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donc réussi, en quelques années à doter le monde de 2.500.000 tonnes. Il ne s'agissait plus de la manoeuvrer flottes immenses. Dès 1917, l'Angleterre avait neutralisé quasi-militairement, au gré des nécessités de la guerre. les effets de la guerre sous-marine. Les Etats-Unis ont Il fallait cette fois, résister à la concurrence, provoquer construit 10 millions de tonnes et conservé, depuis l'ar- les commandes, s'enquérir des frets et de leurs fluctuamistice 69 chantiers, avec 425 cales.

tions, en un mot commercer. C'est une tâche à laquelle Après avoir failli mourir faute de bateaux, il semble- l'Etat s'est toujours révélé inhabile. Elle était ici. partirait l'univers est menacé d'en être submergé. Parmi

culièrement malaisée : il eût fallu à notre flotte d'Etat que toutes les crises dont la paix nous a gratifiés, la crise de tout un corps de fonctionnaires, qu'il n'avait ni les loila marine marchande est peut-être la plus aiguë. Les

sirs ni les moyens de recruter. La guerre l'avait pourvú frets qui pendant la guerre ont enrichi tant acce

de cadres de spécialistes que la paix lui enleva aussitôt

.

Il lui eût fallu pouvoir constituer des agences à l'étranse sont brusquement effondrés. A la fièvre de la construction et du lancement a succédé la torpeur du désarme- ger, y posséder des représentants actifs et bien .payés

, ment. En février, les Norvégiens annonçaient le désar

luxe que l'Etat ne saurait se permettre. Le coût de la mement de 170 navires. C'était, prétendaient-ils, iin sui

flotte d'Etat s'amplifie donc de celui de sa gestion Bien cide que de les garder en service à perte croissante. A

osé qui pourrait en fixer le montant. A la Chambré, les Anvers on annonçait également le désarmement d'une estimations qu'on en a faites ont varié, comme on sait cinquantaine de bateaux. Les mêmes symptômes de crise

M. Morinaud, dans son rapport, évaluait à plus de se manifestent en Hollande, au Japon, qui sont pourtant 550 millions le déficit total qu'aurait enregistré le compte parmi les grands profiteurs maritimes de la guerre, enfin d'exploitation à la date du 28 février dernier. Quoi qu'i en Angleterre et en Amérique. L'armement naval an

en soit, la question du principe de la liquidation de cette glais a été, plus que tout autre, touché par les grèves

flotte - en qui les adversaires de l'armement privé de son personnel marin, il l'est bien davantage encore

avaient mis tant d'espoirs – ne se pose plus. Il faut en par les grèves charbonnières ; mais les Etats-Unis eux

finir, dussent les frais s'ajouter encore à la liste déjà si mêmes ne sont pas épargnés. L'essor gigantesque qui a

lourde des dettes de la guerre. Mais cette rentrée dans brusquement élevé leur tonnage au second rang du ton

le droit commun devra, bien entendu, se réaliser par nage mondial, l'a en même temps précipité dans les

échelons pour éviter de jeter sur un marché déjà satur mêmes proportions, dans le marasme général. Ils pos

une masse de 900.000 tonnes cédées au rabais. sèdent la plus formidable flotte d'Etat qui ait jamais

Le temps des bénéfices faciles est en effet passé por existé. Elle comprenait, au 1er octobre dernier, 7.288.000

notre armement, comme pour notre industrie ou not tonnes, alors que l'armement privé n'en comptait que

commerce. Si l'Etat est impropre à gérer lui-même des 4.195.000. Les mêmes difficultés qui nous assaillent,

nous assaillent, flottes entières, il lui appartient cependant d'assurer par pour la gestion et la liquidation de ce formidable orga- son appui l'indispensable gestion des services tels que nisme de guerre ne sont pas épargnées à nos amis amé

les services coloniaux. L'exploitation par cargos de ricains, mais elles sont à l'échelle de ses dimensions. lignes purement commerciales, est encore possible; cl C'est donc, partout, le même phénomène de surproduc

des lignes d'intérêt général, de communications entre tion, ou tout au moins de production trop intense pour France, l'Algérie et les colonies, – indispensables une consommation qui ne s'est pas encore remise du l'Etat pour le transport de ses fonctionnaires, de choc de la guerre et n'a pas atteint son étiage normal.

officiers, de ses troupes, exige, étant donné le ma Il est sans doute paradoxal, quand on considère l'en- tant triplé ou quadruplé de tous les frais d'exploita semble des besoins de notre trafic continental et colo tion, des subventions qui permettent de rétablir, ar nial, de parler de pléthore et de surproduction mariti- des paquebots à passagers, le minimum de voyage an mes. Nous devrions nous réjouir, au contraire, de voir nuels indispensables. C'est ainsi que le gouvernement notre marine marchande se relever avec une telle rapi- vient de conclure avec les Messageries Maritimes, por dité, et si nous en croyons notre sous-secrétaire d'Etat, l'exploitation de ses services maritimes postaux, une con atteindre au 1er janvier 1921, un tonnage total de 2 mil

vention qui prévoit la création d'une société spéciale au lions 694.199 tonnes. Nous devrions nous féliciter pa- capital de 60 millions. triotiquement des 407.000 tonnes de bâtiments ex-enne- L'outillage de nos ports reste insuffisant. Le te mis, qui viennent s'y ajouter, des 763.335 tonnes que gime d'économies impitoyables, où nous contraint notr nous avons en construction, dont 580.200 en

France. situation financière, ne devrait pas cependant D'ailleurs la réalité est infiniment moins séduisante. fermer les yeux sur la nécessité vitale d'équiper na Notre effectif comporte bon nombre d'unités vieilles de ports, et de donner à notre marine marchande le trente et trente-cinq ans, routiers de mers, achevés par instruments qu'il lui faut. Le magnifique programı les cinq années de la guerre, en outre, une collection de de constructions d'avant-guerre semble bien s'être v chalands inutilisables, sans parler des beaux bateaux en

latilisé. Ce n'est pas avec les 32 millions 1/2 poi bois vert que nous ont fabriqués, aux jours de danger, l'extension de nos ports, et avec les 46 millions d'e nos amis d'Amérique.

tretien qu'a votés le Parlement, que la France pour Un problème domine la situation de notre marine redevenir la grande nation marítimé qu'elle doit éts marchande : la liquidation de la flotte d'Etat. Ce n'est, Du moins, les Chambres de commerce suppléent à l' en somme, qu'une partie de la liquidation de la situa- digence de l'Etat. Marseille, Bordeaux, Rouen, Du tion que nous a léguée la guerre. Tout a été dit contre kerque, pour ne citer que les plus grands de nos por la flotte d'Etat, et ce qu'elle nous a coûté. L'idée pre- ont entrepris, de leur propre initiative, des travaux mière en est cependant défendable. La guerre sous-ma- sidérables. La nouvelle gare maritime de Dunkerq rine sévissait. Les Allemands menaçaient de nous affa- les docks qui doivent, à Rouen, s'étendre dans les p mer, nous retrancher du reste du monde. Il fallait, à ries de Saint-Gervais, les appontements de la Basse tout prix, construire. Qui aurait pu, sinon l'Etat, enga- témoignent de l'énergie de nos Chambres de comme

. ger les capitaux considérables qu'exigeait cette situation La défaite a mis, pour longtemps encore, la navi exceptionnelle ? De même, certains services d'Etat, tion allemande en grand état d'infériorité. Il y a sous-secrétariat du ravitaillement, bureau national des au lendemain de l'armistice de brillantes position charbons ou des collectivités comme la Ville de Paris, prendre pour l'armement français. Nos grandes. C pressés par l'obligation d'effectuer eux-mêmes leurs pagnies ont rétabli, aussi rapidement que possible, to transports, se constituèrent leurs flottes particulières.

flottes particulières. | leurs grandes lignes. Elles en ont créé de nouve Vint la paix. L'Etat se trouva, après la lutte, en pos- C'est ainsi que les Affréteurs Réunis ont créé la 1 session d'une flotte qui, à certains moments, avait jaugé le Havre-Angleterre-Adriatique à l'aller, et, au ret

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Adriatique-Alger-Hambourg La Compagnie Sud- un jour dans cette riche contrée un protectorat aussi Atlantique a repris ses voyages aux ports du Brésil et utile que le Maroc. de l'Argentine, renoué les traditions anciennes avec ces L'occupation de la Cilicie est au contranre provisoire. pays, où nous avons de si grands intérêts économiques, Mais la France a pris l'engagement d'y rester tant que le

, de si fortes sympathies intellectuelles, et où l'industrie calme ne serait pas rétabli. Elle ne peut donc se retirer française a joué un rôle essentiel, notamment dans tant que la paix ne sera pas faite entre la Grèce et la l'établissement des lignes de chemin de fer et dans Turquie. A ce point de vue, M. Briand a montré la l'équipement des principaux ports. Une société du

cessité de réviser le traité de Sèvres qui heurte les intéNord-Atlantique vient de se créer à Cherbourg. Enfin, rêts et les traditions de la France. Nos lecteurs savent

, l'armement français a résolument pris l'offensive; il a que, depuis plus d'un an, l'Opinion n'a cessé de plaider porté la lutte hors de nos frontières, et est allé chercher cette thèse, et de montrer l'intérêt que pouvait avoir pour à l'étranger le fret lourd qui lui manque encore dans nous une politique de rapprochement avec la Turquie. nos ports. Notre pavillon occupe à Anvers la seconde Les brusques changements d'humeur de M. Lloyd place. C'est d'Anvers que partent maintenant les lignes George ont rendu cette politique difficile; pourtant félimarocaines de la Transatlantique et des Vapeurs Fran- citons-nous de constater qu'elle demeure encore fort çais, les lignes d'Extrême-Orient et des Indes des Mes réalisable. sageries Maritimes. Notre côte ouest, le Portugal, l'Al- M. Briand a eu également l'occasion de s'expliquer gérie et la Méditerranée sont desservies par les lignes sur sa politique vis-à-vis de l'Allemagne. On sait la anversoises de la Navale de l'Ouest et des Affréteurs lutte actuelle des pangermanistes contre Wirth, la coméRéunis. Les bateaux des Chargeurs Réunis qui partent die de la « cour d'injustice » de Leipzig, l'assassinat de Hambourg escalent à Anvers. La question si contro- récent de Beuthen. Il va de soi que la seule conclusion versée de la surtaxe d'entrepôt vient d'être résolue dans de tout cela, c'est le maintien des sanctions. le sens le plus libéral pour nos amis, et fait du grand

SERGE ANDRÉ. port belge le véritable débouché de notre Alsace-Lor

mini raine. De même, la plupart de nos grandes Compagnies

Par ci par . ont arboré notre pavillon à Hambourg, dont le trafic cruel retour des choses — est aujourd'hui pour la plus

L'amour de la science ou de la fraîcheur. grande part, assuré par les navires de l'Entente et de Vous êtes accablé, dites-vous, et ne pouvez supporl'Amérique.

ter ce climat ! Du matin au soir, vous nous ennuyez de L'énergie, l'audace ne semblent donc pas faire défaut vos gémissements. En vain, fuyez-vous dans les bois et à notre marine marchande. Mais, aux difficultés de la jusqu'au bord de la mer. Que ne partez-vous pour le

crise générale que travere l'armement mondial, s'ajou- pôle Sud ! tent pour elle des obstacles qui sont un triste privilège Au moment même où la Société de Géographie vient de notre législation, ou surannée, ou naivement progres

de célébrer son centenaire, Shackleton prépare une expésiste. Notre navigation reste prisonnière de la vieille dition nouvelle. loi, qui veut que tout bâtiment marchand français soit, L'annonce de son départ a suscité bien des compéti

our les 3/4, armé d'un équipage français à l'exclu- tions. C'est à qui sera du voyage. Les notaires chargés vion même de nos concitoyens coloniaux; enfin ellest de dresser les contrats sont asaillis de demandes. Des

de première victime de la loyauté avec laquelle la France Indiens se proposent, des femmes offrent leurs services ht, dès 1920, appliqué le principe de la journée de huit d'infirmières. Un marin irlandais, qui tel le héros des

heures dans sa marine marchande — ce qui entraîne Cloches de Corneville, « a fait trois fois le tour du pour elle une surcharge actuelle d'environ 200 millions monde », se recommande par « une demi-tonne de réféde francs. Jusqu'ici, les efforts du Bureau International du Travail, pour faire admettre le principe et l'appli- Puisque vous avez trop chaud ici, présentez aussi cation des 8 heures par toutes les marines du monde votre candidature... Et si vous n'êtes pas satisfait du clise sont heurtés aux résistances de nos concurrents étran- mat des Esquimaux, peut-être vous apprendra-t-il à ne gers. Une fois de plus, la France fait les frais de l'ex- pas trop vous plaindre du vôtre. périence...

mun
EDMOND DELAGE.

Chez ceux qui règnent.
L'actualité de La Fontaine.
Puisque M. Bérard, dans son discours spirituel de
Château-Thierry, redoute d'être arrêté par la censure en
montrant l'actualité de La Fontaine, ouvrons nous-mê-

mes le livre des fables :
N avait annoncé qu'il y aurait avant la sépara-
y

Deux mulets cheminaient, l'un d'avoine chargé, tion des Chambres une dernière tentative de

L'autre portant l'argent de la gabelle... henversement du ministère. Est-ce la chaleur ?

Est-ce le désir des vacances ? Je ne sais, mais Vous vous souvenez que le mulet du fisc est seul attal'assaut n'a pas été très rude, et les Chambres ont voté les qué. Aujourd'hui ne préférerait-on pas s'en prendre à crédits pour l'armée d'Orient malgré les oppositions l'autre, comme plus sûr du riche butin ? assez vives qui s'étaient manifestées au cours des der- Mais, alors, le mulet grainetier n'aurait plus à dire à nières semaines.

son compagnon : M. Briand a fort heureusement séparé la question de

Si tu n'avais servi qu'un meunier comme moi Syrie de celle de Cilicie. C'est parce qu'on a souvent com

Tu ne serais pas si malade. mis lerreur de les confondre que l'hostilité s'est manifestée assez violemment dans certains milieux.

Certains amis trop amis de M. Vilgrain ne vous diLa France ne peut pas quitter la Syrie ; tout le monde raient-ils pas aujourd'hui tout le contraire ? le sait. Elle y est appelée par ses traditions autant que

mu par le vou des populations. Et le général Gouraud, qui est, avec le maréchal Lyautey, le Français le plus popu- Les suppliants. laire dans tout PIslam, y a d'ailleurs entrepris de la Le courrier parlementaire contient assez souvent des

ne conbonne besogne. Tout donne à penser que nous aurons missives amusantes. La plupart témoignent

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ble. »

fiance illimitée dans l'omnipotence du député ; d'autres

Au pays des Muses. sont d'une inconscience rare.

Le vrai disciple de La Fontaine, Un ancien soldat, déserteur, condamné à mort par Chacun a fêté La Fontaine à sa façon : l'un a contumace, écrit à un député de son département pour chanté le poète, l'autre le fabuliste, celui-ci le peintre demander à être amnistié et termine par cette phrase... de la nature, celui-là le peintre du cæur humain. Mais « A part cette malheureuse condamnation, je n'ai jamais M. Alain Monjardin dut le rêter d'une façon bien plus

, encouru la moindre punition... ! »

personnelle.

Quand ce poète, qui s'est illustré par les réclames de

la Giraldose, fit jouer une pièce cet hiver dans un petit Chez ceux qui dansent. théâtre libertin, on lui déclara sur tous les tons que

l'asservissement à une grande firme pharmaceutique lui La poudre aux yeux.

enlevait tous droits à la profession de poète ou d'écri--« Comment ! c'est vous, ma chère amie ? Quel plai- vain. Alors Monjardin répliquait superbement : sir de vous voir ?... Vous partez ?... Ce soir ?... Pour La

La Fontaine n'a-t-il pas chanté le Quinquina? Baule ?... Par ce train-ci ? » Et comme la chère amie, non sans hésiter un peu,

A propos des centenaires. répondait « Oui ... Justement !... C'est cela ! !. », la pre

La célébration des centenaires est cause de fâcheuses

, mière dame, réprimant aussi son hésitatior, ajoute :

méprises. Tantôt on chante la naissance au lieu de la « Quel plaisir !... Nous allons voyager ensem

mort — c'est ce qui arrive cette année même à quelques

critiques à propos de Dante. Tantôt on se trompe d'an« J'en serai ravie ! répondit l'autre en se pinçant née, et c'est ce qui aurait bien pu arriver à M. Jules Cla

retie s'il avait vécu jusqu'en 1982. les lèvres. Elles descendirent sur le quai, longèrent le train, et se

Dans une de ses chroniques, Jules Claretie narra

jadis qu'il était allé visiter la cathédrale de Meaux. Là, laissèrent longtemps l'une à l'autre le soin de choisir le

il vit la tombe de Bossuet, lut son épitaphe qui disait wagon. La plus hardie se décida enfin, monta dans un wagon de première ; l'autre la suivit. Elles s'installèrent,

que le grand évêque était mort à 55 ans. Là-dessus, Clatoutes deux d'un air mécontent.

retie, que le souvenir des Oraisons Funèbres avait mis

en veine d'éloquence, écrivit un couplet mélancolique Le train partit. Elles causèrent et la conversation tomba sur la cherté de la vie.

et profond sur la destinée des hommes de génie qui Ah ! chère Madame, c'est une pitié ! Je connais presque tous meurent jeunes. Or, Claretie avait mal lu

, de petits ménages qui ne peuvent garder le rang de leur

il avait pris des 7 pour des 5, Bossuet étant mort à

77 ans. famille, et qui voyagent maintenant en seconde.

J'en connais aussi, et c'est, vous l'avouerez, bien La pudeur en Sorbonne. gênant.

M. Joubé a fait ses débuts au Français dans le rôle Mais quand le contrôleur passa, chacune des dames

de Polyeucte. Le lendemain de cette représentation, un glissa dans sa main, sans avoir l'air de rien, le montant

examinateur qui faisait passer l 'oral du baccalauréat du supplément... Si délicatement qu'elles eussent fait, interrogea sur la tragédie qu'il avait vue la veille ve elles ne purent se cacher l'unc à l'autre leur petite ma

candidate particulièrement timide, qui ne pouvait sortir nouvre, et bien moins encore leur dépit de s'être en vain jeté de la poudre aux yeux.

deux mots qu'en tremblant.
Le professeur la guidait avec charité.

N'y a-t-il pas dans cette pièce une lutte de divis

sentiments ? Dans le civil !

Oui, Monsieur, le sentiment chrétien contre le senti

ment païen... Pendant la guerre, le petit S... fut attaché à l'étatmajor d'une division.

Mais encore, dans l'âme de Polyeucte, quel est le

sentiment contre lequel ce sentiment chrétien ou plutôt Un jour, le général commandant le corps d'armée

cette foi doit lutter ? vient inspecter cette division et pose aux officiers de réserve la question bien militaire :

La jeune fille ne disait mot : « Que faisiez-vous dans le civil ? >>

Voyons, Mademoiselle, le sentiment que je vous

demande est justement celui que M. Joubé n'a pas su Quand il arrive devant le petit S..., celui-ci, figé dans

exprimer hier soir parce qu'il était aussi troublé que un garde-à-vous impeccable, et regardant son chef dans

vous. Ne vous troublez pas, Mademoiselle. le blanc des yeux, répondit de la voix la plus martiale

La demoiselle n'en pouvait plus. A la charité du produ monde :

fesseur, se joignait celle des quelques témoins qui sif« J'étais noceur, mon général. »

fottaient « l'Amour est enfant de Bohème », « Tout ça Le général sursaute :

n'vaut pas l'Amour », et quelques autres refrains de ce -- « Monsieur, si c'est une plaisanterie, elle est dépla- genre. . cée et... »

La demoiselle rougissait, essayait de parler, se perdait « Pardon, mon général, je ne me permets jamais

en périphrases. de plaisanter dans le service. »

Mais non, Mademoiselle, vous ne dites pas ce que - « Alors, Monsieur, expliquez.. »

je veux : l'amour, l'amour, rien ne vaut l'amour, vous « C'est bien simple, mon général. Dans le civil, je ne On éclata de rire. La candidate faillit se påmer ; et

ne le savez pas, mais vous l'apprendrez ! me lève à dix heures ; je fais un tour au Bois vers midi ; je déjeune à une heure à mon cercle ; dans l'après-midi

comme elle était bien faite, elle fut reçue avec mention je vois des femmes, je vais aux courses ; vers cinq heu

assez bien »). res, je suis à la partie, au cercle ; je dîne à huit heures ; je vais chercher ma maîtresse à la sortie du théâtre ;

Entre marionnettes. nous traînons une partie de la nuit dans des établisse

La Fontaine et M. de Curel. ments dits joyeux ; nous rentrons chez elle. Dans le Les Français, pour le centenaire de La Fontaine, ont monde, une pareille vie, cela s'appelle faire la noce. » joué, avec La Coupe enchantée, quelques scènes du FloLe général n'insista pas...

rentin. On sait que le bonhomme écrivit cette comédie

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pour se venger de Lulli qui avait refusé de mettre en Molière au Conservatoire. musique sa Daphné.

On dit que Molière est à la mode : il ne l'est point La Fontaine ne renonça pas à l'opéra ; et son Astrée,

au Conservatoire où deux ou trois candidats à peine ont mise en musique par Colasse, le scribe et l'élève de Lulli, passé leur concours dans une scène de notre grand cofnt chantée en 1691.

mique : A la première représentation, La Fontaine quitta la

Tandis que le monde à l'envi salle après le premier acte, et s'en alla au café de Ma

S'apprête à célébrer Molière, rion, où il s'endormit dans un coin. « Comment donc,

Le Conservatoire en fait fi. s'écria un homme de sa connaissance, M. de La Fontaine

Sans doute il craint que sa manière est ici ? Ne devrait-il pas être à la première de son

L'offense d'un mortel ennui. opéra ? » Quand on vit dans la Comédie du génie, cet auteur qui

Un peu partout s'endormait dans un café-concert pendant la générale Le nouvel empereur. de sa pièce, tout le monde y voulut voir la propre his

Il est bon de rappeler de temps en temps que si l'Altoire de M. de Curel. Et M. de Curel contesta l'authen- lemagne est devenue soudainement pauvre, très pauvre. ticité de toutes les anecdotes dont il fut l'objet. Par-

pauvre au point de faire pitié aux cours sensibles, la bleu ! c'était à La Fontaine que l'histoire était arrivée !

fortune allemande n'est pas perdue pour tout le monde. Mais que M. de Curel eût fui ou non l'épreuve de ses

Le tout puissant' Hugo Stinnes dirige, à l'heure générales , sans doute n'aurait-il pas répondu comme La

actuelle, 1.340 compagnies dont le capital représente Fontaine à l'importun qui le réveillait : « J'ai essuyé

une somme évaluée à vingt-trois milliards trois cent cinle premier acte qui m'a si prodigieusement ennuyé que je quante millions de francs

. Il possède 290 usines, 230 j'ai pas voulu en entendre davantage. J'admire la pa- mines de charbon, 160 banques, des hôtels, presque tous ience des Parisiens ! >> min

les journaux influents, des fabriques de papier, des usi. imi

nes de produits chimiques, etc... G Parodies.

Que cela continue, et Guillaume, le ci-devant Kaiser, SH Yvette Guilbert a reparu sur les planches ; on l'a ac

aura été remplacé par un empereur industriel qui pourra, lamée l'autre soir au théâtre de l'Oasis, et l'on s'est rap

moment opportun, lui passer la main, tout sim

plement elé non seulement le temps des cafés-concerts, mais

winni ette dernière année de la paix, où elle nous apprit dans Esclave du devoir, salle Gaveau les plus belles chansons de France.

Le gardien du British Museum voyait ces jours derCes soirées étaient enchanteresses, à cela près qu'elles niers se présenter à la grille, un peu avant dix heures ommençaient par une conférence... Plus on aimait l'art

du matin, un visiteur qui sortait d'un simple taxi. !!Yvette Guilbert, plus on était exaspéré par l'esprit

A ce visiteur, vêtu d'un costume gris et coiffé d'un à conférencier. Un jeune étudiant qui revenait d'une chapeau de paille, le gardien fit observer que le musée ces soirées, et qui se rappelait le menuet d'Exaudet,

n'était pas encore ouvert. Et lidée d'envoyer à Yvette Guilbert

une chanson sur Soulevant son chapeau, l'étranger sourit et, philosoir de ce menuet. Elle commençait par le coupiet phiquement, fit les cent pas devant la grille, me de Favart :

Quand la porte eut tourné sur ses gonds, l'étranger

la franchit, traversa la cour, entra dans le hall et se Qui s'étend

dirigea vers les salles d'exposition.
Dans la plaine,

Derrière lui, une voix sévère l'interpella :
Reflète au sein de ses eaux

Eh ! monsieur, vous ne pouvez garder cette grosse
Les verdoyants ormeaux

canne que vous avez à la main. Veuillez la déposer au le pampre s'enchaîne...

vestiaire. Mais tandis que l'on admire

Docile, le roi Albert de Belgique car c'était lui Cette onde le ciel se mire,

déposa sa canne et entreprit la visite du musée où il Un séphit

demeura près de deux heures.
Vient ternir
Sa surface.

La « perdrix apprivoisée ».
D'un souffle il confond les traits

Voici, enfin, de bonnes nouvelles d'Irlande ! On dit
L'éclat de tant d'objets

que les prisonniers ont été libérés. Et l'on éjouie S'efface.

qu'ils regretteront leurs prisons, car les prisons sont, làAu lieu de comparer à cette eau ternie par la brise,

bas, de vrais paradis terrestres. Les bonnes histoires qui e coeur de la bergère assaillie par l'amour, la chanson

nous parviennent à ce propos rappellent d'amusantes continuait ainsi :

Copperfield,
Lourd d'esprit,

Un prévenu, ayant passé quelques jours à la prison
Noir d'habit,

de Longford, pleura de vraies larmes en apprenant Un satyre

qu'on lui rendait la liberté. Il demanda comme Trouble ainsi les doux effets

faveur d'être gardé, disant qu'il appréciait fort, pour Des jeux les plus français

son déjeuner, les « aufs au jambon », luxe qu'il n'avait Des grâces et du rire.

connu qu'à la prison. Le repos

Un autre prisonnier, Pierre Partridge, aime tellement Sur les eaux

le régime de la prison de Longford, qu'il a refusé de

partir. On l'a gardé, mais on le laisse en liberté, penPeut renaitre à votre voir :

dant le jour, et il seconde le cuisinier de l'établissement. Chasses des tendres bois

On ne l'appelle plus que Tame Partridge, ce qui se traNozière,

duit exactement par « Perdrix apprivoisée ».

Il y a quelques jours le gardien ayant oublié d'enMme Yvette Guilbert ne répondit pas au jeune étu- fermer la Pe drix dans sa cellule comme il est de règle diant

, mais, quand elle donna une nouvelle série de chaque soir, Peter Partridge en fut blessé, se rendit à vieilles chansons, par une décision motivée ou par un

la chambre des gardiens et se plaignit d'avoir été « néhasard capricieux, le conférencier fut changé.

gligé ».

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Cet étang,

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pages dc Dickens dans David

une

De Cyther

Le mystère irlandais.

son caractère pathétique et son sens. Une assemblée inexOn est assez enclin à reprocher aux Anglais de ne

périmentée se tait, lorsqu'on réplique par de tels argurien entendre à la psychologie de l'Irlande. Mais il faut ments. M. Briand, d'ailleurs, n'a-t-il pas désarmé d'abord avouer qu'ils onti une bonne excuse si on en juge par

les impatiences fébriles et les indignations factices ? certains événements.

<< Je ne vous lirai point le décret de clôture, a-t-il dit, Un jour de la semaine dernière fut marqué par la

avant de vous avoir mis à même de vous décider dans recrudescence des attentats criminels des Sinn-Feiners vos consciences. Il faut que nous nous séparions bons sur les voies ferrées du continent britannique. En riême amis, et satisfaits les uns des autres. » temps six hommes étaient enlevés, à Armagh, et fusillés On prend garde, à ce moment, qu'il y a, sur les

grasans autre forme de procès.

dins, pas mal de braves gens et beaucoup de conjurés

, la

, Mais le même jour, à l'occasion d'une visite du prince plupart sans le savoir. de Galles à Liverpool, des rues entières, des quartiers

Or, de ces conjurés-là, beaucoup sont maladroits et ne entiers étaient pavoisés aux couleurs du sinn-fein, pour savent pas très bien ce qu'ils veulent. souhaiter la bienvenue au prince héritier.

Ils sont mécontents, confusément, et pensent que les Un sinn-feiner qu'on interrogeait sur ce mystère, se

affaires devraient aller mieux et l'envie leur vient parcontenta de répondre :

fois de changer pour voir si cela n'irait pas mieux, mais L'ordre de pavoiser nous est parvenu de Dublin,

ils ne savent pas trop bien comment s'y prendre. Leur c'est tout ce que je puis dire !

opération risquerait de tourner au pire pour le pays. Faut-il s'étonner que les Anglais ne comprennent

« J'ai connu, dit un des députés les plus spirituels de point ?

la Chambre, qui regarde, sceptique, cette manoeuvre, un

homme qui jouait très bien à tous les jeux, mais il ne La chicnne bibliophile.

jouait jamais que des haricots. Ceux-là jouent mal

, et

avec candeur, et ils risquent l'avenir de la France. » Le prince de Galles est désolé. Il vient de perdre sa Certes, c'est là une chose qu'il ne faut jouer qu'à coup petite chienne, une superbe fox terrier d'un an qui résûr. Quelques conjurés ont, à la vérité, cette certitude,

. pond au doux norti de Kate. Ce qui est une façon de

cette joie qui donne une irrésistible force. L'un d'eux parler, car Kate ne répond que lorsque cela lui fait ;

passe énergique et dur, et suit du regard M. Briand la chienne du princè passe pour être très indépendante. qui quitte la salle des séances : « On n'a gagné la guerre

Dans l'espoir de retrouver Kate; on publie ses signes qu'en le renversant, dit-il. Ce n'est qu'à la même condiparticuliers : Kate a une oreille noire et porte un col

tion que nous gagnerons la paix. » sier avec une plaque de cuivre. Mais il y a beaucoup

Mais il ne prêche que des convertis. Et il sent qu'ils mieux : Kate aime les livres. Elle les dévore !

ne sont pas le nombre. Les libraires et les bibliophiles sont prévenus...

Il n'espère rien que du hasard... ou de l'avenir.

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Affaires Intérieures

Au total, personne n'a jamais cru sérieusement que

l'offensive finale contre le cabinet, qui, ne s'est pas nette Dernières séances

ment déclanchée, pouvait être suivie d'effet.

M. Briand a exposé clairement sa politique, il n'a pas « Quand on est si bien ensemble, dit une vieille chan- recueilli d'enthousiastes acclamations, car l'on sent que son de nos grand mères, on ne devrait jamais se quit- la majorité ne veut plus s'engager. Mais on sent qu'elle ter. » Les députés des bonnes provinces de France ont estime aussi que l'heure n'est pas venue de changer et de chanté cette chose charmante. Ils sont venus des villes faire une autre politique. M. Briand, qu s'était heurté et des campagnes lointaines, et ils ont fait connaissance à cette réesrve lorsque l'assemblée avait refusé, samedi dans l'hémicycle et dans les couloirs du Palais, et voilà soir, de voter tout de suite les crédits, a triomphé lundi qu'ils ne veulent plus s'en aller. Le clocher natal n'a plus Il n'a pas trouvé devant lui M. Tardieu. M. Tardieu de charme pour eux et nul ne songe aux poiriers en était intervenu plus adroitement, dans le débat sur la fleurs et aux vignes d'améthyste Seule l'atmosphère quel-liquidation de la flotte d'Etat, et avait recueilli d'unanique peu méphitique de la salle des séances les séduit. mes applaudissements en jetant sur une discussion dilUn tel amour n'est point naturel.

ficile « la magie de la clarté ». Il a eu, le lendemain, C'est ce qui fait le charme mystérieux et bizarre de ces l'art de savoir se taire, et ce n'était pas un avantage dernières séances de la session. On sait qu'il va peut- qu'il faisait à M. Briand. Ceux qui ont « questionné." être, se passer quelque chose, qu'il pourrait peut-être se. le président du Conseil ont été d'abord M. André Berpasser quelque chose, et, pourtant, qu'il ne se passera thon et M. Blum, mais ceux-là n'étaient pas dangereux

, rien. On sait que les adversaires du cabinet' ont tenu à car les principes de l'Assemblée lui interdisent de les gagner une semaine, un jour, une heure, une minute, et suivre, même s'ils ont mille fois raison que pour assouvir leurs haines, leurs ambitions, leurs dé- pas le cas. Ce fut aussi M. Soulier, dont les tendances ne sirs, ou simplement pour apaiser leur conscience et dé- sont point douteuses, mais dont la dialectique savante gager leur responsabilité, ils ont compte sur cette der- ne porte ses fruits qu'avec le temps. Et ce fut enfin nière semaine, sur cette dernière heure, sur cette dernière M. André Lefèvre qui a, comme tous les apôtres, ses seconde. Mais on sait que ceci ne leur donnera rien, parce fidèles, mais qu'on sent trop résolument rebelles à toute qu'ils comptent simplement sur le hasard, et qu'en la discipline dans la conduite d'une opération. Et il se circonstance, le hasard ne saurait les servir.

glorifie d'être ainsi. Sans doute il y a des assemblées qui votent la mort dans l'âme, et qui gardent ensuite pendant des années

M. Briand ieur a répondu à tous sur la Cilicie, sur la rancoeur de leur faiblesse. Tout à l'heure, lorsque magne et sur la Haute-Silésie. Nous n'abandonnerons

l'armée du Levant, sur la politique vis-à-vis de l'AlleM. Briand rappelait l'abandon, par les Alliés, de la poursuite des coupables et que des grondements mena

point la Syrie, non pour la coloniser, mais pour y maincants se faisaient entendre par les travées... « Est-ce donc

tenir l'influence française. Nous ne pouvons nous retirer mpi leur rappela le président du Conseil, ma faute, à

de Cilicie tant que des bandes armées infesteront nos je n'étais pas au pouvoir. On vous a mis au courant, alors, tude sur le Rhin, garantie de notre sécurité, et nous ne et vous n'avez rien dit. » Ce sont ces mouvements-là qui donnent à la séance

renonçons point au gage éventuel de la Ruhr, encor que le gouvernement du chancelier Wirth, pour fragile

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ce qui n'était

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