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« général » doit se maintenir à bonne hauteur,

non point trop proche des originaux, sous peine de ne plus voir qu'un coin de la perspective, non point trop loin et trop haut, sous peine de se perdre dans les nuages (d'ailleurs charmants) de la philosophie de l'his. toire... Sérieusement, je pense que cette difficulté de vertu s'oppose au moins autant que l'immensité de la tâche à ce qu'un seul homme nous donne une histoire générale de la France.

Quoi qu'il en soit, et puisqu'en somme nous ne saurions nous passer de cette grande synthèse, on a essayé divers moyens de nous la procurer.

La première solution est celle de l'Histoire générale du IV siècle à nos jours, publiée à partir de 1896 sous "la direction de MM. Ernest Lavisse et A. Rambaud (1). En raison de la diversité des matières (car ce n'était pas là une simple histoire de la France, mais de l'univers) chaque chapitre était rédigé par un spécialiste différent; les deux directeurs déterminaient le plan et les proportions, répartissaient la tâche et s'appliquaient à maintenir l'unité du mieux possible; mais ce ne pouvait être très bien. En effet, comment les lignes générales auraient-elles été bien nettes dans une pareille mosaique de points de vue ? Comment marquer les grands courants, lorsque tant d'auteurs, qui peut-être ne s'accordaient pas même rigoureusement, se passaient successivement la plume? Au total, l'Histoire de Lavisse et Rambaud n'est et ne se propose d'être qu'un vaste manuel d'information dont la valeur littéraire et philosophique est à peu près nulle. Il suffit d'ailleurs qu'il soit on ne peut plus méritoire et utile.

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leur personnalité et à se soumettre à la discipline de l'école. Le résultat, c'est qu'en dehors d'un morceau fort beau (le Louis XIV de M. Lavisse lui-même) et des tomes de M. Ch.-V. Langlois et peut-être aussi de M. Vidal de la Blache, l'Histoire de France se compose de volumes cruellement gris, voire parfois d'un ennui qui les rend proprement illisibles (ah! ce M. Mariéjol !) ou même d'une faiblesse qui étonne, comme la Renaissance de M. Henry Lemonnier. La collection garde pourtant, hâtons-nous de le reconnaître, la valeur et l'utilité d'un vaste répertoire méthodique des faits.

Ce ne sont là, au reste, que défauts d'exécution, mais la solution donnée par M. Lavisse au problème d'une histoire collective offre un inconvénient de principe qui est grave: c'est d'imposer un plan trop chronologique, . de vouloir faire entrer le passé dans des cadres trop roides. Je m'explique. Les « grandes périodes » de l'histoire ne sont pas séparées par des frontières nettes et précises comme des fossés. Le Moyen âge ne «‹ finit » pas, ni la Renaissance ne «< commence » en 1453 ou en 1515; ces « périodes » ne sont pas semblables à des blocs taillés net, mais plutôt à des branchages enchevêtrés; certains « courants », certains « mouvements d'idées» qu'on admet généralement qui caractérisent bien le Moyen âge, se prolongent plus ou moins à travers tout le XVIe siècle ; d'autre part, la Renaissance lance mille racines à travers le Moyen âge (dès le début du XIVe siècle, il y avait chez nous des humanistes qui valaient les futurs Ficin et Pogge et un mouvement que la guerre de Cent ans étouffa). Un historien qui aurait à traiter à la fois de la Renaissance et du Moyen âge ferait sentir par des artifices de composition et de rédaction les résonances lointaines de l'un et de l'autre. Au contraire, deux historiens, et non pas collaborant étroitement comme les Goncourt ou les Tharaud, mais travaillant chacun à part soi, comment se mettraient-ils seulement d'accord sur des nuances aussi délicates que celles qui colorent et déterminent un mouvement d'idées ?

La seconde solution, beaucoup meilleure, est celle qu'a adoptée M. Ernest Lavisse dans son Histoire de France depuis les origines jusqu'à la Révolution et dans son Histoire de France contemporaine depuis la Révolution jusqu'à la paix de 1919, actuellement en cours de publication (2), solution que divers autres ont reprise, et notamment M. Funck-Brentano dans une collection de proportions beaucoup plus modestes qui a eu du succès et qui s'adresse moins aux travailleurs qu'aux simples lettrés (3). Elle consiste à confier (en principe et sauf exceptions) à un seul auteur le soin de faire le tableau complet (politique, social, intellectuel, artistique) d'une période déterminée par exemple, à M. A. Luchaire celui des premiers Capétiens, ou à M. Henry Lemonnier celui de la Renaissance et de la Réforme. Chacun des collaborateurs a ainsi un sujet et une matière assez larges pour qu'il fasse véritablement œuvre de penseur et d'écrivain, et l'unité de l'ouvrage total, composénologiques une histoire de France qui se propose de quelques grands morceaux, est plus facile à maintenir. Malheureusement, si les collaborateurs de M. Ernest Lavisse étaient bien et soigneusement informés, leurs dons de penseurs et d'écrivains étaient d'une inégalité surprenante. Il faut voir, dans ce dédain du << talent » qu'a fait paraître M. Lavisse lorsqu'il a choisi ses collaborateurs, l'influence de cette conception de P'histoire qui est celle des Allemands, que M. Renan a beaucoup fait pour répandre, qu'après lui Gaston Paris et l'Ecole des chartes puis, en dernier lieu, l'Université (qui la défend encore) ont adoptée : c'est que l'histoire est une science; qu'un récit de l'histoire de France ne doit donc être qu'un exposé synthétique des découvertes de la critique érudite, soigneusement incolore, rédigé sans aucune « littérature », par une collectivité; une sorte de procès-verbal, de compte rendu d'expériences, où le talent littéraire n'a point de place et ne pourrait être que dangereux. Joignez que M. Lavisse a tenu à ne choisir pour collaborateurs (autant que possible) que des universitaires dressés à effacer

Bien mieux les « grandes périodes » de l'histoire politique ne coïncident pas exactement avec celles de l'histoire littéraire, ni celles de l'histoire littéraire avec celles de l'histoire de l'art, et ainsi de suite par exemple, dira-t-on que l'intensité du romantisme en politique corresponde à celle du romantisme en littérature ? que la politique française de Charles X ou de Louis-Philippe soit romantique? et même le romantisme des beaux-arts n'est-il pas en retard sur le romantisme de la littérature ?Alors comment couper en tranches chrod'être

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à la fois politique, artistique, littéraire, sociale, etc.? Enfin une dernière difficulté, celle-là d'ordre pratique, que soulève la solution de M. Lavisse, c'est que si, en fait, les historiens sont généralement spécialisés dans l'étude d'une époque déterminée, ils le sont bien davantage, à l'ordinaire, soit dans l'histoire politique, soit dans l'histoire des lettres, ou dans l'histoire de l'art, etc. en sorte que confier à un même auteur le soin d'étudier ces trois branches à un moment du passé, c'est risquer que plusieurs d'entre elles soient cruellement sacrifiées. Ainsi en a-t-il été. Les arts et les lettres du Moyen âge sont encore si peu nuancés esthétiquement que les critiquer c'est plus affaire de science que de goût aussi, dans les premiers volumes de l'Histoire de M. Lavisse, les chapitres consacrés aux arts et aux lettres sont-ils généralement passables. Mais déjà M. Lemonnier, parlant du mouvement des idées et de la littérature de la Renaissance, paraît bien médiocre. Quant à M. Mariéjol, traitant des arts et des lettres sous Henri IV et Louis XIII, il est d'une inutilité incomparable. Enfin, si les idées de M. Lavisse sur la littérature classique ont de la valeur, il n'en va pas de même de celles de ses collaborateurs.

M. Gabriel Hanotaux nous offre une solution diffé

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rente. Il paraît en ce moment sous sa direction les premiers volumes d'une Histoire de la nation française des origines préhistoriques jusqu'à nos jours (1), où la matière n'est pas coupée en tranches horizontales, pour ainsi parler, mais verticales: c'est-à-dire qu'on étudie à part l'histoire politique de la France; puis l'histoire littéraire; puis l'histoire de l'art, etc. De la sorte, il n'arrivera en aucun cas qu'un historien de l'art soit chargé de l'histoire des guerres d'Italie. En outre, les auteurs seront moins nombreux et les coupures chronologiques moins fréquentes. Il y en aura pourtant et c'est dommage : par exemple, M. Imbart de la Tour écrira l'histoire politique des origines à 1515, M. Louis Madelin de 1515 à 1800, M. Hanotaux lui-même de 1800 à 1920; et ces dates sont bien arbitraires, et il vaudrait mieux qu'il n'y eût qu'un seul auteur pour le tout. Mais, surtout, puisque l'histoire des sciences et l'histoire de la littérature d'une part, l'histoire économique et sociale, l'histoire diplomatique et coloniale, et l'histoire politique, de l'autre, seront séparées par des cloisons étanches, on verra mal la concordance des diverses formes du passé. Théoriquement, cet inconvénient est d'une gravité considérable. Pratiquement, et puisque les historiens sont spécialisés plus encore verticalement qu'horizontalement, le système Hanotaux doit donner de bons résultats. Et, si j'en juge par le volume que je viens de lire, il les donne déjà. C'est celui qui est consacré à l'histoire littéraire du moyen âge. M. François Picavet y traite de la littérature en langue latine; M. Joseph Bédier des chansons de geste; M. Alfred Jeanroy de la littérature en français jusqu'à Ronsard. J'en parlerai la prochaine fois.

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L'on s'étonnait, à la reprise d'Amants, que la pièce parût écrite d'hier. C'est que M. Maurice Donnay a pris un thème éternel pour sujet et que les variations de oe thème sont de toutes les époques. Les conflits de sentiments qu'il nous peint sont indépendants des mœurs. Ils ne dépendent que des individus. Chacun pourrait écrire Amants à sa manière qui, sans doute, ne serait pas la bonne. M. Maurice Donnay a créé deux types qui sont à la fois vivants et synthétiques. Ils nous émeuvent parce que leurs sentiments et leurs sensations sont voisins des nôtres, ils satisfont notre intelligence parce que, tout en se laissant emporter par leur cœur, ils n'abdiquent ni leur conscience, ni leur clairvoyance, ni leur volonté. Et si quelque chose, dans cette admirable pièce, n'est pas très moderne, c'est précisément cet équilibre entre la maîtrise de soi-même et l'ardeur à sentir.

Des œuvres plus récentes nous ont représenté des êtres d'une insensibilité complète, d'autres abandonnés à leurs passions, à leurs appétits, sans que leur volonté, réduite à l'impuissance, puisse influencer, même faiblement, leur façon d'agir. Pour ces êtres-là, ils suivent leur instinct et s'en glorifient. Que cette mentalité est donc différente de celle de Claudine Rosay qui répond ainsi à Vétheuil : « Oui, je sais bien ce que tu vas me dire: la passion «<excuse tout, mais chez les brutes seulement. Tu me citeras des femmes qui ont tout quitté pour leur «amant... parbleu, on les connaît, celles-là; mais on ne << connaît pas les autres, celles dont le cœur a été brisé, <<< meurtri pour suivre leur devoir et qui n'ont rien dit. >>

(1) Plon-Nourrit, éd.

Et plus loin: « Le devoir, c'est de ne pas faire de mal « à ceux qui ont été bons pour nous. >>

Claudine et Vétheuil sont raisonnables et sensibles : s'ils semblent se laisser dominer par leur amour, par leur jalousie, nous sentons que ces faiblesses sont momen. tanées et qu'ils n'en sont pas fiers. Ils ne sont pas abso lument décidés à « vivre leur vie »; trop de considérations les entravent et ces milles liens qu'ils n'ont pas l'énergie de briser, parce qu'ils sont ironiques et noncha. lants comme on devait l'être en 1895, mais non cruels et décidés, comme on doit l'être aujourd'hui. Dans le théâtre de M. Maurice Donnay, ridicule et bonté ne sont pas synonymes. Claudine épargne Ruyseux parce qu'il est bon, Hélène Ardan, dans la Douloureuse, aime Philippe pour le même motif. Claudine et Vétheuil n'ont pas encore atteint la philosophie indulgente et désenchanté du comte de Ruyseux, mais cela tient à leur jeunesse plus qu'à leur caractère. Ils ne sont ni mufles, ni sublimes oe sont des types d'humanité moyenne; il savent qu'ils payeront leur bonheur passager, ils accep. tent le risque d'abord et ensuite la souffrance, sans cris, sans phrases et cependant sans sécheresse. Ils se consolent et ne paraissent point honteux de s'être consolés.

Si l'amour n'est pas éternel, ce n'est pas la faute des hommes, ni des femmes. Si l'un est lassant et l'autre lassé, on ne sait trop auquel des deux il faut donner tort. Le plus coupable est-il celui qui manque de tact ou celui qui manque de patience? Il est bien difficile d'avoir une opinion sur ce sujet délicat...

L'infidélité n'est pas un plaisir, c'est une loi; ceux qui la tournent sont les amants heureux, ils n'ont pas d'histoire. Claudine se fâche parce que Vétheuil a de l'amitié pour un fêtard. « Enfin ça m'ennuie, dit-elle, << que tu fréquentes ce garçon-là, un coureur qu'on ne « voit jamais avec la même femme. »- << Mais ce n'est «pas sa faute, répond Vétheuil. C'était son rêve d'avor «< la même femme, mais c'est les femmes qui l'ont tou « jours lâché ou trompé. » — Claudine: « C'est bie <<< fait. >> Vétheuil « Alors il s'est fait coureur ! #

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Et il y a aussi ceux que l'autre a toujours ennuyé a bout de peu de temps, ceux qui font affreusement vite k tour du partenaire et qui ne considèrent point l'amou mais comme une belle route où le paysage a le devoir de comme un vélodrome où l'on fait le record du temps, changer d'aspect. Il y a des infidélités excusables et des fidélités qui ne le sont pas, tant elles impliquent d'aveu glement et de médiocrité.

Comme le dit l'auteur lui-même par la bouche di comte de Ruyseux : « Du moment que l'infidélité ou, si vous aimez mieux, le changement, est une loi naturelle, il est à regretter que notre génie national ait toujours tourné au ridicule et parfois au tragique les conséquences logiques de cette loi. »

Et ailleurs: « Je trouve qu'il y a une jolie place à prendre entre Georges Dandin et Othello. »

Le dialogue d'Amants paraît toujours aussi alerte, aussi léger, aussi vivant; l'esprit et la délicatesse de M. Maurice Donnay en animent chaque réplique ; c'est un délice de l'entendre après l'avoir lu.

Mme Marthe Régnier, qui a repris le rôle de Claudine Rosay, l'a joué avec beaucoup d'intelligence et de talent; elle l'a nuancé avec finesse, n'outrant aucun effet et n'en simplicité charmante. Quant à M. Victor Boucher, il sait manquant aucun Son émotion est communicative, sa paraît nullement à son aise dans le rôle de Vétheuil, qui mieux nous faire rire que nous faire pleurer. Il ne beaucoup de relief et d'importance au personnage du dépasse tout à fait ses moyens. M. Huguenet a donné comte de Ruyseux; il y est parfait. Parfaite aussi Mlle Isabelle Fusier dans le rôle de Mme Jamine. En résumé, c'est une excellente reprise et un très grand succès.

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CLAUDE ISAMBERT.

La Musique

Les choeurs russes

Après les chœurs ukraniens de M. Koschitz, le Théâtre des Champs-Elysées nous fait entendre des chœurs russes dirigés par M. Kibaltchich. Les différences sont sensibles, et il n'est guère niable que la troupe de M. Koschitz l'emportait et par la qualité des voix et par la virtuosité de l'exécution. Chaque voix, on s'en souvient, valait par son timbre, comme un instrument dans l'orchestre, et la réunion de ces voix faisait une symphonie d'une variété, d'un moelleux et d'un éclat incomparable. Ici, rien de pareil. Il y a sans doute quelques belles voix. Une jeune femme, qui a chanté seule une phrase, avait le plus beau timbre, et les notes s'élevaient pleines et parfaites. On me dit qu'il y a aussi une basse excellente, que je n'ai pas entendue. Mais il y a aussi des défaillances, des voix aigres et surtout des voix moyennes, qui, emplissant la masse sonore de leur bourre inutile, lui ôtent cette plénitude et cette sonorité d'orgue qui faisaient la beauté des chœurs ukraniens.

L'exécution, d'autre part, tout en étant bonne, n'a pas cette virtuosité extraordinaire qu'on admirait chez les chanteurs de M. Koschitz. Je ne sais s'il ne faut pas s'en féliciter. Cette infériorité, ou peut-être un goût plus pur, nous ont délivrée de ces acrobaties où se plaisaient les Ukraniens. Le triomphe de ceux-ci était de passer brusquement des fortissimo au pianissimo, de souffler des crescendo, ou au contraire de filer des diminuendo progressivement atténués, qui s'évanouissaient. Naturellement, ces clowneries n'ont rien à voir avec la musique, mais le public en est enchanté. Les chanteurs de M. Kibaltchich, sur vingt et un morcaux qu'ils ont éxécutés, ne nous ont fait de coups de théâtre qu'une seule fois. Ils exécutaient un Kyrie eleison que le programme attribuait à un Lwovsky, que j'avoue ne pas connaître. S'agitil de Lwow, un de ces généraux musiciens qui semblent être une spécialité de la Russie, et qui fut de 1837 à 1861 directeur de la Chapelle vocale de la Cour ? Il a publié une collection de chants liturgiques anciens, et un volume sur le rythme dans l'ancien chant liturles gique russe, question très controversée entre érudits. Il est l'auteur du Boje, tsara krani, et il est mort en 1871. Quoi qu'il en soit, ce Kyrie est fort ourieux. Il est composé uniquement des deux mots qui traduisent en russe la formule grecque, Gospodi, pomiloni, et ces deux mots sont indéfiniment répétés sur un rythme rapide, et cette répétition est obsédante, importune, prenante comme la prière d'un pauvre. Et de même que dans les formules ainsi ressassées, la voix finit par mollir et la prononciation par s'altérer, de même ici, le son s'éteint progressivement, comme si la répétition devenait automatique, juqu'au moment où éclate brusquement un large appel, qui finit très dramatiquement le

morceau.

.

né en 1751, qui après des études et des voyages en Italie fut nommé à Saint-Pétersbourg en 1796 (l'année de la mort de Catherine II) directeur de la Chapelle vocale de la Cour. Il renforça cette chapelle, l'éleva à un haut point de perfection, et écrivit pour le chœur qu'il avait ainsi formé une quantité de pièces à trois voix, à quatre voix, pour double choeur. On a donné de lui le psaume 67, qui est une suite de quatre mouvements, allegro, adagio, moderato, vivace. Mais en réalité, son œuvre est un trésor fort riche. Tchaikovsky en a donné une édition en dix volumes. Or. Tchaikovsky lui-même a travaillé pour les chœurs. M. Kibaltchich nous a fait entendre l'Adieu du Rossignol, que je préfère à tout ce que je connais de ce musicien ; il serait intéressant qu'il nous fît entendre aussi la Bénédiction que Tchaikovsky composa pour voix d'hommes, ou encore les choeurs pour le jubilé de l'Ecole de droit, pour celui de Rubinstein, ou enfin quelque chose de toute sa collection de musique sacrée, depuis la Liturgie de Jean Slatoust qui est de 1878, jusqu'aux neuf pièces pour grand chocur qui sont de 1885.

La musique a capella de Glinka n'est pas, je crois, très nombreuse. On a chanté son Chœur des chérubins; il existe deux autres pièces, l'une à quatre voix (Euktenie), l'autre à trois (Frière). Glinka, qui est le vrai père de la musique russe, nous intéresse encore par les recherches qu'il a faites sur l'harmonisation naturelle des mélodies populaires ; il y a là un problème qui est resté très actuel. Nous avons encore entendu un chœur de César Cui, la Gloire, et parmi les modernes, une œuvre vraiment charmante de Kalinnikof, sur le texte des Béatitudes. (Kalinnikof était né en 1866 et il est mort en 1901; sa symphonie en sol mineur a été jouée à Paris en 1900.)

Le lecteur excusera l'aridité de ces détails. Mais trop souvent on va entendre les chœurs russes pour le seul plaisir de leur virtuosité. En réalité, ils représentent autre chose. La composition de la musique a capella est une tradition ininterrompue de l'école russe, du dix-huitième siècle au vingtième, et un trait profond qui la marque. La seconde partie du répertoire de M. Kibaltchich est formée de chants populaires qui sont charmants. Comment entendre sans émotion l'admirable chant des bateliers, Matchi Volga, si large et si plein. Je l'avais entendu en 1914, à Pétersbourg, par une chanteuse qui était admirable dans le style populaire, la Plivitzka. Qui reste aujourd'hui de ceux qui étaient là?

C'est un grand mystère que la musique populaire, ouvrage anonyme, œuvre de l'âme collective Un trait en est frappant entre tous. Dans celle de la Russie, vous trouverez des mélodies très peu tourmentées, à intervalles très rapprochées, de sorte qu'elles s'écartent relativement peu de la ligne droite, de la ligne d'horizon. Comment ne pas remarquer cette ressemblance entre le paysage et la musique ? Le singulier c'est qu'elle se poursuit de pays en pays. Nos méthodes ont le renflé, l'ondulation et le moutonnement de nos collines. Et dans les pays de montagnes, le zigzag des yodls reproduit la dentelure des crêtes sur le ciel.

Il m'a semblé aussi que la musique chantée par le choeur Kibaltchich était plus simple, moins ornée, plus musicale peut-être que le répertoire des Ukraniens. Ceux-ci arrivaient à une complication de dessins et de formules qui parfois masquait entièrement le morceau et étouffait la musique sous les ornements. Ici, Les Arts au contraire, nous avons entendu des morceaux dont la plupart étaient relativement très simples, avec des entrées qui n'allaient pas sans un peu de monotonie et une marche des voix plus classique qu'ingénieuse. Ce répertoire était emprunté à deux origines d'une part aux musiciens qui ont écrit pour la voix, et, d'autre part, à la musique populaire.

Les musiciens qui ont écrit pour les choeurs a capella sont très nombreux en Russie. C'est ainsi qu'on nous a fait entendre un très bel ouvrage d'un des précurseurs de la musique russe, Bortniansky. C'est un Ukranien,

HENRY BIDOU.

Du quai Malaquais au Salon d'Automne

I

Au moment où le Salon d'Automne ouvre ses portes, celles de l'Ecole Nationale des Beaux-Arts, quai Malaquais, se ferment, rouges, si l'on peut dire, d'indignation et de honte, sur les envois des pensionnaires romains.

M. Robert Rey, la semaine dernière, à dit ici-même

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que ces envois témoignaient presque unanimement d'un désir d'évasion, d'un besoin de liberté. Non point d'anarchie : les maîtres que les « prix de Rome >> actuels reconnaissent sont ceux que l'on pourrait appeler « les classiques contemporains »: Maurice Denis et MarcelLenoir parmi les peintres et, parmi les sculpteurs, EmileAntoine Bourdelle, Aristide Maillol, Joseph Bernard... Ces jeunes artistes de la Villa, d'abord ahuris par les épaisses et pesantes couronnes dont les « professeurs officiels » avaient, à la fin de laborieuses mais routinières études, écrasé leurs fronts, arrachent ces lauriers officiels et se donnent à d'autres guides.

C'est un signe des temps. Pour que les « forts en thème » de l'Ecole des Beaux-Arts renient l'effroyable enseignement qu'ils ont reçu, pour qu'ils parviennent à réagir contre tant de « montées en cage », tant de <«< mentions »>, tant de « médailles », pour qu'ils sortent enfin de la profonde et déprimante léthargie dans laquelle les stupéfiants officiels les avaient plongés, il faut que l'instinct de conservation l'ait emporté sur la stérilité et sur la mort. Les « rescapés de l'Institut >> reviennent à la vie comme le plongeur revient à la surface des flots, délivré de sa cloche isolante, laquelle, dans l'espèce, était un casque de pompier.

Ce qu'il y a de curieux, c'est que l'enseignement officiel de l'Ecole des Beaux-Arts ait pu durer si longtemps. En fait, depuis près de cent années, l'histoire de la peinture et de la sculpture fançaises pourrait être écrite sans que l'Ecole des Beaux-Arts et la Villa Médicis fussent nommées. Nous entendons qu'on nous oppose les noms de quelques isolés: un Carpeaux, par exemple, et un Besnard. Mais Carpeaux et Besnard sont grands par tout ce qu'ils ont su sauvegarder d'eux-mêmes dans une dangereuse aventure. Quels sont les grands noms de l'art français moderne: Delacroix et Courbet, Chassériau et Ricard, Corot et les peintres de l'Ecole de Barbizon, Puvis de Chavannes, Manet, Degas, Renoir, Cézanne, Gauguin, Rodin. Ceux-là ont fait de l'école française du XIXe siècle une école aussi glorieuse et aussi riche que le furent, dans le passé, certaines écoles étrangères. On peut dire sans exagération que l'Europe entière dépend de cette école et que la France joue esthétiquement, de nos jours, le rôle qui fut joué autrefois tour à tour par les Flandres et par l'Italie. Or, l'Ecole des Beaux-Arts est exactement pour rien dans tout cela; et l'on s'aperçoit aujourd'hui qu'Ingres lui-même ne se rattache à l'Ecole que par ce qu'il y a de moins bon, de caduc dans son œuvre. La Grande Odalisque et la Thétis, envoyées de Rome aujourd'hui, par un pensionnaire de génie, « scandaliseraient » les doctes professeurs, exactement comme ils viennent de l'être par les derniers envois.

X

Car il y a eu un «< scandale » et les journaux en ont parlé. On a pu lire ceci dans l'Echo de Paris: « Les rapports sur les peintures et les gravures des pensionnaires de Rome seront lus samedi prochain. Mais, dès maintenant, l'opinion est faite. Elle est littéralement indignée des envois des « Romains », notamment des sculpteurs et des peintres, qu'elle va rappeler très vigoureusement à l'étude des classiques, pour quoi ils sont à Rome. >>

Nous croyons que, dans l'ensemble (car que doivent penser de l'affaire MM. Albert Besnard, Henri Martin ou Ernest Laurent ?) les membres de l'Institut se trompent en croyant que les concours ou les envois habituels des candidats et des pensionnaires romains sont les ésultats d'un «< enseignement classique ». On n'enseigne même plus, à l'heure actuelle, à l'Ecole des Beaux-Arts, ce savoir matériel, cet académisme incolore mais solide comme une grammaire, comme un solfège, qui fut longtemps l'héritage du génie davidien. Le style « Ecole

des Beaux-Arts » est quelque chose d'absolument arti ficiel, d'informe, de dégénéré, un magma de recettes éventées et hâtives qui fait penser à la cuisine de artains grands hôtels, où une seule sauce universelle donne le même goût triste et la même couleur affligeante à tous les plats. Les victimes de ce style perdent tout sentiment du sujet, de l'époque et, cela va sans dire, de la nature, de la vie. Il faudra se souvenir de ce qu'on nous montre tous les ans, en juillet, quai Malaquais, au moment des fameux concours: M. Widor (musicien réputé, mais il s'agit ici de peinture et de sculpture) s'est, paraît-il, fait « l'interprète de l'indignation académique »> en s'écriant: « Deux expositions semblables, et c'en sera fait de la vieille réputation de l'art français. >>

Eh bien, il faut avoir le courage de l'avouer, « h vieille réputation de l'art français » ne dépend absolument pas de l'Ecole des Beaux-Arts. Les nouveaux pensionnaires vont peut-être changer cela; on le souhaite vivement. Mais, à l'heure actuelle, il faut se souvenir que l'Ecole des Beaux-Arts et la section des Beaux-Arts de l'Institut de France se sont toujours « indignées » et « scandalisées» devant ce que les artistes de notre pays ont apporté de beau, de nouveau et de vivant. N'oublions pas ce qui se passa à la mort de Caillebotte, lorsqu'il s'agit de faire entrer au musée du Luxembourg des Manet, des Renoir et des Degas admirables. Les académiciens, professeurs à l'Ecole des Beaux-Arts, menacèrent alors le ministre de démissionner en masse: « Nous ne pouvons, écrivirent-ils aux journaux, continuer à enseigner un art dont nous croyons connaître les lois, du moment que l'Etat admettra dans ses musées, où nos élèves pourront les voir, des oeuvres qui sont la négation même de ce que nous enseignons (1). »

N'oublions pas aussi que ces mêmes académiciens firent tout ce qu'ils purent pour que le portrait de la mère de Whistler fût refusé par le conseil du musée Ils trouvaient aussi que ce tableau si profondément, si paisiblement humain, était «< la négation de leur art!»

Aujourd'hui ces messieurs ne parleraient plus de dé missionner. Car peut-être, après tout, accepterait-on leur démission. Il n'y a en effet aucune raison pour que l'art continue d'être enseigné, à l'Ecole nationale des beauxarts, par des professeurs forfaits. Les temps ne sont pas encore venus, mais ils viendront, où l'on trouvera naturel et équitable que l'Etat ne réserve pas ses faveurs et ses deniers à de jeunes artistes qui ne repré sentent en rien l'art vivant de ce pays. Pourquoi l'Ecole nationale de beaux-arts, pourquoi la Villa Médicis dé pendent-elles de l'Institut? A l'heure actuelle, lorsqu'il s'agit d'organiser une exposition d'art moderne à l'étranger, la rue de Valois s'adresse-t-elle pour cela aux professeurs officiels, aux artistes qui ont reçu l'enseignement de ceux-ci? Elle s'en garde bien; et elle a parfaitement raison. Nous assistons donc à cette action contradictoire et paradoxale d'une part l'Etat, subventionne, diplôme, loge et nourrit des peintres qu'il sélectionne comme des sujets précieux, remarquables, des tinés à soutenir et à enrichir la réputation de l'école française, et, d'autre part, les œuvres de ces mêmes peintres sont soigneusement et prudemment exclues des expositions que ce même Etat organise, lorsqu'il s'agit de dire à l'étranger, « voilà ce que nous savons faire, voilà ce qui prouve l'épanouissement, la fécondité, les ressources de notre génie! >>

Une pareille situation ne saurait toujours durer. On ne voit pas pourquoi l'Etat refuserait d'aider dans leur jeunesse des artistes qu'il reconnaît ensuite pour s'en enorgueillir, alors qu'il aide matériellement, dans leurs débuts, d'autres artistes, qu'il répudie après les avoir formés. C'est là un mauvais placement, du gaspillage et de l'incurie.

(1) Cité par M. Camille Mauclair, dans l'Impressionnisme.

Nous ne proposons certes pas qu'on bannisse en bloc les académiciens, soit de l'Ecole des beaux-arts, soit des jurys qui choisissent les lauréats romains. Cela serait tout à fait injuste, d'autant plus qu'il y a dans ce corps illustre quelques hommes de grand talent; mais est-il moins injuste d'exclure absolument soit de l'Ecole, comme professeurs, soit de là Villa Médicis, comme pensionnaires, des artistes indépendants, les uns ayant «fait leurs preuves », les autres ayant fait leurs promesses? Pourquoi l'Etat qui paie les professeurs du quai Malaquais, qui pensionne les élèves du Pincio, se désintéresse-t-il, au profit du seul Institut, de ce double recrutement? Que se passerait-il si, d'autorité, demain, M. Léon Bérard et M. Paul Léon donnaient une chaire de professeur à M. Maurice Denis, à M. Bourdelle, à un graveur comme M. Naudin ou M. Beltrand? Que se passerait-il, si refondant le jury duquel dépendent le voyage et le séjour romains, ce jury indépendant enTiz voyait là-bas des véritables « espoirs » de la jeune peinture: un Allix, un Marchand, un Dufrène, un Lhote, un Charlot, un Favory? Qui sait quelles œuvres auraient vu le jour si, hier, Rome avait accueilli Bonnard et Roussel, Charles Guérin et Laprade, Marquet et Jules Flandrin? Et peut-être aurions-nous sur les murs d'une Sorbonne, d'une Cour des Comptes, d'un ministère, une a décoration admirable, si un jury clairvoyant et libre avait pu envoyer au Monte-Pincio, avec l'assurance d'y vivre à l'abri du besoin, Renoir à vingt-cinq ans !

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Il semble que les conditions actuelles de l'art mo derne permettent d'envisager « l'abolition d'un privilège » que plus rien ne justifie. En effet, tandis que les professeurs de l'Ecole des beaux-arts sont reniés par leurs jeunes poulains, par ceux mêmes en qui ils reconnurent, lorsqu'ils les récompensèrent, l'esprit, si l'on peut dire, de leur enseignement, d'autres peintres, au Salon d'Automne, montrent par leurs œuvres leur désir de retrouver une discipline intellectuelle, de renouer une tradition dont l'Ecole n'offre plus qu'une caricature vulgaire et flétrie.

Nous verrons la prochaine fois, en nous promenant dans les salles du Grand Palais, comment les réactionnaires de l'art indépendant d'une part, et d'autre part les révoltés de la Villa Médicis peuvent, sinon se réunir, du moins se rapprocher.

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Un satirique berlinois : Carl Sternheim

Carl Sternheim était connu, avant la guerre, comme l'un des meilleurs auteurs de comédies et l'un des esprits les plus indépendants de l'Allemagne. Portant sur la scène la satire antibourgeoise de Heine, il n'avait pas craint de railler, voire de scandaliser le « Philister >> berlinois lorsqu'il intitulait La culotte une pièce où l'on voyait une femme perdre cette partie de son vêtement, et trois hommes disserter à propos de ce fait-divers. Il vient d'obtenir un grand succès en s'essayant dans un genre ressuscité du temps de Voltaire, et qui fleurit actuellement outre-Rhin le pamphlet, la brochure tantôt sérieuse tantôt satirique, où l'on traite en cinquante, cent pages au maximum le sujet du jour.

Ce sujet, qui hante tout le monde, et qui inspira les brochures non moins retentissantes de Spengler ou de Keyserling, c'est la situation de l'Allemagne, les causes et les résultats de sa défaite, la mentalité de son peuple. Dans Berlin oder Juste Milieu, Sternheim fait remonter jusqu'à Hegel et Marx ce matérialisme, cette soumission à la fatalité du fait accompli, cette subordination de l'individu à la collectivité, qui sont, à ses yeux, les traits

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caractéristiques de l'Allemand d'aujourd'hui. C'est peutêtre faire un peu trop d'honneur à la philosophie, et le génie positif des Germains, leur goût naturel de la discipline et le développement économique des cinquante dernières années seraient peut-être des raisons aussi simples. Mais passons les philosophes, s'ils ne déterminent pas toujours les événements, aident du moins à les comprendre.

Donc, l'Allemagne hégélienne se mit aux affaires. « La place de l'Université, qui jusqu'alors avait été, du moins en apparence, l'instigatrice de la vie publique, fut prise par la Deutsche Bank et l'A. E. G; les dirigeants furent, non plus Virchow et Mommsen, mais Koch et Rathenau. » Partout s'imposa le règne du nombre la notion de qualité fut supplantée par celle de quantité, et l'on vit surgir le culte absurde du « kolossal ». Cependant, à la veille de la guerre, le point culminant venait d'être atteint; il y avait surproduction, et pour que la machine industrielle pût continuer à entasser des stocks, il fallait en détruire. La guerre apparut ainsi comme une affaire gigantesque, « Weltgeschæft »; on ne voulut voir, tout d'abord, que l'accroissement de consommation qui en résultait; les hommes mêmes se débitaient par millions, aux acclamations d'une foule abêtie, qui ne se rendait pas compte qu'en cette opération elle serait la grande victime.

Maintenant, qu'est-ce que « Juste milieu » ? Sternheim désigne ainsi, tantôt la classe moyenne qui a donné le ton pendant la période d'avant-guerre; tantôt, et plus souvent, cet esprit de compromis qui asservit la classe ouvrière, aussi bien que les classes dirigeantes, au désir d'enrichissement et de bien-être, et supprima toute opposition réelle entre leurs buts politiques: « C'est le point de vue qui consiste à faire peur, de temps à autre, aux possédants, et à tenir le travailleur en laisse avec de grands gestes démocratiques. >>

Le prolétaire s'était embourgeoisé ; « on le chloroformait avec du luxe à bon marché », et pendant quarante ans les chefs de la Social-Démocratie, ne cherchant qu'à satisfaire leur désir du pouvoir, avaient favorisé cette évolution : c'est pourquoi, en août 1914, au moment de la décision suprême, ils envoyèrent à la frontière ces vingt millions d'ouvriers « que l'on n'aurait pu, s'ils avaient refusé de marcher, clouer à la muraille ».

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Sternheim n'est guère plus indulgent pour la révolution allemande. « Le monde entier, dit-il, vit avec stupéfaction que l'ouvrier allemand levait un bras menaçant, et soudain l'arrêtait en l'air, comme si son poing était paralysé. » C'est que le monde oubliait son histoire contrairement au Français de 1789, au Russe de 1917, l'Allemand abordait la Révolution sans y être préparé il lui avait manqué « cette phalange de briseurs d'idées» qui s'appellent Beaumarchais, Voltaire, Diderot et Rousseau, Gogol, Dostoïewski, Tolstoi et Gorko. Un socialisme qui ne parlait que de propriété et de capital, d'argent et de valeur, de nombre et de chiffres, agit comme une force purement négative » ; il ne sut pas communiquer aux masses l'élan dont elles avaient besoin pour se saisir d'un héritage vacant, dans une heure particulièrement difficile.

Ainsi se ferme le cercle de Hegel et de Marx: le peuple allemand a a subi une catastrophe parce qu'il a conformé sa vie aux « infâmes idéologies » des maîtres qu'il s'est choisis. Sternheim ne conclut pas, si l'on entend par conclusion une prédiction ou un conseil : il termine sur cette note pessimiste, en opposant à l'Allemagne la France de « Jeanne d'Arc et de Stendhal, de Delacroix et d'Henri Rousseau »>.

N'allez pas croire, toutefois, que sa verve ne s'exerce qu'aux dépens de ses compatriotes, et que nous échappions à sa critique. Dans une autre brochure qu'il vient de publier sous ce titre : Fairfax, il déclare que les Français sont esclaves d'un absurde traditionnalisme,

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