre haute silhouette incarne la vieille et toujours jeune Angleterre. A vous entendre, nous percevons avec émotion, avec certitude, les indomptables forces de progrès - forces morales aussi bien que matérielles que votre pays mit au service de la civilisation et que, nous en sommes convaincus, il ne cessera de lui dévouer. Il est particulièrement utile que votre voix se fasse

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entendre dans les moments où ces accents discordants risqueraient d'introduire des fausses notes dans le concert franco-anglais.

Il est inévitable qu'entre deux peuples tels que la France et l'Angleterre, ayant, outre des intérêts communs, des intérêts distincts et parfois des intérêts divergents, l'unisson ne soit ni perpétuel, ni unanime. Nous ne songeons point à nous en émouvoir. Jouez votre partie. Nous jouerons la nôtre. Pourvu que les chefs d'orchestre s'entendent à leur métier, il n'y aura pas de << couacs » trop retentissants.

Malheureusement, depuis quelques mois,

ces

<< couacs » se sont multipliés et il faut bien avouer que quelques-uns déchirent l'oreille.

Je ne nie nullement que nous n'y ayons nos responsabilités, mais il faut bien reconnaître que quelques artistes de chez vous ne nous rendent pas l'harmonie facile. Et nos tympans sont d'autant plus désagréablement frappés qu'il nous semble reconnaître dans leur manière quelques-uns de ces vieux thèmes dont nous avons éprouvé la nuisance, que nous espérions périmés et dont il serait superflu de confesser que la réminiscence nous cause de très pénibles appréhensions.

Quand on lit les articles où M. Wells dénonce l'impérialisme français et nous accuse de préparer une agression contre l'Angleterre,on éprouve une sorte de détresse à constater que l'illusionnisme pacifiste radical-socialiste anglais survit intact aux cinq années du cataclysme déchaîné par l'agression allemande! Excusez, Monsieur, l'émotion que nous cause cette découverte. Nous ne pouvons pas oublier que très probablement la guerre n'eût pas éclaté si l'Allemagne eût su l'Angleterre décidée à marcher avec la France. Or, si jusqu'au bout, malgré Lichnowsky, Guillaume II crut que vous ne marcheriez pas, c'est parce que, ménageant ses radicaux germanophiles, le gouvernement anglais, jusqu'au bout, ne lui déclara pas que la guerre contre nous c'était la guerre contre vous. Il y avait une chance de nous épargner nos quinze cent mille morts et notre ruine. C'est grâce aux amis de M. Wells qu'elle ne fut pas tentée. Comment n'éprouverions-nous pas une révolte d'ironie indignée à les voir aujourd'hui relever la tête et nous inviter à compter sur « la conscience du monde » pour nous préserver d'une nouvelle agression allemande, comme, paraît-il, c'est la conscience du monde. Weygand n'est que son pseudonyme négligeable qui arrêta les bolcheviks devant Varsovie...

Le Daily Mail a fait justice du cas de M. Wells avec une netteté qui nous va au coeur. Du fait qu'elles revêtent les âpretés de langage de M. Palmerston, ses méconnaissances ne nous sont pas plus agréables dans la bouche d'un ministre. Le récent discours de lord Curzon contenait une foule de réflexions amicales et excellentes. Pourquoi faut-il qu'elles nous soient devenues inacceptables par ce contexte? Impossible dans le monde d'aujourd'hui de causer à haute voix sur un certain ton. Tout ce que nous pouvons faire est d'arrêter l'entretien... Mais ce n'est pas impunément que certaines paroles traversent le Rhin et l'Atlantique et même chatouillent à Paris les nerfs auditifs de nos neurasthéniques.

Je sens, Monsieur, l'indiscrétion qu'il y aurait de ma part à prolonger des observations pénibles au sens que avez des convenances internationales.

Aussi veux-je, en terminant, vous redire que nous ne confondons point l'Angleterre avec ses journalistes ni avec les erreurs de langage ou de pensée de ses hommes d'Etat. Vous n'auriez certainement pas de peine, cherchant chez nous, à m'opposer des manques de mesure sinon tout à fait aussi regrettables (je n'en vois pas) au moins analogues.

Mais en ce moment la France est représentée par M. Briand qui est tout nuance. Ah! Monsieur Balfour,

ne sauriez-vous engager quelques-uns de vos plus illustres compatriotes à en garder ou à en recouvrer le sentiment? Lorsque c'est vous qui représentez l'Angleterre i Genève ou à Washington,nous n'avons pas d'inquiétude. Nous savons que par votre bouche s'exprime la pensée. humaine d'un peuple robuste, mais généreux, loyal, de sens rassis... Pourquoi faut-il que si souvent s'élèvent chez vous d'autres voix et de si hautes ?...

ANDRÉ LICHTENBERGER.

Sur les fiançailles de la Princesse Mary. L'Angleterre a accueilli avec une joie non feinte l'annonce des fiançailles de la princesse Mary avec le vicomte Lascelles.

C'est qu'elles s'entourent d'un certain romanesque qui n'est pas fait pour déplaire au sentimentalisme des compatriotes de Georges Eliott et de Dickens.

Ils sont touchés par le spectacle de cette jeune princesse qui rencontre un simple gentilhomme dans des parties de chasse à la campagne chez des amis communs. Ce gentilhomme qu'auréole la gloire des armes n'a-t-il pas combattu vaillamment, n'a-t-il pas été blessé trois fois ? - devient amoureux de la princesse qui lui sourit, et, comme dans un conte de fées, le prend par la main et le conduit à son père.

Ce n'est plus le prince qui épouse une bergère; les rôles ne sont même pas renversés, mais il va cependant de quoi satisfaire l'imagination dans ces fiançailles qui rompent avec les traditions de cour.

Bien qu'appartenant à une famille de haute noblesse qui possède depuis 1796 le titre de baron Harewood, depuis 1812 celui de vicomte Lascelles et de comte, lord Lascelles n'est pas de sang royal- en dépit d'une tradition qui voudrait qu'il descendît d'une famille souveraine et il n'est guère d'usage qu'une fille de roi épouse un gentilhomme.

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On cite, il est vrai, le cas de la princesse Louise, quatrième fille de la reine Victoria, qui, le 21 mars 1871, épousa le marquis de Lorne et dont l'union offre des analogies avec celle projetée entre les deux nouveaux fiancés. Mais il faudrait remonter très loin jusqu'en 1515 pour trouver une autre mésalliance, quand Marie Tudor, plus jeune fille du roi Henry VII, devint la femme du duc Charles de Suffolk.

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Il semble donc que la princesse Mary inaugure une ère nouvelle. C'est qu'à la différence de ces deux unions, la sienne offre un caractère que pressentait déjà Disraeli quand, complimentant la reine Victoria à l'occasion du mariage de la princesse Louise, il lui disait : « Ce qui arrive me paraît aussi sage que romanesque Votre Majesté a décidé avec un jugement profond de mettre fin à une étiquette devenue stérile. >>

Etiquette devenue stérile - oui, certes, mais ce n'est pas tout.

Depuis la guerre, la famille régnante d'Angleterre s'est efforcée de plus en plus, sous la pression des événements, de se démocratiser pour ainsi dire, et, en tout cas, de se « nationaliser »>.

Ainsi, le 17 juillet 1917, le roi Georges, dans une proclamation historique, déclarait abandonner son nom de Saxe-Cobourg et Gotha, et faire choix, pour le remplacer, d'un patronyme bien anglais. Il résolut que lui, tous ses enfants et leurs successeurs se nommeraient désormais Windsor.

A son exemple, les membres de sa maison qui portaient des titres étrangers, les abandonnèrent et leur substituèrent, avec des noms britanniques, des titres souvent inférieurs, dans la hiérarchie nobiliaire, à ceux auxquels ils renonçaient.

Le mariage actuellement projeté rentre dans le cadre de la réforme ainsi commencée, il en accentue davantage encore le sens et la portée.

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Au lieu de s'allier à quelque prince étranger, la fille de Georges V a choisi un sujet de son père. Peut-être le prince de Galles et ce n'est pas invraisemblable à son retour des Indes, élira-t-il pareillement une jeune fille de la noblesse pour la faire monter avec lui sur le trône.

En tout cas, en cherchant à s'identifier de plus en plus à son peuple, la maison d'Angleterre affermit son sceptre, consolide sa couronne. Une fois de plus, la Grande-Bretagne vient de témoigner de l'habileté qu'elle possède à un si haut degré d'allier avec le respect pour les traditions les plus désuètes mais aussi les moins dangereuses une hardiesse à s'en affranchir parfois qui la pousse à aller de l'avant grâce à quoi elle sauve le passé par l'avenir.

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A. CHESNIER DU CHESNE.

La gloire et le bonheur. Voici donc où nous en sommes. Un personnage d'une pièce en vers actuellement en cours de représentation, cours de représentation, s'écrie dans un accès de dandysme neurasthénique : « Le bonheur? C'est à quoi les vaincus se résignent! >> Se résigner au bonheur! Voici donc la trouvaille de génie par quoi le jeune Phaéton prétend atteindre la gloire. C'est tout ce que son tempérament d'artiste lui suggère et vous serez bien heureuses d'apprendre, ô foules humaines, que votre éternel idéal humain, celui vers lequel tendent, à travers les angoisses et les ténèbres du monde, les aspirations les plus énergiques de votre vitalité, n'est que vaine pâture d'esclaves et vague berceuse qui ronronne autour de vos défaites!

Rarement, cri plus désabusé retentit. C'est véritablement un appel de nocturne, et il faut que tout soit bien dissolu en ce siècle pour que cette parole mécréante n'ait point soulevé l'indignation.

mant de toute sa démence vers ce fantôme doré trop appelé pour venir; ou qu'un marchand se batte âprement sur les marchés et laisse tout scrupule pour devenir riche, c'est le même égoïsme individuel, sans intérêt pour l'humanité, qui joue en chaque cas.

Eschyle, Rabelais, Shakespeare, Beethoven, Rembrandt ou Michel-Ange, se souciaient peu de festoyer avec des princes et d'appeler la gloire, comme enfant réclame en trépignant le joujou qu'il n'a pas. Ils aimaient les hommes et répandaient sur eux leurs paroles, non pour les décourager en ridiculisant leur bien le plus précieux, mais, au contraire, pour les exhorter au bonheur, au savoir, à la simplicité.

Ils n'ont jamais parlé aux peuples qu'avec une tendresse inépuisable, un sérieux, une compassion, une égalité fécondes et ne prenaient point avec eux ces façons de petit archiduc qui se plaît à décrier la populace. Jésus, le plus aimé, est celui qui a le plus donné, jusqu'à sa vie. Les hommes chérissent peu de génies, à propre ment parler; ils s'en font, avec une sorte de respect inné, une idée un peu vague. Mais ils seraient enclins à les vénérer en proportion de la grandeur de leur bonté et de leur sacrifice, et pour autant qu'ils sentent avoir été compris et aimés par leurs chefs spirituels.

Les hommes ne se résignent, en réalité, qu'à être malheureux; et c'est une boutade de poitrinaire, pleine de rancune et de venin, un paradoxe à peu près odieux d'esthète qui se plaît à faire jouer des mots, ou une plainte de réprouvé qui ne se sent point vivre dans le vrai, que de crier aussi désespérément, comme le renard du fabuliste le bonheur est trop vert et bon pour les goujats.

Il faut bien plus de génie, de vertu, de vaillance, de douceur et de grandeur d'âme et de caractère, pour composer une harmonieuse existence et réaliser le bonheur autour de soi d'abord avant de le goûter soi-même, que pour parfaire un chef-d'œuvre de pensée, d'action ou d'art, en quelque ordre que ce soit. Et on ne se résigne pas au bonheur, qui est l'apanage des grands conquérants de la vie intérieure, la seule qui importe. On le mérite, si l'on peut. Et il faut être un rude gaillard pour en être digne.

GEORGES DELAQUYS.

Film cubiste... mais romantique

Donnera-t-on, ou non, devant le grand public amateur de cinéma cet étrange film allemand, Le Cabinet du docteur Caligari, que l'on vient de projeter en petit comité, par les soins d'une revue spéciale, Cinea, sous l'impulsion ardente de M. Louis Delluc ? C'est une curiosité cinématographique, incontestablement. Je ne crois pas qu'elle soit adéquate à la mentalité d'une foule française, et je me demande quelle réaction en manifeste

Eh! quoi, toutes les puissances des êtres, leurs élans les plus vigoureux, leurs tendances les plus nobles convergent vers cette harmonie suprême qu'on appelle le Bonheur, terme absolu du perfectionnement individuel au milieu du mieux-être social; depuis les formes les plus confuses de la vie jusqu'à l'épanouissement psychique de l'humain, ce n'est qu'une ardente montée, une assomption frémissante vers l'équilibre désirable entre le Désir et l'Univers; l'épuration progressive des êtres ne laisse, au fond de l'expérience, que ce lumineux résultat: être heureux; les paradis ne sont, créés par nos rêves, qu'une stylisation et une prophétie du Bonheur; nos luttes, nos amours, nos travaux, nos prières, consciemment ou non, niés ou volontaires, ne sont que des pas plus ou moins lents vers ce seuil ineffable; le sens du monde est là; toute voix le proclame; tout geste le désigne et tout effort le veut! Et tout cela, cette lumière, ce but, ce prix, cette consécration de notre vie ne serait que jouet bon pour amuser les résignés et les impuis-raient nos spectateurs populaires dans les établissements sants? Une conception de la destinée à ce point misérable vaut-elle seulement qu'on en signale le néant? Il faut être bien impuissant, en effet, et bien malheureux pour l'avoir eue; car il est constant que le bonheur est la réalisation la plus rare qui se puisse concevoir et peut-être n'existe-t-il, en nos humanités actuelles, qu'à l'état d'esquisses bien pâlotes encore, d'indications seulement de ce qu'il peut devenir quand les hommes l'auront pleinement mérité.

Mais il y a quelque chose de singulièrement pénible à voir un jeune esprit jeter lyriquement ce sarcasme sans grandeur à ses auditoires et à ses lecteurs.

Que le dilettantisme se divertisse à faire chavirer toute l'échelle des valeurs, voilà qui est bien inquiétant. Et si le cri est sincère, quel abîme de perversion intellectuelle ne révèle-t-il pas ? La gloire, le bravo, le succès, la richesse? Ce seraient là les véritables biens ?

Qu'un adolescent exaspéré se déchire le sein, en cla

de quartier. Cependant on se trouve là en présence d'une
œuvre curieusement originale, qui a d'ailleurs obtenu le
plus grand succès en Amérique
plus grand succès en Amérique - où elle a manifestc-
ment influencé certains de nos cinégraphistes qui l'y ont
vue (le voyage américain ne leur est-il point le voyage
romain, d'un élève des Beaux-Arts?).

Nous ne sommes foncièrement ni le pays d'Hoffmann, ni celui d'Edgar Poë. Un conte à images de terreur, avec effets d'hallucination, et mise en scène de folie, sera peutêtre un régal de raffinés, mais ne prendra pas aux moelles des gens primitifs de notre terroir réaliste et lumineux, et, par suite, assez rebelles à ces jeux troubles et fuligineux. Et il faut le souhaiter, car tout cela est assez malsain.

Cette réserve faite, il faut bien dire que ce Cabinet dr docteur Caligari est un spectacle attrayant, étonnant et énervant, palpitant de fantastique. Ce n'est pas peu. Si l'on créait un cinéma d'art, genre théâtral de l'Euvre

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