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exacte. Selon l'effet qu'ils veulent produire, ils l'ouvrent Quand le personnage portait des vêtements flottants, un peu et obtiennent l'expression en ajoutant des vibra- jupe de femme ou tunique de saint, tions. Il s'agirait en somme de pousser ce principe à

le noyau était

tenu creux. La hauteur habituelle des objets ne dépasl'extrême et de chercher dans l'intérieur des intervalles sait guère o m. 10 ou o m. 12. On en faisait de beaudes raisons d'être ému. Voilà les rêveries qui viennent par une nuit d'Orient,

coup plus petits.

Comme pour les Santons provençaux, les types de en écoutant une de ces mélopées étranges et poignantes ce petit monde lilliputien se répétaient jusqu'à présenqui charment toute une race. Que le retour en Occident ter souvent les mêmes couleurs de vêtements. On les fadissipe ces songes funestes ! Ici même, il est une diffi- briquait à la douzaine et à la grosse. Les plus demanculté que l'on aperçoit d'abord. La musique arabe n'est dés étaient les figures de l'Ancien et du Nouveau Tesqu'une ligne mélodique, tandis que la nôtre est faite de tament, les saints, les saintes, les martyrs, dont les la superposition des sons et des timbres. Comment ima- oommunautés religieuses faisaient une giner que l'on constitue des accords avec ces tiers de prodigieuse pour les disposer dans des tableaux sous

consommation ton acceptables à la rigueur dans un chant ? Cep lant verre qu'on nommait « déserts », avec des grottes en on se souvient que les Russes, quand ils ont emprunté carton, des calvaires, des étangs où voguaient des des thèmes à l'Orient, se sont trouvés devant la même

cygnes, des arbres en menus copeaux frisés, tous les difficulté. Tout leur génie a peut-être été de trouver à oiseaux, tous les quadrupèdes de l'arche de Noé. ces thèmes l'harmonie et l'orchestre qu'il leur fallait Les personnages civils sont moins communs, mais ils dans le système occidental. L'harmonie et l'orchestre ont une désinvolture inconnue aux images de pitié. Que d'une musique à intervalles différents des nôtres, et d'esprit, par exemple, dans cette petite fermière, coiffée pourtant logiques, naturels et exacts, sont-ils donc à la Fanchon, portant des canards au marché, ou ce impossibles à définir, et cette tâche tentera-t-elle un jeune jeune marquis frileux qui cache ses mains dans son musicien ?

manchon ! Le printemps était représenté par un amour HENRY BIDOU. tenant une guirlande de fleurs, l'automne par un vendan

geur, une grappe de raisin à la main. La Curiosité.

A côté de cette production, toujours plus ou moins

commerciale, il se faisait des pièces de choix, où les Les verres files

figures et les corps étaient sans doute moulés. Le grand

intérêt de ces figurines, dont je ne connais que trois C'est une collection fragile et charmante. Mais les exemples, un berger et une bergère Louis XV dans la spécimens en sont si rares que c'est. à peine si on en voit

collection Parguès, à Paris, et un groupe allégorique de paraître de temps à autre aux vitrines des antiquaires.

deux personnages

au musée d'Orléans, consiste, en Encore sont-ils généralement de qualité inférieure.

dehors du mérite artistique, dans la matière employée. La production de ces menus ouvrages de verre, tra

Il ne s'agit plus, en effet, comme dans les objets ordivaillés à la lampe d'émailleur, fut cependant considé- naires, de verre fondu, mais d'une véritable pâte tenrable à Nevers, aux XVII° et XVIII° siècles. Mais leur fra-dre, imitant le kaolin, comme les premières porcelaines gilité les a presque tous fait disparaître. La difficulté

de Vincennes et de Sèvres. Ces jolies pièces, d'un blanc est presque aussi grande, quand on veut retrouver ces

ivoirin, séduisant, sont tout à fait exceptionnelles, bien minuscules bibelots, pas très artistiques, que nous avons

que rentrant, pour la technique, dans le travail sur vu fabriquer dans les foires, sous nos yeux d'enfants, noyau et le modelage à la lampe. par les modestes successeurs des maîtres émailleurs de

Il serait délicat de leur assigner un lieu de fabricajadis.

tion. Rien n'oblige à les donner à Nevers ni à Orléans. Il y a pourtant loin de ces petits vaisseaux à trois Au XVIIIe siècle, les émailleurs en renom sont à Paris. mâts, de ces chandeliers et candélabres, de ces canards, C'est à leur boutique qu'il faut s'adresser pour avoir ces cygnes, ces paons dont la queue s'agrémentait d'une des fausses perles, des aigrettes, des pendants d'oreille aigrette de fils de verre étirés plus fins de la soie, aux et des yeux artificiels. Mais ils font aussi des cadeaux

d'étrennes en émail : « hommes, femmes, joueurs, mu

, figurines d'animaux qu'on offrait à Louis XIII enfant ou au grand tableau qu'on lui dédiait beaucoup plus siciens, petits corps de logis avec des appartements tard, au retour du siège de la Rochelle, et qui représen- fort jolis où se passent des histoires véritables. » Jactait « la victoire remportée par Sa Majesté contre les ques Raux, à qui le Mercure fait cette réclame, et qui rebelles de la religion prétendue réformée en l'Ile de demeurait rue Saint-Martin, au coin de la rue SaintRé.

” Les bagatelles des souffleurs de verres forains Julien-des-Ménétriers, à l'enseigne des Armes royales, n'étaient que des amusettes. Les figurines des meilleurs

a laissé deux de ses chefs-d'ouvre au musée, de Cluny : Nivernais, disciples des Italiens amenés par Gonzague le Triomphe de Jupiter sur les bords du Tibre, et la de Mantoue, étaient de véritables objets d'art.

Comédie italienne. Il n'est peut-être pas superflu de faire connaître leur Ces tableaux, et plus encore celui de la collection technique, ne serait-ce que pour différencier les pièces Henry d'Allemagne, dont j'ai donné naguère la descripHe choix, d'une rareté extrême, exemplaires de modèles tion aux lecteurs de l'Opinion (1), justifiaient jusqu'à de fabrication courante. Je vais essayer de le faire un certain point la prétention de petites scènes « où l'après les exemplaires du XVIII° siècle qui me sont se passent des histoires véritables ». Mais que dire de -assés par les mains, n'en ayant malheureusement ja- celui que nous offre la collection Artus et qui reprézais rencontré qu'on puisse faire remonter incontesta- sente l'appartement royal de Versailles décoré des L lement au XVIIe siècle.

entrelacés ? Un seigneur et une dame jouent aux carLa matière première consistait en petites baguettes tes. Un valet apporte un flambeau, bien que le salon

verre, diversement colorées à l'aide d'oxydes métal- soit déjà éclairé de deux lustres. Les ornements en pâte ques, et coupées à une longueur de 25 à 30 centimètres de papier ou en stuc, finement dorés, sont délicatement érnailleur préparait une armature de fils de cuivre don- rendus. On peut, avec beaucoup de complaisance, reconnt vaguement la forme du personnage qu'il méditait naître dans les personnages Louis XV et la marquise exécuter et la garnissait d'une première masse de de Pompadour. te de verre grossière, pétrie au feu du chalumeau. Le verre filé, à la fin de l'ancien régime, était plus à est sur ce noyau qu'il modelait ensuite sa figurine, en la mode que jamais : « C'est de tous les arts que je

, mollissant à la lampe ses baguettes de verre, assorties connaisse, an des plus agréables et des plus amusants », couleurs aux habits, aux coiffures, ou aux visages.

(1) Opinion du 20 janvier 1921.

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Verre

avait écrit Diderot en donnant aux lecteurs de l'Ency- Dispersés après la victoire, ils revinrent dans leur clopédie les conseils les plus minutieux pour y exceller. foyer ; ils se mirent vaillamment à l'auvre pour reconsMais mis à la portée de tous, l'émaillage à la lampe tituer les forces économiques de la France ébranlées par cessa de piquer la curiosité. Trop d'amateurs s'y livrè- la tourmente, mais ils eurent trop souvent l'impression rent pour que les professionnels pussent encore en tirer d'avoir été un peu oubliés. Ils eussent peut-être, très voprofit. Ces gentillesses de cabinet n'intéressèrent plus lontiers, renoncé à ne point participer aux décorations et que les badauds des foires.

aux promotions qui récompensèrent si largement leurs Avant de disparaître cependant, l'art du souffleur camarades restés dans l'active, mais ce qu'aucun d'eux à la lampe jeta une dernière lueur, et prêt de s'éteindre, n'eût toléré, c'est, au moment où se jouent les destinées trouva deux talentueux interprètes dans les personnes du pays, où s'élabore le futur statut de l'armée natio de Ch.-Fr. Hazard et de Lambourg. Le premier avait nale où ils combattront demain avec le même désin

l'honneur de travailler à la cour, devant Marie- téressement de se voir écartés comme incompétents Antoinette. Il avait modelé une figure du Dauphin et des conseils et des commissions de réorganisation miliun ceil de la couleur des yeux de la reine. Le second taire. Cette préoccupation patriotique s'est exprimée au - un saumurois --- avait ouvert à Paris un musée Lam-Congrès par une résolution qui n'a pas manqué de satisbourg, et le Journal des Demoiselles en faisait, en 1845, faire un esprit aussi large et clairvoyant que M. Barce pompeux éloge: « Les animaux les plus terribles, thou. les plus jolis oiseaux, les fruits de la terre, les douces Voici cette résolution importante : fleurs, exécutés

d'une vérité surprenante... Les officiers de complément, entendant continuer dans la M. Lambourg fait fondre le verre, le tourne, l'allonge, paix l'ouvre qu'ils ont accomplie pendant la guerre, soucieux l'arrondit et en cinq minutes, de ses doigts agiles, il a d'apporter à la défense nationale une collaboration effective et créé deux tourterelles, une élégante levrette, ou un bou- permanente, et, dans ce but, désireux d'être officiellement reton de rose. »

présentés et consultés, demandent la création aux ministères Comme il arrive toujours dans les arts industriels, de la guerre et de la marine d'un organe consultatif et permaau fur et à mesure que le mérite artistique s'affaiblit, nent, composé d'officiers de complément de toutes armes et de

tous services. les tours de force techniques se multiplient. Le chef

Cet organe devra donner son avis : d'auvre d'Hazard, un Henri IV équestre du musée des

Io Sur le projet de loi concernant le statut des officiers de Arts décoratifs, privé de la monture depuis le déména

complément; gement des collections du musée, ne mesure pas moins

2° Sur les règlements projetés, concernant l'instruction et de 6 m. 27. Les lions de Lambourg étaient gros comme l'utilisation des réserves ; des petits chats, et l'émir Abd-el-Kader, qui était venu 3° Sur la préparation de la mobilisation industrielle de la le voir fabriquer pendant son internement en Touraine, nation. disait que c'étaient « les lions les plus vivants qu'il eut Enfin, cet organe servira de liaison permanente pour toutes vus en France. » J'ai quelque peine à le croire.

les questions entre le corps des officiers de l'armée active et le Nous sommes loin des petites merveilles du XVII° et

corps des officiers de complément. Cette liaison a fait défaut, du XVIII° siècles, dont le docteur Garsonnin, l'érudit jusqu'ici, en temps de paix ; elle est absolument indispensable

dans l'intérêt de la défense nationale. conservateur du musée

musée historique de l'Orléanais, a réuni près de deux cents exemplaires. M. Fichot, éga

Une deuxième résolution étudiée par le Congrès a été lement à Orléans, M. Planchon, à Paris auteur d'une

votée à l'unanimité. Elle est relative au statut des offiintéressante monographie sur le verre filé – ne sont ciers de complément ; le sort de ces officiers était sans pas loin d'avoir fait une récolte aussi abondante. Grâce cesse ballotté par des caprices ministériels. à eux et à quelques fervents amateurs, le souvenir de cet En conséquence, les officiers de complément prient le gouart charmant d'autrefois n'est pas tout à fait perdu. vernement de vouloir bien prendre l'initiative d'une loi desti

née à offrir aux officiers de complément les garanties qui leur HENRI CLOUZOT.

manquent jusqu'ici. Ils demandent à collaborer au projet de ladite loi par l'intermédiaire de l'organe consultatif permanent

faisant l'objet de leur première motion. Armée & Marine

Le Congrès s'est terminé par une séance solennelle

qui s'est ouverte sous la présidence de M. Poincaré, anLe Congrès des officiers de complément cien président de la République, assisté de M. Louis

Barthou, ministre de la guerre, du général Lasson, reLe Congrès des officiers de complément qui s'est tenu, présentant le président de la République, des maréchaux il y a huit jours, à Versailles, sous la présidence de M. Poincaré, a eu un grand retentissement et un plein Les autorités civiles étaient représentées par M. Juillard,

Franchet d'Esperey, Fayolle, du général Berdoulat, etc succès.

préfet de Seine-et-Oise. Les délégués de plus de deux cents sociétés ou grou

Les officiers de complément ont dû être satisfaits. pements, tant de la région parisienne que de toutes les

Rien d'étonnant à cela, leurs revendications étaient légrandes régions du territoire étaient présents.

gitimes. Cette récente manifestation organisée par le commis

Le ministre de la guerre a déclaré : saire général du Congrès, le capitaine Carville, président

« Il est impossible d'oublier les services éminents rende la Société de Seine-et-Oise, est venue, fort à propos, rappeler à l'opinion publique, avec une grande dignité, Le gouvernement accepte le concours que ceux-ci lui of

dus pendant la guerre par les officiers de complément que notre victoire était due aux efforts de tous : braves

frent dans la paix, comme ils le lui ont offert pendant et héroïques poilus, officiers d'état-major sans doute

, la guerre. » mais aussi aux officiers de troupe qui, pour la plupart, ne l'oublions pas, furent de complément.

Il a ajouté qu'il est prêt à proposer une loi qui fixe Et, en effet, au cours de la longue guerre, on comptait officiers n'ont pas obtenu, par le soin de la commission

enfin le statut des officiers de complément ; que ces sur le front de bataille, huit officiers de complément pour Fayolle les décorations qu'ils étaient en droit de tece deux officiers de l'active, et, à l'heure actuelle, il y a, en France, 35.000 officiers de carrière pour 140.000 off

voir, mais que dans un avenir prochain il prendra l'ini. ciers de complément.

tiative d'une loi qui leur donnera satisfaction. Enfin il

a invité le bureau du Congrès à venir s'entendre avec Dans la guerre, les officiers de complément ne furent

lui pour régler le fonctionnement du Comité consultapas inférieurs à leur tâche ; ils surent combattre, ils su

tif qui doit être institué au ministère de la guerre pour Tent mourir.

défendre leurs intérêts.

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29 octobre 1921

L'OPINION

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30 o/o

5 0/0

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M. Poincaré a prononcé un discours d'une grande élé- tamment, qui n'avait pas de clientèle en ce pays, s'y est vation de pensées que nous regrettons de ne pouvoir re- vendu et continue à se vendre très bien. Par contre, les produire in extenso. Il a dit notamment :

hostilités ont interrompu la diffusion du livre allemand Personne, une fois encore, ne saurait se méprendre sur la qui s'organisait en 1914 : il ne faut pas douter qu'elle portée de ces voeux, ou des autres que vous pouvez formuler. reprendra sans tarder. Ils s'inspirent tous d'une même pensée. En temps de paix, En résumé, si par des chiffres on veut exprimer le comme en temps de guerre, vous vous considérez comme partie rang que tient chaque pays étranger dans l'importation intégrante de l'armée. Vous voulez continuer à collaborer, du livre au Brésil, voici, d'après l'auteur du rapport, dans l'ordre et la discipline, avec vos camarades de l'active,

à quel classement approximatif on aboutit : vous entendez travailler avec eux au maintien des traditions patriotiques et à la préparation de la défense nationale, et vous

France

40 0/0 demandez qu'on ne divise pas des forces qui doivent rester indi

Portugal visibles.

Italie

12 0/0 Par-dessus tout, vous êtes de ceux qui pensent que les vi

Amérique du Nord

7 0/0 yants n'ont jamais achevé de payer leur dette à la patrie. Vous Angleterre jugez que ni vos sacrifices, ni vos blessures, ni vos faits d'ar- Espagne

4 0/0 mes, ni vos victoires, ne vous donnent des droits au repos et à Argentine, Uruguay, Amérique du Sud

olo l'inaction. Vous estimez que vous avez encore charge d'âmes

Allemagne

1 0/0 et que vous devez rester les éducateurs de l'esprit national. Le Congrès des officiers de complément a accompli

100 0/0 dimanche dernier une grande et belle cuvre.

Nous tenons donc de beaucoup le premier rang. II

. COMMANDANT PAUL CASSOU.

faut nous assurer de le garder, et pour cela, bien instruits des possibilités de vente, organiser méthodiquement l'importation de nos livres sur le marché brésilien.

On est surpris dès l'abord du médiocre succès de ce L'Expansion du Livre Français que dans l'édition l'on est convenu d'appeler la « lit

térature générale ». La librairie française au Brésil

Le roman, par exemple, s'écoule difficilement. Sa

mauvaise présentation et l'élévation de son prix lui C'est une opinion assez répandue chez nous qu'en font évidemment tort. Mais aussi, il y a évidente répuAmérique latine et spécialement au Brésil, tout ce qui gnance du public à acheter des ouvres non consacrées est français se vend aisément. Un rapport fort docu. par le succès : les livres qu'il enlèvera, il faut qu'il en menté de la Chambre de commerce de Rio-de-Janeiro, connaisse l'auteur. Parmi les contemporains, les noms que vient de reproduire une revue technique, met préci- lui sont familiers de France, Bourget, Bordeaux, Barsément en garde les éditeurs contre cet optimisme exa- busse, Farrère, Loti, Prévost (I). Il n'ignore pas non géré.

plus celui de M. Pierre Benoît et d'une façon générale Ses conclusions sont rassurantes certes, qui, sur ce s'intéresse au moins aux auteurs que lui désigne l'attrimarché particulièrement important, marquent la situa- bution périodique d'un prix littéraire (Goncourt ou tion avantageuse de notre librairie, mais il en ressort

mina). aussi qu'ayant possédé longtemps en fait le monopole La vogue des romans est cependant grande si on la exclusif de l'importation du livre au Brésil, nous l'avons compare à celle de notre poésie ou de notre théâtre. perdu et que nous nous trouvons aujourd'hui en pré- Nulle

, la vente des poètes contemporains, insignifiante sence de concurrents actifs et organisés.

celle des auteurs dramatiques en un pays où seules sont Ce qui rend la concurrence âpre, c'est le peu d'étendue célèbres les pièces de Rostand. du marché. Dans ce pays immense, en effet, le commerce De même, les livres de morale ou de philosophie, les de la librairie est concentré en deux villes seulement : traités religieux connaissent peu de succès dans les miRio-de-Janeiro, résidence du gouvernement, siège des lieux brésiliens ; l'histoire n'est guère représentée que universités et sociétés savantes, des grands établisse- par quelques classiques et des mémoires ou souvenirs et ments financiers, commerciaux et industriels; et Sao le goût est encore peu développé des ouvrages traitant Paulo, capitale d'Etat. Les autres capitales d'Etats pré- des beaux-arts. L'enseignement a depuis la victoire joui sentent peu d'importance au point de vue librairie et d'un regain de faveur que l'on prévoit éphémère. sont d'ailleurs tributaires, ainsi que les villes de l'inté- La littérature juridique française très prisée autrefois rieur, de ces deux grands centres intellectuels.

est aujourd'hui stationnaire, pour ne pas dire en recul ; Autrefois notre production tant scientifique que litté

et cela tient assurément à l'adoption du droit constiraire y faisait prime; aujourd'hui, il y a place pour les

tutionnel nord-américain, à la promulgation d'un nouproductions portugaise, anglo-saxonne, italienne, espa

veau Code civil, mais aussi à la diminution de la pro

duction française pendant et depuis la guerre et à la gnole et allemande.

tendance des auteurs français à négliger l'étude de Il est naturel que les éditions portugaises soient très répandues, étant donné que le portugais est la langue l'évolution du droit à l'étranger ; sur le terrain juridu pays et que le Brésil compte environ un million de dique, les ouvrages italiens nous font une sérieuse consujets portugais. Ce sont généralement des éditions populaires, s'adressant à un public très large et peu cul

En somme, littéralement, nous touchons sans doute tivé : elles existent depuis bien longtemps. Mais, fait

une élite, mais cette élite est excessivement restreinte. nouveau, depuis la guerre, le Portugal fournit aussi le C'est notre production scientifique qu'il faut répan

dre Brésil d'ouvrages brésiliens, qu'il imprime à bien meil

plutôt que nos romans si nous voulons attein

dre la masse des lecteurs. En cela, nos concurrents se 1 eur compte que la France, en raison de la dépréciation de sa monnaie et du bon marché de sa main-d'oeuvre.

sont montrés plus avisés que nous, qui doivent à leurs Avec les nôtres, les ouvrages des pays latins ont tou

ouvrages techniques leurs principaux succès. A la fajours été de bonne vente au Brésil où, même si l'on ne

(1) Il y aurait avantage à ce que la Bibliographie de la Parle pas l'espagnol ou l'italien, on entend sans peine

France, journal du Cercle de la Librairie, quand elle reproces deux langues, si proches du portugais. Ils tendent

duit des documents aussi précis que celui-ci, évitât de massaa se vendre davantage depuis la guerre.

crer les coms propres. Qu'est-ce, par exemple, dans la liste La guerre, enfin, a révélé au Brésil l'existence du des auteurs célèbres, que le nom de Gamain ? Samain, prolivre anglais et surtout nord-américain ; le dernier, no

bablement ?

currence,

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veur de la guerre, il a été aisé aux Etats-Unis notam- un marché plus important que celui des livres d'imagiment, de prendre une petite place sur le marché qu'aban-nation, c'est celui des ouvrages utilitaires. Ne nous le donnait l'Europe en armes : cette place, ils l'ont gardée laissons pas ravir. et s'ils l'ont gardée, c'est san's doute au prix mais aussi Et souhaitons que pour tous les pays offrant à notre au caractère de leurs livres qu'ils le doivent.

livre de sérieux débouchés, il existe des monographies Une simple question de prix d'abord a fait rempla- aussi étendues et aussi précises que celle que je viens de cer par exemple des ouvrages français de mathémati- résumer : leur origine et leur méthode leur confèrent une ques ou d'astronomie autrefois adoptés pour l'Ecole autorité qui malheureusement fait trop souvent défaut polytechnique par des ouvrages similaires d'origine aux travaux du même genre. nord-américaine. Mais, même à prix égaux et malgré le

GEORGES GIRARD.. cours élevé du dollar, le livre technique américain se vend mieux que le nôtre, parce que, moins scientifique peut-être, il est plus pratique et répond mieux aussi aux La Vie Economique besoins de la clientèle par la similitude de conception et d'application.

Une offensive de l'esprit prussien Dans le domaine des sciences médicales, toutefois, nous sommes rois et c'est une constatation heureuse : II:

Le socialisme prussien contre le libéralisme la concurrence étrangère n'est pas inquiétante ; en dé

économique et le marxisme. pit de leur activité, ni les Américains ni les Italiens

Nous avons vu comment

comment Oswald Spengler dresse n'arrivent à nous créer d'ennuis : c'est qu'au Brésil la science médicale française jouit d'un incomparable pres

l'individualisme anglais contre la conception prussienne

de l'Etat. Dans le domaine économique et social, l'oppo tige, et que nos livres sont classiques et aussi souvent

sition est plus accentuée encore que dans l'ordre politiconsultés que dans nos propres facultés. Il est juste de souligner que leur vogue est due en partie à l'esprit que.

Le prussianisme a comme caractère essentiel un prod'initiative de nos éditeurs médicaux les plus fond mépris de la richesse pour elle-même, du luxe, de << allants » peut-être de nos éditeurs - qui, en dépit de

la commodité, de la jouissance, toutes choses sans vala cherté des matières premières et du prix de la main

leur en face de l'impératif du devoir chevaleresque d'ouvre, ont persévéré à entreprendre de nouvelles publications ,à rééditer les anciennes, et grâce à des tira- L'Anglais

au contraire estime-ces biens comme des pré

sents de Dieu ; il voit dans le confort une preuve de la ges élevés, ont pu néanmoins maintenir des prix de vente abordables. Ils en sont récompensés.

bénédiction céleste. Pour le puritain, le travail est la

suite du péché ; pour le Prussien, c'est un don de Dieu. Ajoutons enfin que depuis la guerre, les ouvrages

L'un travaille pour l'argent (1), l'autre par vocation ; techniques militaires et maritimes se sont très bien écou

deux conceptions inconciliables. Dans la course au suclés : entendons manuels, théories, règlements et instructionis de toutes armes. Ce succès est dû à l'activité de

cès qui répond à l'idéal anglais, impossible d'éviter la la mission militaire française que dirige le général Game

lutte. Mais la conscience puritaine justifie tous les lin. Cependant, comme beaucoup de ces ouvrages sont

moyens. Tout ce qui barre la route, individu, classe so en voie de traduction, il est à prévoir que leur vente ciale, nation, doit être écarté ; Dieu le veut ainsi. O diminuera assez rapidement.

conçoit jusqu'où des idées pareilles peuvent porter un En somme, production médicale mise à part, dans le peuple, ajoute Spengler, lorsqu'elles sont devenues s domaine scientifique et technique, nous avons encore

vie et son sang. beaucoup à faire, et c'est à notre avis de ce côté que lui inspirer un idéal

. L'éthique prusienne socialiste lui

Pour surmonter la paresse innée de l'homme, il faut devra' porter tout gro's effort tendant à développer le commerce du livre français au Brésil.

propose le travail, comme un devoir qui passe avant la Comme précédemment, l'auteur du rapport a cherché

recherche du bonheur ; l'éthique anglaise capitaliste, l'acà établir un pourcentage approximatif de notre vente quisition de la richesse qui l'affranchira du travail

. Les pour chaque catégorie de livres.

égoïstes descendants des Wikings n'ont qu'un principe : Ayant adopté la classification de la Semaine du Livre, conquérir le bonheur aux dépens des autres dès qu'on publiée par la Bibliographie de la France, et faisant

en a la force. C'est le darwinisme économique. Le sociatoutes réserves quant à la rigoureuse exactitude des

lisme au contraire poursuit le bonheur, non plus de l'inchiffres qui expriment seulement une idée très proche de dividu, mais de la masse. C'est Frédéric-Guillaume Is la réalité, voici le tableau qu'il nous donne :

et non pas Marx qui a été dans ce sens le premier so

cialiste conscient. C'est de lui qu'est issu ce mouvement, Sciences médicales

16 Kant l'a mis en formule avec son impératif catégorique. Technologie

Chez les Anglais, continue Spengler, c'est la richesse Droit

et la pauvreté qui distinguent les classes ; chez les Romans et contes Enseignement

Prussiens, c'est le commandement et l'obéissance. Dans Armée et marine

la société des individus indépendants, la classe inféSciences mathématiques

rieure a le sentiment qu'elle ne possède rien; dans le Beaux-arts

pays où il existe un Etat, celui qu'elle n'a rien à dire. Histoire

En Angleterre, la démocratie signifie pour chacun la Littérature

possibilité de s'enrichir ; en Prusse, celle d'atteindre le Morale, philosophie, religion

rang social supérieur. Physique, chimie, histoire naturelle

La répartition inégale de la richesse est la formule Agriculture, art vétérinaire, élevage Sciences sociales et politiques

que le prolétariat britannique a toujours à la bouche Poésie

Si vide de sens qu'elle paraisse à l'Allemand, c'est elle. Théâtre

qui dicte leur idéal de vie aux Wikings civilisés ! EnriDivers

(1) Ici, O. Spingler n'exagère pas. On connaît le mot de

Wilson cité par Emerson : « Le manque de fortune est do En résumé, notre situation n'est pas mauvaise

« crime que je ne puis pardonner » ; et celui de Sydney

Smith : « La pauvreté est infâme en Angleterre. » Et, à ce Brésil, mais nous n'y avons plus le monopole exclusif sujet, Alfred Fouillier, Esquisse psychologique des peuples de la librairie, et nous devons faire attention qu'il y a européens, p. 237 de la 4e édition,

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chir l'ouvrier, telle fut dès le début la politique des du policier sur le cambrioleur ou d'un croiseur sur un syndicats anglais. C'est pourquoi il n'y a pas eu en corsaire. » Angleterre, entre Owen-Schaw, de socialisme au sens En Prusse, l'intervention de l'Etat est acceptée natuprussien, c'est-à-dire une communauté étroitement dis- rellement, Depuis la législation protectionniste de 1879, ciplinée, qu'elle s'appelle Etat, parti, organisation ou- le capitalisme allemand avait été amené à un ordre devrière, corps d'officiers ou de fonctionnaires, dont cha- pendant de l'Etat. Cet acheminement vers le socialisme que membre « sert », du haut en bas de la hiérarchie. s'était fait sans arbitraire. Les grands syndicats étaient Travailler pour le roi de Prusse » (en français dans des états économiques dans l'Etat. On avait ainsi la

le texte), cela veut dire : faire son devoir sans lou3

première tentative méthodique de la société capitaliste cher sordidement vers le profit. Le traitement des offi- pour pénétrer les secrets de la production et s'affranchir ciers et des employés, depuis Frédéric-Guillaume Ier des lois dont jusqu'à présent elle avait dû subir aveuétait dérisoire à côté du revenu d'un Anglais de la glément la puissance. classe moyenne. Malgré cela, dit Stenger, on travaillait en Prusse avec plus d'application et d'esprit de devoir.; le rang gagné était la récompense. Telle était aussi l'idée

Le capitalisme de style anglais est le pendant du de Bebel. Son état d'ouvriers dans l'Etat n'aspirait pas socialisme marxiste. La morale de Marx est aussi d'orià s'enrichir, mais à gouverner.

gine anglaise. Le marxisme affirme constamment qu'il 'X!

est issu d'une pensée théologique et non politique... Les

mots de socialisme et de capitalisme présentent le bien L'Ordre des chevaliers teutoniques qui a colonisé la et le mal dans cette religion hostile à toute religion. Marche frontière a adopté pour principe nécessaire de Le bourgeois est le démon ; le salarié, l'ange d'une gouvernement celui de conférer à l'Etat l'autorité éco mythologie nouvelle, dans laquelle l'évolution sociale nomique. Chacun reçoit sa tâche économique ; les droits devenue la volonté de Dieu, a remplacé le salut éternel et les devoirs de la production et de l'utilisation des comme but final proposé à l'homme ; la destruction de richesses sont fixés et répartis en vue non pas de l'en- la société bourgeoise sera le jugement dernier. richissement de l'individu, mais de la prospérité géné- Marx enseigne avec cela le mépris du travail. Le trarale.

vail dur, prolongé, épuisant, est le malheur ; l'héritage C'est ainsi que Frédéric-Guillaume Ier et ses succes- sans fatigue, le bonheur. Derrière le mépris bien anglais seurs ont colonisé à leur tour les territoires marécageux de l'homme qui n'a que ses bras pour vivre, se retrouve de l'Est. Ils regardaient leur tâche comme une mission l'instinct du Wiking dont la vocation est de piller et de divine. Le sens de la réalité que possède l'ouvrier alle- ne rien faire d'autre que de raccommoder ses voiles. mand s'est déployé dans cette voie avec une pleine éner- C'est pourquoi en Angleterre l'ouvrier manuel est plus gie. Malheureusement les théories de Marx ont empêché esclave que partout ailleurs. Il sent que sa naissance l'ouvrier de reconnaître l'étroite parenté qu'il y avait le prive à jamais du nom de gentleman. Dans les idées entre sa volonté et la vieille volonté prussienne.

que les Anglais se font de la bourgeoisie et du prolétaL'instinct de pirate du peuple insulaire comprend la riat s'opposent celles du gain commercial et du travail vie économique d'une tout autre manière. Il s'agit pour manuel : l'un, est un bien, l'autre un mal ; l'un est dislui de combat, de butin et de partage du butin. L'Etat tingué, l'autre commun. normand avec sa technique raffinée du recouvrement Telle est aussi la conception de Marx, d'où sont issus de l'argent s'appuyait complètement sur le principe du sa critique de la société et son système, si funeste au butin. Comme moyen d'action, il mit en oeuvre

le
sys-

vrai socialisme. Il ne connaissait le travail que d'après tème féodal. Les barons avaient à exploiter les terri- l'idée anglaise, comme un moyen de s'enrichir, sans vatoires qui leur étaient donnés ; le duc leur réclamait leur morale, visant seulement le succès avec l'argent : sa part. L'objet final était l'enrichissement, accordé par l'Anglais ne sent pas la dignité du travail. Si Marx Dieu au plus vaillant.

l'avait compris à la prussienne, comme un service rendu' La manière dont les barons normands qui ont conquis à la communauté et un devoir dont l'accomplissement l'Angleterre en 1088 ont conçu l'exploitation du pays ennoblit, jamais il n'aurait écrit son manifeste. Mais il se retrouve dans les procédés pratiqués aujourd'hui par a été poussé dans cette voie par son instinct judaique. les sociétés commerciales anglaises et les trusts améri- La malédiction divine prononcée contre le travail corcains : conquête de la richesse individuelle ; écrasement porel au commencement de la genèse ; la défense de

; de la concurrence ; exploitation du public par la ré- souiller le dimanche par le travail ont convergé dans son clame, la politique des prix, la création de nouveaux esprit avec l'idée qu'il avait prise aux Anglais. De là besoins.

sa haine contre ceux qui n'ont pas besoin de travailler... Même dans ses divertissements, l'Anglais cherche à Il a inoculé au prolétariat le mépris du travail... Il place déployer une supériorité toute individuelle et avant tout l'idéal du prolétariat dans l'oisiveté, obtenue par l'exprophysique. Il pratique le sport pour l'honneur du record priation de ceux qui possèdent... Cette éthique domine et à pour le combat de boxe un goût qui ne se rencontre ses constructions économiques. Par là sa pensée rejoint à aucun degré chez l'Allemand.

celle de l'école de Manchester... Il combat le capitalisme, La vie économique de l'Angleterre s'identifie avec le qu'ont justifié. Beutham et Schaftesbury et dont Adam commerce, la forme civilisée du butin, comme le qualifie Smith a donné la théorie. Mais comme il n'est que critiSpengler. Depuis 1850, toute la lutte entre patrons et que, qu'il nie et ne crée pas, il s'appuie sur le système Ouvriers anglais a porté sur la marchandise « travail », même qu'il veut détruire... Il voit dans le travail, au que les uns veulent acheter bon marché, les autres ven- lieu d'un devoir, une marchandise dont l'ouvrier fait dre cher. Tout ce que Marx a écrit avec une admiration commerce. La lutte pour le salaire devient une spéculair ritée au sujet de la société capitaliste s'applique à tior ; l'ouvrier ne veut pas seulement vivre mais domil'économie anglaise et non pas à l'économie humaine en ner le marché !

Nous nous sommes étendus sur cette critique que Dans l'économie des Wikings, le mot essentiel est Spengler fait du marxisme, parce qu'elle est juste et liberté du commerce ». Dans le système prussien, par

pénétrante. Il y ajoute un dernier trait : Marx est conséquent socialiste, c'est « réglementation des échan- aussi devenu Anglais en cela que, dans sa pensée, l'Etat ges par l'Etat ». On conçoit la haine d’Adam Smith n'existe pas. Sa conception économique du monde comcontre l'Etat et les « animaux perfides que l'on appelle porte, conime la vie politique parlementaire de l'Anglehommes d'Etat. Ils font sur le vrai commerçant l'effet terre, deux partis souverains, sans rien au-dessus d'eux.

général.

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