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plus ardue. Sur quelles bases procéder au partage? En rattachant à chaque pays un nombre d'habitants à peu près égal au nombre de votes qu'il avait recueillis, en s'appliquant à réduire et à égaliser les minorités, tout en tenant compte, pour tracer la frontière, des nécessités géographiques et économiques. Mais après avoir taillé, il fallait recoudre. L'unité industrielle devra, pour un temps, survivre à la division politique. Il ne suffit pas de garantir les droits des minorités et de réserver des facultés d'option. Il faut assurer le fonctionnement des voies ferrées et de la centrale électrique, la circulation d'une monnaie identique et de marchandises semblables, sous le contrôle d'une commission mixte, présidée par un mandataire de la S. d. N. et avec le recours, pour les différends privés, devant un tribunal arbitral. Jamais le Conseil Suprême, au cours de ses sessions fiévreuses, au milieu de ses ardentes querelles, ne serait parvenu à dresser un arrêt aussi logiquement conçu et aussi minutieusement étudié. Composé de souverains aussi incompétents qu'éloquents, il ne peut qu'improviser une de ces transactions obscures et amphigouriques, que les parlementaires baptisent du nom bien excessif d'ordre du jour. M. Briand et M. Lloyd George eurent une lueur tardive de bon sens, lorsqu'ils se reconnurent, après de trop longues hésitations, incapables de résoudre le problème silésien et confièrent cet arbitrage à d'autres juges, plus impartiaux, moins pressés et mieux servis.

J'entends bien que ce régime transitoire qui, inévitate de la blement, favorise, pour un temps, les intérêts de l'industrie allemande, éveillera quelque amertume à Varsovie. Mais pour se consoler, le gouvernement polonais n'aura qu'à dresser, à l'aide des documents statistiques publiés par la Société d'Etude et d'Informations économiques, le bilan industriel des deux solutions : celle du Foreign Office et celle de Genève.

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La frontière, proposée au Conseil Suprême, le 4 août dernier, par D. Lloyd George, accordait au peuple renaissant deux fois suspect parce que francophile et catholique, en dehors des cercles ruraux de Rosenberg (en partie) et de Lublinitz (en totalité), ceux de Pless et de Rybnik (pour partie), dont les richesses minières commencent à être exploitées. Pless possède neuf mines de houille leurs sièges peu importants occupent 7.846 ouvriers. Rybnik est un peu plus favorisé : neuf mines de houille groupent 19.344 salariés. Deux d'entre elles emploient 5.413 et 4.627 travailleurs. Pour être complet, il faut en outre mentionner une fabrique de briquettes (252 ouvriers), des fours à coke (514 ouvriers) et une usine de constructions en fer (2.246 ouvriers).

La S. d. N., en sus des cercles de Pless et de Rybnik, et d'une partie des secteurs ruraux de Lublinitz et de Tarnowitz, accorde à la Pologne, dans le triangle industriel, pas moins de quatre autres: Koenigshutte, Beuthen-Campagne et Kattowitz (ville et campagne).

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Koenigshutte est peu important au point de vue industriel: une mine de houille (7.695 ouvriers), une fabrique de briquettes (59 ouvriers), des fours à coke (230 ouvriers), une société de constructions en fer (5.772 ouvriers). Mais Kattowitz est d'une richesse singulière. Le cercle ne compte pas moins de 16 mines de charbon. Leur personnel dépasse 40.457 personnes. Un siège groupe plus de 6.000 ouvriers. Six ont plus de 3.000 ouvriers. Autour des mines se pressent une fabrique de chaudières (279 ouvriers); une fabrique de petites pièces en fer (335), deux grillages de blende (498), trois fonderies de plomb et argent (438), trois sociétés de constructions en fer (5.420 ouvriers), treize usines et laminages de zinc (5.930 salariés). Deuken-Campagne est hérissé de ponts et de cheminées : neuf mines de houille (28.511 ouvriers), dont une seule emploie plus de 10.000 salariés; des fours à coke (1.663 ouvriers); six mines de

zinc et plomb (7.553); quatre sociétés de constructions en fer (13.765 salariés); trois grillages de blende (1.255); quatre usines et laminages de zinc (2.690); une fabrique de produits chimiques.

Je ne suis pas surpris qu'un journal allemand ait affirmé que l'arbitrage genevois laissait à la Pologne la moitié de la houille silésienne : 44 sièges et 103.853 mineurs doivent, en effet, fournir une bonne part de l'extraction totale. Et sur la carte, qu'a publiée le Daily Telegraph, les cercles de Beuthen-Campagne, Kattowitz (ville et campagne), Koenigshutte, si on leur incorpore les usines limitrophes de Pless et de Rybnik, couvrant bien près de 50 0/0 du triangle industriel. La S. d. N. a confirmé, en l'élargissant légèrement, le partage qu'avait esquissé le comte Sforza, ce grand diplomate, qui, pour avoir refusé de servir aveuglément les passions de son peuple et tenté de concilier les intérêts de sa patrie avec le culte du droit et le respect des alliances, a été balayé par les colères latines. Le Foreign Office avait écarté son avis. Le Quai-d'Orsay avait trop longtemps hésité à l'adopter. Des arbitres impartiaux viennent d'en reconnaître l'équité.

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J'entends bien que le Foreign Office a mis autant d'empressement que le Quai-d'Orsay à ratifier la décision de Genève. Je sais bien que le Dr Stahmer, qui s'était permis de venir par deux fois solliciter l'intervention anglaise, a reçu du marquis Curzon un accueil, dont le souvenir pénible marquera dans sa carrière diplomatique. Et il faut que la Wilhelmstrasse soit restée aussi dénuée de finesse et aussi dépourvue de renseignements qu'elle l'était avant la guerre, pour que ses dirigeants aient pu croire un seul instant que l'arbitrage serait point immédiatement entériné à Londres. Le gouvernement anglais est, en Europe du moins, profondément pacifique et sincèrement conservateur. Pour des raisons commerciales, plus encore que politiques, il voudrait que les divers peuples ne songent plus à retoucher une frontière et à fourbir des armes, mais à labourer leurs champs et à ravitailler leurs magasins. Tout effort pour hâter la liquidation matérielle et morale de la guerre, même s'il ne concorde pas exactement avec le programme britannique, toujours accueilli outreManche, avec cordialité, surtout s'il émane de la S. d. N. Elle est trop complètement l'ombre de la pensée et de la diplomatie anglo-saxonne pour que le Foreign Office puisse songer à combattre ses décisions actuelles et à

sera

affaiblir ainsi son autorité morale.

Mais il ne s'ensuit pas que cet arrêt de justice ait provoqué outre-Manche une vive satisfaction: il soulignait trop l'iniquité de la réclamation anglaise et la légitimité de la résistance française.

J'entends bien que le Daily Herald, l'organe communiste, est seul à écrire, le 13 octobre :

« Cette décision désastreuse est précisément celle que nous avions prévue : elle sera fatalement aussi désastreuse pour la Silésie, si elle est vraiment appliquée, que l'aurait été pour l'enfant, le jugement de Salomon... Cette solution ne pourra durer, car inévitablement elle provoquera des complications, d'âpres conflits et probablement une nouvelle guerre. L'effet que produira cette nouvelle sur l'Allemagne sera désastreux les Allemands se soumettront certes, mais seulement devant la force. La séparation de la Silésie anéantira d'un seul coup, tous les espoirs que nous pouvions encore avoir en une coopération amicale entre l'Allemagne et les alliés, en vue de résoudre les questions des réparations et du désarmement. >>>

D'autres feuilles, qui ne sont point comme le Daily Herald, atteintes de germanhysterie, ne craignent pas

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Le Problème allemand en Tchéco-Slovaquie

cependant d'exprimer leur surprise attristée avec une sin- | Le Problème allemand gulière naïveté. C'est ainsi que je lis dans le Manchester Guardian:

« Fait significatif, la presse française accueille cette décision avec une grande joie, à moins que la presse française ne commette une erreur, et nous ne le croyons pas, cela veut dire que la décision est plutôt en faveur de la France que de l'Angleterre, en faveur de la politique qui consiste à obtenir mille garanties pour l'incapacité future de l'Allemagne, et non en faveur de la politique qui consiste à reconstruire l'Allemagne, en tant que producteur et acheteur, maintenant que nous savons que nous ne serons point conquérants. D'ailleurs, la consternation que provoque à Berlin le projet, prouve que le sens que les Français accordent à cette déci

sion est exact... >>>

D'autres feuilles sont ironiques. « Après avoir procédé à une division que le Conseil considère tout net comme fatale à la vie industrielle du pays, écrit la Westminster Gazette, les plus grands efforts ont été faits pour recoudre son unité ». D'autres journaux ont ajourné leurs commentaires. D'autres reprochent vivement à la presse française d'avoir répandu le bruit que le Foreign Office avait, au dernier moment, exercé une vive pression sur la S. d. N. pour l'amener à retoucher son arrêt. Or cha/ cun sait que l'Eclair et ses confrères se sont bornés, soit à reproduire des informations de source polonaise et allemande, soit à commenter l'extraordinaire avertissement donné, le 11, par le Daily Chronicle, l'interprète officiel du cabinet anglais :

« Un compromis est ordinairement une belle chose et notre politique britannique n'en menacerait pas les charmes. Mais un compromis peut être timide au point d'être lâche et c'est pour cela que nous disons que la réputation de la Société des Nations est en jeu. Cette question de la Haute-Silésie est le critère entre deux principes nettement opposés. Faire un choix est difficile, mais il faut le faire dans l'intérêt de la paix et de la restauration commerciale de l'Europe ».

Le Daily Chronicle ne définit pas ces deux principes. Mais pour retrouver celui qui servait de base à la thèse anglaise, il suffit de feuilleter les articles de l'Observer (29 mai 1921), de la Westminster Gazette (31 mai et 2 juin), du Daily Telegraph (17 juin), où ces organes d'opinions différentes, dans leur désir imprévoyant de bâcler une liquidation, se prononçaient contrairement. aux résultats du plébiscite et aux leçons de l'histoire pour la cession totale à l'Allemagne du triangle industriel. Quelques jours plus tard, le 31 juillet, l'Observer dénonçait le second principe, qui expliquait la résistance française la nécessité de provoquer l'explosion des colères allemandes et de préparer ainsi le partage des terres allemandes. « La politique de nos voisins, ne craignait pas d'écrire l'Observer, est celle de Louis XIV et de Napoléon ».

I apparaît, aujourd'hui, qu'elle était simplement celle de l'équité. Et les juges de Genève, par leur arrêt, cravachent les calomniateurs.

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Non seulement l'opinion française, dans le débat silésien, obéissait à des préoccupations juridiques, mais encore le gouvernement français, si le Reich s'incline devant Genève, aura tout fait pour faciliter cette résignation. Une France impérialiste n'est pas la vraie France, celle qui charme, bâtit et crée. Elle a été pendant cinq ans, et à quel prix, le soldat du droit. C'est en le restant qu'elle trouvera de nouvelles garanties et accroîtra une précaire sécurité. Violente, hargneuse et impérialiste, la III République aurait vu ses lauriers sécher aussi vite que ceux de Louis XIV et de Napoléon Ir. Elle veut, au contraire, compléter son œuvre de guerre par une œuvre de paix ; et le rayonnement, qui sera la légitime récompense de cet effort de modération, provoquera bien des surprises et peut-être bien des colères. JACQUES BARDOUX.

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Parmi les problèmes que la République tchéco-slovaque avait à résoudre au lendemain de sa création, celui des Allemands de Bohême apparaissait assurément le plus grave. Trois millions et demi d'individus - le quart de la population totale groupés en masses compactes, et fortement organisés, refusaient de reconnaître le nouvel état de choses. La Tchéco-Slovaquie allait-elle hériter des luttes nationales de l'ancienne Autriche ? Il y a six semaines encore on était bien obligé de l'admettre. Aujourd'hui, au contraire, l'horizon paraît sur le point de s'éclaircir et la question allemande semble à la veille de perdre de son acuité.

Comme on le sait, pendant la période dite « révolutionnaire »> (28 octobre 1918- fin avril 1920), le pouvoir législatif de la République a été exercé par une Assemblée nationale, Chambre unique, non élue, composée des délégués des cinq partis tchèques et slovaques. Chambre non élue, parce que dans cette période où rien n'était organisé, il était impossible de procéder à des élections. Chambre exclusivement tchéco-slovaque, parce qu'il fallait édifier rapidement les cadres du nouvel Etat les luttes nationales ne pouvaient que retarder ou même compromettre la réalisation d'une œuvre aussi délicate. L'Assemblée nationale révolutionnaire a eu parfaitement conscience de la situation «< dictatoriale » dans laquelle elie se trouvait. Elle a compris qu'il était de son devoir de faire une œuvre libérale; de l'avis même des censeurs les moins indulgents, elle a réussi. Seuls, les Allemands de Bohême n'ont pas voulu le reconnaître.

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Les élections d'avril 1920 envoyèrent à la Chambre 72 députés allemands appartenant à six partis diffe rents, savoir:

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Ces élus formèrent deux groupes ou « clubs », le club de l'« Union parlementaire allemande », qui englobait les cinq premiers partis (41 membres) et le club socialdémocrate (31 membres). Les mêmes clubs proportionnellement aussi nombreux se retrouvent au Sénat.

Une différence profonde séparait ces deux « clubs »> tant au point de vue doctrine qu'au point de vue tacti

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que.

Le club de l'« Union », conduit par le député nationaliste et pangermaniste Lodgmann, refuse de reconnaître l'Etat tchéco-slovaque. « Nous avons été faits Tchéco-Slovaques sans avoir été consultés. Nous avons le droit de disposer librement de nous-mêmes. Nous voulons être Allemands. Nous ne reconnaissons pas les Traités de paix. » Aussi les députés de l' « Union »> ne venaient-ils à la Chambre que pour faire de l'obstruction et pour se livrer à des scènes de violence.

Les sociaux-démocrates, au contraire, tout en regrettant les traités de paix, reconnaissent leur existence, par suite l'existence de la République Tchéco-Slovaque. Par contre, ils se refusent à reconnaître l'oeuvre de l'Assemblée nationale révolutionnaire. Citoyens tchéco-slovaques, ils auraient dû être consultés lors de l'élaboration des lois fondamentales de l'Etat, ils resteront donc dans l'opposition par principe jusqu'à ce que la Constitution et les lois importantes votées depuis la Révolution aient été ratifiés par une Assemblée régulièrement élue. Ils ne font d'ailleurs aucune difficulté pour reconnaître que la Constitution est bonne, bien qu'ils eussent préféré un régime fédératif analogue à celui de fa Suisse (cantons allemands, cantons tchèques, cantons mixtes, large décentralisation, etc.). Au Parlement, ils

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figurent certes dans l'opposition, mais leur attitude calme et digne contraste avec celle des députés de l'«< Union ». Leur hostilité, en somme, est d'ordre juridique, plutôt que d'ordre national et sentimental.

Le Président du Conseil, M. Tusar, social-démocrate, espérait, moyennant quelques concessions, désarmer ses camarades allemands et constituer en Tchéco-Slovaquie un bloc social-démocrate unique sans distinction de nationalités. Il engagea même des négociations. Celles-ci durèrent toute l'année 1920 mais ne purent aboutir. Les Allemands demeuraient intransigeants sur le principe de la revision, constitutionnelle, auquel les Tchèques ne pouvaient souscrire. Les espoirs de M. Tusar furent déçus !

L'arrivée du cabinet Cerny à la fin de 1920 ne modifia pas la situation. Certains incidents malheureux tendirent même à l'aggraver. De mois en mois, l'obstruction des députés de l'« Union » se faisait plus violente. Dans les premiers jours d'août dernier, ils quittèrent le Parlement, déclarant qu'ils n'y rentreraient plus tant que le cabinet Cerny serait au pouvoir. Les sociaux-démocrates restèrent mais votèrent systématiquement contre le gouvernement.

Cependant, à l'intérieur de l'«< Union parlementaire » un groupe suivait à regret la majorité : le groupe agra

rien.

Le parti agrarien est avant tout un parti de défense des intérêts économiques; de tout temps, il s'est montré plus tiède que les autres dans les luttes nationales. Ceci est vrai aussi bien pour le parti agrarien tchéco-slovaque que pour le parti agrarien allemand: sous le régime autrichien, le parti agrarien tchèque n'est-il pas resté jusqu'à la guerre un peu en marge des autres partis tchèques et en relativement bons termes avec le gouvernement de Vienne, uniquement parce qu'il avait besoin de l'appui du gouvernement pour la vente de la récolte et des subventions du gouvernement pour ses coopératives, ses comices agricoles et ses associations diverses? Aujourd'hui, la situation est exactement la même, mais renversée : les agrariens allemands commencent à sentir qu'ils ont tout intérêt à faire la paix avec le gouvernement tchéco-slovaque. Il faut, d'ailleurs, remarquer que les paysans allemands, habitant en général dans des régions purement allemandes, sont beaucoup moins au contact des Tchèques que les bourgeois ou les ouvriers de même nationalité. Ceux-ci, résidant pour la plupart dans les régions mixtes, sont plus facilement froissés et leur patriotisme est beaucoup plus exacerbé.

Au fur et à mesure que l'attitude de l' « Union >> se faisait plus intransigeante, le mécontentement des agrariens grandissait. Il a éclaté pendant les vacances parlementaires. Dans de nombreuses conférences, des partélementaires agrariens allemands, entre autres M. Krepek et M. Zuleger, chefs des groupes agrariens de la Chambre et du Sénat, ont développé cette idée, que les traités de paix ne seraient vraisemblablement pas modifiés avant longtemps. Ils ont admis, en conséquence, qu'il convenait de faire une politique essentiellement réaliste et ils ont enfin agité la question de savoir s'il ne serait pas opportun pour les Allemands de Bohême de tâcher d'arriver à un accord avec les Tchèques. Partout dans les campagnes allemandes, ils eurent un grand succès.

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Un événement aussi capital ne pouvait manquer de faire sensation. Tout en se montrant réservée, l'opinion publique tchèque n'a pas caché sa satisfaction d'entrevoir une solution possible du problème national, cui constitue un tel obstacle au développement normal de la République. Le plus curieux est que la presse nationaliste allemande a peu réagi. On a pu même voir un nationaliste notoire comme le sénateur Jesser, approuver l'attitude des agrariens. D'autre part, au cours du récent

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voyage du Président Masaryk en Moravie et en Slovaquie, des délégations allemandes et celles-là n'étaient nullement composées d'agrariens saluèrent cordialement le Président à son arrivée à Brno et à Bratislava. Quel chemin parcouru depuis les déclarations belliqueuses de Lodgmann, il y a quelques semaines encore ! La vérité est que les Allemands commencent à se rendre compte que leur opposition est absolument stérile on ne s'occupe plus d'eux, on a adopté le budget sans eux, on a voté le plan financier sans eux, on a changé de ministère sans leur en parler. N'obtenant rien par la violence, peut-être veulent-ils essayer d'un autre procédé.

Quoi qu'il en soit, on aperçoit nettement une fissure dans le Bloc allemand jadis si uni. Cette fissure en s'élargissant entraînera-t-elle l'effondrement du Bloc? C'est le secret de demain, mais si cela devait être, si les Tchéco-Slovaques arrivaient à résoudre le problème allemand, à l'intérieur de leurs frontières, nous ne pourrions que nous en réjouir, car la République TchécoSlovaque, notre alliée, plus unie, n'en serait que plus forte, tandis que l'Allemagne se trouverait moralement et matériellement aussi - affaiblie.

XXX.

NOTES ET FIGURES

M. Balfour.

Une cérémonie universitaire dans le grand amphithéâtre de Cambridge: de la chaire présidentielle, un vieillard se lève, au corps long, maigre, voûté, aux yeux doux et tristes, au vaste front nimbé d'argent, au fin sourire. Il parle. Il parle philosophie. Sur ses lèvres, exprimées en une langue d'une souveraine élégance, les idées les plus hardies se pressent, les abstractions se jouent, les systèmes s'ordonnent, s'écroulent et se réédifient...

Quelques jours après. Le hall rectangulaire de la Chambre des Communes, ou la salle du conseil de la Société des Nations une grave question internationale est sur le tapis. Le même vieillard reprend la parole. On reconnaît la voix musicale, le style châtié. Mais, cette fois, les nuées métaphysiques sont loin. Ce sont des faits, des chiffres, des dates que le debater accumule. Dans la trame serrée de la dialectique, un trait cinglant, une ironie fusent parfois. Le débit est pressant, le geste rare, mais impérieux. L'auditoire demeure captivé, et bientôt persuadé...

Encore un peu plus tard : Les links de quelque société de golf. On aperçoit de nouveau la haute silhouette, un peu dégingandée. Au bout des longs bras, un club se balance, manié avec la plus précise dextérité. On approche. On se croit autorisé à féliciter le dissert professeur, l'éloquent homme d'Etat. Pas de réponse. În insiste. Les grands yeux doux se durcissent et se voilent de mécontentement un golfer qui joue entend n'être pas dérangé...

Ayant vu ces trois scènes, on connaît Arthur James Balfour, lord président du Conseil privé de Sa Majesté, ancien premier ministre d'Angleterre, auteur d'un Essai sur les bases de la croyance et d'un Traité du jeu de golf qui font également autorité.

M. Balfour est un aristocrate britannique : c'est dire qu'il a eu, innés, les goût des affaires publiques et celui des sports. De plus et c'est là ce qui marque, outreManche, sa profonde originalité intellectuel.

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souvenirs. On entrevoit pour lui une carrière de scholar. Mais la politique le réclame, comme elle réclame alors nous sommes en 1874 tous les jeunes Anglais bien doués et de grande famille. A vingt-six ans, il occupe aux Communes un siège quasi-patrimonial. En même temps, il devient secrétaire particulier de son oncle, le marquis de Salisbury. En cette qualité, il assiste à la Conférence de Berlin. Il en revient pour publier une Défense du doute philosophique. En 1885, le voilà ministre. En 1895, au lendemain du grand succès de ses Bases de la croyance, il prend le leadership de la majorité conservatrice à la Chambre des Communes. En 1902, il est nommé premier ministre. Il le demeure jusqu'en 1906, date à laquelle il doit céder le pouvoir à sir Henry Campbell-Bannerman.

Sa politique intérieure a été très discutée. Violemment attaqué par l'opposition libérale, M. Balfour a trouvé dans certains Unionistes, comme Joseph Chamberlain, des alliés impérieux et peu commodes. Et si la supériorité de son intelligence lui gagna bien des admirations, l'âpreté de son ironie lui valut plus encore d'inimitiés. Mais ces querelles de parti n'ont eu, hors d'Angleterre, que peu d'échos, et il suffit aux Français de se rappeler que le trait dominant de l'action extérieure du cabinet Balfour fut la conclusion de l'Entente cordiale.

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Redevenu simple député, l'ancien Premier reprend la plume du philosophe il n'avait jamais quitté le club du joueur de golf et publie différents essais spiritualistes. Quelques années avant la guerre, il renonce à la direction effective du parti conservateur. Mais cette haute intelligence demeure à la disposition de son pays et, lorsqu'en 1915, M. Asquith forme le premier cabinet de coalition, M. Balfour accepte d'y entrer avec le lourd portefeuille de l'Amirauté. L'année suivante, M. Lloyd George - ce même Lloyd George qui jadis rompit tant de lances contre lui lui confie les Affaires étrangères. C'est comme chef de ce Département qu'il participe à la Conférence de Paris où tous rendent hommage à sa haute conscience et à sa parfaite courtoisie. Le traité de Versailles signé, M. Balfour quitte la direction du Foreign Office pour la charge, plus honorifique qu'active de lord président du Conseil privé. Mais son intelligence demeure aussi lucide que jamais, sa force de travail aussi grande. On sait le rôle qu'il vient de jouer comme représentant britannique au Conseil de la Société des Nations et celui qu'il se prépare à remplir comme membre et peut-être comme chef de la délégation anglaise à la Conférence de Washington.

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Philosophe, homme d'Etat, homme de sport, Arthur James Balfour compose un personnage attachant et d'une sorte qui tend à disparaître. Encore que profondément de chez lui, de Grande-Bretagne, et plus spécialement d'Ecosse, il présente certains traits du gentilhomme de la Renaissance italienne, certains autres de l'honnête homme de notre XVII° siècle français. En ce temps de spécialisation à outrance où les experts sont rois, il convient de louer cet esprit distingué qui excelle à tant de choses et affecte de ne se piquer de rien... JACQUES CARLES.

Lettre à un danseur.

Il me revient, monsieur, qu'en ce début d'automne quelque malaise, quelque indécision se manifesteraient dans le monde qui se trémousse, des symptômes de lassitude, de désaffection se dessineraient parmi les fidèles N'entend-on pas déjà des pessimistes s'écrier: «< La danse se meurt, la danse est morte >>.

La documentation dont je dispose est tout à fait in

suffisante pour me prononcer. Et le goût aussi bien que les capacités me manquent pour entreprendre l'enquête personnelle qu'il faudrait afin de la compléter. Si le phénomène que l'on me signale est exact, veuillez croire que je n'en méconnais point la gravité, pas plus hélas! que je ne vous engage à méconnaître ce qu'il comporte de fatalité.

Veuillez en effet ne point me prêter cette frivolité particulière qui est le propre des gens qui s'estiment sérieux et croire que, quoique ne dansant pas, j'ai assez de philosophie pour estimer à sa valeur un art qui encore qu'il se manifeste principalement par les mollets, ne s'en rattache pas moins aux aspirations ataviques les plus élevées de l'âme humaine.

Je n'ignore pas, monsieur, les origines sacrées de la danse ni qu'à l'égal du chant elle fut primitivement un moyen de solliciter les miséricordes de la divinité, dussent même quelques contemporains avoir perdu ou égaré le souvenir de cette communauté, le foxtrott, dans son principe, ne diffère pas essentiellement de l'oraison jaculatoire. Les premières danseuses furent des prêtresses, en même temps d'ailleurs que des courtisanes. Quelle influence leur laïcisation eut sur leur continence est une question délicate sur laquelle je préfère me taire.

Aujourd'hui encore dans une foule de civilisations, le caractère religieux de la danse demeure manifeste aux yeux les plus profanes. J'ai assisté aux confins du Sahara aux évolutions des derviches dont, dans son dernier livre, Loti nous rend si merveilleusement sensible la griserie mystique.

« D'abord les derviches déploient les bras par saccades comme des automates dont les ressorts engourdis joueraient difficilement et quand ils ont fini, par les étendre tout à fait presque en croix, la tête penchée sur l'épaule avec une grâce un un peu morbide, c'est alors seulement qu'ils commencent à tourner d'un mouvement d'abord très doux qui de minute en minute s'accélère et arrondit en cloche leurs larges robes sombres; on dirait bientôt de grandes campanules renversées devenues maintenant si légères qu'il suffirait d'un souffle imper: ceptible pour les faire glisser en rond autour de la table ronde comme des feuilles mortes que le vent balaie... >>

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A l'ombre de leurs sanctuaires, à l'orée des cimetières où se pressent les morts, ce que poursuit l'invocation tourbillonnante de leurs jarrets, « c'est le vertige fa vorable à l'envol dans les régions où réside le dieu inaccessible sous la forme spéciale de cet Allah, dieu de l'Islam et des grands déserts >>.

Ne croyez pas, monsieur le danseur,. que, malgré le contraste de quelques apparences superficielles, m'échappe l'identité originelle de vos entrechats et de ceux-ci. Ce qui, au lendemain de la plus effroyable catastrophe qui ait affolé l'humanité, précipite sur les parquets cirés le monde entier, est le même besoin éperdu d'échapper à son destin, le même appétit de vertige qui, chaque fois qu'elle a envisagé de trop près sa misère, noue ses mains ou dénoue ses jambes en fiévreuses invocations vers le Dieu inconnu. Comme sur les routes de la Terre sainte, les pieds nus des pèlerins de l'an mil, vos escarpins vernis sur vos chaussettes de soie ont cherché pour elle le repos, l'apaisement, l'oubli... Il y a dans les rythmes du jazz-band un refrain de l'Ecclésiaste...

C'est ce qui vous explique, monsieur, que, comme toutes les religions, la danse elle-même n'échappe pas à cette loi inexorable qui oblige l'homme à briser sans cesse ses idoles et sans cesse à renouveler ses autels. Vous n'êtes plus, ou demain vous ne serez plus que le prêtre d'un culte désaffecté. Je vois graduellement l'indifférence des foules s'étendre sur vos rites bafoués par tous les Homais de la religion dansée...

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Monsieur, je ne doute point que vous ne défendiez vaillamment une foi qui, au surplus, ne cessera jamais de répondre aux plus hautes aspirations de pas mal de cœurs et de beaucoup de cerveaux. Mais je vous prédis que vos efforts, en définitive, demeureront aussi vains que ceux de l'empereur Julien pour extirper l'hérésie galiléenne.

Un jour, l'herbe croîtra sur vos dancings, à moins que ne s'y réinstallent des skatings ou des lawn-tennis couverts, en attendant que s'y élèvent les sanctuaires inconnus du culte inédit que demain un major néozélandais, un sorcier peau-rouge ou un <<< inganga >> nègre imposera à notre snobisme.

Vous avez rempli votre rôle. Sachez, le moment venu, mourir en beauté aux suprêmes miaulements du banjo, et n'espérez pas, un peu plus tôt, un peu plus tard échapper au congé qu'entre deux bâillements vous signifiera l'écœurement universel: « Vous dansiez, j'en suis fort aise; eh bien, filez maintenant. >>

ANDRÉ LICHTENBERGER.

Commémoration villageoise.

Sur une route départementale, c'est le tout petit village de quelques maisons agglomérées de chaque côté, et de fermes et chaumières, à peine plus nombreuses, éparses dans la campagne. Il est à milliers d'exemplaires dans notre pays, de la montagne à la mer, aux quatre points cardinaux. A l'ouest est celui-ci, que je pourrais nommer si je ne voulais lui laisser la gloire pure de rester anonyme, inconnu et exemplaire.

Aujourd'hui il chanta son réveil en se pavoisant de drapeaux. Fête communale ? Oui, mais au second plan. Au premier est l'inauguration du monument dédié au souvenir des vingt-et-un morts à la guerre sur les trois cents habitants qu'accusa le dernier recensement !

Obélisque de granit, pierre du pays, il porte sur trois de ses face la liste des noms. Sur la quatrième, une croix de guerre, une palme, et, plus haut, signe de leur commune religion, la Croix. Pas d'allégorie réalisée sous la forme de statue. Il s'élève, en lisière de la route, devant la vieille église, laquelle est encore entourée du cimetière. Ainsi les fidèles se rendant aux offices prennent conscience, eux, les vivants de tous ces morts, d'être l'expression actuelle et éphémère de tant de générations qui se sont succédé sur ce coin du monde, le cultivant et le défendant. Voici les nettes inscriptions d'hier, les dalles usées et moussues à demi effacées, et l'ossuaire des ancêtres qui n'ont plus même de nom sur une tombe individuelle. Comme ce cenotaphe de deuil et de gloire apparaît neuf et clame sa vertu !

C'est bien cela que sentent, ce matin, les orateurs comme les auditeurs, petit groupe tassé autour du monument fleuri. Le maire-paysan prononce courageusement un discours d'éloquence incertaine et de ferme réalité. Saluons son ingénuité qui vaut toutes nos ingéniosités. Et inclinons-nous devant le curé qui, psalmodiant les immuables prières séculaires, chante la leçon consolatrice d'espoir perpétuel.

La cérémonie est sans éclat factice ou emprunté, commémoration en famille qui ne sort pas du cercle de la grande famille du village. Ce sont des parents et des amis qui ont dépouillé leurs jardins pour joncher le piedestal de toutes ces fleurs communes et fraîches. Sur tous, du haut du clocher, tinte la cloche qui leur sonna le glas de la mobilisation et le carillon de l'armistice. Et ils s'en iront au banquet, selon le plus antique des rites, dans la mairie-école à la porte de laquelle furent affichés les premiers communiqués...

L'après-midi, la fête s'ébat selon ses aspects annuels coutumiers: mât de cocagne aux lots mirifiques ou cocasses, jeu de la poêle à noircir les visages puérils, jeu

des cruches à casser (de laquelle va fuir le lapin qui ne filera pas loin ?), et les courses en sacs, et aussi les courses de chevaux dans un pré, et les courses de bicyclette sur la route... y a-t-il là de quoi s'étonner, s'offusquer ? La vie continue selon les modes mêmes qui firent les joies de ces vivants d'autrefois, maintenant devenus des héros légendaires, glorieux et familiers.

Si, à la nuit, quelques fusées s'envolent, ah, souvenons-nous des illuminations féériques du front! Et si au son de quelque vielle, biniou ou accordéon, la danse ébranle le village, n'ont-ils point dansé, au martèlement plus ou moins lointain du canon, dans leurs fêtes improvisées, pressentiments de victoire, hymnes instructifs à la vie. Comprenons-les, les incorporant par notre souvenir précis et obéissant.

Or, dans quelque région de la France que vous vous trouviez, ouvrez un journal plus ou moins local, vous y lirez que dimanche prochain, dans telle commune, on inaugurera le Monument aux Morts de la Grande Guerre, que, dans telle autre, il fut inauguré dimanche dernier. Emouvant mouvement général, qu'une loi a mis en branle mais qui n'en avait pas besoin. Certes, cette loi coordonne et réglemente, met le sceau officiel patriotique, traduit l'unanimité des sentiments populaires, marque magnifiquement l'unité de la patrie. Mais elle est née de tous ces premiers jets de piété intime et traditionnelle, que vous retrouvez en ces cérémonies dominiales,fraternellement pareilles en soi, et si touchantes dans leur essentielle simplicité et spontanéité.

LEGRAND-CHABRIER.

La politesse d'aujourd'hui.

C'est le travers un peu forcé des vieilles gens de comparer toujours « l'époque actuelle » avec l'époque de leur jeunesse, pour dénigrer « l'époque actuelle », bien entendu. Les jeunes gens, s'ils sont de loisir, écoutent ces plaintes. Sinon, ils en rient. Et cette légéreté, peutêtre irrévérencieuse, des jeunes gens n'est pas une invention déplorable du vingtième siècle, Dieu merci! Cependant, il arrive aujourd'hui que ce ne soient plus seulement les vieillards qui vantent et regrettent la politesse d'autrefois. Un homme de la trentaine vous déclare à

présent : « Ah! avant la guerre, on était plus poli. >> Chacun cite un trait afin d'accabler « l'époque actuelle. » -Mais je demande la permission de protester.

Ayant été fait prisonnier par les Allemands à Verdun, en 1916, je n'ai repris sérieusement contact avec la vie parisienne qu'au mois de mai 1919, après trois ans d'absence dont un, le dernier, passé dans les sables du Sahara. Quand je revins à Paris, j'y tombai comme eût fait, à peu près, un homme de la Lune, ou un indigène d'Ouargla. J'avoue que je fus assez étonné. Je reconnaissais mal Paris. Les autobus n'avaient pas encore reparu. On se battait dans les bureaux de tabac pour obtenir un paquet de «< caporal »; et, si je dis qu'on se battait, c'est parce que les hommes véritablement se bousculaient devant le comptoir de zinc où le buraliste avisé vous obligeait à boire des apéritifs aigres avant Dans de vous livrer en cachette un paquet de « bleu ». les wagons du Métro, les hommes et quelques blessés étaient assis, les femmes debout pour la plupart. Au théâtre, on n'osait pas se présenter en smocking veston et le faux-col mou étaient de rigueur.

le

Epoque charmante. Les chauffeurs de taxis vous filaient à vide sous le nez sans daigner répondre à votre appel; ou bien, s'ils s'arrêtaient, ils vous proposaient de vous emmener à la gare de l'Est quand vous désiriez vous rendre à Passy. Entriez-vous dans un magasin? Pas un vendeur ne s'occupait de vous, et les vendeuses n'en finissaient pas de servir les officiers américains.

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