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Quelqu'un de bien ennuyé le jour du vote, c'était M. François Arago obligé de requérir contre ses propres amours. La majorité de son son groupe était hostile à M. Briand, mais, lui, Arago, a toujours eu un faible pour un homme qui parle si bien. Au moment de voter, il mit donc un bulletin blanc dans l'urne; ce que voyant de jeunes militants l'entourèrent aussitôt, lui Pfirent comprendre que voter contre l'avis de la majorité de son groupe, c'était résilier ses fonctions de président; comme à regret, il remit alors un bulletin bleu à l'huissier... mais sans retirer son bulletin blanc... ce qui, au dépouillement, se traduisit par une abstention.

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A leur habitude, les socialistes durant les débats soutinrent le cabinet contre les violentes attaques de ses adversaires. Mais, bien entendu, au moment du scrutin, ils laissèrent à d'autres le soin de l'étayer. Les unifiés, décidèrent de s'abstenir. Mais les communistes, prisonniers de leur principe d'opposition à tout gouvernement bourgeois, mêlèrent leurs voix à celles des clémencistes at et de la droite. Comme un jeune député s'étonnait de l'attitude toute contraire qu'ils avaient prise au cours des débats, M. Gourd, député du Rhône, lui fit doucement remarquer:

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Voyons! voyons! jeune homme, quand un galant phomme couche avec une femme du monde, il ne doit jamais la reconnaître s'il la rencontre dans la rue!

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On a fait remarquer avec malice que c'est la droite de l'Entente, le parti des ducs, qui vota pour M. Briand, alors que la gauche de ce parti Îui marquait sa défiance. D'autre part, les catholiques les plus marqués de ce groupe, exception faite pour le général de Castelnau et ses amis, se firent remarquer par leur zèle pour le cabinet. Et cela confirma le bruit d'après lequel le nonce, consulté, aurait laissé entendre que M. Briand, mieux que quiconque, était qualifié pour mener à bien la délicate question du modus vivendi à établir entre l'Eglise et l'Etat.

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Il ne manqua point, dans le débat sur les chemins de fer, de dire: « Je vous avais bien prédit... »

M. Xavier Vallat, député de l'Ardèche, gouilla : « Ce que c'est, tout de même, que d'avoir dans les veines du sang de tous les prophètes d'Israël ! »

A propos d'un enterrement.

L'enterrement de M. Charles Lutaud, gouverneur général honoraire de l'Algérie, fut évidemment une chose triste, pourtant... pourtant...

C'était dans la chapelle du four crématoire au PèreLachaise. Le député du Rhône, M. Moutet, prononçait l'oraison funèbre du défunt.

Emporté par son éloquence il s'écria :

Charles Lutaud qui a rendu tant de grand pays au service... et il continua, sans remarquer un léger mouvement dans l'assistance.

Quand il eut fini, l'ordonnateur des pompes funèbres s'avança vers M. Gaston Thomson pour le conduire à la tribune.

A ce moment le chef d'orchestre leva son bâton et les musiciens entonnèrent une marche funèbre.

M. Gaston Thomson resta à demi levé, appuyé d'une main sur son banc ne sachant ce qu'il devait faire, cependant que l'ordonnateur des pompes funèbres intimait par gestes, à l'orchestre de patienter.

M. Charles Lutaud dut sourire du fond des enfers...

Décoré.

Chez ceux qui dansent.

« On relève avec plaisir, parmi les nouveaux décorés de la promotion du ministère du commerce, le nom de M. Edmond Pachy, élevé au grade d'officier de la Légion d'honneur. Industriel à Paris, M. Pachy est le propriétaire des carrières de granit de Montjoie (Manche) et de Vire (Calvados) d'où a été extraite la grande dalle du Poilu Inconnu posée sous l'Arc de triomphe. >>

Les anciens poilus n'auront pas lu dans les journaux cette petite note sans un léger sourire :

Parce que tu l'as mis sous une belle pierre
Comme lui, tu reçois la croix!
Que n'as-tu mérité la croix du ministère,
Comme lui, par la croix de bois?
Pour la mériter mieux, il eût d'abord fallu
Comme lui, rester inconnu.

Le partage.

C'est un marquis de bonne noblesse ; mais sa bourse était moins riche que son blason.

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Voyez, disait-il souvent, ce qu'on appelle maintenant la grande noblesse de France. Ces gens-là ont moins de quartiers que moi. Mais ils ont su, de génération en génération, étayer leur beau nom par la fortune de riches bourgeois.

Il avait deux filles et deux garçons. Et son esprit fécond en grandes entreprises dressa, pour l'avenir de sa race, de royales perspectives.

Les filles, il ne s'en occupa guère, ou du moins il leur laissa le soin d'attirer l'aide du ciel sur la prospérité de la famille. Elles se firent petites sœurs des pauvres. Le premier des garçons épousa la plus riche héritière du commerce de la province. Toute la province en sourit. Le tour du second est venu. Mais la province ne suffit plus. Il faut le secours de l'étranger. Voici le cadet fiancé à l'un des noms les plus dorés de la finance américaine. Cette fois, toute la France en a ri. Et l'on murmure : Il a donné ses filles aux pauvres et ses garçons aux

riches.

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Le petit chien qui veut faire l'âne.

La vicomtesse de B. aime beaucoup les petits chiens de manchon. Elle eut le malheur de le dire à l'une de ses amies qui lui devait une grande reconnaissance. L'amie découvrit aussitôt le cadeau qui ferait plaisir à la dame, lui fit envoyer un chien papillon, le plus joli, le plus tendre des chiens papillons, et reçut mille remerciements.

Cependant quelques mois passèrent. Et la vicomtesse de B. s'aperçut avec surprise que son chien avait peine à tenir dans son manchon. Elle fit agrandir son manchon, mais en vain. Le papillon devint un gros loulou, et le gros loulou devint un chien-loup.

D'abord la jeune propriétaire sourit de l'aventure. Mais elle eut tout à coup une sombre pensée.

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M. l'avocat général Godefroy, qui remplit l'office de ministère public dans l'affaire Landru est une figure bien parisienne. On n'ignore pas l'intérêt qu'il porte aux lettres ni son goût des arts. Il est affable, spirituel et charmant.

Sa silhouette est familière au Palais où on le voit chaque jour traverser les couloirs d'un pas lent, s'arrêtant souvent pour s'entretenir avec mille fâcheux. Mais M. l'avocat général Godefroy est affligé d'une claudication légère, oh! très légère, ce qui n'a pas empêché Landru de dire, quand il sut que ce serait M. Godefroy qui requerrait contre lui:

La voilà bien, l'image de la justice.

X

Mo Moro Giafferi arriva l'autre jour au Palais Bourbon le chef orné d'un superbe huit reflets. Un de ses collègues lui demanda la raison de cette coiffure de cérémonie, réservée d'ordinaire au président de l'assemblée.

<< Cher ami, lui répondit l'avocat, je viens d'aller rendre visite à Landru. Si j'ai mis un haut de forme, c'est pour l'habituer, le cas échéant, à M. Deibler... >>

Autour de la corbeille.

Un troisième Haroun-Al-Raschid....

Tout comme Haroun-al-Raschid et... M. Leullier, notre honorable garde des sceaux aime à se rendre compte par lui-même et récemment, il s'en est allé, accompagné de son chef de cabinet, au tribunal de commerce de la Seine. Il y a appris beaucoup de choses et notamment celle-ci qui l'a laissé dans un certain état de stupeur. On lui a démontré qu'un commerçant qui est en état de cessation de paiement et n'a aucun actif n'est jamais déclaré en état de faillite. Voici pourquoi : le tribunal de commerce prononce bien la faillite et nomme bien un syndic. Mais alors le commerçant fait appel. Le syndic, comme il ne veut pas exposer personnellement d'argent et qu'il n'existe aucun actif, ne bouge plus. Le commerçant ne fait jamais venir son affaire. Et jamais la Cour d'appel ne ratifie la décision attaquée.

Ainsi dorment tranquilles beaucoup de commerçants en faillite...

La prudence du candidat.

L'époque ou MM. les agents de change vont renouveler leur Chambre syndicale approche. C'est le moment de citer un mot de leur honorable syndic - mot que n'ont pas rapporté les nombreux journalistes qui vont interviewer cette éminente personnalité financière. Comme il parlait affaires avec quelqu'un qui lui disait ne pas partager toutes ses idées, le syndic se mit à le regarder avec tout l'étonnement candide que peuvent contenir ses yeux bleus et il prononça ces paroles effarées et effarantes :

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- Mes idées ?... Mais je n'ai pas d'idées, moi. C'est bien pour cela qu'il sera réélu, grommela quelqu'un en haussant les épaules.

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Un homme aimable.

Il y a des détracteurs féroces du monopole dont jouissent MM. les agents de change peut-être parce qu'ils en jouissent assez mal. L'un de ces derniers, qui leur en veut à mort et qui donne à ses coups de boutoir une publicité bruyante, les a surnommés, à cause de la baisse des valeurs de son portefeuille, les « Deibler du capital » Est-ce le désigner trop clairement que de dire qu'il est le moins aimable parmi les membres de la compagnie?

Sur une girouette de la propriété qu'il a aux environs de Paris il a mis ces lettres: F. M. L. P. Et comme on lui demandait ce que cela signifiait, il répondit : << Foutez-moi la paix ! >>

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Le château de Chambord va-t-il devenir une parfumerie?

Les vieux hôtels du Marais sont pour la plupart accommodés à des locaux industriels. Les amis des monuments parisiens le déplorent, mais cette appro priation utilitaire les a sauvés de la pioche du démolisseur, et c'est bien quelque chose.

En sommes-nous là pour Chambord, la merveilleuse résidence de François Ier et de Louis XIV, où Molière donna à la cour le divertissement du Bourgeois Gen tilhomme? M. Coty vient de proposer aux Monuments historiques de louer le poétique domaine pour y édifer une usine de parfumerie (sans cheminée), une cité ouvrière modèle, des terrains de jeu, des fondations d'assistance, le tout édifié en dehors de la forêt, sans toucher au château autrement que pour subvenir à son entretien

La capitalisation du loyer payé (250.000 francs) permettrait à l'Etat d'exercer le droit qu'il tient de la loi de 1919 et d'acquérir la propriété du célèbre domaine sequestré sur les Bourbon-Parme.

M. Coty renonce, paraît-il, à créer une maison de vente dans le château.

La Commission des Monuments historiques s'est réa

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Ce fut une vraie coulée de foule au double courant que ce vernissage du Salon d'Automne, le jour du pont. Les vedettes de ces cérémonies renoncèrent à s'y exhiber, n'ayant pas le champ libre. Il faut un peu d'air entre les tableaux... ambulants et quelque recul. Ainsi ce fut le vernissage des anonymes. Les tableaux en entendirent peut-être quelques bêtises de moins !

Et puis nos célébrités bien parisiennes, et en ceci fort gauloises, craignaient peut-être de recevoir la coupole sur la tête ! Il en était déjà tombé un lustre à la répétition... des statuaires. Cela avait permis d'éprouver la qualité de résistance d'un groupe en bronze, lequel se voûta à peine sous le poids!

A propos du nouvel académicien.

C'était le 10 que l'Académie devait recevoir M. Bédier. Mais l'anniversaire d'un deuil lui fit demander une autre date. On se décida pour le 3. Cela mit l'Institut sans dessus dessous. En effet, les portes en devaient être fermés le 30 parce que c'était dimanche, le 1er parce que c'était la Toussaint, le 31 parce que la loi le voulait, et le 2 parce que c'était l'usage. Il fallait pourtant mettre la salle en état. Force fut à l'Institut de manquer à une tradition très respectable, et d'ouvrir le palais le mercredi.

En apprenant cela, l'Académie des Sciences, dont la séance ne pouvait avoir lieu le 31, en profita pour la reporter au jour des morts. Et voilà pourquoi les memarbres de cette compagnie toucheront malgré tout leurs jetons...

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Dans le dernier numéro de l'Opinion, M. Thierry Sandre, félicitait le Conseil général de la Gironde qui, d'après une information publiée par le Temps, avait enfin décidé de célébrer les deux cents ans des Lettres Persanes.

Hélas voici même une nouvelle déception pour notre collaborateur. Le Temps vient de publier la rectication suivante :

« Le Conseil général de la Gironde, contrairement à ce qui a été dit, dans ses sessions de septembre et d'octobre, n'a pas été saisi régulièrement de cette question et n'a pu, par suite, statuer sur la célébration de l'œuvre de Montesquieu.

Alors, Bordeaux non plus ne célébrera pas son vieux

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Président » ? Pauvre Montesquieu ! Pauvres Lettrès Persanes! Pauvres Bordelais !

Potins de la Potinière.

Alain, sa mère et sa maîtresse font les beaux soirs de la Potinière, le rôle de la mère y est joué avec talent et autorité par Marcelle Yrven.

Mais il avait d'abord été proposé à une très grande artiste contemporaine de l'inoubliable Réjane, qui ne voulut accepter qu'à une condition : c'est que les auteurs modifieraient le rôle de façon qu'elle n'ait plus dans la pièce qu'un seul fils au lieu de trois.

Les auteurs ne voulurent rien changer et confièrent le rôle à Marcelle Yrven qui, bien qu'ayant vingt ans de moins, accepta avec esprit d'avoir autant d'enfants que l'on voudrait...

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Les jeux de la Bourse et du hasard.

Les couturières sont maintenant aussi courues que les générales mais elles diffèrent de ces dernières en ce que l'on y travaille encore. Les photographes opèrent, le metteur en scène corrige.

Aux couturières des « Deux Masques » l'artiste qui jouait le rôle du bijoutier avait pris le rôle au pied levé et le jouait manuscrit en main. Proposant une bourse en or à la petite femme entretenue de la pièce, il lit cette phrase sur le manuscrit :

« C'est ce que nous avons de mieux, madame, nous avons vendu la même hier à Mlle Gaby Deslys ».

Immédiatement des murmures se font entendre. Mais déjà le metteur en scène a bondi de derrière un portant, rectifié le texte sur le manuscrit et tout de suite l'acteur enchaîne en disant :

« Nous avons vendu la même à Mlle Cécile Sorel ». Ce que c'est que la gloire!

La réforme du Calendrier.

Un peu partout.

Le Vatican a pris récemment une initiative qui intéresse le monde entier. Il convoque une conférence d'astronomes à l'effet d'étudier une réforme possible du calendrier et d'envisager si Pâques et les autres fêtes mobiles ne pourraient pas être fixées à de certaines dates déterminées.

C'est le cardinal Mercier qui présidera cette assemblée dont les travaux commenceront, sans doute, en avril prochain.

Le calendrier grégorien, actuellement en usage, fut promulgué, on le sait, en 1582 par le pape Grégoire XIII, c'est donc à un pape que revient, de droit, le soin d'y apporter les modifications jugées aujourd'hui

nécessaires.

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Jamais on ne vit pareille réunion d'étoiles depuis 1845. Cette année-là, la jeune reine Victoria profita de la présence en Angleterre des quatre plus grands danseurs du monde pour organiser un somptueux festival. Taglioni, Grisi, Cerito et Grahn apparurent alors tous quatre ensemble sur la scène.

Plusieurs ont craint qu'il ne fût impossible de maintenir la concorde entre onze premières danseuses! Au temps de la reine Victoria, il y eut de grandes rivalités. Mais le maître du ballet trouva le bon moyen d'y mettre fin il menaça de classer les danseurs sur le programme, par rang d'âge...

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La musique, de Tchaikovsky, est exactement celle qui fut donnée en 1890, lors de la première représentation du ballet, sauf probablement en un passage. Lors de la répétition générale de 1890, l'empereur Alexandre était présent et suivit la représentation avec le plus grand intérêt, sauf à un moment où il bâilla. Tchaïkovsky qui était assis près de lui, bondit vers le chef d'orchestre et lui enjoignit de supprimer dorénavant les mesures que le czar n'avait point appréciées.

M. de Diaghilev a-t-il respecté l'avis de la dynastie déchue?

Affaires Intérieures

Erreurs de méthode

La Chambre, qui a failli prendre une semaine de vacances, y a renoncé pour discuter encore une interpellation. C'est du moins le prétexte donné officiellement d'abord pour ne pas s'ajourner au 8 novembre. Car une fois qu'il fut entendu qu'on reviendrait le 3 novembre pour les interpellations financières, on décida que les interpellations financières pouvaient financières pouvaient attendre.

D'ailleurs, est-il besoin d'interpellation financière ? Si elles doivent être aussi claires que les interpellations sur la politique générale, l'opération paraît superflue : les discours ne nous apprendront pas grand'chose. On connaissait l'existence d'un conflit entre M. Doumer et la Commission des finances. La Commission reprochait à M. Doumer de n'avoir pas mis assez d'énergie à obtenir de ses collègues des propositions de « compressions» indispensables, et de n'avoir pas une politique suffisamment nette, en ce qui concerne l'augmentation nécessaire des recettes. Or, le bruit court que l'accord s'est fait.

« Oui, dit un membre éminent de la Commission des finances. L'accord s'est fait. Le ministre nous a apporté des diminutions de dépenses et des augmentations de recettes. Les économies réalisées sur les prévisions des dépenses atteignent 150 millions. Ce n'est pas beaucoup, sur tant de milliards! Mais il faut encourager les bonnes volontés.

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On applaudit ferme. Les plus déterminés à s'en aller jusqu'au 8 baissèrent le nez et ne dirent plus rien.

« Au reste, déclarait un député qui vient de boucler sa valise, on peut toujours voter qu'on rentre le 3. Cela n'engage à rien, qu'il revienne quatorze collègues, et cela sera suffisant. >>

Mais un autre, moins cynique, disait mélancoliquement « Après l'apostrophe de Picot, il n'y avait rien à faire. La démagogie est toujours souveraine des assemblées... >>

L'excellent colonel Picot n'est pas un démagogue. Sa manifestation n'en est pas moins démagogique, Il apprendra sans doute cela avec peine. Mais il est nécessaire qu'il le sache.

Il faut aussi que M. Henri Lorin, qui est un parlementaire très distingué, et qui a été le rapporteur éminent du nouveau régime des chemins de fer, sache qu'il n'a pas donné un très bon argument à l'appui de sa thèse, lorsque, faisant l'apologie de son œuvre, il a déclaré fièrement à la tribune : « Mon rapport sur la question ne remplissait pas moins de mille feuillets, et, pour les élaborer, nous n'avons pas tenu moins de trente-six séances. >>

Il faut absolument attirer l'attention d'un Parlement plein de bonne volonté sur une erreur de méthodes et d'applications qui peut lui causer le préjudice le plus grave.

Le travail parlementaire ne s'évalue pas aux pièces. On a dit à juste titre qu'une des erreurs fondamentales de la loi de huit heures était de confondre la présence et le travail. A ce compte, un concierge demeuré huit heures dans sa loge aurait plus travaillé qu'un chirurgien opérant pendant une heure ou qu'un professeur dont le cours aurait duré trois quarts d'heure. La meil leure séance de la Chambre serait celle qui a duré? plus longtemps; la meilleure session serait celle q aurait comporté le plus de séances. Le meilleur discours serait le plus long. Le meilleur rapport serait le plus volumineux. N'est-ce pas ce qu'ont dit, en somme, aux applaudissements de l'Assemblée, M. Lorin et M. Picot?

Pour le peuple, l'ouvrier qui travaille le plus est celui qui reste le plus d'heures à l'usine. Le meilleur avocat est celui qui plaide le plus longtemps. Les banquiers les plus gros sont les plus respectables. Les articles les plus compacts sont les plus sérieux. Toutes ces appré ciations sont basées sur l'apparence seule, et c est a qui fait que toutes ces appréciations sont démagogiques. Puis, le colonel Picot a donné un argument démagogique des plus funestes, et M. Lorin aussi.

Il est souhaitable, précisément, que les rapports soient peu nombreux, courts, légers, clairs et concis, de façon qu'on puisse les manier et les lire effectivement. Il faut que la Chambre siège peu, afin que les parlementaires puissent faire en conscience leur travail considérable, dont la séance publique est la moindre, et la moins importante partie.

Le principal devoir du parlementaire est de lire, de s'informer, d'enquêter. Ainsi, en connaissance de cause, il apportera une précieuse collaboration au travail de commissions. Ce travail préparatoire, ratifié en quelques séances rares et courtes, mais claires, sans discoun inutiles, sans redites, sans manifestations verbales superflues, nous évitera le fatras incompréhensible et confus d'une formidable législation incohérente et sou vent contradictoire, dont les textes demeurent le plus souvent et forcément sans sanction...

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Les vacances sont une des nécessités les plus impé rieuses du rôle parlementaire. Elles évitent, d'abord, de travailler dans la fièvre, et permettent le recueillement nécessaire, entre chaque loi élaborée et chaque important débat clos. Elles assurent indépendamment des voya ges d'études indispensables - le contact entre l'életeur et l'élu, et ce contact réciproque fait d'une fréquen

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tation constante, qui seul peut faire du régime représentatif une réalité féconde.

Il faut avoir le courage de dire ces choses. Tout le reste est démagogie.

Démagogie, les discours interminables que personne n'écoute. Démagogie, les séances auxquelles, forcément, presque personne n'assiste (et s'en vante). Démagogie, les amendements irrecevables ou ruineux déposés pour plaire à telle ou telle catégorie ou céder à telle sommation, et dont les auteurs mêmes ont la pudeur intime de redouter secrètement l'adoption. Démagogie, les rapports in-folio que personne ne lit, que personne, matériellement, n'a le temps de lire. Démagogie suprême, le cynisme aimable qui, répugnant à toute réforme, fait, spirituellement d'ailleurs, l'apologie des pires abus.

Cette Chambre, qui manque un peu de sens politique, s'en excuse en prétendant qu'elle est venue pour travailihler, au-dessus des luttes de partis. Soit. Mais on ne peut travailler sans méthode, et on ne peut avoir de méthode sérieuse qu'en renonçant, une fois pour toutes, à la démagogie, toujours facile et toujours trop aisément victoorieuse.

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Cette Chambre, d'une telle bonne volonté, ct d'un recrutement, en somme, excellent, mérite de laisser un nom dans l'histoire de notre relèvement national. Elle ne le pourra qu'à ce prix.

Notre politique Alsacienne

TRYGÉE

C'est Hansi qui, avec sa courageuse franchise, a dit que la politique suivie en Alsace depuis l'armistice était une politique de vaincus. Sous le prétexte de ménager les intérêts locaux (ou, plus exactement, certains intéSrêts locaux), nous n'avons pas osé introduire en Alsace les institutions françaises ni les mœurs politiques françaiorses; il semble que ce soit, non la France qui ait retrouvé ses anciennes provinces, mais celles-ci qui aient retrouvé da France; et le fameux régime transitoire, instauré par ke Parlement, paraît avoir été interprété comme devant Lezervir à maintenir le plus longtemps possible, sinon défiaitivement, les lois et les institutions allemandes, et à Laisser à l'Alsace-Lorraine son armature germanique. Teule, l'Université a été réellement organisée à la franaise; c'est même pour cela que la presse reptilienne l'outre-Rhin s'est plu, dans ces derniers mois, à déverer sur elle sa bave. Mais c'est à peu près tout. La Jusce, en particulier, fonctionne encore comme du temps llemand quand on entre dans un prétoire, on se emande de quel côté du Rhin l'on est; tout se passe n colloques, d'une amabilité plus que froide, entre maistrats et avocats-avoués; et des juges français sont acore obligés de rendre leurs jugements suivant la proédure et les errements allemands.

nag

les!

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Notre attitude a été jusqu'à présent toute d'humilité evant les admirateurs, trop souvent intéressés, de la gislation et de la culture germaniques. Pour un peu,

Ou's

nous excuserions, quand nous introduisons, ou herchons à introduire, quelque fragment de notre légistion celle-ci a toutes les allures d'une mendiante à ui, par lassitude, on veut bien faire une petite place son foyer. Et ce n'est qu'après des concessions multiples, de véritables marchandages, que quelques lois de la rance victorieuse ont pu forcer la barrière des Vosges. écemment encore, les discussions qui ont eu lieu au Conseil Consultatif au sujet des lois commerciales franaises ont été particulièrement symptômatiques : le Conil a bien voulu voter, en principe, l'introduction de nos bis, mais en réservant tant de lois dites locales que le rincipe a plutôt l'air d'une exception. A entendre même ertains de ses membres, les sociétés françaises par ac- i

tions ne seraient dirigées que par des incapables, tandis que les sociétés allemandes seraient des modèles d'organisation ces propos ont pu être tenus, sans que s'élevât aucune protestation de la part des autorités qui ont mission de réaliser l'assimilation des provinces désannexées.

Devant une telle attitude, l'opinion publique ne peut être que désorientée et étonnée. Mais ce qui est bien fait pour l'émouvoir, c'est notre manque d'énergie à l'égard des éléments germanophiles ou neutres, qui demeurent si nombreux, et que l'on prend tant de soins à ménager. Je ne redirai pas ici les « scandales » qui, depuis un an, ont attiré l'attention sur l'Alsace, et dont le plus récent est celui de ce policier allemand, maintenu dans les cadres français, et qui vient de filer... à l'anglaise (je m'excuse de cette expression auprès de nos amis britanniques), et de repasser le Rhin, non sans avoir emporté vraisemblablement quelques utiles documents pour le gouvernement allemand. Mais je ne puis sans regret remarquer que, par des coïncidences... regrettables, plusieurs de ceux qui ont joué les grands rôles dans les affaires, étaient, avant leur chute, dans les « honneurs », étaient des conseillers écoutés et portaient à leurs boutonnières le ruban rouge; et cependant tout le monde connaissait leurs tendances particularistes ou germanophiles. Je ne puis, sans regret non plus, remarquer que la plupart des journaux de langue allemande, qui se publient en Alsace et qui pénètrent jusqu'au moindre village, jusqu'au plus profond des forêts, poursuivent une campagne dont le moins qu'on puisse dire est qu'elle est équivoque, et ne cessent de critiquer les fonctionnaires venus de l'intérieur et de jeter le discrédit sur nos magistrats, — qu'on voudrait bien voir repasser les Vosges et cela, sans que les autorités responsables aient jamais cherché à arrêter cette propagande ni soutenu les journaux qui luttent contre elle.

Enfin, je remarque aussi que, par un contraste surprenant, les voix des grands patriotes alsaciens, de Hansi en particulier, ne sont pas écoutées; leurs avertissements et leurs conseils sont dédaignés ; on les considère comme des pessimistes ou des gêneurs. Et, ce qui est plus grave, la «< grande presse » parisienne ne veut plus, aujourd'hui, entendre leur voix car elle a perdu toute indépendance, quand il s'agit de choses d'Alsace. Le compte rendu qu'elle a donné des récents débats judiciaires dans l'affaire des potasses en est une preuve manifeste : il n'est guère de journaux parisiens qui en aient publié une reproduction exacte. Il semble que la grande presse de Paris soit fermée aux Alsaciens indépendants, parce que, par l'effet d'une très habile combinaison, ses renseignements sur les questions alsaciennes ne peuvent lui venir que d'une source unique, qui, si elle n'est pas officielle, est pour le moins officieuse. Il semble que l'on ait peur d'entendre et de dire la vérité.

Mais, dira-t-on, n'y a-t-il pas à la Chambre des députés une délégation alsacienne, pour, en toute indépendance, poursuivre la grande œuvre de réassimilation de l'Alsace-Lorraine ?... Sans doute; seulement, il n'apparaît pas qu'elle ait jusqu'ici fait de sérieux efforts pour réaliser cette œuvre; et, dans un prochain article, j'essaierai de montrer pourquoi. J'ai voulu aujourd'hui appeler à nouveau l'attention sur la politique suivie en Alsace depuis l'armistice; cette politique ne peut qu'aggraver le malaise alsacien et retarde l'assimilation nécessaire; quand elle la connaîtra, l'opinion parisienne ne sera plus surprise d'apprendre qu'un policier allemand de Strasbourg, ville française, a passé le Rhin. En signalant ici cette politique dangereuse, j'ai la conviction d'être l'interprète de ces Alsaciens indépendants, dont on ne veut pas entendre la voix ni écouter les conseils.

MARCEL NAST.

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