de pitié ni de regret, il approuve le geste de Mme Ville- Les Arts roy. Elle a fait ce que j'aurais fait à sa place, affirmet-, elle peut compter sur moi pour la faire acquitter. Du quai Malaquais au Salon d'Automne (1) il se de pendant toute cette horrible aventure. Vincelon le regarde. - II avec dégoût et tâche de lui faire comprendre que son attitude est répugnante, ils se quittent brouillés. Comme Il y a, depuis quelques années, un académisme indéBerton adorait sa femme, il ne peut concevoir qu'il ait pendant Les jeunes peintres, fatigués des libertés de pú avoir malgré cela, ou à cause de cela, des torts sé- l'impressionnisme, ont éprouvé, comme on sait, le besoin rieux. Il n'a jamais eu conscience de sa brutalité, ni de d'obéir à des lois, de suivre une « discipline ». Mais, en la tyrannie qu'il exerçait sur elle ; elle l'a trompé, il est art, une discipline ne vaut que par l'individu qui la crée vengé, il ne veut rien regretter. ou qui la subit, et plus une discipline esthétique est Au second acte, dans une chambre toute gaie et tout stricte et aisément formulable, plus elle aura de chances ensoleillée, à Beauvallon, nous voyons une petite femme, d'appauvrir, de stériliser ceux qui s'y conforment avec Suzette, emmenée là par Berton qui cherche à se dis-servilité. Rien de plus morne, de plus creux que les traire. Malgré toute sa volonté, i souffre et ne peut résultats de la discipline michelangelesque ou raphaechasser le souvenir de Jacqueline. C'est à Beauvallon lesque en Italie ; rien de plus inerte que la discipline qu'il est venu avec elle après l'avoir épousée, c'est là qu'il qui momifie les élèves de David, ou les Canoviens, ou revient avec Suzette. Celle-ci lui plaît, c'est une fille et, les Ingristes. Et cependant, à ces différentes époques, cependant, il lui offre ce qu'elle voudra si elle consent les artistes même médiocres possédaient une science à rester avec lui. Elle refuse, timidement d'abord, avec acquise qui fait aujourd'hui défaut à la plupart de ceux décision ensuite. Pourquoi? parce qu'elle a peur, peur qui prétendent peindre ou sculpter. Au siècle dernier de Berton, de sa violence, de sa brutalité, de son despo- encore, on apprenait dans n'importe quel atelier un tisme qui s'exerce dans les moindres petits faits. Il rudiment, une pratique que nos contemporains, de leur l'écoute stupéfait, et, tandis qu'elle parle, on sent le re- propre aveu, sont forcés d'apprendre eux-mêmes, ou, virement qui s'opère en lui, il réfléchit , il songe à sa sinon d'apprendre, du moins de deviner ou d'inventer. conduite envers Jacqueline; elle aussi avait peur de lui, on pourrait citer les noms de quelques-uns des meilleurs mais elle n'osait pas le lui dire, elle était malheureuse artistes d'aujourd'hui qui ont été obligés de se débattre sans qu'il s'en soit jamais aperçu, sa conduite s'explique tout seuls, jusqu'à trente-cinq ou quarante ans, pour et même s'excuse, elle n'était presque pas coupable et parvenir à se procurer un moyen d'expression, une sécucependant elle est morte... et toute sa passion pour elle rité purement matérielle que le moindre « bleu » d'ate l'envahit de nouveau, il la regrette, il s'accuse, tandis lier acquérait jadis presque mécaniquement de ses que Suzette continue sur le seuil de la porte, de lui dire aînés, comme l'apprenti ébéniste apprenait à sculpter le en tremblant pourquoi elle le quitte. bois, ou l'apprenti ferronier à forger le fer. Cet appui Troisième acte. Berton, rentré chez lui, a prévenu Vin initial, personne ne le trouve plus nulle part aujourcelon de son retour et se réconcilie avec lui. Celui-ci a d'hui, sinon peut-être quelques élèves directs et priviapporté un pastel qu'il fit jadis de Jacqueline, ils re légiés qui travaillent près d'un Maurice Denis ou près gardent tous deux le portrait de la morte lorsqu'on an d'un Bourdelle. Mais il va sans dire que si ces élèves nonce Mme Villeroy. Vincelon s'éclipse, Berton la reçoit. ne possèdent pas à leur tour une personnalité suffisante, Elle vient, sous prétexte de le remercier d'avoir, par son ils ne feront pas autare chose que de répéter en l'affaitémoignage, obtenu son acquittement, à la vérité pour blissant ce que leurs maîtres ont dit devant eux. se rendre compte des sentiments qu'il éprouve pour Vil Aux grandes époques, les maîtres ont des disciples; leroy qui est malade en Suisse et savoir si son mari peut, aux époques confuses, les maîtres n'ont plus que des sans danger, rentrer à Paris. Et tandis qu'elle parle imitateurs. Ce qui s'est passé à cet égard pour Cézanne égoïstement et sottement, qu'elle ose rappeler son geste est très frappant. Aux indépendants, au Salon d'auet semble demander qu'on lui en fasse compliment, elle tomne, dans maintes expositions particulières, nous ne sent pas la fureur de Berton monter, monter... Vîmes cent et cent toiles reproduire tous les tics, tous les défauts, toutes les infirmités qui furent non point Et tout à coup, elle le regarde... elle a peur elle aussi, elle recule et sort son revolver... encore! Berton se jette limites. Par exemple , les maisons, n'est-ce pas, sont les marques du génie cézannien, mais, au contraire, ses sur elle, la désarme et l'étrangle. souvent de travers, dans les toiles de Cézanne, comme Je regrette le geste de menace de Mme Villeroy, tout autant de tours de Pise; or, ce que cherchait Cézanne, ce qu'elle dit est tellement odieux et déplaisant que le et ce qu'il a d'ailleurs plus souvent entrevu qu'atteint, geste de Berton paraît naturel, indispensable. c'est-à-dire les lois perdues du style pour les appliquer Le spectacle se termine par Faisons un rêve. C'est une à résoudre les problèmes de la peinture moderne, ces délicieuse pièce que nous avons revue avec un plaisir lois ne dépendaient pas de l'aplomb de ses architectrès vif. tures. Une maison pouvait être peinte de travers, CéMme Yvonne Printemps, qui joue Suzette dans Jac- zanne ne le voyait pas, ou, s'il le voyait, il ne pouvait queline, puis, Elle, dans Faisons un rêve, donne dans ce songer à s'en préoccuper, tant il était absorbé par d'au- . spectacle des notes aussi justes que variées. M. Sacha tres recherches. Or, qu'est-ce qui a été le plus univerGuitry, comme auteur et comme acteur, peut être enchanté sellement adopté par les cohortes de peintres qui, dans de son ouvrage. Mme Barbier-Krauss, MM. Berthier et le monde entier, se réclament de Cézanne? Justement Oudard se sont bien tirés de leurs rôles. cet « air penché » des maisons, des / bouteilles et des CLAUDE ISAMBERT. arbres. Et, pour avoir religieusement accompli ces singeries, cent jeunes ont cru sincèrement être les disciples et les continuateurs d'un homme qui s'irriterait sans doute de se voir caricaturé ainsi. Par suite d'un accident indépendant de notre volonté, nous nous voyons forcés de renvoyer à la semaine prochaine le second article de notre Enquête sur la situa Du moins y a-t-il dans cette répétition un peu niaise tion financière. On y trouvera les interviews de MM. des procédés superficiels et mal compris d'un maître, une Paul Aubriot, député de Paris, et Jules Corréard, direc certaine naïveté, un certain aveuglement de la foi, lesteur honoraire au ministère des finances. (1) Voir l'Opinion du 5 novembre 1921. Х ) JEAN Lomo que l'on quels, de nos jours, ont quelque chose de touchant, et, existait, ont plus ou moins subi l'influence de l'enseien même temps, de tragique. gnement qu'on y professe et des théories qu'on y dé Quelques très grands génies seuls peuvent vivre sinon fend. Nous avons entendu l'un des plus grands artistes dans l'indépendance absolue, du moins dans un monde de ce temps nous avouer : « J'ai pris au cubisme ce qu'il dont ils ont eux-mêmes (non point par inspiration, mais pouvait m'apporter de bon ; et pourquoi ne l'aurais-je par recherches et réflexions instinctives) dégagé et énoncé. pas fait ?.» Quant aux artistes plus récents, encore inles lois. Du vivant de Delacroix ou du vivant de Cour- | quiets, encore incertains, ils se sont naturellement prébet, il y a eu certainement bien des peintres qui ont pré- cipités sur ce qu'on leur offrait, et qui, à un âge où l'on tendu trouver, dans les musées ou devant la nature, ce a besoin de quelques points de repère, mettait pour quelque les chefs d'atelier ne leur apprenait plus, mais ils que temps 'un terme à leur inquiétude, à leur incertin'avaient pas en eux la force qui a permis à Delacroix, tude. L'influence du cubisme a été d'autant plus grande à Courbet de dominer leur temps, et ils ont vite sombré et d'autant plus rapide que nulle part ailleurs, et sursur une mer où le pilote n'est rien si les rameurs ne sont tout pas à l'Ecole des Beaux-Arts, on ne proposait à pas à leur banc. une génération avide de comprendre et de construire, Pendant des siècles, l'idéal d'un jeune peintre fut, à l'aide et le guide qu'elle souhaitait. ses débuts, d'être confondu avec son maître. Cela est fini. Aujourd'hui que la virulence de cette crise commence On ne saurait imaginer, de nos jours, Raphaël « col- d'être apaisée, on peut en apercevoir les résultats, et, lant » à Perugin, comme la doublure colle à l'étoffe, ni en quelque sorte les « profits et pertes » Faut-il se féliPater essayant d'arracher à Watteau ses secrets. Les citer de voir au Salon d'Automne tant d'æuvres :« comartistes dits « primitifs » n'ont jamais essayé autre chose posées » et si peu d'ouvres « senties » ? Faut-il consique de continuer à « fournir » consciencieusement au dérer notre époque comme un double de l'époque daclient des tableaux fabriqués exactement comme ceux vidienne où nos Lhote, nos Dufresne, nos Dérain, nos que l'on « fabriquait » à leurs débuts ou avant eux dans Favory seraient autant de Girodet, de Guérin et de bala même « maison ». Ils étaient pareils à ce que serait rons Gérard déguisés ? Ou bien au contraire sommesaujourd'hui le successeur d'un Boissier ou d'un Sorgue, nous à un moment de transition, à une période prépaqui mettra son point d'honneur à faire et à vendre des ratoire où les exercices d'assouplissement, où les expébonbons et des foies gras que l'on pourra confondre riences de laboratoire précèdent des travaux plus libres avec ceux que l'on faisait et vendait, hier, chez ce confi- et plus importants ? C'est ce que nous dira un avenir seur ou chez ce marchand de comestibles réputés. prochain, et, avant que ce jour soit venu, l'examen partiIl n'y a pas beaucoup plus de cent ans que ce consen culier de certains ouvrages exposés au Grand Palais. tement à l'humilité a pris fin. Comme le tiers Etat après (A suivre 89, les artistes se sont gorgés de liberté. Mais du moins . n'étaient-ils pas coupables d'avoir détruit volontairement leurs assises et leur soutien. C'est au contraire depui Marine. a réglementé et protégé officiellement l'enseignement des Beaux-Arts que cet enseignement s'est effrité et perdu. Il faut un certain jeu, une certaine part, de Les idées de l'Amiral Von Scheer hasard et de surprise dans une fécondation esthétique. L'Ecole des Beaux-Arts n'a plus rien laissé au hasard ; Les grands chefs allemands que la défaite a rendus à leurs chères études écrivent et parlent beaucoup. Luquant à l'élément de surprise, depuis longtemps on ne l'y. dendorf, Hindenburg, Tirpitz, von Scheer ont tous soupçonne plus. Les concours y sont devenus la seule rédigé leurs mémoires ; ils ouvrent facilement leurs affaire importante, avec le diplôme de sortie. Il est fort portes à qui veut bien les interviewer. L'amiral von probable que si l'Ecole des Beaux-Arts n'était pas ce Scheer, l'ancien commandant en chef au Jutland, nous qu'elle est depuis quelques lustres, nous n'aurions pas assisté à ce « chaud-et-froid » qui a jeté si vite les pein- a, depuis la guerre, abondamment renseignés sur sa stratégie et les idées qui ont inspiré son commandement, tres de l'impressionnisme le plus libéré dans l'intellectualisme le plus strict, et, souvent, le plus étroit. alors qu'il conduisait la flotte de haute mer allemande. Il les a, cette année, développées à nouveau en d'intéressantes communications faitès à des journaux étran gers, comme la Chicago Tribune, le Naval and Military Lorsqu'on n'a pas de génie ou, à défaut de génie, une Record, ou bien encore dans des revues allemandes, * Précoce maîtrise de son talent, il est certes aussi dange comme la Woche. reux de se livrer à sa seule sensibilité que de se soumet- 11 serait évidemment imprudent de prendre à la lettre tre entièrement à son cerveau. Mais il était tout naturel, les confessions et les appréciations de l'amiral. L'opiaprès une ère de liberté excessive et de « sensation di nion d'un tel chef, qui a eu l'honneur de mener la flotte recte » qu'on voulût retrouver l'ordre et l'équilibre en de haute mer allemande pendant la seule grande bataille sacrifiant sans pitié ni regret la poésie spontanée et fra- navale de la guerre, reste cependant intéressante à bien gile de l'impressionnisme d'hier à l'intellectualisme têtu des points de vue et mérite d'être connue des marins et et exclusif d'aujourd'hui. des hommes politiques de tous pays, en particulier du En somme, les peintres, fatigués d'errer à leur guise, nôtre. On y oublie trop facilement l'importance des écoeurés d'être depuis si longtemps en vacances, vien questions maritimes. nent se ranger au bord de la route comme des collégiens Un des sujets qui, comme de juste, tient le plus qui sont las de courir à leur gré en plein-air, dans les à coeur l'amiral allemand est la bataille du Jutland. Nous champs, entre des meules et des bassins de nymphéas, n'avons pas ici le loisir de retracer ni d'étudier dans et, dociles à leur maître d'études, ils regagnent docile tous ses détails cette rencontre fameuse qui a déjà fait ment ce grand lycée neuf que l'on vient de construire et fera encore couler des flots d'encre. Von Scheer ne pour eux, en beaux cubes de pierre bien nets et bien doute pas que ce ne soit une vraie victoire à inscrire précis. à l'actif de l'Allemagne. Il ne tarit pas — a posteriori de critiques sur la conduite, à son avis inexplicable, de Pour la plupart de ces jeunes peintres, le séjour dans ses adversaires. Jellicoë aurait dû, bien entendu, l'emporter, si l'on ce palais du cubisme n'a pas duré beaucoup. Néan considère sa supériorité numérique. « Au Skagerrak, dit moins ceux qui y sont demeurés le moins longtemps, et von Scheer, les Allemands avaient 25 bâtiments de même ceux qui, sans y pénétrer, ont su que cet édifice 548 comme ( ligne, les Anglais 45. Nous avons infligé à l'ennemi des renseignements 'qu'auraient pu lui procurer ces appareils pertes doubles et avons pris complètement l'offensive... eussent été du plus grand prix. Au début de la bataille, l'amiral Beatty nous amena sur ( A l'avenir, nous dit-il, l'avion, uni au sous-marin, la flotte de l'amiral Jellicoë : ce fut une excellente ma. rendra les plus grands services à l'éclairage maritime ». nouvre. Notre formation en pointe, qui permit aux Il apparaît donc bien que von Scheer eût préféré voir Anglais un mouvement d'encerclement, n'était pas, l'Allemagne construire moins de dirigeables et plus on voulait le prétendre, un mouvement de d'aéroplanes. retraite. L'amiral Jellicoë effectua dans son mouvement La question capitale du cuirassé et du sous-marin d'encerclement une menace sérieuse, mais non point est, bien entendu, l'objet de nombreuses déclarations de fatale pour nous... Cependant s'il avait concentré son feu la part de von Scheer. Elles ne sont pas toutes inspisur ma position en pointe, il eût obtenu la décision, et rées, nous le craignons, par des préoccupations strictetoute sa masse d'explications n'y changera rien. ». « Jel- ment militaires et techniques. La haine de l'Angleterre licoë, nous dit-il une autre fois, aurait dû disposer sa obscurcit parfois sa vision et provoque de sa part des flotte entre la flotte allemande et la base de cette der- déclarations qu'il est, d'ailleurs, le premier à contredire. nière, puis maintenir le contact pendant la nuit par ses Il tend, pour les besoins de la cause anti-anglaise, à croiseurs de bataille et ses destroyers, choisir så posi- exagérer, peut-être, l'importance du sous-marin. Comtion et détruire toute la flotte allemande. » Von ment concilier, par exemple, les idées qu'il expose dans Scheer prétend qu'il était tout disposé à reprendre la Woche du 31 décembre 1920 avec celles qu'il se laisse le combat dès le lendemain s'il en avait eu l'oc. imputer par exemple dans la Chicago Tribune : « Le casion. « On me demande, dit-il, pourquoi je n'ai commandement anglais, dit-il d'une part, a créé luipas renouvelé mon attaque le lendemain matin. Le même le développement de l'ame sous-marine, et par brouillard me dérobait la vue de mon escadre à plus là creusé de ses propres mains le tombeau de la supréde quatre milles. C'eût été une folie de ma part que matie navale de sa flotte. Il n'est pas douteux que le n'en est d'inciter les torpilleurs anglais à apparaitre soudaine- perfectionnement des engins sous-marins ment de derrière le rideau, à cueillir un à un mes bâti- encore qu'à son début, tandis que les bâtiments de surments et à disparaître. » Il se trouve, d'ailleurs, sur ce face ont atteint la limite de leur capacité de perfectionpoint, en contradiction formelle avec son subordonné, nement... Seuls, un petit nombre d'Etats auraient pu se von Hase, commandant l'artillerie du Derfflinger. permettre le luxe de ces bâtiments gigantesques. L'AnCelui-ci ne dissimule pas, dans son livre sur la bataille gleterre pouvait leur rester constamment supérieure du Jutland, la joie sans mélange qu'éprouvèrent offi- Toutes les puissances navales de second ordre deveciers et équipages allemands quand, le lendemain, ils naient sans importance. La suprématie anglaise deve nait assurée ». virent, à l'aube, la mer libre et la possibilité de rentrer sans combat à leurs bases. Le sous-marin jette par dessus bords tous ces calculs. Après cet air de bravoure dont les gros chefs alle La terreur qu'inspirait la flotte anglaise comme Rotte mands sont d'ailleurs couturiers, von Scheer nous de combat a disparu ! Cependant, il avoue lui-même, révèle certains détails et nous suggère certaines innova d'autre part, que l'idée d'abandonner la construction tions dont ses émules étrangers pourraient peut-être tirer du capital-ship en faveur du sous-marin. est « une grande faute ». « Sir Percy Scott a dit, dans une de profit. Pour lui, une des grosses supériorités de sa flotte ses lettres au consistait dans l'excellent entraînement de son artil Times que, si l'amirauté avait eu 100 souslerie. Le système de direction de tir fonctionna parfai- gnée. Je suis de son avis. Mais, il prétend que si l'An marins de plus au début de la guerre, elle l'aurait gatement à bord de tous ses bâtiments. On sait qu'un des grands griefs adressés par Percy Ssott à l'amirauté gleterre avait eu 100 bâtiments de ligne de plus, ceci ne l'aurait point aidée à gagner la guerre. Ce n'est pas anglaise fut de n'avoir pas muni, comme il l'avait réclamé avant la guerre, tous les bâtiments anglais de mon sentiment. Avec 100 navires de plus, les Anglais au raient pu risquer une attaque de nos bases de la mer du son « fire director .»; au contraire, les cuirassés alle Nord et forcer l'entrée de la Baltique. Cette dernière mands en étaient tous pourvus. Ces systèmes étaient excellemment protégés. Les obus ne parvinrent pas à opération leur aurait permis d'apporter un concours illi mité à la Russie au moment où elle en avait le plus be.. les dérégler ni à les rendre inutilisables. De même, les appareils de direction des bâtiments avaient été l'objet soin, d'organiser une attaque de flanc contre les côtes d'études très soigneuses des ingénieurs allemands. allemandes ». Le grand sous-marin est appelé, selon lui, à un avenir illimité. Il devra, à l'avenir, accompagner « L'idée dominante, nous dit von Scheer, était que le les flottes de haute mer et combattre en liaison avec le bâtiment devait coûte que coûte conserver sa position bâtiment de surface. L'évolution des constructions nadans la ligne et que toute avarie dans la direction était considérée comme de la dernière gravité ». vales permettra de réaliser un type capable de rester éloigné de sa base au moins huit mois, d'opérer comme Les Allemands avaient particulièrement étudié la unité tactique de la flotte de haute mer, de porter un question du tir de nuit. Pièces, projecteurs et télémètres armement assez puissant pour engager la lutte contre se concentraient sur les objectifs dans le minimum de des destroyers et même des croiseurs. C'est ainsi que le temps. Les liaisons furent également l'objet de tous sous-marin pourrait, dans le Pacifique, jouer un rôle leurs soins. La T. S. F. fonctionna, paraît-il, parfaite- | prépondérant. Des croiseurs sous-marins, d'une vitesse ment; en outre l'amiral s'assurait par pavillons et pro- de surface d'au moins 30 noeuds pourraient renouveler, jecteurs de la bonne transmission de ses messages. « Il en les décuplant, les exploits du Dreden, dú Carlstuhe est extrêmement important, nous déclare von Scheer, que et de l'Emden. Ils pourraient échapper aux recherches le commandant en chef puisse avoir des informations ennemies par la plongée, et grâce à leur grand rayon exactes dans le minimum de temps. J'attache une telle d'action, éviter les difficultés incroyables d'approvisionimportance à la nécessité de transmettre sans perte de nement en combustible dont eurent à souffrir les croitemps les renseignements concernant le contact avec seurs allemands. On pourrait les munir de canons puisl'ennemi et autres messages essentiels, que j'estime qu'il sants et de torpilles sans sillage, telles que les Allemands ne faut pas craindre de les envoyer en clair ». On sait en avaient réalisées pendant la guerre, sans pouvoir que, par suite du mauvais temps, von Scheer ne pût uti- cependant les utiliser au Jutland. liser comme il l'espérait, les zeppelins à la bataille du « A mon avis, déclare Scheer, la construction d'une Jutland. Il regrette bien davantage, semble-t-il , de torpille électrique sans sillage, d'une portée de 10.000 n'avoir pas possédé des bâtiments porte-avions, car les mètres, est parfaitement possible. Cette invention intro , 549 duirait un élément particulièrement dangereux dans la libraire de la Suisse allemande à une de nos maisons lutte à la torpille. Des centaines de bâtiments de guerre d'éditions : « Il faut surtout nous faire savoir ce que ou de commerce furent prévenus pendant la guerre par la France possède de livres. J'ai souvent été frappé de les bulles d'air à la surface de l'eau et purent modifier la richesse de votre littérature en feuilletant des catalorapidement leur course ; la plupart d'entre eux eussent gues d'éditeurs. Les éditions françaises sont trop peu été avariés ou coulés si la torpille avait été du dernier connues... » Et le remède, il l'indiquait : faire des listes type, invisible et électrique... » d'ouvrages non plus par firmes, mais par spécialités, Il y a sans doute à faire la part du bluff et de la pas établir « des petits catalogues spéciaux pour chaque sion politique dans toutes ces théories de l'amiral alle domaine, mis à la disposition du libraire à un prix lui mand. Elles devraient cependant être prises en consi- permettant la distribution en grand nombre à tous les dération par ceux qui ont la charge de notre marine et intéressés ». le devoir de la tirer de la situation inquiétante où elle Ces catalogues par matières, une seule catégorie végète. d'éditeurs en avait réalisé jusqu'ici le principe : c'étaient EDMOND DELAGE. les éditeurs de médecine. Ils existeront bientôt pour toutes les branches de la production française et le pre mier d'entre eux va paraître demain. L'Expansion du Livre Français La guerre seule en a retardé l'exécution, entreprise en 1914. Ils sont dus à l'initiative de quelques éditeurs : Le catalogue du livre français MM. H. Bourrelier. (Colin), André Gillon (Larousse), André Mainguet (Plon), organisateurs de l'Office pour Dans l'organisation actuelle de la librairie, le seul la propagation du livre français. commerçant qui soit en contact direct avec le public, S'étant acquis le concours direct des principales maic'est le libraire. Son rôle est important, car il n'a pas sons d'édition et ayant obtenu l'appui officiel de la seulement à vendre les nouveautés dont l'envoi lui est Chambre syndicale des libraires détaillants, ils avaient fait d'office par les éditeurs, mais aussi à procurer les fait appel pour la rédaction de ces catalogues collectifs livres autrefois parus et que, le plus souvent, il n'a pas à la collaboration de bibliographes compétents. Ils préen magasin. En d'autres terines, il ne doit pas seule- voyaient alors la publication de six catalogues spéciaux, ment pouvoir répondre à cette question : « Avez-vous comprenant en tout une dizaine de milliers de titres, tel livre de tel auteur ? », mais encore à celles-ci : « De choix évidemment restreint, mais jugé suffisant pour quel auteur est tel livre ? » et ( plus difficile) : « Quels satisfaire aux recherches courantes de la majorité des livres existe-t-il sur tel sujet ? » lecteurs. Le prix de vente de ces brochures, soigneuseThéoriquement le libraire est donc tenu d'être par- ment présentées, n'eût pas dépassé o fr. 25 au maximum faitement au courant de la production française. Ce et un tirage énorme en eût aisément assuré la diffusion n'est pas lui faire injure que de lui contester un savoir par le monde. encyclopédique : c'est généralement un modeste com- La guerre empêcha la réalisation immédiate de ce merçant et tout ce qu'on peut exiger de lui, c'est un programme. Mais l'Office avait déjà obtenu un résultat : minimum de connaissances professionnelles. Les pos- c'est, rien qu'en annonçant son intention, d'avoir emsède-t-il qu'il devrait pouvoir aisément parvenir à satis-pêché une maison de... Leipzig de publier une bibliografaire sa clientèle grâce aux moyen's d'information dont phie analogue de la production française. il dispose. La mobilisation des fondateurs, la mort de deux Pour les nouveautés, il peut aisément s'en tirer, la d'entre cux, MM. Lebègue et Mainguet, sans comproBibliographie de la France et les Tables bibliographi- mettre l’auvre de l'Office, en ralentirent l'exécution. Le ques de la Maison du Livre lui fournissant périodique-Congrès du Livre de 1917 en soulignait l'utilité, adopment les renseignements désirables. Pour les livres tant à l'unanimité, sur rapport de M. André Gillon, le anciennement parus, les stocks d'ouvrages « de fonds », vou qu'elle fût reprise, élargie, menée à bonne fin et c'est plus difficile : il y a bien un guide complet et sûr qu'il fût dressé « une bibliothèque de sélection et à la et c'est le répertoire bibliographique de Lorenz, mais fois très complète de la pensée française (sous forme il a deux défauts : de paraître avec un assez fort retard de catalogues collectifs de la librairie), comprenant tous et puis d'être d'un prix bien élevé pour de modestes les principaux ouvrages incontestablement dignes du bourses. Le commun des libraires a pour toutes res- renom de la culture française ». sources la collection des catalogues d'éditeurs, et c'est, Une résolution du Congrès de 1921 a confirmé ce en principe du moins, un excellent instrument de travail. væu qui est aujourd'hui réalisé. Ces catalogues sont, en effet, pratiques et économiques Le catalogue du livre français se divisera en huit pratiques en ce que, soigneusement tenus à jour, ils parties : Littérature - Histoire et Géographie. ne mentionnent que les ouvrages en magasin, à l'exclu- Beaux-Arts. — Science et Technologie. -- Droit, Philosion absolue des épuisés – économiques, parce que ser- sophie, Religion. — Connaissances pratiques. Enseivis gratuitement aux intéressés (et cette considération ne gnement. - Livres pour la jeunesse. saurait être indifférente dans un commerce où les frais La première partie, de beaucoup la plus importante généraux sont toujours élevés). (Littérature), comprendra elle-même trois subdivisions : Leur inconvénient est d'être établis par maisons d'édi- Littérature française des XIX° et xx° siècles. -- Littétions, donc de ne pas donner une idée d'ensemble des rature française classique. littératures anciennes, oriendifférentes branches de la production française. Réduit tales, étrangères. — Critique et histoire littéraire. à leur consultation, le libraire peut bien, à force de En principe, chaque fascicule doit donner la liste de temps et de patience, retrouver l'ouvrage qu'on lui toutes les oeuvres françaises éditées de 1800 à 1920, non demande, il lui est impossible d'indiquer au client les épuisées en librairie et « qui ont une valeur reconnue ou ouvrages analogues, que celui-ci achèterait peut-être s'il une notoriété certaine ø. en connaissait l'existence. Le choix et le classement ont été faits par des spéSi en France le public éprouve telles difficultés à être cialistes. Le premier fascicule, précédé d'une préface documenté sur l'ensemble de la production française, générale de M. Paul Hazard, chargé de cours à la Soron imagine aisément l'ignorance du public étranger. bonne, a été rédigé sous la direction de M. Vic, de la C'est très bien de vouloir lui vendre des livres, mais Bibliothèque Nationale. Il comprend 6.500 titres. Les fascicules sont divisés en sections méthodiques, encore faut-il d'abord lui en faire connaître l'existence. et dans chaque section les ouvrages sont rangés par Il le réclame tout le premier, témoin cette lettre d'un avons Ce qu'on ordre alphabétique des noms d'auteurs, avec indication tée devant l'Office régional des assurances, au besoin du format et du prix (les rédacteurs déclinant toutes devant des organismes plus élevés qui statuent succes. responsabilités pour les variations de prix possibles). sivement. Ainsi est atteint le résultat voulu par la loi, , Une double table alphabétique des titres d'ouvrages et sans qu'aucun conflit concevable puisse s'élever entre des noms d'auteurs guide les recherches. employeurs et salariés. Car le précompte est encore le Ajoutons que le nom des éditeurs n'est pas indiqué -seul procédé qu'on ait trouvé pour rendre obligatoire et en clair, mais que chaque uitre est suivi d'un mono- financièrement réalisable une de législation gramme dont les libraires seuls auront la clef, ceci pour sociale. éviter que le public s'adresse directement aux éditeurs Or, qui dit assurance, dit effort de prévoyance, voau préjudice des détaillants. lonté d'épargner sur les dépenses immédiates, pour se La vente du catalogue entier a été confiée à la Maison prémunir contre les risques de la vie, sentiment de la du Livre. Il recevra évidemment la plus large diffusion, responsabilité personnelle vis-à-vis de nous-mêmes ou et je crois qu'il y aura intérêt à le distribuer le plus pos- des êtres qui dépendent de nous. Qui dit assurance sible à l'étranger. suppose encore un sentiment très vif de la solidarité, la Tel qu'il est conçu, il est appelé à rendre de grands connaissance des bienfaits de l'association, la décision services, non seulement aux professionnels mais au de mettre en commun les risques et d'exercer, quand ils public, et surtout au public étranger. Mais enfin son se produisent, un contrôle loyal et réciproque. Ce sont utilité n'apparaîtra qu'à l'usage. L'essentiel est que ce là les deux bases inébränlables sur lesquelles reposent, ne soit pas un organe de publicité pour quelques mai- depuis qu'elles existent, toutes les Sociétés de secours sons d'édition, mais un instrument national de biblio- mutuels, et même, faut-il dire, tout régime d'assurance. graphie courante établi avec impartialité et destiné au · Changer ces bases, c'est transformer l'assurance en grand public et à ses agents d'information, les libraires. un système d'assistance, le plus souvent organisé par Il existe sous diverses formes, dans d'autres pays que l'Etat, contrôlé par lui et dont les ressources sont de le nôtre, notamment en Allemagne, et y a rendu de mandées, sous forme d'impôts, soit à la collectivité, gros services. Enfin, l'exemple de nos propres éditeurs soit à une catégorie particulière de citoyens. On s'adresse de médecine est bien fait pour encourager leurs confrè- aux amateurs de théâtre, pour leur faire payer, sur res, à qui M. Pierre-V. Masson disait au dernier Congrès leurs plaisirs, partie des frais de l'assistance publique. du Livre : Par le nombre de demandes qui nous sont On fait appel au budget général, pour alimenter les faites de notre catalogue collectif d'ouvrages médicaux, établissements hospitaliers ou distribuer des secours de nous avons acquis la conviction qu'il est un organe de bienfaisance. diffusion puissant et nous conseillons bien vivement aux Or, d'efforts de prévoyance, de volonté d'épargne, éditeurs qui publient des livres visant une même caté- de sentiment de responsabilité, il n'en est pas question gorie d'acheteurs d'imiter l'initiative que nous dans le système du précompte. Cela, les mutualistes prise ; elle est onéreuse, mais nous sommes persuadés l'ont vu, et l'ont dit, et ils ont eu raison. que le groupement des livres des différents éditeurs cherche en réalité, c'est à réorganiser sur des bases profite à chacun d'eux, en donnant mieux à l'étranger élargies la distribution des secours médicaux, et à asl'impression de ce qu'est la science française et des res- sister l'ouvrier et sa famille, quand la maladie le réduit sources que l'on peut en tirer. » Il est bien évident, au chômage. On y parvient, non pas en l'incitant à la comme le disait encore M. Michaud, que ces catalogues, prévision, à l'économie, à la solidarité, mais par l'étalargement distribués, favoriseront la vente d'une quan-blissement d'un véritable impôt dont une partie pèsera tité d'ouvrage mis en valeur par leur rapprochement. sur lui, mais une partie seulement, et dont le reste sera Nous n'avons pas si souvent l'occasion de signaler mis à la charge des employeurs, l'Etat n'intervenant une réalisation pour nc pas souligner l'intérêt de que pour une part des plus médiocres des dépenses percelle-ci. Servant le public, elle porte en elle sa récom- sonnelles. Et si nous voulons savoir à combien s'élèvera pense : : ce n'est jamais une mauvaise affaire pour un cet impôt nouveau, ainsi établi sur les classes produccommerçant que de satisfaire sa clientèle. tives de la nation, le projet Daniel-Vincent nous renGEORGES GIRARD. seigne directement. Les salaires qui sont payés aux 8.100.000 travailleurs assujettis à la loi représentant approximativement 28 milliards de francs, le pourcen tage de 10 olo pour l'impôt destiné aux assurances La Vie Economique donnera près de trois milliards. Et cet impôt énorme, égal à plus du huitième da Les assurances sociales budget ordinaire total de la France, ce sont les em ployeurs chefs d'industrie, commerçants, agriculteurs, et le système de précompte petits fermiers, qui sont appelés à s'en faire les collec teurs réguliers. Ce sont eux qui le perceyront, qui C'est une méthode commode que notre Parlement a tiendront le compte, qui-le verseront à la caisse de à adoptée, en matière de législation sociale, de faire por l'Etat, non pas sans doute, entre les mains du percepter aux seuls employeurs la responsabilité de rassembler teur, mais aux guichets d'une administration nouvelle, les recettes nécessaires au fonctionnement des lois nou spécialement créée à cet effet, et qui sera celle des velles. caisses régionales d'assurances sociales. En matière de retraites ouvrières et d'assurances Tel est le sens exact du système du précompte. Il sociales, cela s'appelle le système du précompte. On sait faut le répéter. Pour ne pas rentrer dans le calcul des en quoi il consiste. Le projet de loi Daniel-Vincent pré- recettes générales de l'Etat, pour s'acheminer par une voit pour le fonctionnement de l'assurance un versement voie particulière vers leur destination spéciale, les pré patronal égal à 5 0/0 des salaires et un versement ouvrier lèvements opérés sur les salaires au titre de l'assurance de même importance. Le calcul est aisé à faire. L'em n'en constituent pas moins un véritable impôt. Car il ployeur verse donc, en plus des salaires, et pour son faut bien appeler de son vrai nom toute charge établie propre compte, 50/o des sommes payées à l'ouvrier et par l'Etat, exigée par lui, sur tout ou partie de la poil prélève directement, pour la quote-part de ce dernier pulation nationale. et sur ce salaire, une somme identique. Système idéal, Dira-t-on que les impôts véritables rentrent dans un nous affirme-t-on. Aucune récrimination, aucune résis- budget unique, qu'ils ne sont pas affectés à des objets tance ouvrière n'est possible. Toute contestation 'est por- particuliers, qu'ils fournissent des ressources globales en |