Imágenes de páginas
PDF
EPUB

mière intéressée, ne saurait se récuser devant les techniciens. A ce compte, les architectes seuls auraient le droit d'habiter des maisons, et les horticulteurs celui d'avoir des jardins sous prétexte que les simples mortels n'oseraient pas demander aux uns et aux autres de construire et de planter.

Nous continuerons cette enquête dans le numéro suivant, par les réponses, toutes différentes, de MM. Charby les Gide, l'économiste célèbre de la coopération, et Charles de Lasteyrie, rapporteur à la Commision des Ur: Finances.

20

end

Visites

JEAN LABADIE.

Au Salon de l'Aéronautique

Au temps où les premières troupes de fanatiques pataugeaient toute une journée dans la boue du camp de Châlons pour voir Henri Farnam s'arracher du sol sur un appareil qui ressemblait à une paire de manchettes, au temps où Wilbur Wright émerveillait ses fidèles avec Es son aéroplane construit comme un jouet mécanique du to jour de l'an, en ces temps-là les prophètes ne manquaient pas. Ils décrivaient l'aviation de l'avenir, les giegantesques « navires de l'air », portant chacun quinze ou vingt passagers, traversant l'Europe, la Méditerranée, l'Atlantique même ; ils imaginaient aussi les petits avions de sport ou de tourisme, à une, deux ou trois places, montés d'abord par de riches particuliers, puis bientôt mis à la portée de bourses plus timides et acquérant ainsi le caractère d'utilité pratique qui consacre et rend

[ocr errors]
[ocr errors]
[merged small][ocr errors][ocr errors]

viable toute découverte.

En parcourant du regard le grand hall du Salon de l'Aéronautique, il semble bien que la première partie de ce programme tende à se réaliser; de tous côtés des avions géants se dressent dont les ailes couvrent le sol d'une ombre impressionnante. Dans leurs fuselages des cabines sont aménagées avec tout le confort et le luxe. qu'autorise l'indispensable limite du poids. Devant les stands sont affichés des tableaux prometteurs d'itinéraires fantastiques. Paris-Londres, Paris-Bruxelles, ne sont plus que d'insignifiantes lignes de banlieue, le Maroc et l'Algérie sont à nos portes, Varsovie nous attend à dîner, on parle de Constantinople, des Indes, de la Chine. Par contre, l'aviation de tourisme semble négligée, quelques marques seulement exposent de petits appareils à faible moteur, tout l'effort de la construction aéronautique semble se porter sur l'avion de gros

[ocr errors]

cerate

[ocr errors]

transport.

Or ces avions se ressemblent tous et si l'on excepte quelques différences de construction il ne paraîtra peutêtre pas exagéré de dire que rien, sinon la taille, ne dedistingue l'avion de tourisme de l'aérobus. Cela vient peut-être de ce que l'aérobus ressemble lui-même à un avion de bombardement dont on aurait aménagé le fuselage et renforcé le train porteur. Nous sommes encore trop près des fabrications de guerre pour pouvoir assister à la naissance d'une nouvelle école dans la construction aéronautique. La plupart des grands avions qui ont servi jusqu'ici sur les lignes de transport sont d'anciens appareils de guerre. Ils se sont d'ailleurs fort bien comportés. Ceux que nous voyons aujourd'hui au Salon sont encore nettement inspirés de leurs aînés. Un seul d'entre eux, le super Goliath, a déjà fait ses preuves. Les autres sont encore à l'essai. Il en est de même pour les moteurs; légèrement modifiés ils ont perdu en rendement ce qu'ils gagnaient en solidité. Le 60 HP Gnome rotatif, le 300 HP Hispano-Suiza, le 370 HP Lorraine-Dietrich, le 550 HP Renault, sont des moteurs de guerre. Le matériel que nous possédions à la signa

a

577

ture de l'armistice n'a donc pas été inutile. Nos avions de bombardement délestés de leurs mitrailleuses et de leurs lance-bombes se sont trouvés prêts à prendre le départ pour Londres et pour Bruxelles. En quelques mois des lignes régulières ont pu être organisées. C'était la période de l'improvisation. Maitenant les appareils spéciaux qui nous manquaient sont construits. Vont-ils rendre les services que nous attendons ?

se

Il semble qu'à part les progrès de l'aménagement intérieur et de la solidité, aucun principe nouveau n'ait été mis en pratique, et voilà pourquoi l'aérobus ressemble tant à l'avion de de tourisme : pour emmener plus de poids on augmente la voilure; pour gagner de la vitesse on la diminue; nous avons déjà épuisé cette recette par un des côtés : celui de la vitesse. Dans la coupe Deutsch qui s'est courue dernièrement, on a présenté des avions dont la surface portante était réduite au minimum, tout vol plané leur était donc interdit, mais un puissant moteur entraînait à 300 kilomètres à l'heure des fuselages auxquels on avait laissé par grâce quelques petits bouts d'ailes. L'appareil Nieuport-Delage du vainqueur Kirsch peut être considéré comme une merveille de la construction actuelle, mais il atteint une limite qu'il serait fou de dépasser maintenant; une particularité qui semble bizarre étonne dans son aspect au-dessous des ailes, à hauteur des roues, trouve un petit plan d'un mètre carré environ: pourquoi n'avoir pas ajouté cette surface dans la voilure supérieure si elle était nécessaire? C'est qu'elle recouvre l'essieu, obstacle qui augmente la résistance à l'avancement. Par le moyen de ce plan, on a donc donné à l'essieu une forme effilée qui lui permet de fendre l'air; ainsi toutes les pièces de cet avion travaillent à la pénétration. On peut dire qu'il représente la meilleure utilisation des moyens actuels. En effet des appareils moins bien étudiés n'atteignent pas le 300 à l'heure sans danger; l'accident qui tua un de nos meilleurs pilotes, Bernard de Romanet a prouvé que les toiles d'avion ne pouvaient résister à la pression que leur font subir de telles vitesses; elles se déchirent sous la poussée de l'air. Il faudra étudier maintenant des dispositifs nouveaux si l'on veut dépasser les vitesses réalisées. Il en sera sans doute bientôt de même pour le problème du poids transporté. L'augmentation de l'envergure ne peut être indéfinie Elle n'ira bientôt plus sans une diminution de la solidité générale. Alors nos constructeurs repartiront sur des données inédites; ils nous donneront des avions dont les formes auront été étudiées spécialement pour le service qu'on leur demandera. A ce moment seulement la construction aéronautique commen cera de s'orienter de façon précise.

pas

Quant à l'avion de tourisme, on s'expliquera facilement qu'il n'ait pas encore conquis le grand public. Le prix actuel de la vie n'est pas pour faire changer cet état de choses. Et le prix d'achat d'un appareil n'est la seule cause de cette méfiance. Un moteur d'avion est encore un ensemble délicat qui exige les soins d'un bon mécanicien. Deux marques cependant ont présenté des avions de sport, Farman expose un biplan mû par un 60 HP Anzani, qui lui permet le 140 à l'heure et l'atterrissage à 40, condition indispensable de sécurité.. Une marque italienne Ricci montre également deux petits triplans fort séduisants. Un autre appareil curieux, attire les regards; c'est le biplan Tampier dont les ailes se replient le long du fuselage, transformant ainsi l'appareil en une grosse automobile prête à rouler sur la route.

Ce dernier perfectionnement semble intéressant tant la question de l'encombrement est gênante pour l'aviation-de tourisme. Avec celle-là trois autres qualités semblent à étudier en tout premier lieu pour en doter l'avion de demain facilité ascensionnelle, facilité d'atterrissage, facilité d'orientation. On a souvent évoqué la pos

[graphic]

sibilité pour l'avion de chercher à une altitude élevée le courant favorable à sa marche. Malheureusement, une difficulté s'y oppose. La diminution du poids de l'air provoque à partir d'une certaine hauteur, une perte de puissance assez sérieuse dans le moteur, l'avion ne disposant donc plus de l'excédent nécessaire, ne peut plus monter, son moteur faiblit, il se maintient même difficilement à l'altitude atteinte. Le turbo compresseur Rateau dont sont munis maintenant beaucoup d'appareils supprime cet inconvénient, en ramenant l'air des carburateurs à sa pression normale, le moteur fonctionne donc dans les mêmes conditions qu'au ras du sol. Une autre difficulté reste encore à vaincre. L'air qui entoure l'appareil étant plus léger porte moins; on pourrait sans doute y remédier par une variation de l'incidence des ailes ou du pas de l'hélice; plusieurs constructeurs l'ont déjà tenté, Bréguet notamment présente cette année une hélice à pas variable.

nes, on aurait pu lui offrir les œuvres de notre écrivain, comme Platon offrit celles d'Aristophane. Et pas plus que l'auteur des Chevaliers, l'auteur de Monsieur Bergeret n'a toujours été tendre pour son pays, n'en a donné une image passée au rose et au bleu.

Est-ce pourquoi il n'a pas été présenté aux suffrages de l'Académie suédoise par des compatriotes? On sait que, d'après les statuts de la Fondation Nobel, personne ne peut se déclarer candidat aux prix, mais personne aussi ne peut en recevoir s'il n'est présenté, avec rapport à l'appui, par ceux qui ont le droit de présentation. Et ce droit, en ce qui concerne les prix littéraires, n'appar tient qu'aux membres d'une académie ou aux professeurs titulaires d'une université. En pratique, un acadé micien ou un professeur, ayant rédigé une présentation motivée, la fait signer par quelques-uns de ses collègues Une académie ou un conseil d'université peut aussi présenter officiellement un candidat à la suite d'une délibération en commun, mais le cas est assez rare. Or, il y avait des années que, pour le prix littéraire du moins, aucun académicien, aucun professeur d'univer sité n'avait présenté chez nous de Français au comité Nobel. Si Anatole France l'a obtenu, c'est qu'à défaut de Français, sa candidature a été présentée par trois professeurs titulaires d'université suédoise, M. Staaff,

L'atterrissage est encore un des points critiques de la conduite d'un appareil. Il est évident qu'un avion atterrissant à 120 ou 150 kilomètres à l'heure, constitue un danger non seulement pour son pilote mais pour les assistants. Cette impossibilité où sont encore certains appareils d'atterrir à une allure modérée vient également de la trop grande réduction de la surface portante. Une incidence ou une surface variable donnerait peut-professeur de philologie romane à l'Université d'Upêtre là aussi des résultats satisfaisants.

Quant à la question de l'orientation en avion tout le monde sait combien le brouillard la rend parfois compliquée. Deux officiers de l'aéronautique navale ont eu l'idée d'appliquer aux avions les procédés de compas et de sextants utilisés sur les bateaux. La direction par le point astronomique permettra bientôt aux avions de se tenir aux grandes altitudes et d'effectuer de longs voyages de nuit comme de jour sans toucher ni sans même voir la terre.

Toutes ces recherches et ces découvertes doivent être révélées au grand public. Elles lui donneront confiance en l'avenir de l'aviation. Le sous-secrétariat de la navigation aérienne a fait au Salon un effort intéressant dans ce sens. Il montre à son exposition particulière les différentes étapes de la conception puis de la construction d'un avion, depuis l'épure initiale jusqu'au terrain d'essai. Des panoramas brillamment éclairés figurent les aérodromes du Bourget, de l'étang de Berre, les halls d'usine où des avions attendent le montage. Les explications nécessaires sont données par des phonographes. Un tel effort de propagande est indispensable. Nos constructeurs travaillent, lancent des lignes nouvelles, ils offrent au public des commodités dont nous devons profiter. La partie engagée est grosse de risques mais aussi de résultats qui, souhaitons-le, seront définitifs. C'est une industrie nouvelle qui prend son départ, la cause de l'aviation a été plaidée avec tout le courage, la hardiesse et le génie nécessaires; elle est maintenant entre les mains du public.

ROBERT BOURGET-PAILLERON.

Chronique internationale

Le Prix Nobel à Anatole France

Tous les amis des lettres françaises, tous les écrivains français se sont réjouis de voir le prix Nobel de littérature décerné cette année à Anatole France. Evidemment, ces prix sont accordés à un écrivain et non à un pays. Mais le hasard du pseudonyme de M. France (qui n'en est d'ailleurs pas un, puisque c'est son père qui le lui a transmis) peut passer pour un hasard intelligent. Si l'Académie suédoise avait demandé à un Français de lui envoyer une image du génie français, comme Denys demanda à Platon de lui envoyer l'image d'Athè

sal; M. Wiessing, professeur à celle de Gothenbourg; M. Wahlberg, professeur à celle de Lund.

En principe, la désignation de l'Académie suédoise ne devait surprendre personne. En France, les lettres tiennent généralement l'auteur de Thais pour le premier écrivain vivant. A l'étranger, aucun n'est plus apprécié En Suède, Sylvestre Bonnard et le Livre de mon ami sont classiques. Et partout on a été surpris surpris agréablement.

L'Académie suédoise n'avait pas toujours échappé dans ses choix à des critiques motivées. Elle est, comme toutes les académies, de tendance conservatrice. On lui a souvent reproché d'avoir refusé ce prix à Tolstoi, à Ibsen et à Strindberg, à cause de leur attitude politique et religieuse. On pouvait compter, en ce qui concerne Anatole France, sur des résistances du même genre. Et de fait il y eut une lutte assez chaude. Heureusement, les écrivains sont en majorité à l'Académie. Ce sont ex qui ont fait bloc et qui ont emporté le succès. Obser loin d'avoir, en ce qui concerne Anatole France, l'invons d'ailleurs que la question politique et sociale était portance qu'on pouvait croire. Les petits écrits socia listes de M. France sont ignorés en France, à plus forte raison en Suède. Ses opuscules anticléricaux ne sont pas pour déplaire en un pays protestant qui a conservé une phobie ingénue du jésuite et où il est naturel qu'on adopte devant le P. Du Lac l'optique de M. France. Enf et surtout, l'affaire Dreyfus était suivie passionnément en ce pays, qui était entièrement dans le camp revisionniste! La popularité de Monsieur Bergeret à Paris y fut considérable. L'opposition des conservateurs devait donc être bien moindre à l'Académie suédoise qu'elle ne l'eût été à l'Académie française. Et sur le terrain littéraire, il n'y avait pas de contestation possible. De sorte qu'après tout, nous avions tort de douter comme nous le faisions. Il est même probable que si la candidature d'Anatole France eût été présentée quelques années plus tôt, elle eût eu le même succès.

Des quatre prix Nobel que décernent les Instituts suédois (le cinquième, le prix de la paix, est attribué par le Storthing norvégien), le prix de littérature et le prix de chimie ont seuls été décernés cette année, celui-ci au recteur de l'Académie de Berlin. Les prix de phys que et de médecine ont été réservés, aucune découverte assez importante ne s'étant produite dans l'année. Notons, en effet, que les prix ne peuvent être décernés qu'à certaines catégories de savants et d'écrivains M

[graphic]

9

les mathématiques, ni l'astronomie, ni les sciences biologiques n'ont participé aux libéralités d'Alfred Nobel. Il faudrait interpréter le mot de physique dans un sens très large pour pouvoir couronner Einstein. Parmi les écrivains, les historiens, les philosophes ne sauraient obtenir le prix de littérature que pour les mérites purement littéraires de leur œuvre. Mommsen l'a eu pour son Histoire Romaine, ou plutôt pour son Histoire de la République Romaine, sa seule œuvre littéraire. On l'a attribué autrefois au philosophe Rudolf Evcken pour des mérites littéraires qu'un Français, et même d'autres que des Français, n'aperçoivent pas.

Dans la liste déjà longue de ces choix, il en est évidemment de discutables, et en Suède même, les journaux les apprécient souvent de façon sévère. Les écrivains français et anglais y ont été un peu sacrifiés, les derniers surtout. Il est' singulier qu'avec sa puissante production littéraire, l'Angleterre n'ait obtenu le prix Nobel qu'avec le seul Kipling. Hardy, Wells, Galsworthy, Shaw, restent des prix Nobel possibles. L'attribution du prix dépend d'ailleurs, plus qu'on ne le croit, du hasard des présentations. En Italie, on présente obstinément Grazia Deleda, qui a moins de chances que n'en avaient d'Annunzio ou Ferrero. La présentation la plus formidable étant cette année celle d'un auteur dramatique espagnol, Benavente, dont une centaine de personnes qualifiées attestaient les mérites. Rarement, d'ailleurs, les présentations avaient été aussi nombreuses.

L'Académie suédoise pratiquant en général un certain roulement entre les nationalités, on ne saurait guère s'attendre à la voir couronner un Français avant plusieurs années. Mais les présentations ne coûtent rien, et il suffit de les renouveler annuellement. Les nouvelles nations commencent à se remuer beaucoup, avec raison d'ailleurs, l'Académie voyant avec faveur les écrivains des petits pays. Mais il va de soi qu'un auteur tchèque, polonais ou hongrois, n'a de chances sérieuses que s'il est traduit dans une langue accessible au public européen. Ainsi Tagore reçut le prix Nobel sur la foi des traductions anglaises, puisque aucun académicien de

Stockholm ne savait le bengali. Tagore a été jusqu'ici le seul lauréat qui ne fût pas Européen. Il est remarquable qu'aucun Américain du Nord ou du Sud n'ait encore été favorisé. Les journaux du Nouveau-Monde ont lancé dernièrement une nouvelle, à pieds apparemment palmés, d'après laquelle Jack London ne serait pas mort et vivrait quelque part incognito. Dans ce cas, il serait bien sûr d'avoir le prix Nobel. Il est un des romanciers les plus populaires en Suède. Ses œuvres complètes ont été traduites en suédois, environ quarante volumes qui sont un cadeau de Noël et une lecture d'hiver fort habituels.

L'Académie suédoise exerce en somme avec honnêteté et dans des conditions souvent délicates, un mandat international qui, lorsqu'on y réfléchit bien, convient beaucoup mieux à une petite nation qu'à une grande. Les intentions de Nobel eussent été ruinées par la presse s'il avait confié aux Académies, d'un grand Etat l'exécution de son testament. Le prestige des prix Nobel leur vient surtout de leur montant relativement élevé, généralement 140.000 couronnes, c'est-à-dire, selon le cours du change, 400.000 à 500.000 francs. Il faut espérer qu'il leur viendra aussi, de plus en plus, de la manière consciencieuse dont ils seront accordés. Pour les prix scientifiques, les chances d'erreur sont limitées au minimum par tout un appareil d'examen minutieux. Pour le prix littéraire, l'accident joue évidemment un plus grand rôle. Cette année, heureusement, il n'en a joué aucun.

Peut-être se trouvera-t-il un jour un autre prix Nobel pour compléter l'œuvre du premier et combler les lacunes que je signalais plus haut. Mathématiques, astronomie, biologie, philosophie, histoire devraient avoir, elles aussi, leurs lauréats réguliers. Pour les mettre au niveau des autres branches, il n'en coûterait que 800.000 couronnes par an, soit un capital de cinquante millions de francs. Un bon placement pour l'immortalité. Nobel avait grossi sa fortune dans les poudres de guerre. Ce ne sont pas les fortunes de ce genre qui manqueraient aujourd'hui pour le même usage.

ALBERT THIBAUDET.

LETTRES

Feuillets de

Les Académies

[merged small][merged small][ocr errors][merged small]
[blocks in formation]

point d'interrogation sur la doctrine d'Einstein. Puis M. Picard a fini par dire que la théorie d'Einstein reste une de celles qui « sauvent les phénomènes, que la critique en est possible, mais qu'on ne voit pas ce qu'on peut mettre à la place ».

La vraie MTM Bovary

Un de nos confrères s'occupe en ce moment de savoir si Mme Bovary a réellement existé. Cette question semblait avoir été réglée une fois pour toutes. Mais il n'est pas de choses simples qu'il ne soit facile de compliquer à plaisir quand on le veut bien.

Le modèle dont s'est servi Flaubert était une dame Delamare, née Delphine Couturier, fille sans fortune et fort prétentieuse qui avait épousé un ancien élève du père de Flaubert.

Comedia affirme qu'elle ne s'appelait pas Delamare, mais Delaunay. Il cite à ce sujet le témoignage de Maxime du Camp qui raconte que ce fut Louis Bouilhet qui dit un jour à Flaubert: a Pourquoi n'écrirais-tu pas de Delaunay? »

l'histoire

Cette phrase se trouve en effet dans les Souvenirs littéraires de Du Camp ; mais Delaunay n'y figure pas. Ici encore, il s'agit toujours de Delamare.

Nous nous sommes entretenus nousmêmes jadis à Saint-Germain des Essours avec celle qui fut la fidèle Félicité, Augustine Ménage, l'ancienne servante, aujourd'hui décédée de Delphine. Elle avait bien été au service de Mme Delamare. Et c'est bien la première fois que nous entendons citer à ce sujet le nom de Delaunay.

Il ne figure nulle part ni dans l'étude si précise du docteur Brunon, ni dans celles de MM. Georges Dubosc, Georges Rocher, Emile Deshaye, A. M. Gossez, et Mme Georgette Leblanc qui se sont employés à nous faire connaître la vraie Mme Bovary. Comadia reproduisant la lettre d'un lecteur, avance qu'il n'y a peut-être aucune corrélation entre l'héroïne du roman et la personne nommée par Bouilhet. Et il cite Flaubert luimême affirmant dans une lettre à Mlle Leroyer de Chantepie, datée du 18 mars 1857 : « C'est une histoire totalement inventée. »

On comprend la discrétion de Flaubert. Mme Delamarre vivait encore et se

[graphic]

montrait assez furieuse du rôle qu'on lui faisait jouer. Mais l'auteur lui-même a avoué s'être inspiré de la triste aventure du médecin dans une lettre du 10 mai 1855 adressée à Louis Bouilhet.

J'ai peur que la fin (qui dans la réalité a été la plus remplie) ne soit dans mon livre étriquée, comme dimension matérielle du moins ; ce qui est beaucoup. »

Après un pareil témoignage est-il besoin de discuter encore ?

Suceptibilités

Ecrivains, faites bien attention désormais de ne plus toucher dans vos écrits aux préparateurs en pharmacie. Ces messieurs n'aiment pas qu'on les plaisante même légèrement.

Mme Colette dans un article d'impressions sur la première audience du procès Landru, ayant cité le mot d'un confrère affirmant que l'homme de: Gambais avait une barbe de préparateur en pharmacie, a vu se dresser contre elle le syndicat de cette corporation.

Son secrétaire, après avoir constaté de visu à Versailles que la barbe de Landru n'avait rien de spécifiquement pharmaceutique, a exigé l'insertion dans le journal même où parut l'article d'une << rectification très importante ». « Mon devoir, a-t-il précisé, est de couper franc et net les ailes d'une légende qui, pour le moins que l'on en puisse dire n'est ni vraie, ni juste, ni exacte. D

Si un pareil syndicat avait existé du temps de Flaubert, Madame Bovary courrait le risque d'aller deux fois devant les juges. Jamais les pharmaciens n'auraient admis un Homais aussi peu sympathique.

Un incident de même ordre s'était déjà produit cet hiver. Un petit journal portugais avait aussi pris à partie un assez méchant vaudeville où l'on ridicuIsait un de ses compatriotes. « Ceci est un manque de tact, déclarait-il. Nous protestons au nom de notre patrie outragée. »

Le Goncourt

Les candidats pour le prix Goncourt ou plus exactement leurs amis, gardent cette année un prudent silence. Dans un mois le prix sera attribué et aucune campagne ne se dessine encore. Louons cette sagesse.

Ces messieurs les académiciens de chez Drouant sont d'ailleurs paraît-il fort hésitants. Ils ont reçu beaucoup de livres, mais bien peu leur paraissent dignes de leur haute récompense. Ils lisent en ce moment avec emportement et cherchent, mais en vain, l'oiseau rare qu'ils pourront enfermer dans la belle cage dorée, objet de tant de convoitises.

[ocr errors]

Jamais nous n'avons été aussi embarrassés nous confiait l'un d'eux l'autre jour.

Cet embarras serait-il partagé par les candidats eux-mêmes ?

Le Cinquantenaire de l'École,

pratique des Hautes-Étude En 1868 fut fondée la section des sciences historiques et philologiques, de l'Ecole pratique des Hautes-Etudes.

Le cinquantenaire de cette fondation échu pendant la guerre n'a pu être cé

lébré en son temps, il le sera cette année et dans quelques semaines. Une séance solennelle que présidera M. Alexandre Millerand, président de la République, aura lieu à la Sorbonne le 1°r décembre prochain. Créée par Victor Duruy, cette section eut pour premier président Léon Renier.

trouvé le moyen de rappeler à certains. directeurs les éloquentes promesses qu'ils firent en prenant possession de leur fauteuil. Nous voulons jouer les jeunes » s'écrièrent ainsi tour à tour M. Silvestre. et M. Bernstein. Celui-ci prit même un pareil engagement à l'assemblée générale de la Société.

On sait ce que lui doit l'histoire de la littérature. Il n'est que de rappeler le nom de Gaston Paris qui y fut l'un ARTS

des maîtres et celui de son successeur M. Abel Lefranc. C'est d'un cours de l'Ecole Pratique des Hautes-Etudes, qu'est née la société des Etudes rabelaisiennes qui a tant fait pour la connaissance de l'œuvre de Rabelais et de la Renaissance.

La faillite de l'humour

Une nouvelle revue l'Aventure ouvre une enquête sur la faillite de l'humour. Elle pose à différentes personnes, le plus souvent assez bizarement choisies, ces trois questions: 1o) Est-il vrai que l'art français tire ses racines profondes de l'humour ? 2°) Pensezvous que les oeuvres de Rimbaud, de Lautréamont et de Jarry constituent une expression suprême de l'humour ? 3°) En ce cas ne seraient-elles pas les premières à influencer l'art à venir ?

Plusieurs écrivains ont déjà répondu concluant à la faillite de l'humour. Certain même par un seul mot, mais quel mot !

Les projets d'Anatole France

Un de nos confrères du Petit Journal a été interwiever le maître en Touraine pour connaître ses impressions sur le prix Nobel.

Au cours de cet entretien, M. Anatole France a confié au journaliste qu'il préparait un ouvrage sur la guerre, mais qu'il traiterait ce sujet sous une forme qui se rapprochera tout à fait de celle de l'Ile des Pingouins, afin a-t-il précisé de ne blesser personne, ni les maréchaux, ni même les caporaux.

Les Courriers des Lettres

Le courrier littéraire a sa place désormais dans tous les bons quotidiens. Ceux qui n'en possèdaient pas encore réparent bien vite cet oubli. Aujourd'hui, c'est la Victoire qui consacre deux fois par semaine une rubrique aux nouvelles littéraires, sous la direction de M. Ernest Prevost.

Les « Jeunes » au théâtre

La commission de la Société des Auteurs dramatiques vient d'avoir une bonne pensée. Oubliant un instant qu'elle a beaucoup aidé à faire du théâtre un négoce en se montrant toujours trop faible envers les directeurs qui ne respectaient point ses statuts, elle se tourne aujourd'hui vers les jeunes écrivains. Elle leur permet de se serrer un peu pour accorder à l'un d'eux une petite place sur une scène du boulevard. Ainsi elle a décidé de former un comité de lecture qui aura assez de poids paraît-il, pour imposer l'œuvre d'un inconnu dans un grand théâtre.

Alors, comment se fait-il que cette même puissante commission n'ait pas

Le cas Van Dongen

Je ne connais pas M. Van Dongen; je voudrais exposer sa querelle et je ne le puis sans prendre parti.

On sait que le jury du Salon Au tomne a refusé le portrait d'une actrice que M. Van Dongen avait représentée une fleur à la main. Evénement grav dans ce microcosme dont l'influence est considérable sur les aspects de notre temps et qui se nomme le Salon d'Automne. On a traité Van Dongen de métèque. On a bien fait. On a sou ligné le xénisme agressif de son talent. On eut raison. Van Dongen ressortit fort mal au génie particulier de notre race. Son outrance et la forme de sa plaisanterie ne sont pas de chez nous.

Voilà précisément quelques-unes des causes par lesquelles, à mon sens, nous sommes induits à considérer curieusement ses œuvres .Les types de Van Dongen représentent ce qu'il y a de plus aigu dans le snobisme actuel. De plus aigu et de plus puéril aussi, mais cette puérilité ne nous apparaîtra que bien plus tard. Les lionnes de 1840 dans leurs atours à la turque, revus et augmentés par Théophile Gautier, ne se croyaient point waves quand elles se prélassaient en babouches sur des sofas, tout en fumant de gros narghiles. Telle amazone qui servit de modèle à de Dreux, pensait bien qu'elle avait le buste à la Médicis. Plus d'une belle d Wintheralter ou de Dubuffe emplissait avec soin ses regards d'une langueur allemande. Le snobisme a toujours eu pour caractéristique une adoption pas sionnée des tournures étrangères. Sous Carle Vernet, on fut Anglais avec fureur. Sous Lamartine, quelle est la bru ne qui n'eût rêvé de ressembler à quel que Napolitaine de Léopold Robert on de Schneita ?

Le snobisme actuel se ressent de tout ce que les esthéticiens allemands et scandinaves ont trouvé. L'imagination compliquée, brumeuse et brutale de Max Nordau inspire nos mondaines, qui n'ont point lu cependant Max Nordau. Van Dongen, cet étranger, nous dépeint la face la plus fardée de notre époque où s'ébat un internationalisme forcené.

Mais si le XVIII° siècle, à son diclin, crut inventer l'antiquité, si tous nos Pin chili-Lharidon se sont Tévélés it XVIe siècle, du moins allaient-ils fort loin dans le temps chercher leur Amirique. Nous, il semble que nous n'ayens plus la force d'accomplir de tels doyages. Nous pastichons dans nos couvertures de livres, dans nos bibelots, des temps que nous quittons à peine Restauration, la monarchie de Juillet, Grévin... Van Dongen nous d'étourne vers un exotisme d'un ragout bien plus

[graphic]

la

[ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small]

J'entends le flot des expositions particulières, métaphore boiteuse dont fré mirait l'ombre de Théophile Gautier. Et presque toutes sont à voir. Il y a, pour la deuxième fois, Angel Zarraga chez les Bernheim jeunes, qui laisse la grande composition et se clarifie. Puis En René Durey, à la Licorne qui passe des E

natures mortes d'Oudry aux paysages 4 de Cézanne avec une maestria qui dé concerte. Il y avait Jean Marchand, a chez Barbazanges, mais il nous fournira l'occasion de reparler de lui. Il y a chez Dru des aquarellistes, dont le solide Dourouze que j'ai présenté ici Charmy expose à la galerie de la re François-Ir; Marcel Challulau, à la Maison des Artistes; J.-J. Dufour à la galerie Brunel. Eugène Cornau, chez Eugène Blot; Paul Hogg chez Weill. Et vous pouvez être bien sûr que j'en ai oublié.

[ocr errors]

DÉCONOMIQUE

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

L'expansion commerciale du Japon

Pourvoir à l'expansion japonaise en la canalisant vers des régions déterminées, tel paraît être le principal problème soumis à la conférence de Washington. Quelques chiffres, dont la brutalité ne fait que mettre en lumière l'acuité de ce problème, aideront à en comprendre les aspects économiques.

Les recensements de 1906 accusaient, pour l'archipel japonais, une population de 47 millions et demi d'âmes, qui est passée à 57 millions en 1918. Avec la Corée, Formose et Sakhaline, cette population atteint 78 millions d'individus.

Le taux de la mortalité ressort à enFiron 21,5 pour 1.000, celui de la naalité à 32 pour 1.000. La population L'accroît en moyenne de 750.000 âmes par an. Sa densité moyenne s'établit à 40-150 habitants par kilomètre carré, lensité inférieure à celle de la Belgique 650) et de la Grande-Bretagne (480) ; #nais il convient d'observer que la terre irable ne forme au Japon, qu'un cinquième du sol, si bien que cette populaion égale à celle du Royaume-Uni, de Va Belgique et de la Hollande tout enemble vit sur des terres dont la supericie ne dépasse pas les quatre cinquiè nes de la superficie de l'Irlande.

Pour nourrir cette population toujours accrue, le Japon ne se suffit pas à luimême. Il importait en 1919 162 millions de de riz (le yen vaut au pair yen 2 fr. 50 et 10 fr. environ à l'heure acuelle). La balance commerciale japonaise était en déficit de 207 millions de yen, en 1919. Pour importer le surplus. de vivres qui lui manque, le Japon est obligé de vendre une quantité crois

sante d'objets manufacturés sur des marchés où il se heurte à bien des concurrents.

Pays industriel par force, le Japon est d'une pauvreté extrême en ressources naturelles. Il demande le coton (667 millions de yen en 1919) aux Etats-Unis, à l'Inde, à l'Egypte, la laine à l'Australie, les semi-produits métallurgiques à l'Angleterre et aux Etats-Unis. Il produisait, en 1917, 150.000 tonnes de fonte, alors que sa consommation dépasse aujourd'hui 2 millions de tonnes.

Depuis dix ans, le Japon essaye de s'assurer en Chine, une situation écono mique telle qu'il soit certain d'obtenir le charbon, le fer, les matières premières dont il a besoin pour alimenter ses industries nationales, et cela dans les conditions de libre concurrence les plus restreintes.

Il exporte de la main-d'oeuvre, mais les travailleurs blancs accusent les travailleurs jaunes de travailler à trop bon marché, de former des îlots, que le reste de la population ne peut assimiler, de fonder des colonies toujours plus prospères. Aujourd'hui, 87.000 japonais sont installés en Californie, en Colombie britannique, les naissances japonaises représentent 6 o/o du total de la province.

Par contre, le japonais n'émigre pas volontiers en Corée ni en Mandchourie : la lutte serait trop dure avec ses frères asiatiques, plus sobres encore que luimême. Ainsi des lois d'exception lui ferment les pays où l'espoir du gain le tente, les régions encore libres de l'Asie ne l'attirent pas.

Le marché du charbon en 1920 Le syndicat d'Empire allemand du charbon vient de publier son rapport pour l'année 1920-1921. On y trouve

à côté de considérations tendancieuses touchant les effets de l'accord de Spa sur la vie des houillères allemandes, les prix antérieurs du charbon et les possibilités d'exportations - quelques renseignements généraux d'un intérêt manifeste sur la production mondiale de charbon durant l'année 1920 et sur l'avenir du marché du charbon.

D'après les statistiques publiées par le syndicat, la production mondiale a atteint, en 1920, 1 milliard 157 millions de tonnes pour la houille, et 142 millions de tennes pour le lignite. Elle est, d'après ces chiffres, inférieure

de 3,2 0/0 seulement à la production de 1913.

Il n'en faudrait pas conclure que la journée de 8 heures, transformée dans la pratique en journée de 7 heures pour les mines, n'a pas contribué à diminuer la production. On sait que le nombre des travailleurs employés à l'extraction du charbon a augmenté d'un quart à un tiers dans les principaux pays charbonniers.

L'Allemagne, dans ce tableau général de la production, figure pour 131 millions de tonnes de houille en 1920 et III millions de tonnes de lignite contre 173 millions et 87 respectivement en 1913.

Quant à la France (sans la Lorraine), elle produisit 40 millions de tonnes de houille en 1913 et 21 millions en 1920,

soit la moitié du chiffre d'avant-guerre.

Le rapport constate que, dans tous les pays, la production a été plus grande dans les derniers mois que dans le premier semestre de 1920. En particulier, la moyenne septembre-décembre a été de 3 millions supérieure à la moyenne mensuelle de toute l'année 1913.

Du fait de la délégation de la Russie et de la sous-consommation imposée à 'Allemagne par les livraisons au titre des réparations, il y a eu surproduction par rapport aux besoins. La crise du marché du charbon serait survenue plus tôt si la grève anglaise d'octobre-novembre 1920 n'avait soulagé le marché d'environ 15 millions de tonnes.

Les producteurs allemands affirment que l'importation de charbons allemands en France, en Italie et en Belgique, en dehors des conditions du marché mondial, constituent une pression sur les offres de l'étranger, pression dirigée en particulier contre l'Angleterre. La France aurait acheté en Angleterre 1.623.000 tonnes de charbon en janvier 1920, et 745.000 seulement en novembre.

Aussi concluent-ils que les livraisons forcées de l'Allemagne demeurent pour le marché anglais, un facteur menaçant. Même dans les statistiques, la politique, en Allemagne, ne perd jamais ses droits.

L'année 1920 a été une année de surproduction à cause de l'augmentation de la production américaine, 585 millions de tonnes, supérieure de 70 millions de tonnes au chiffre de 1913. La contribution de l'Amérique ne fera que, s'accroître. Le syndicat allemand estime que la capacité de production annuelle mondiale est de 100 millions de fonnes supérieure à la production de 1920, et de 40 millions supérieure aux chiffres de 1913.

Les besoins du monde en charbon seraient donc largement couverts. Mais il faut compter avec la reprise économique, qui entraînera une augmentation de la demande, la réouverture du marché russe et des marchés de l'Europe Centrale, et l'apparition d'une clientèle nouvelle constituée par les pays neufs. ROBERT FABRE.

[blocks in formation]
« AnteriorContinuar »