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frans

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la grande langue mondiale. Cependant, en dehors de l'Indo-Chine, le français peut avoir dans la Chine un point d'appui sérieux. La culture française paraît de plus en plus sympathique aux lettrés chinois. Les intelligentes initiatives qui ont présidé, à Lyon, à la création de l'Université franco-chinoise, n'ont pas perdu leur temps.

Enfin le français reste langue de culture dans une partie de l'Amérique latine. Et il le serait peut-être davantage si les Français étaient personnellement plus présents dans ces régions.

Dans ces quatre secteurs, l'influence de la langue françaire doit se faire sentir très différemment. Ce qui est avantageux pour l'un ne l'est pas pour l'autre. Il serait dangereux d'adopter des méthodes uniformes. Ce serait courir à l'échec le plus humiliant et le plus mérité

que de vouloir faire de l'annexionisme intellectuel et, en dehors de France, la culture française ne doit pas aspirer à une autre destinée que celle d'être utilisée. Or les différents pays ne l'utilisent pas de la même manière. Il ne faut pas s'étonner de voir l'un rejeter ce que l'autre accepte. Il est naturel que l'Extrême-Orient méprise notre théâtre et s'intéresse à nos moralistes, et le contraire n'est pas moins naturel chez certains Européens.

Et pas de jalousie non plus. Les Brésiliens, qui n'étudiaient naguère que le français, étudient aujourd'hui aussi l'anglais, et les Slaves attirés par notre langue ne méprisent pas pour cela la connaissance de l'allemand. Il est puéril de parler alors, comme on le fait souvent, de recul du français, et surtout de concurrence, comme l'épicier du coin. Personne ne songe à reprocher à un Français de lire et de goûter les livres anglais, et M. Poincaré lui-même a rappelé à la raison les échauffés qui voudraient interdire l'allemand à nos étudiants. ant Déjà pendant la guerre, les pourfendeurs de Kant, de Wagner et de Nietszche nous faisaient sourire. Nous estitomons donc que tout cela est très bon pour nous. Pourest quoi ne serait-ce pas bon pour les Roumains et les Chiliens? Le Français qui étale à l'étranger l'ignorance ou le mépris de la culture anglaise, allemande ou italienne ne nous fait aucun honneur et donne aux idées et à la pensée française une figure étroite, sectaire, bontiquière.

Itive!

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N'oublions pas que le XVIII° siècle est passé et ne reviendra plus. Au XVIII° siècle, c'est par la culture française qu'on devenait, en Europe, un honnête homme. Aujourd'hui, c'est par la culture cosmopolite. Sachons en prendre notre parti. Dans cette culture cosmopolite, occupons-nous de faire figurer la nôtre en bonne place, de la rendre la plus sociable, et de ne pas prendre mal à propos un air hargneux ou sacrifié.

Le français a cessé d'être la seule langue diplomatique. La Société des Nations et les congrès internationaux ont aujourd'hui deux langues officielles. Un jour peut-être elles en auront trois. Ne faisons pas comme les enfants envieux qui jaunissent quand il leur vient un petit frère.. Faisons bonne figure à l'anglais et serrons nous courtoisement pour lui donner place. Reconnaissons que son rôle actuel dans le monde économique, la masse de cent cinquante millions d'hommes qui le parlent, et surtout qui le lisent, nécessitait cette modification aux vieux usages. Ne le menaçons pas de ce que Mallarmé appelait le hérissement de quarante épées frêles.

Et n'oublions pas, que si la langue de Louis XIV a régné si longtemps sur la diplomatie, c'est en partie parce que c'était une langue propre. Il serait fâcheux qu'on entendît dans les congrès internationaux le langage du Palais-Bourbon, et qu'on y apprît aux Japonais qui les ignorent, solutionner ou désolidariser.

N'allons pas conjurer trop dramatiquement les AngloSaxons de maintenir l'honneur et la primauté de notre Jangue; ils nous répondraient encore : Après vous, messieurs les Français!

ALBERT THIBAUDET.

A

CE QU'ON DIT

531

l'heure où nous écrivions ces lignes, mercredi 9, après-midi, on ne savait pas encore si décidément vendredi 11 novembre serait ou non un jour férié. Il n'est pas dans toute notre histoire de date plus glorieuse que celle du 11 novembre 1918. La France se doit de célébrer chaque année la Victoire des Alliés, avec un éclat particulier. Encore ne faut-il pas, pour cela, prendre des mesures. hâtives qui apportent dans toutes les affaires des perturbations. Il y a trois ans que nous avons fini la guerre, il y en a deux que nous avons élu une nouvelle Chambre. Et il peut paraître singulier que nos députés aient attendu le 4 novembre 1921 pour s'aviser que le 11 était un anniversaire glorieux. Le résultat? Ils ont voté hâtivement un projet dont ils n'avaient pas mesuré les conséquences.

La sagesse la plus élémentaire était d'adopter purement et simplement l'amendement de M. Bougère, et de reporter la fête au dimanche suivant, comme on l'a fait pour la fête de Jeanne d'Arc. C'est ce qui fut voté. Seulement, on a immédiatement décrété que par exception le vendredi 11 novembre 1921 serait transformé en dimanche. On privait ainsi les ouvriers d'une journée de salaire, ce qui était vraiment bien inutile, et on apportait au commerce et à l'industrie une gêne considérable beaucoup de maisons ont pris l'habitude de fermer le samedi à midi pour permettre à leur personnel de se rendre à la campagne le dimanche, Devaient-elles travailler le samedi toute la journée et dans ce cas, personne n'aurait été satisfait d'avoir deux jours de congé séparés par un jour de travail. Devaient-elles faire le pont? Mais dans ce cas, il y aurait eu, avec celui de la Toussaint, 13 jours fériés en deux mois. C'était vraiment un peu exagéré! La gêne qui en résultait pour les affaires aurait été d'autant plus grande que personne ne prévoyait cette fantaisie parlementaire et qu'il n'avait pas été possible de prendre des mesures en conséquence. On se plaint depuis un an de la crise des affaires. Cette crise semble s'atténuer depuis quelques semaines; ce n'est pas le moment de mettre de nouvaux bâtons dans les roues. Car si nous avons vaincu par les armes, la lutte économique continue tous les jours.

Mercredi, on se demandait encore si l'on fermerait vendredi, ou si l'on ne fermerait pas. Quel jour on livrerait les marchandises commandées, quand on paierait ou serait payé, et comment l'on préparerait les échéances. N'oublions pas, en effet, que le lendemain d'une fête légale, beaucoup d'opérations, comme les protêts, sont interdites par la loi.

Ce que nous voulons fêter, c'est un fait plus grand qu'une date, c'est le symbole de la victoire. On a décidé que le 14 juillet symbolisait toute la Révolution. Le second dimanche de novembre peut aussi bien symbo liser la Victoire.

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Semaine d'automne.

Pour amener à l'achat une clientèle qui hésite chez eux comme ailleurs, les commerçants de l'avenue de l'Opéra viennent d'organiser une Semaine d'automne Cela nous valut quatre mâts aux extrémités de l'avenue, autant d'oriflammes, et beaucoup de pancartes, sur lesquelles on pouvait lire, en français... de traduction, que c'était là « une démonstration des dernières créations de la saison à des prix les plus étudiés ».

Ayant aperçu cela, de bons badauds vinrent pour s'émerveiller; mais ils furent déçus n'étaient-ce pas partout les mêmes souliers, les mêmes meubles, les mêmes montres que la semaine précédente... Sans doute, à cette occasion une maison célèbre par sa vieille enseigne peinte en offrait aux acheteurs une reproduction laquelle décore très agréablement les salles à manger ». Pauvre nouveauté !...

C'était du moins quelque chose. Dans la liste des commerçants qui avaient signé l'annonce commune, on pouvait lire les noms de la Banque Universelle, de l'Agence des Théâtres, de l'Hôtel des Deux-Mondes, des Assurances Lacroix...

Quelles pouvaient bien être les « dernières créations >> de ces nouvelles maisons ?

English spoken.

Chez ceux qui règnent.

M. Franklin-Bouillon, que ses anciens collègues de la Chambre appelaient en plaisantant WashingtonPotage, vient de négocier, avec le succès que l'on sait, l'accord franco-turc. Le voilà en passe d'être ambassadeur.

Sait-on ce qu'il y a à l'origine de cette fortune diplomatique? La connaissance parfaite que possède l'ancien député de l'anglais.

En effet, le Saint-Esprit n'a guère dispensé le don des langues à nos législateurs. Et pendant longtemps les délégations parlementaires qui se rendaient soit en Angleterre, soit aux Etats-Unis, se fussent trouvées bien empêchées sans la présence dans leurs rangs de M. Franklin-Bouillon.

De là à nommer, par manière de remerciements, l'indispensable interprète membre, puis président de la Commission des affaires extérieures, il n'y avait qu'un pas. Il fut vite franchi.

M. Franklin-Bouillon, spécialiste, un peu malgré lui, de politique étrangère, noua avec le Quai d'Orsay des relations que son échec électoral de 1916 ne distendit point. Et ces relations lui firent confier auprès du gouvernement d'Angora la mission qu'il vient de si brillamment remplir.

Mots historiques.

On sait que M. Caillaux visita, voici quelque temps déjà, la bonne ville de Grenoble. Les réceptions offcielles de la municipalité donnèrent lieu à un grand nombre de mots historiques. Le « roi en exil » se fit montrer le théâtre, les écoles, la bibliothèque, le musée.

On lui exhiba les manuscrits de Henry Beyle. -Le bon Jaurès, dit-il à la cantonade, avait coutume de dire « Ce Caillaux est vraiment un personnage de Stendhal ! >>

Puis l'on s'arrêta devant un portrait de Michel-Ange. Voici Mischel-Ange, monsieur le président, dit le député-maire Mistral, socialiste ingénu.

Mais M. Caillaux ne prête nulle attention aux gens de peu. Le célèbre financier et le célèbre artiste se dévisagèrent quelque temps en silence, l'un derrière le cadre, l'autre derrière le monocle, chacun sous verre, et en égaux.

Décidément, articula M. Caillaux, Romain Rolland a bien raison: Ce Michel-Ange fut, lui aussi, un grand vainqueur et un grand vaincu !

Paix à la reine de Hongrie.

L'Opinion faisait remarquer, l'an dernier, la restauration des lettres « viennoises » à l'enseigne de quelques boulangeries. Ne serait-il point temps maintenant de rendre son nom à un étroit passage, si pittoresque, si vieux Paris, qui débouche non loin des Halles dans la rue Montmartre, et de remettre les lettres qui manquent où furent-elles conservées ? - à l'inscription: Passage de la Reine de...

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Le maréchal Fayolle, qui vient de quitter Genève avec bruit, fit plus d'une fois pendant la guerre le geste fier d'offrir sa démission.

Ce fut un jour sur le front italien à la suite d'une innocente altercation avec le général Diaz.

Les Français venaient de donner un coup de main fraternel à leurs alliés ; et il s'en était suivi une assez gentille victoire sur le Piave. On se dénombrait en se congratulant. L'heure du communiqué vint.

Comme d'ordinaire, le général Diaz se disposait à le signer, quand le général Fayolle demanda témérairement de signer le communiqué ce jour-là.

Un peu saisi, le général Diaz protesta qu'il en avait l'habitude et qu'il se devait de parapher les papiers officiels.

-Au surplus, eut-il la malchance d'ajouter, je dois vous dire, mon cher, que je conserve, malgré votre présence sur notre front, le commandement en chef des troupes en Italie....

Le général Fayolle laissa entendre qu'il s'en irait s'il ne lui était pas donné satisfaction.

Les deux chefs ne purent s'entendre. Et le lendemain, le général Fayolle avait trouvé un prétexte pour quitter le quartier général italien.

Le zèle de la police.

Obtenir un passeport, c'est maintenant une chose toute simple, grâce à M. Leullier. Pourtant il y a parfois encore des formalités imprévues...

Un Syrien que le général Gouraud avait expulsé de Syrie, parce qu'il voulait libérer son pays de l'influence

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française, vivait en exil à Paris... Comme il se préparait, construction d'un escalier monumental et fleuri qui coû-
à Genève un congrès pansyrien, l'exilé voulut s'y rendre, tera, dit-on, plus de quatre-vingt mille francs.
et demanda un passeport à son commissaire de police.
Le commissaire de police exigea des papiers, et, comme
notre Syrien n'en avait pas, l'envoya à la préfecture.
Un passeport, lui dit-on à la préfecture, à vous
qui êtes exilé de Syrie, vous n'y pensez pas! Retournez
chez vous et ne bougez plus.

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Il revint chez lui mélancolique. Cependant, le commissaire de police, intrigué par ce personnage qui n'avait pas de papiers, ordonna une enquête. Et le Syrien reçut la visite d'un policier qui lui dit :

Votre situation n'est pas en règle. Présentez-moi vos papiers d'ici trois jours; sinon vous serez expulsé. Notre Syrien ne tenta même pas de faire venir ses papiers; il prépara tranquillement ses malles.

Trois jours après, nouvelle visite du policier qui lui déclara son expulsion.

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Des adeptes de la table tournante se passionnent en ce moment à l'évocation du soldat inconnu. On l'appelle, selon les rites, et il répond. Quelques-uns prétendent le connaître par son nom, qu'il leur aurait confié. Et ce nom aurait été le même, prononcé dans des réunions très diverses.

Evidemment, cela devait arriver. Il y a une énigme et c'est l'instinct humain que d'essayer de la déchiffrer. Mais est-ce bien respectueux pour l'émouvant symbole, dont nous fêtons ce II novembre le premier anniversaire ?

Deux empereurs.

M. Coty veut acheter Chambord pour y installer une parfumerie-modèle. M. Coty est un homme qui achète beaucoup; mais, jusqu'ici, ce n'était guère qu'en Corse qu'on le connaissait comme grand acheteur.

Là-bas, presque tous les journaux lui appartiennent. L'usine à gaz d'Ajaccio fonctionnait mal; M. Coty a, de ses deniers, offert à la ville une usine à gaz complète. Il n'y avait pas à Ajaccio d'usine électrique, M. Coty a fait venir de Rouen un Central-électrique et il l'a encore donné à sa ville. La grotte de Napoléon était d'un accès assez difficile, M. Coty a entrepris, à ses frais, la

En échange de ces dons généreux, M. Coty, qui vient d'être élu conseiller général, annonce son vif désir d'être élu député de Corse, à la prochaine occasion. Maintenant, en Corse, la politique est bien simplifiée; il ne s'agit point de doctrines; on est pour ou contre Coty. Et, dans la ville d'Ajaccio, on peut lire sur les vespasiennes, des « Vive Napoléon ! » où le nom de l'empereur est remplacé par celui de M. Coty.

Au fait, M. Coty n'est-il pas l'empereur des parfums ?

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L'Opinion eut l'imprudence de citer une épigramme de Gombault, qui s'appliquait trop bien à l'une de nos plus anciennes beautés.

Elle ne fait que recevoir depuis ce jour des épigrammes nouvelles, qui ne sont pas d'aujourd'hui et que peuvent réciter pieusement toutes les grandes dames qui ne savent point vieillir.

L'une est de Mathieu Montreuil; elle est «< sur une dame»; et, déjà l'on en a murmuré quelques passages, à propos de Célimène, à propos de Cléopâtre..., on ne sait plus :

Cloris à vingt ans estoit belle

Et veut encor passer pour telle.
Bien qu'elle en ait quarante-neuf

Elle prétend toujours qu'ainsi chacun l'appelle.
Il faut la contenter, la pauvre Demoiselle:
Le Pont-Neuf dans mille ans s'appellera Pont-Neuf.
L'autre fut faite, dit-on, sur Ninon de Lenclos:
Il ne faut pas qu'on s'étonne

Si souvent elle raisonne

De la sublime vertu
'Dont Platon fut revêtu ;

Car, à bien compter son âge,
Elle peut avoir vécu

Avec ce grand personnage.

Après la réception de Bédier.

Au pays des Muses.

La réception de M. Bédier à l'Académie française avait attiré non seulement les abonnés de ces cérémonies, mais aussi tous les membres de l'Institut.

Après la réception, un membre de l'Académie des Beaux-Arts, qu'on n'a point coutume de voir aux séances, monta par hasard à la bibliothèque Mazarine.

Tout le personnel était fort occupé à regarder dans la cour le défilé des personnages illustres.

Le membre de l'Académie des Beaux-Arts voulait. consulter une collection de périodiques. Le garçon lui indiqua l'embrasure d'une fenêtre où était installé un petit bureau.

Ne vous dérangez pas. Je vais prendre la revue moi-même, fit l'immortel. Il s'avança vers la fenêtre.

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Les amis de M. le général Ferrié, qui vient récemment d'obtenir le grand prix Osiris de 100.000 francs pour ses travaux sur la télégraphie sans fil, cherchent à le faire entrer à l'Académie des Sciences.

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Mais deux places sont actuellement vacantes d'académicien libre, une de membre titulaire. Gros embarras, car un candidat malheureux à un siège de « libre » ne peut se présenter à un siège de << titulaire »; donc si l'on réservait le général pour ce dernier titre et qu'il échouât, on n'aurait su quand et comment le repêcher.

Alors, les amis du général menèrent une délicieuse intrigue académique. Ils ont demandé que les tours d'élection fussent intervertis et qu'il fût procédé d'abord au remplacement de « titulaire ». Comme il y avait une vive résistance, un patron du général eut l'heureuse idée de remarquer que le maréchal. Foch, membre libre de l'Académie, étant en Amérique, il était convenable d'attendre son retour pour s'occuper de l'élection d'un membre de sa section. Et voilà comment le général Ferrié, qui le mérite d'ailleurs fort bien, sera certainement d'ici à quelques semaines membres de l'Institut.

Excès de zèle:

La défense des humanités, la réforme des programmes universitaires, voilà qui fait couler de la belle encre ! L'autre jour, un journaliste fort connu s'écriait dans son enthousiasme :

« Longue vie aux efforts de M. Bérard! Grâce à lui on pourra encore savourer en France Homère et MUSÉE. «< Musée, fils de la Lune, et contemporain d'Orphée, est un poète fabuleux dont on n'a pas un seul vers.

Un mot inédit de Victor Hugo.

Les mémoires de Sir Sidney Colvin qui viennent de paraître à Londres, fourmillent de curieux renseignements sur les écrivains qu'il a connus et particulièrement sur Stevenson. Mais on y rencontre aussi cette anecdote sur Victor Hugo.

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On avait parlé devant lui de Goethe; et Hugo s'était emporté contre la politique de Goethe, politique qu'il connaissait bien mal, mais qu'il considérait cependant comme une « abjecte prostitution». Soudain, il mit sa main sur son cœur, et s'écria :

-«Moi, je regarde Goethe comme Jeanne d'Arc aurait regardé Messaline. >>>

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Le traducteur de Bernard Shaw.

M. Augustin Hamon qui vient de donner une traduction du « Doctor's Dilemma » reste fidèle à ses étranges habitudes; il sème son texte d' (( iceux >> et d'icelles ». Mais il a parfois des trouvailles plus ingénieuses encore.

Pour traduire le fameux proverbe anglais : « On ne sait si un pudding est bon qu'après l'avoir mangé. écrit tout simplement: «La preuve du pudding gît (The proof of the pudding is in the eating). M. Hamon dans le fait de le manger. >>

Qui croirait que M. Bernard Shaw écrit en un style

très alerte ?

Le mécontent.

Le Salon d'Automne n'est plus lui-même. Dada est mort, et les cubistes éteints. C'en est fait de l'innocente joie des familles. Mais le mécontent subsiste. Vous le trouvez, campé, montrant le poing, les yeux hors de la tête. Il prend à témoin sa pauvre femme, qui cherche à l'entraîner, le distraire, et se reproche de lui avoir servi du café. Il crible l'auteur de reproches infamants. Il repart, traverse les salles, accorde un coup d'œil indulgent aux natures mortes qu'il accepterait dans sa salle à manger, grogne un rapide « Ça, oui, je ne dis pas », sans s'arrêter, sans jamais admirer, jusqu'à ce qu'il retombe sur un autre ennemi et recommence à montrer le poing et à accabler sa femme qui n'en peut mais.

Or, sachez qu'il a brigué une invitation, qu'il a fait queue, qu'il savait fort bien ce qu'il verrait et qu'il ne cherche pas autre chose. Car cette indignation est son divertissement et son hygiène.

Il sort. Il secoue la tête, il sourit. Il est calme. Il est heureux. Il a vu des cubistes.

Le progrès.

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Entre marionnettes.

C'est en vain que M. Rouché tente de réveiller sa maison par de jolis spectacles à la manière de son ancien Théâtre des Arts; c'est en vain qu'il y monte l'Enlèvement au Sérail de Mozart. L'Opéra se refuse à récompenser d'un succès les entreprises délicates de son maître. Une à une, M. Rouché perd toutes ses illusions. Et pourtant il reste à son poste, et ne semble pas désespérer de l'avenir/

Quand il vint à l'Opéra, M. Rouché, tout feu tout flamme, conçut avec mille projets audacieux, une innovation remarquable: l'installation du téléphone entre les divers services de la maison. Mais, pour installer le téléphone, il faut, dans un tel ministère, remuer tant de rouages, que huit ans n'ont pas suffi à ce travail élémentaire. Demandez, par exemple, au bout du fil M. Maxime Dethomas: il faudra qu'un huissier monte cinq étages et que M. Maxime Dethomas en descende autant, si toutefois il en a le temps et le courage. Qu'ont pu devenir, dans cet édifice infernal, les mille projets audacieux qu'y apportait M. Rouché ?...

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Simple oubli.

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« Ce n'est pas un chef-d'œuvre », avait dit toute la presse. Et quoiqu'un tel jugement invite trop sou

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vent le public à l'admiration, le public a sifflé, et Camille quitte l'affiche.

Pourtant, après la première, l'auteur écrivait à un ami: « Succès énorme; nous avons fait vingt-deux mille. »

Nous... c'étaient Glück et lui, sans doute; car on jouait Orphée aussi ce soir-là ; il l'avait oublié. Nous... le joli pluriel de modestie.

Scènes dans la salle.

Une scène dans la salle où des spectateurs en fauxsemblant prenaient soudain part à l'action était autrefois obligatoire pour une revue de café-concert. Cette forme-là est devenue vieux-jeu. Dans nos derniers spectacles à succès, ce sont les acteurs et surtout les actrices qui passent la rampe pour se mêler aux vrais spectateurs.

Il est vrai que dans l'un d'eux les femmes restent sur un pont jeté au-dessus de l'orchestre... un pont où elles dansent... si toutefois on peut nommer danse un trémoussement saccadé de marionnettes qui font trois petits tours et puis s'en vont.

L'autre soir, une de ces marionnettes, qu'il ne faut pas désigner aux foudres de sa directrice, ne put s'empêcher de confier aux spectateurs voisins, à mi-voix :

--Non, mais ce que je dois avoir l'air bête là-dessus ! Elle était d'ailleurs en costume de Vérité... sortant du puits!

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535

de Cacambo étonna l'administration nouvelle. On interrogea les employés, les indigènes, on consulta les plus vieilles cartes. On ne trouva ni ville, ni village, ni ruisseau, ni rivière qui pût rappeler de près ou de loin ces trois syllabes étranges.

Alors l'administration, aussi barbare là-bas que dans les pays civilisés, raya des cartes et des indicateurs le beau nom de Cacambo; elle écrivit à la place « Werceslas Fosse >>.

Chose vue à Berlin.

Après avoir passé, en compagnie de sa femme, la soirée à la Scala de Berlin, rue Martin-Luther, un Français avait hélé un taxi et se disposait à y prendre place. Sans hâte, nos compatriotes saluaient leurs amis auprès de la voiture arrêtée au bord du trottoir.

Subitement, de l'ombre surgit un Boche formidable de stature suivi d'un second énergumène, qui paraissait tout autant belliqueux. M. W. défendit la portière et fit observer en allemand que le véhicule lui était réservé. L'Allemand -- un Poméranien sans doute rétorqua avec insolence que « les Berlinois avaient tort de s'imaginer que le monde tout entier leur appartînt » et il fit mine d'écarter M. W. Celui-ci, dont le visage atteignait à peine à l'épaule de son adversaire, commençait de s'inquiéter de son attitude hostile et de ses poings fermés, quand il lui vint une inspiration lumi

neuse.

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Le poignard dans la jarretière.

Un peu partout.

Les Espagnols sont très vexés du dicton qui assure que leurs femmes portent un poignard dans la jarretière. M. Rodriguez Marin directeur de la Bibliothèque nationale de Madrid et germanophile notoire, l'assure et affirme que ce sont les romantiques français qui sont responsables de cette invention blessante (c'est le cas de le dire).

Et bien, pas du tout ! Ce sont les Espagnols euxmêmes, le savant M. Morel Fatio nous l'apprend. Dès le XVIII° siècle, ils font allusion à cette mode qu'ont leurs femmes du peuple.

Mais pourquoi M. Rodriguez Marin ne veut-il pas que ses charmantes compatriotes aient porté le punal en la liga? C'était une preuve de vertu, pourtant!

L'Argentin Cacambo.

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Le fidèle serviteur que Candide engagea en partant à la recherche du meilleur des mondes était originaire de Tucuman. Tous les gens de Tucuman ne sont pas si barbares qu'ils ne s'en souviennent. Il y en a même qui s'en glorifient. Et peut-être qu'un jour l'amitié francoargentine élèvera là-bas une statue à ce personnage sympathique.

La Compagnie Fives-Lille, qui avait construit un chemin de fer local dans la province de Tucuman, avait donné le nom de Cacambo à l'une des stations de la ligne. Honneur au parrain inconnu de la gare de Cacambo!

Malheureusement, quelques années plus tard, la petite ligne fut rachetée par le réseau Central Norte. Le nom

L'ile volante.

L'amirauté anglaise et le Colonial office se renvoient mutuellement, comme une balle, la petite Ile de l'Ascension, une colonie britannique perdue dans l'Atlantique au nord-ouest de Sainte-Hélène.

Pour le moment, la petite île est considérée comme un navire et figure sur la liste des vaisseaux de Sa Majesté Britannique. Elle a son capitaine et dépend du commandant de Gibraltar. Mais l'amirauté ne veut pas la conserver plus longtemps et l'offre, pour rien, aux colonies. D'autre part, les colonies ne veulent pas accepter un cadeau qui coûte 10.000 livres par an et ne produit que des tortues.

Hélas! gémit le contribuable anglais, que l'Amirauté paie ou bien les colonies, qu'importe pour notre bourse ?

Sripta manent.

G. R. Calhoun est poète. Il est marié. Sa femme le quitte quelques jours pour faire un voyage.

G. R. Calhoun est amoureux de sa femme. L'absence lui semble longue, la séparation cruelle. Il trompe son ennui en faisant des vers.

L'absence de son épouse se prolonge. G. R. Calhoun est tenté par l'aiguillon de la chair. Il résiste. Mais il chante dans ses poèmes ses tentations, ses désirs, ses efforts pour rester fidèle.

Mme G. R. Calhoun revient. Empressé, son poète de mari lui confie les vers qu'il écrivit en son absence. Elle les lit, les porte à un avoué et demande le divorce, reprochant à son mari les tentations dont il a été victime en son absence.

Et les juges de Los Angeles appelés à statuer sur ce cas peu banal, ont ri du pauvre poète. Sans doute eût-il mieux fait de céder à la tentation que de la combattre par des vers compromettants !

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