SOMMAIRE : 1 L'anglais langae diplomatique: JULIEN BENDA La Musique. ON 557 ) « L'enlèrement au sérail »; « Le mariage de TéléBditorial i SERGE ANDRÉ N 559 571 Ce qu'on dit.. 559 Les Arts, Du quai Malaquais au Salon d'automne : JEAN-LOUIS Attalres Intérieures. VAUDOYER 572 Les affaires d'Alsace et de Lorraine et le commissa Enquêtes. siat général : TRYGÉE 563 Enquête sur la situation financière (II) : JEAN LABADIÉ 574 Visites. LERON 577 Notes et Figures. Chronique Internationale. 566 Le prix Nobel à Anatole Fraice : ALBERT THIBAUDET 578 567 Feuillets de la Semaine. 1 La Littérature, Lettres 579 Une nour'etle histoire de la littérature médiévale : Arts : ROBERT REY 568 Economique : ROBERT FABRE = Lo Théâtre. Co qu'on lit, .... Les faits de la senalnc. 583 580 581 582 582 ent 剛剛 Je vois Aprendre L'anglais langue diplomatique Notre distingué confrère nous dit encore qu'une des raisons de nous résigner, c'est qu'aujourd'hui « il n'y Notre rédacteur en chef a reçue de M. Julien Benda a plus d'Europe, il y a la planète entière » et que « la la lettre suivante que nous sorrines heureux de publier : place que la France et la langue française occupaient dans l'Europe du dix-huitième siècle, l'Angleterre, la Mon cher ami, race anglo-saxonne et la langue anglaise l'occupent auque la perte pour le français de son privilège jourd'hui sur la planète ». On a souvent dénoncé la bisode langue diplomatique, l'adjonction qu'on lui fait de décadence de la philosophie allemande, qui, autrefois, l'anglais, n'affecte pas également tous nos concitoyens. avec Hegel, n'avait d'estime pour les nations de l'hisM. Albert Thibaudet, dans un récent article d'ailleurs toire qu'en raison de leur civilisation, nullement de leur fort suggestif (1), en prend son parti et nous convie à le étendue, abaissant l'empire romain devant Athènes et comme d'une chose, en somme, légitime. J'ose la Chine devant la plus petite république italienne, et dire que ses raisons m'étonnent un peu. qui maintenant, avec Ratzel et Lamprecht, tient en Nous devons, déclare notre confrère, supporter la pro honneur les « empires de l'espace ». On se demande motion au rang de diplomatique d'une langue que par- parfois si ce mouveinent n'aurait pas irradié de notre ent cent cinquante millions d'hommes, alors que cin côté du Rhin. Quante millions à peine emploient la nôtre. J'avoue que dette conception, qui admet que le choix de la langue a plus convenable à des débats intellectuels soit fondé ur le nombre de ceux qui la parlent, me semble inatten Au surplus, si c'est le nombre de ceux qui la parlent, la masse des affaires qu'elle brasse, l'étendue des terres Hue d'un homme de lettres. qu'elle régit qui doivent déterminer le choix d'une Du moins, ce criterium est-il, en quelque mesure, ntellectuel. M. Thibaudet plaide la cause de cent cin langue diplomatique, il y a longtemps que la nôtre au rait dû perdre son privilège; l'Angleterre depuis le dixjuante millions d'hommes qui parlent l'anglais, mais huitième siècle, l'Allemagne pendant près de cinquante urtout qui le lisent (encore que la lecture dont il fait ans avaient tous les titres voulus pour le lui arracher. getat soit de journaux et de romans). Mais où je de Pourtant elles ne le faisaient pas; elles n'y songeaient neure confondu, c'est quand notre confrère nous prêche même pas. Une fois de plus, c'est à l'heure où sombre l'admettre l'anglais comme langue diplomatique parce que « la inasse qui le parle occupe les régions les plus une institution qu'en apparait toute la beauté. C'était beau lorsque, aux congrès de 1815, de 1871, de 1873, des fiches du globe », parce qu'il est « la langue du com nations toutes-puissantes et d'étendue immense adopmerce mondial ». Est-ce un écrivain que j'entends ? ou taient, pour causer, la langue d'une autre plus petite M. Poirier ? et plus faible mais dont la civilité leur semblait supé(1) Publié dans l'Opinion du 12 novembre. rieure. C'était beau cet effacement de Caliban devant х Ariel. Quelle hauteur de civilisation tombe avec cette suis convaincu, persiste à la sentir. Mais cette sensibilité coutume! passe maintenant, chez lui, après l'orgueil national. M. Thibaudet compare l'anglais, s'adjoignant au français comme langue politique, à un petit frère qui nous viendrait et auquel nous devons faire bonne figure. Je Il s'agit toutefois, ici, d'une forme particulière de le comparerais plutôt à un grand frère qui depuis long- l'orgueil national et assez récente dans l'histoire. La re temps nous cédait le pas malgré notre infériorité physique mais par sentiment de notre valeur spirituelle, et tôme de plus de cette volonté qu'ont maintenant les qui un matin déclarerait : « Après tout, je suis plus nations de se signifier dans le monde par l'affirmation grand que toi; j'en ai assez de te respecter ». de leur culture, de leur âme spécifique. Je l'avoue : ce qui n'attriste en cette affaire, c'est On peut dire que, jusqu'au siècle dernier, les nations moins la perte d'un privilège français que la disparition ne songeaient à se poser, vis-à-vis des autres et d'ellesdans le monde d'un grand hommage de la force à l'es- mêmes, que par des valeurs temporelles (étendue de terprit, d'un haut symbole d'élégance morale. ritoires, puissance des armes, richesse des villes, etc..) L'idée de s'affirmer, surtout dans leurs rapports réciX proques, par leur valeur spirituelle, leur venait si peu M. Thibaudet croit devoir se retenir de reconnaître qu'on ne compte plus les cas de nations admettant dans leur sein des cultures étrangères et même les révérant : à notre langue une supériorité intrinsèque ; il craint de Rome s'inclinant devant l'hellénisme, les souverains gerressembler au hibou plaidant pour la beauté de ses petits. C'est là une preuve de plus que la passion de maniques devant la civilisation romaine, Louis XIV tolérant en Alsace l'emploi de la langue allemande, et.com l'impartialité peut être une source d'erreur tout comme On voyait même des nations accueillir la culture de celune autre passion. La valeur du français, comme organe les qu'elles combattaient : par exemple, au Xvir siède de la diplomatie, de la conversation, de l'amitié, en un les petits Etats de l'Allemagne, pendant leurs guerres • mot des rapports civils entre humains, est si peu une avec la France, adopter plus que jamais nos modes et illusion de notre chauvinisme qu'on ne compte plus les notre littérature. On peut dire que, durant vingt siedes , étrangers qui l'ont proclamée. C'est une plume d'outre la conscience des nations, jusque dans leurs chocs réciRhin, c'est un docteur de Saxe-Cobourg qui écrivait, en 1667, que, « de même que le latin est la langue des proques, n'était faite que du sentiment de leur être ma tériel. lettres et des sciences, le français est la langue de la politique ». Charles-Quint disait déjà : « Je parle fran Au siècle dernier tout change. Du fait que le senti. çais à mes amis », et M. Ferdinand Brunot a trouvé ment de patrie descend dans les couches profondes des dans un manuel allemand de 1710 ce dicton : « Avec nations, celles-ci se mettent à se sentir, non plus seuleles dames il faut parler français, c'est-à-dire aimable- ment dans leur être matériel, mais dans leur être moral; ment et amicalement » (le dicton ajoute : « avec l'ennemi elles se mettent à s'affirmer dans l'étreinte de leur lanon parle allemand ». C'est, de notre part, faire cuvre gue, de leurs écrivains, de leurs artistes, de leurs philo d'observateur, nullement de patriote forcené, que de sophes. Inaugurée formellement par l'Allemagne en reconnaître la politesse en quelque sorte matérielle de 1813, avec Fichte et ses Discours à la nation allemandu notre langue, le merveilleux affranchissement où elle portée par elle on sait à quel ton en 1870 et depuis, cette su 'atteindre de tout ce que l'articulation humaine nouvelle conscience nationale s'est propagée à toute comporte naturellement d'agressif et donc d'antisocial, l'Europe ; en particulier chez nous, depuis cinquante surtout l'admirable libéralisme, si l'on ose dire, qui se ans, (grandement par réaction contre nos voisins), l'affirtrouve inscrit dans sa syntaxe. Voltaire ne fait qu'une mation de la France et de ses aspirations temporelles est constatation objective quand il note la civilité qu'exprime devenue inséparable de l'exaltation de son âme et de ses la disparition, dans notre prononciation, de tant de produits. Combien grave est ce changement surveru dures consonnes, quand il dit : « De lupus on avait fait dans la conscience des nations, quel accroissement 1 loup, et on faisait entendre le p avec une dureté insup donne à la surface de l'orgueil national et, par suite, à portable. Toutes les lettres qu'on a retranchées depuis sa susceptibilité, quelle profondeur de passion toute dans la conversation, mais qu'on a conservées en écri- nouvelle il porte dans l'exercice du patriotisme, quelle vant, sont nos anciens habits de sauvages » ; ou encore âpreté dans la lutte des peuples, on l'a vu pendant cing quand il déclare qu'en remplaçant aimoient, croyoient années et cela ne fait que commencer. La poignante par aimaient, croyaient, nous avons substitué « un lan- prédiction d'Ashley Bell dans l'Aube ardente se réalise: gage d'hommes à un croassement de corbeaux ». De « Les patries seront alors véritablement ce qu'elles doimême Proudhon ne fait qu'émettre une vue juste vent être, ce qu'elles ne sont pas encore : des personnes singulièrement profonde — dans ces lignes enflammées : Elles éprouveront de la haine ; et ces haines causeront « Le français est la forme la plus parfaite qu'ait revêtue des guerres plus terribles que toutes celles qui ont été le verbe humain. Une articulation nette, ferme, posée, vues jusqu'ici » parce qu'elles seront des guerres de débarrassée des sons gutturaux, des sifflements, de tous personnes. ces jeux de larynx dont se compose le choeur de l'ani- L'Angleterre semblait avoir échappé un malité bêlante, mugissante, grognante, soufflante, hur-changement, être restée assez romaine, se contentant de lante, miaulante et croassante : une prononciation, enfin, valoir dans le monde par sa puissance de fait, laissant comme les anciens la rêvaient pour les dieux ; qui par- au continent plus chimérique la rivalité des cultures laient sans grimace, ore rotundo ; voilà ce qui distingue Le geste qu'elle vient de faire prouve qu'elle est gagnée, notre langue parlée... Quant à la grammaire, une correc- qu'elle entend, elle aussi, compter par sa langue par tion sévère, la limpidité du diamant ; une phrase qui, son âme. sans exclute l'inversion, va de préférence du sujet Mais que dites-vous du sarcasme du sort qui veut à l'objet; du moi au non-moi, image vivante de la sou- que cette accession d'un des plus grands empires à ai veraineté de l'esprit sur la nature, par suite de l'indé- si grave surcroît d'orgueil national se produise à l'occapendance de l'homme vis-à-vis de l'homme. >> sion d'un Congrès pour la paix ? Dieu se désintéresse Notre confrère nous oppose les corruptions du français peut-être du monde, comme voulait la sagesse antique ; actuel, les barbarismes qui y foisonnent. Le fait est mais certainement pas Satan. hélas ! indéniable; mais n'en exagérons pas l'importance. Votre dévoué L'essence de notre langue demeure et l'étranger, j'en JULJEN BENDA a et peu à a CE QU'ON DIT A res Pour fêter la paix! C'était dimanche, rue Royale, non loin de la Madè leine. Le dernier coup de canon venait de sonner aux H! s'il y avait dans la bourgeoisie un scandale Invalides... analogue à celui qui s'épanouit en ce moment Tout de même, dit un badaud, cela vous rappelle dans les milieux socialistes, qu'est-ce que di- les berthas et les gothas : on pourrait bien trouver un raient les journaux démagogues! autre signe de réjouissance! On se rappelle l'histoire ; nous l'avons contée tout au Un bruit sec lui fait écho. Les passants ne s'arrêtent long dans le numéro du 22 octobre. Zalewsky, envoyé point : sans doute un pneu qui éclate. Une seconde dédes Soviets pour la propagande en France, fut incar- tonation. Le flux des passants s'arrête hésitant et puis céré à la Santé. Il y rencontra Paul Meunier, à qui il repart. conta que les fonds versés par lui à divers communistes, Un optimiste sourit : « Jamais deux sans trois! » ceux-ci les avaient gardés pour eux au lieu de les verser Et comme pour lui donner.raison un troisième coup dans la caisse du parti. Paul Meunier raconta à son partit. Alors les gens commencèrent à s'affoler. Les uns tout ce que lui avait dit Zalewsky: de là le scandale. s'enfuirent, en panique. D'autres coururent vers le lieu Naturellement, les communistes accusés protestent, les du drame; deux hommes gisaient sur le trottoir, une anticommunistes jubilent et les spectateurs s'amusent. dame blessée gagnait une auto. Trois des communistes qui avaient révélé le pot aux Le drame fut simple et vite effacé. Un quart d'heure roses et qui accusaient les chefs ont été exclus du parti : après il n'y avait plus que des traces d'eau sur le trotil est plus, commode, en effet, d'excommunier ses accu- toir, et les promeneurs dominicaux passaient ignorants sateurs que de se justifier. Et jusqu'à présent les chefs et indifférents. soupçonnés n'ont répondu que par des injures et se sont abstenus de toute explication. C'est qu'apparemment elles sont bien difficiles. Notons d'ailleurs que l'un des Chez ceux qui règnent. accusateurs déclare qu'il refuse de comparaitre devant De l'autre côté de la grande mare. la commission des conflits, parce que tous ceux qui la composent ont touché de l'argent. La délégation française à Washington commence à Quoi qu'il en soit, il y a certains faits dont on aime donner de ses nouvelles. Elles sont excellentes. La trarait d'avoir l'explication. Zalecusky a été remis en liberté versée s'est fort heureusement passée. Le mal de mer lors de l'acquittement qui a terminé le procès des com n'a point fait trop de victimes. M. Briand, à bord, n'a im munistes. Or, cet acquittement remonte au 18 mars, et pas pêché à la ligne comme le bruit en a couru. Il a ce n'est que le 4 mai que Zalewsky fut l'objet d'une fumé d'innombrables cigarettes, lu des romans et joué ordonnance de non-lieu. Dans l'intervalle, René Rey. aux cartes. Et il disait au docteur Chatin : naud, messager de Zalewsky en Russie, avait été arrêté Quand la politique ne voudra décidément plus de à la frontière française, et des papiers compromettants moi, je demanderai à être capitaine au long cours. Peutavaient été trouvés sur lui. Précisément, le 5 mai, Marcel être m'acceptera-t-on en qualité d'ancien pilote du vaisCachin - qui pourtant ne manque guère les occasions seau de l'Etat. de manifester son antimilitarisme conseillait aux Lequel est le plus difficile?... conscrits communistes de rejoindre leurs corps. Et quelques jours après, il renonçait à une interpellation annoncée à grand fracas. Ces rapprochements de dates Quant à M. Viviani, il a pour ne pas en perdrė l'hadonnent à penser. bitude, un peu juré contre le brouillard et le roulis, mais Notons d'ailleurs que, si beaucoup de socialistes sont il est lui aussi très satisfait. Ce n'est d'ailleurs pas son indignés de songer que les chefs comministes ont rangé premier voyage en Amérique et il y est un peu chez lui. dans leur propre caisse l'argent rüsse au lieu de le ver- A Washington, on a beaucoup remarqué son attitude ser à la caisse du parti, personne parmi eux (ou peu s'en recueillie pendant la prière qui précéda l'ouverture de faut) ne parait seulement étonné du fait qu'un parti la séance inaugurale. français est subventionné par l'étranger. Cela, on ne Comme il a l'air pieux, disait un sénateur amésonge pas même à le dissimuler : on le proclame. Curieux ricain. Jamais on ne nous fera croire que c'est cet , tout de même. homme-là qui voulait « éteindre les étoiles ». Pauvres bourgeois ! J'entends d'ici les clameurs des mum démagogues au cas où on aurait découvert que quelque Curzoniana. brebis galeuse, mais capitaliste, aurait trempé dans une affaire malpropre. Etre communiste, c'est probablement Lord Curzon, le ministre britannique des affaires avoir le droit de tout faire : l'étiquette couvre tout. étrangères que la convention franco-kemaliste a mis de On vient d'apprendre que Trotsky a souscrit pour si méchante humeur, est un personnage assez infatué de 200 millions de roubles dans une société anonyme fondée ses talents qui sont réels et de sa noblesse qui à Moscou. Vive le pur, le vertueux Trotsky ! crient nos n'est pas fort ancienne. gogos écarlates. Tout de même, à nous, cette façon de On cite de lui, au Foreign Office, d'innombrables i comprendre le communisme nous semble surprenante, traits d'une vanité un peu puérile. Voici le dernier : Les communistes accusent les bourgeois d'avoir été Lord Curzon, qui, en premières noces, avait épousé i les profiteurs de la guerre (oubliant que, comme M. An- une belle Américaine fort riche, s'est, devenu veuf, redré Lichtenberger le fait si bien voir dans le dernier nu marié à une seconde Américaine, non moins gracieuse méro de la Revue des Deux Mondes, c'est tout au con et encore plus fortunée. Ce qui n'empêche pas le noble traire la bourgeoisie qui a eu le plus de morts et qui a marquis d'estimer qu'il a fait à l'une et à l'autre beaule plus matériellement souffert). Mais nos démagogues, coup d'honneur. Et, lors d'une récente réception offieux, n'aspirent qu'à devenir les profiteurs de la révo: cielle, on l'a entendu dire, de ce ton sentencieux qui lution ; et, faute de mieux, ils se contentent pour le n'appartient qu'à lui, sa deuxième épouse étant d'ail , moment d'être les profiteurs de l'agitation. Les malheu leurs présente : reuses victimes qu'ils entraînent derrière eux finiront Je me suis mésallié deux fois. peut-être par ouvrir les yeux, et nous verrons alors un II est vrai qu'il ajouta aussitôt après : magistral coup de balai. On attend le vacuum cleaner. Et deux fois, j'ai été parfaitement heureux. SERGE ANDRÉ. Les invités étaient génés... Х de sence.. Petits profits. Quelle ne fut pas sa déception, en apprenant de l'édiCet économiste distingué s'est fait élire membre de teur qu'il devait s'adresser à Mme X..., cx-directrice des l'Institut puis, aux dernières élections, sénateur de la postes à S...-sur-Orge. Seine. Il est à la tête d'une fortune considérable et peut Depuis ce temps-là il fait fi de toutes les baronies et se rendre la justice d'avoir bien fait fructifier les capi de toutes les belles manières ; il ne veut plus se marier ; taux paternels. Aussi le Sénat s'honore-t-il de le compter il cultive ses choux, en bourgeois misanthrope. parmi les membres de sa commission des finances. M. Raphaël-Georges Lévy était tout dernièrement rapporteur du projet de loi faisant du 11 novembre un Pendant la Révolution, les émigrés. qui se trouvaient jour férié. Son éloquente argumentation fit repousser en Angleterre y gagnèrent leur vie comme ils parent, le projet de la Chambre, et lui valut dans les couloirs exerçant toutes espèces de métiers. la réputation d'un inflexible partisan du travail et des Les uns donnaient des leçons de danse, d'autres enseiéconomies. gnaient le français, d'autres encore assaisonnaient de la Samedi dernier, ses confrères de l'Académie des salade. sciences morales le féliciterent, avant la séance de leur Par suite des changements apportés par la guerre dans compagnie, d'avoir si bien défendu les saints principes. l'ordre des fortunes, on cite aujourd'hui tel fils de lord Puis on passa dans la salle des séances. Justement, qui est un véritable « émigré » dans son propre pays. le secrétaire perpétuel annonçait que conformément à Pour vivre, tout comme les Français du XVIIIsiècle, l'usage suivi par toutes les Académies depuis leur fon- il a dû chercher quelque emploi lucratif et... il l'a trouvé. dation, la Compagnie ne siégerait pas le 31 décembre, Il la trouvé chez un « nouveau riche, qui s'est installé qui tombe un samedi. dans Mayfair – le quartier le plus aristocratique de M. Raphaël-Georges Lévy bondit. Londres et qui prétend y faire figure. Ce nouveau Pourquoi prendre des vacances ? s'écria-t-il. Ce M. Jourdain s'est dit qu'il lui fallait prendre des len'est pas le moment de donner le mauvais exemple. Le çons de belles manières, mais plus avisé que le bourgeois pays a besoin de travailler. gentilhomme de Molière, au lieu de payer plusieurs maiIl était plein de son sujet. Ce fut une réédition de son tres qui se peuvent disputer entre eux, il a préféré d'en discours au Sénat, et de son succès. Car l'Académie, sub- tenir aux seules leçons du noble lord qui pour deux mille juguée par tant d'éloquence, décida de rompre avec la livres sterling de traitement annuel ordonne dîners, dantradition et de tenir séance le 31 décembre. ses, soirées, réceptions. Le noble lord a fait plus encore.. Mais, de méchantes langues disaient à la sortie de Il a introduit son élève dans les salons où lui-même l'Institut : avait accès. Vous comprenez. Il est bien certain que personne S'il n'est pas mamamouchi, ce nouveau riche est lancé ne viendra le 31 décembre, personne si ce n'est les tra- désormais et c'est tout ce qu'il voulait. vailleurs entêtés, qui encaisseront le fort jeton de pré x Les Anglais qui ne peuvent se payer un professeur Potins de la Chambra. de bon ton, peuvent acheter du moins, un guide du M. Néron, député de la Haute-Loire, est volontiers savoir-vivre, qu'une grande maison d'édition anglaise familier avec ses électeurs et passe ses vacances au milieu vient de publier sous le titre de Livre de l'Etiquette. d'eux. Il ne manque jamais notamment d'aller aux Voici une des recommandations essentielles de cet foires, très fréquentes et très suivies dans ces montagnes ouvrage : du Velay. « Il est préférable, lorsqu'on rend une visite, de A Pradelles, en pareille occasion, un paysan demande n'emmener avec soi ni chien, ni enfant. à un autre : « Les enfants, outre qu'ils risquent d'entendre des Est-ce que M. Néron est venu aujourd'hui ? choses qu'ils doivent ignorer, sont susceptibles de faire Oui, oui, il est ici. des remarques fâcheuses. Où est-il ? je voudrais lui parler. .« Les chiens peuvent créer bien du désordre en jouant T'iens, il est là-bas au milieu des cochons, tu le avec les coussins. Ils nécessitent aussi de la part de reconnaftras, il a une casquette. leurs propriétaires une attention constante, qui n'est pas mm sans nuire à la conversation. » Chez ceux qui dansent. Chez ceux qui plaldeat. Les leçons de belles manières. Encore un mot de Landrú. Il n'est pas nécessaire d'être noble pour enseigner la noblesse. Mais comment s'en serait-il douté, ce gros On ne prête qu'aux riches — mais celui-là est authenépicier qui apprenait chaque jour par coeur un chapitre tique : des Règles du Savoir-Vivre ? Il avait pour l'auteur de Lorsque l'ogre de Gambais fut transféré de Paris son livre de chevet un culte religieux, une reconnaissance à Versailles, il causa dans le train avec le directeur de infinie. Il s'imaginait la baronne S..., jeune et jolie, le la police judiciaire qui s'était fait un devoir de l'accomregard un peu hautain, la main fine, et ce je ne sais quoi pagner. La conversation tomba sur les juges d'instrucdans toute sa personne qu'il espérait acquérir peu à peu tion. Landru en a connu plusieurs. Il les apprécia. Puis et qui marque les êtres bien nés. venant à M. B. : Or, ce gros épicier s'éprit un jour d'une jeune veuve, - M. B. ? Peuh ! fit-il, beaucoup de bruit, peu de qui avait un titre de noblesse, et qui ne faisait pas mau besogne. A sa place, il y a longtemps que j'aurais vais visage aux deniers de son amoureux. Il songea qu'il obtenu de moi des aveux ! pourrait l'épouser, et travailla son livre avec une fureur nin croissante. A la manière de Landru. Mais quand vint le temps des fiançailles, il n'en fut pas moins embarrassé. Il trouvait dans le livre mille « Instruit, bien élevé, d'une taille élégante et d'une détails inutiles, et ne pouvait y découvrir le nécessaire physionomie pleine de noblesse et de beauté (il] passait Il décida d'écrire à la baronne S..., afin de lui demander sa vie en romans d'amour. Mais ses romans ne diraient conseil. guère plus d'une semaine. Il s'était abonné aux Petites les achète pas. x affiches et c'était là qu'il cherchait les héroïnes de ses d'autographes les chèques signés de lui à un prix bier sonians. Il prenait le nom et l'adresse des dames de plus élevé que leur valeur nominale. compagnie, des dames de confiance et même des cuisi uuuuuu nières à placer. Les journées suffisaient à peine à toutes Publicité. ses visites dans les faubourgs et dans les mansardes, et pendant huit jours il était le des Grieux de ces Manons On ne lit plus les poètes; à plus forte raison on ne de rencontre. Il leur choisissait un nom : il leur improvisait une toilette ; c'étaient quelquefois des toilettes épuisa, pour son début, tout son stock. Il est vrai qu'il Aussi mérite-t-il un grand respect, cet adolescent qui 3r de deuil.. » C'est de Landru qu'il s'agit, n'est-ce pas ? Point du s'y prit d'adroite manière et ne craignit point de se tout. Mais d'un étranger riche et généreux qui vivait promener des nuits entières de café en café, en décla mant solennellement ses tendres rythmes. do à la fin de la Restauration, et dont le docteur Véron o raconte l'histoire dans les Mémoires d'un Bourgeois de Sa récitation finie, le troubadour s'insinuait parmi les . tables, proposant aux auditeurs son opuscule que rareParis. ment on refusait de prendre. Il est vrai que ce charmant homme « meublait » à zi chacune de ses belles « un appartement de petite bour C'est ainsi que M. Edme Goyart récolta de Mont1 geoise ». Landru, lui, les déménageait. martre à Montparnasse une petite façon de fortune. dos Il est vrai que ce charmant homme, pour en finir, « les Il ne s'agit, n'est-ce pas, que d’être ingénieux. e laissait ld ». Ah ! pourquoi Landru ne se contentait-il a pas de les laisser là ?... Voici un écrivain qui ne l'est pas moins. Comme plusieurs de ses congénères, il faisait à Paris La revanche du locataire. le commerce des diamants. Quand il y eut gagné d'ail leurs force argent, il se découvrit une âme de lettré, et Un propriétaire d'Arras avait loué son immeuble 500 il écrivit, comme tout le monde, un roman ou plutôt franos par an. Contraint de demander une partie du un recueil de nouvelles. Dès les premières pages on est di? local pour y habiter, il fut autorisé par le locataire édifié et sur la syntaxe disons douteuse -de l'auu moyennant un loyer de 1500 francs. teur, et sur le ton un peu - mettons égrillard de Le propriétaire gémit. Le locataire s'obstine. Et les son cuvre. juges artésiens diront bientôt s'il y a là spéculation illi Et voici comment il a imaginé de lancer son cuvre. di cite sur les loyers... Dès qu'il écrit une lettre, il colle sur le verso de l'enveloppe une vignette représentant en fac-similé la couver ture de son livre. On y voit son nom, le nom et l'adresse Au pays des Muses. de l'éditeur et un signe cabalistique où un serpent lu tine un triangle. Une devise « Tout pour et par l'amour » De la Jungle à Paris. entoure la figurine. Rudyard Kipling est à Paris, où il vient recevoir le M. Elie L. Menasché espère que chacun de ses cortitre de docteur. Docteur, honoris causa ; car Kipling respondants deviendra un lecteur des contes de l'Inde cruelle. Il connaît l'art de la réclame. N'a-t-il pas fait d'en ble s'instruisit pas sur les bands de l'Université. On ne teissait guère que l'illustre écrivain fit ses débuts dans la fortune déjà dans une autre branche de l'industrie? presse, en Amérique. wan Un matin de l'été 1880, un jeune homme solidement Coups de Becque. bâti, d'environ vingt-quatre ans, avec des sourcils en Dans un de ses derniers numéros, l'O pinion rappelait broussailles, un accent britannique, des vêtements d'une incidemment l'anecdote des deux Dumas, Alexandre et + Coupe étrangère, entra dans les bureaux de la San Fran Paul. cisco Chronicle et y obtint une situation. Pendant deux ou trois semaines, il donna exactement sa copie ; il C'est Alphonse Karr le premier qui a rapporté le écrivait lentement, avec une plume qui semait" l'encre dialogue des deux homonymes, dont le héros fut, d'après l'auteur des Guépes, non point Paul Dumas, dejautour de lui. Ce reporter, c'était Rudyard Kipling. Le chef des informations l'envoyait aux enterrements mais Adolphe Dumas. La rencontre des deux Dumas aurait eu lieu à la première représentation du Camp iziet lui faisait écrire des articles nécrologiques. Il eût ot des Croisés d’Adolphe Dumas, cette pièce où les ennepréféré, selon son propre avcu, faire le compte rendu mis de l'auteur prétendirent avoir entendu ce vers : d'un combat de coqs ; mais il visitait avec intérêt la ville et trouvait du plaisir à se promener dans le quartier Et sortir de la vie comme un vieillard en sort, chinois « Monsieur, dit Adolphe à Alexandre, pardonnez-moi Kipling ne demeura pas longtemps attaché à la Chro- de prendre un peu de votre place au soleil, mais il peut nicle. Trois semaines environ après son arrivée, il prit bien y avoir deux Dumas comme il y a eu deux Corpart à une expédition de pêche et ne revint pas. Mais neille. on apprit longtemps après que le jeune reporter était Bonsoir Thomas, répondit Alexandre en s'éloidevenu l'une des gloires littéraires de Londres. gnant avec des airs de matamore. » 2202 S: , Kipling ne connut pas tout de suite sa renommée. C'est sans doute cette anecdote qui donna à Henri Il avait l'habitude de ne jamais porter d'argent sur Becque l'idée de son épigramme sur les deux Alexandre lui et de régler tous ses achats par des chèques. Ce Dumas, le père et le fils : pendant il avait quelque surprise, car il avait beau épui- Comine il fut deux Corneille il y a deux Dumas, ser ses carnets de chèques, son compte en banque restait Mais aucun d'eux n'est Pierre et tous deux sont Thomas. toujours le même ! Ce mystère intriguait fort l'auteur de la Jungle. Becque avait l'esprit mordant : Se souvient-on de Mais un jour il découvrit chez un de ses hôtes deux ces deux épigrammes qui lui sont également attribuées : chèques signés de lui, soigneusement encadrés et accro SUR JOSÉ-MARIA DE HÉRÉDIA. chés dans la bibliothèque. Et ainsi Rudyard Kipling Monsieur de Hérédia est un homme qui compte : apprit que les commerçants vendaient aux amateurs Il a fait un ou deux sonnets de plus qu'Oronte. |