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nons qu'elle a tué pour en avoir la preuve le traître Zakharine. Véra rompra donc avec Julien pour rejoindre en Sibérie un homme qu'elle admire profondément et qu'elle aimait sans se l'avouer, les oiseaux de passage quitteront le calme foyer qui les avait retenus un instant et Julien sans doute épousera sa cousine.

La pièce est pleine de répliques ravissantes, le dialogue est spirituel, le sujet intéressant. C'est une excellente reprise que celle-ci.

Les acteurs sans être remarquables sont suffisants; M. Jean Coquelin est parfait dans le rôle de Grigoriew. Pourquoi, puisque l'action se passe en 1881, les femmes sont-elles vêtues à la mode de 1904? Est-ce pour nous apprendre que leur ceinture est descendue prodigieusement depuis cette époque où elles la plaçaient d'ailleurs beaucoup trop haut? Et ne sauront-elles jamais l'attacher si solidement, qu'étant à la bonne place, elle y reste?

Les Arts

CLAUDE ISAMBERT.

Valenciennes et Carpeaux

M. André Mabille de Poncheville a publié récemment un ouvrage (très bien présenté, très bien illustré) qui inaugure, sauf erreur, un genre nouveau de biographie critique. (1).

Ce livre est consacré à Carpeaux. Mais M. de Poncheville s'intéresse à Carpeaux seulement parce que Carpeaux est l'enfant de Valenciennes. Comment Valenciennes a servi, aidé Carpeaux; comment Carpeaux a illustré, honoré sa ville, voilà ce qu'on nous raconte ici. Si, d'un pareil point de vue, bien des aspects du talent de Carpeaux restent dans l'ombre, si certains épisodes de sa vie sont passés sous silence ou esquivés, M. de Poncheville s'en console, et le lecteur avec lui, qui sait qu'il trouvera ailleurs tout ce que ce livre ignore ou néglige à dessein.

Le travail de M. de Poncheville est composé comme un roman où le personnage principal sombre parfois pendant plusieurs années, pour reparaître sans que nous sachions expressément ce qu'il a fait pendant cette disparition, ni ce qu'il est devenu.

M. de Poncheville, non content d'être le compatriote de Carpeaux, parvient à se faire aussi son contemporain. Mais tandis que Carpeaux est à Rome, à Paris, M. de Poncheville ne quitte pas Valenciennes ; il ne nous laisse savoir, de la vie de Carpeaux, que ce que les Valenciennois en ont su. Ainsi traité, le livre acquiert un relief inattendu, un pittoresque singulier. Néanmoins, ce pittoresque n'est pas de la fantaisie. M. de Poncheville travaille sur des documents. S'il aime Valenciennes, il la connaît autant qu'il l'aime. Par lui, nous voyons la ville où Carpeaux est né, la ville où il a grandi; nous écoutons ses amis; nous assistons aux séances du Conseil municipal, quand le Maire annonce que le jeune Carpeaux est monté en loge, puis, plus tard, quand le Conseil discute le sort d'un monument à Watteau que Carpeaux veut offrir à sa cité; enfin, sous les frimas de novembre, nous conduisons Carpeaux au cimetière, derrière l'avocat Foucart, l'architecte Dutouquet et le peintre Chérier, ses vieux amis. En fermant ce livre, nous connaissons certes mieux Valencienmes que le touriste qui s'y est promené toute une journée, en passant, en étranger.

On peut souhaiter que de pareils ouvrages se multiplient. Comme Carpeaux, beaucoup de « grands hom

(1) Carpeaux inconnu, ou la tradition recueillie, par André Mabille de Poncheville. (Librairie Van Est et Cie.)

mes » sont restés fidèles, même de loin, à leur ville natale. Certes un Poussin vu des Andelys, un Stendhal vu de Grenoble, un Hugo vu de Besançon ne nous apprendraient pas grand'chose; pour connaître ceux-ci, il faut les suivre. Mais on imagine très bien un Constant vu des bords du lac Léman; un Rude vu de Dijon, un Cézanne vu d'Aix-en-Provence. Pour faire un bon portrait, il suffit de placer en bonne lumière quelques accents justes; une description détaillée n'est souvent pas plus vivante que le « signalement qui figure sur les passeports et les permis.

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C'est d'ailleurs probablement parce qu'elle est trop détaillée que la « vue » de Valenciennes, placée par M. de Poncheville au début de son livre, ne nous touche guère. Mais, après ce frontispice, voici le maçon Joseph Carpeaux qui épouse Adèle Wragny, « marchande (c'est-à-dire dentellière). Voici la maison où, à l'aube, le 27 mai 1827, naît le petit Jean-Baptiste. On voit ensuite Carpeaux enfant courant derrière les masques, escortant Binbin, fils de Goyant, et les sauvages Incas. Puis il entre chez les Frères de la rue des Ursulines. « C'était un petit bonhomme; on l'appelait crapaud pour s'amuser. » Quand il retourne le soir chez lui, il y trouve la pauvreté, le froid. Il a sept frères et sœurs. Pour les réchauffer, la mère achetait une friandise d'un sou et la promettait à celui qui ferait le plus vite en courant le tour des cinq remparts. Ensuite, Jean-Baptiste entre chez un « plafonneur » et modèle dans le plâtres des petits Jésus que l'on plaçait sur les gâteaux de Noël. Puis il suit des cours d'architecte à l'Académie locale. Il fait sa première communion dans l'église Saint-Géry, devant une admirable Lapidation de SaintEtienne de Rubens (tableau devant lequel Watteau enfant est peut-être venu s'agenouiller aussi).

Peu après tous les Carpeaux se transportent à Paris, Obscures années de misère. Mais, à Paris, c'est par un Valenciennois nommé Liet que Carpeaux est accueilli. Ce Liet semble avoir été l'un de ces « animateurs » que l'on trouve parfois près des génies enfants. Liet meurt tout jeune, transmettant sa flamme au futur sculpteur. En attendant, pour vivre, Jean-Baptiste (on l'appelle alors Jules) se fait porteur aux Halles-; il vend à un fabricant de porcelaines, pour quinze francs et deux pains' de huit livres, deux modèles de vases. Il a un oncle, un certain Henri Lemaire, oublié aujourd'hui (peut-être injustement) qui est alors célèbre, et qui est l'auteur des figures qui décorent le fronton de la Madeleine. Par Lemaire, à 17 ans, Carpeaux entre à l'Ecole des Beaux-Arts, et là, le futur auteur de la scandaleuse Danse de l'Opéra fait sagement et opiniâtrement tout ce qu'il faut faire pour obtenir le prix de Rome.

A Valenciennes, le moindre succès d'école obtenu par Carpeaux est un véritable événement. L'Echo de la frontière, organe de la « Société des Enfants du Nord », raconte que, « au premier concours trimestriel, le jeune Carpeau a été reçu le premier ». Carpeaux a une pension de la ville, une pension du département; des Mécènes locaux l'aident pécuniairement...

Il n'est pas question de suivre ici Carpeaux de mois en mois, d'espoirs en déboires, concourant pour Rome, échouant à plusieurs reprises, réussissant enfin. Nous voudrions seulement détacher du soigneux, minutieux récit de M. de Poncheville, une ou deux silhouettes de Carpeaux étudiant.

Nous montrerons les débuts dans le monde de ce fils de maçon qui, plus tard, devait être le commensal de la princesse Mathilde et l'habitué des Tuileries. Il a vingttrois ans quand il écrit les lignes suivantes à son ami Chérier...J'ai reçu aussi une invitation de M. Delsart, sténographe, pour assister à un soirée qu'il donnait

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Cela ne me fit pas de déplaisir, car j'étais costumé de manière à pouvoir figurer dans un salon. Figure-toi, mon vieux, combien le hasard m'a favorisé ! Je me suis adressé à mon concierge pour savoir où je pourrais me procurer un costume. Aussitôt, il m'offrit ses habits de noces qui lui ont servi il y a un an; aussi, mon cher, si tu m'avais vu, tu ne m'aurais pas reconnu habit noir qui prenait une fine taille, pantalon qui recouvrait gracieusement mes souliers vernis, sur lesquels j'avais passé trois couches de vernis breveté, gilet blanc de piqué, cravate blanche d'une soie superfine, gants blancs premier numéro, chemise et col bien ajustés... Avec cela, j'ai pris ma tournure des dimanches, marchant sur la pointe des pieds et le chapeau sur la hanche, en faisant le trajet de chez moi à l'Institut; j'étais honteux des regards des passants, je donnais le bras à un camarade qui en était tout ébaubi. » Et le voici au bal: «< Il y avait aussi, dans cette réunion, de jeunes élèves de Saint-Denis avec lesquelles j'ai été forcé de danser; je dis forcé parce que je n'osais me faire remarquer. Tu connais mes entrechats il fallait dissimuler; dans les salons, on ne lève pas la jambe... >>

...

En 1854, Carpeaux est enfin grand prix de Rome, et le dimanche 24 octobre, sa ville natale le reçoit comme un triomphateur. A la gare l'attendent le conseil d'académie, la musique municipale et des élèves agitant de petits drapeaux. Fendant la foule, le cortège gagne 1'Hôtel de Ville. Le maire fait un discours : « Honneur et merci à vous, Carpeaux, qui avez si bien justifié les encouragements du département du Nord et de votre ville natale, etc... ». Puis, les vins d'honneur. Mais Carpeaux garde obstinément relevé le col de son pardessus. Il se penche vers une vieille amie : « Je voudrais bien mettre une chemise, explique-t-il embarrassé, je ne sais comment cela se fait, je n'en ai plus trouvé au moment de partir. » Il va mettre une chemise et se rend ensuite au banquet de l'Hôtel du Commerce. Après le banquet, le feu d'artifice: Carpeaux lit son nom en lettres de feu sur le ciel. Cette nuit-là, les cafés ont licence de fermer plus tard que de coutume. Quand Carpeaux rentre chez lui, il voit qu'en son honneur on chante, on boit partout. Voilà comment Valenciennes recevait au siècle dernier l'un de ses enfants parce qu'il venait d'obtenir le Prix de Rome.

A la villa Médicis, Carpeaux n'oublie pas Valenciennes. Il y a laissé son cœur. Il aime la fille du maire, Mlle Elise Bracq. Sa déclaration est curieuse et jolie. Après un an de séjour romain, il fait don à sa ville natale du plâtre original de l'Enfant à la coquille (son premier envoi). Etant en congé à Valenciennes, il court au musée et, avec un clou, grave sur le plâtre ces mots : « dédié à Mlle Elise B. ». Une heure après toute la ville connaît l'histoire, jase, et M. le maire est très ennuyé. Moins d'un an après, à Rome, Carpeaux apprend par hasard que la jeune Elise s'est mariée. Mais, à ce moment, il achève l'Ugolin; puérilement orgueilleux du succès de ce groupe (qui nous semble aujourd'hui bien emphatique, très inférieur à la Danse, à la Flore, aux merveilleux bustes), Carpeaux se console vite de sa déconvenue sentimentale « J'étais destiné à dire d'un seul coup, écrit-il sans hésiter, ce qu'une époque n'exprime pas dans un siècle... ››

ce

Le livre de M. de Poncheville nous montre bien Carpeaux jeune, bourru, fantasque, ivre de son adresse et de ses dons, un peu fruste, un peu arriviste, un peu « m'as-tu vu », et ne se dépouillant que lentement de sa vulgarité native. Carpeaux n'est pas de la grande race des sculpteurs-poètes. C'est un prodigieux ouvrier, sans égal lorsqu'il s'agit de rendre le mouvement et le frémissement de la vie. A beaucoup d'égards on peut le comparer à Courbet. Le réalisme de Carpeaux, comme celui de Courbet, est souvent plus apparent que pro

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fond; et l'on pourrait citer des figures, des groupes de Carpeaux qui ne cachent pas tout à fait certains poncifs, certains trucs d'école. La partie la plus durable de son œuvre est probablement cette série de bustes dignes de Bernin parfois, ou de Houdon, parmi lesquels le plus parfait est peut-être celui de Mlle Fiocre, l'un des plus beaux bustes de femme qui soient.

Après l'Ugolin, M. de Poncheville abandonne Carpeaux à ses succès parisiens. Avec les habitants de Valenciennes, il ignore à peu près tout de la Danse, de la Flore, de la vie brillante et mondaine de celui qui est devenu le sculpteur officiel du second Empire. Ce qui intéresse Valenciennes, c'est la décoration que Carpeaux fait pour son hôtel de ville (morceau, avouons-le, assez banal et qui, comme la plupart des œuvres conçues par Carpeaux pour un monument, n'a rien de monumental); c'est aussi la statue de Watteau, laquelle ne fut érigée qu'après la mort du sculpteur, et tout autrement que celui-ci l'avait rêvé.

Pourtant, si Valenciennes semble alors oublier un peu Carpeaux, Carpeaux, de son côté, bien qu'il n'écrive plus guère à ses amis de province, n'est pas ingrat pour sa ville. Il envoie au musée le buste de la princesse Mathilde et la charmante statue du prince impérial. A cette statue, Carpeaux joint, en gentil courtisan, deux dessins du petit prince lui-même, dont il était, comme on sait, le professeur. Mais sur Carpeaux pendant la guerre de 70, mais sur le mariage malheureux de Carpeaux, rien, ou à peu près rien. Carpeaux n'épouse pas une compatriote M. de Poncheville, fidèle à son programme, reste donc à Valenciennes, qu'il ne quittera que pour assister Carpeaux lorsque, après la défaite, celui-ci sera malade et malheureux.

Avec les chapitres qui traitent de la jeunesse de Carpeaux, ceux où M. de Poncheville nous raconte sa mort, sont les meilleurs du livre.

Sur

Atteint d'un cancer, condamné, Carpeaux supporte pendant des mois des souffrances intolérables. l'initiative de Mme Achille Fould, le prince Stirbey offre au sculpteur l'hospitalité dans sa villa de Nice. Carpeaux y va. Là-bas, il est seul avec un praticien à lui, le dévoué Bernard, lequel écrit à Mme Fould des lettres déchirantes de simplicité, et que nous voudrions pouvoir citer. Carpeaux va mourir, et il le sait. Il rentre. Vagabond sans logis, c'est encore le prince Stirbey qui le recueille. Le voici dans le Casino Orsini, à Bécon, sur une terrasse qui domine la Seine. Là, des Valenciennois fidèles viennent le visiter. Quelques jours avant sa mort, il dit à deux amies d'enfance, dont l'une, comme Elise Bracq, a presque été sa fiancée, : « Ah ! Herminie! Ah / Félicie, le bonheur n'est pas là... J'aurais été si heureux chez nous ! » On devine que M. de Poncheville a dû être sentimentalement content d'écouter par l'imagination son compatriote mourant avouer ce suprême regret.

Carpeaux mort, la ville de Valenciennes et la veuve du sculpteur se disputent son corps. Mais la ville l'emporte; elle fait à son enfant des funérailles magnifiques. M. de Poncheville nous en donne une pieuse relation. Il nous montre la ville sous la neige, toute parsemée de portiques funèbres; il nous montre le cimetière hors les murs, et la tombe près de laquelle s'étendra plus tard le champ d'orties où le père de Carpeaux, le vieux maçon sera enterré. Enfin, il énumère les discours prononcés ce jour-là par les officiels, par les amis. L'un des orateurs cita le fragment d'une lettre écrite par Carpeaux peu de temps avant sa mort. «Je vous le dis les larmes aux yeux, je suis privé de tous mes ciseaux moyens. Le crayon m'échappe des mains; sont brisés avec ma vie. Il ne me reste plus que le sou

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venir de cette bonne et tendre ville de Valenciennes. »> Cette dernière phrase seule ne justifie-t-elle pas le travail si attachant, si émouvant de M. de Poncheville ? JEAN-LOUIS VAUDOYER.

Mémoires & Documents

Paul Déroulède

J'ai lu sur lui de très jolies phrases, mais qui peuvent aussi bien s'appliquer à d'autres grands morts, et qui ne me satisfont point du tout, moi qui fus l'un des témoins de la plus heureuse période de sa vie d'enthousiasmes, d'espoirs toujours déçus et toujours renouvelés. Pendant dix mois, je lui ai servi de secrétaire : je l'ai connu dans la familiarité de ses gestes, dans l'intimité. de son cœur de patriote. Au moment où l'on va inaugurer sa statue, je veux dire mon souvenir, non de l'homme politique, mais simplement de l'homme, le plus exquis et le plus brave. C'est en 1882 que j'eus l'honneur de le voir pour la première fois. Oh! par accident. Voici

comme:

D'abord, en ce temps-là, Déroulède ne s'intéressait pas du tout à la politique. Ce qu'il admirait, aimait en Gambetta, c'était le chef de la Défense nationale. On vivait encore dans la fumée de l'Année terrible, et tous les partis s'unissaient dans la préparation de la revanche du Droit contre la Force. La Ligue des Patriotes, que Déroulède avait fondée, et que, depuis la mort d'Henri Martin, présidait Anatole de La Forge, le glorieux défenseur de Châteaudun, avait organisé sur le champ de manœuvres de Vincennes un concours de tir, auquel participèrent toutes les Sociétés de France et des colonies. L'administration de ce concours exigeait un grand nombre d'employés. Sur la présentation de mon vieil ami, Henri Deloncle, le directeur de cette administration m'accueillit. Deloncle ne me recommanda point d'une façon particulière à ses collègues de la Ligue, tous dévoués avec le désintéressement le plus absolu à leur œuvre française: Sansboeuf, aujourd'hui président des Vétérans, Alsacien de Guebwiller, qui avait dressé les plans architecturaux du concours et en avait surveillé la construction (stands, tentes, guichets); Lermusiaux, qui tenait en sa main solide les liens de toutes les Sociétés; Armand Goupil, directeur du Drapeau, et secrétaire de Félix Faure, alors député; Henri Deloncle qui, par la parole et par la plume, entretenait sur tous les points du territoire la propagande de la Ligue.

Dès les premiers jours- je le note sans aucune vanité, bien entendu - j'eus le privilège d'être distingué dans mon travail par Déroulède. Car il n'était pas le don Quichotte que, sur les apparences de sa haute taille toujours active, si docile aux fortes émotions de son âme, on a fréquemment supposé. Il savait observer les hommes. Si parfois, dans sa bonté trop prodigue, il eut le tort de se fier à quelques-uns de ceux qui se servaient de sa popularité, il savait apprécier le mérite de ses collaborateurs, même les plus humbles. Donc, il m'assigna auprès de lui, sous la tente de la Ligue, où il n'avait guère le loisir de s'asseoir, une petite table de secrétaire. Et, chargé de suffire à sa correspondance volumineuse, je devins son ami. Provincial timide, je me fis un orgueil de déjeuner chaque jour, avec l'étatmajor du concours, sous la vaste tente du buffet, décorée de fleurs et de drapeaux. Là, on bavardait beaucoup; on riait souvent. Déroulède n'était pas le fanatique qui déborde de haine plus que d'amour. De bonne humeur, au contraire, aimant la vie et la beauté, provoquant la controverse pour le plaisir de croiser avec ses camarades le fer de l'idée, il rayonnait d'une jeunesse virile, d'une

grâce généreuse qui nous enchantaient tout. Grand, bien découplé, s'il avait adopté cette longue redingote verdâtre dont s'est parfois divertie la légende, c'est que ce vêtement lui rappelait la tunique ou plutôt la capote de ce métier de soldat qu'il n'aurait pas voulu quitter. Lorsque, debout, dissertant au milieu d'un groupe, il bombait à son insu sa robuste poitrine et s'appuyait sur sa canne, Deloncle nous disait en riant :

Déroulède pose déjà pour sa statue.

Et Déroulède, montrant ses dents blanches sous sa moustache blonde, riait avec une gaieté d'enfant.

Pendant deux mois, le concours reçut une énorme affluence de curieux et de tireurs. Nous eûmes des fêtes magnifiques, des concerts, des déploiements de cortèges disciplinés de jeunes gens qui savaient manier le fusil, de vétérans qui avaient fait la guerre. Dans cet admirable décor du bois de Vincennes, parmi le frémissement des arbres sous le soleil, en août et septembre, la fusillade crépitait du matin au soir, le long des buttes militaires.

Dès le matin, je dépouillais le courrier. Une fois, dans ma hâte, j'ouvris par mégarde une lettre qui aurait dû porter la mention personnelle. Je m'aperçus tout de suite qu'elle n'intéressait que Déroulède, et la repliant sous son enveloppe, je la posai bien en évidence sur sa table. Il arriva, selon son habitude, avant midi. Il ne s'était pas assis qu'il avait remarqué que l'enveloppe, dont il connaissait seul l'écriture, était ouverte. Alors, d'une voix courroucée, il s'écria :

Qui a touché à cette lettre? C'est moi, lui dis-je.

Vous?... Bien !

Je n'ai pas besoin d'ajouter que je ne l'ai pas lue C'est bon, mon ami, me fit-il avec un geste d'aîné soucieux de rassurer ma susceptibilité tremblante.

Le concours amassa beaucoup d'argent. Hélas! les frais étaient immenses. Déroulède combla de sa fortune le déficit, 72.000 francs. Malgré les objurgations des Ligueurs, il ne consentit jamais à être remboursé,

La Ligue siégeait alors au 22 de la rue Saint-Augustin, au fond de la cour, dans un rez-de-chaussée. Là j'ai vu souvent Anatole de La Forge, Pierre Richard, Maurice Spronck, Joseph Reinach, mon ami Alfred Ernst, un polytechnicien issu de l'Alsace, qui à propos de tout écrivait une prose si limpide et ensoleillée, et qui, le plus clairvoyant des promoteurs de l'œuvre de Wagner, en a donné des traductions jouées maintenant à l'Opéra. A l'extrémité d'une enfilade de bureaux se trouvait, sur une seconde cour, le très petit cabinet de Déroulède. Auprès de sa table j'avais la mienne, sør laquelle, en me dictant ses instructions, il me transmettait le courrier. C'est là que de temps à autre, car il n'aimait pas beaucoup écrire, je l'ai vu suant sang et eau pour la rédaction d'une simple lettre. Cet homme, dont la parole facile roulait avec la précipitation d'un torrent, avait besoin, comme un prêcheur des croisades, du recueillement et de la foi d'un peuple attentif, pour être vraiment lui-même, tout vibrant d'éloquence. Quand on allait jeter sa lettre à la poste, il nous demandait avec anxiété s'il avait bien dit tout le nécessaire, rien que le nécessaire. Je possède de lui des feuillets raturés, meurtris de corrections et de hachures: son écriture violente, fine, nous n'étions que quelques-uns à pouvoir la déchiffrer.

Il dépensait discrètement sa générosité. Parfois, pour le bonheur de nous réunir autour de lui, il nous amenait dans un restaurant du voisinage, chez Grossetête, ou très loin, au buffet de la gare de Lyon. C'était de préfé rence le soir. S'il apercevait sur notre passage un pauvre honteux, se dissimulant dans une encoignure, il allait à lui d'un pas furtif, et de sous sa redingote il retirait sa bourse aux mailles d'argent, pour offrir bien vite, en

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La stagnation économique

demandant presque pardon au pauvre, une pièce d'or. La Vie Economique
Il entendait qu'on ne le félicitât jamais de ses actes de
charité, qu'il considérait comme un devoir très doux.
Il ne souffrait pas davantage qu'on s'étonnât de sa
courtoisie élégante. Un jour, ayant lu un article d'Ernest
Legouvé, qui citait Paul Déroulède comme un exemple
d'urbanité spirituelle et radieuse, je lui montrai le
journal.

La crise économique subit quelque relâche. Les achats sont en reprise. Est-ce la détente définitive ? L'on s'interroge de toutes parts. Certains journaux recueillent les avis motivés des personnalités les plus autorisées, la plupart empreints d'une extrême réserve, où perce l'espoir plutôt que n'apparaissent les raisons décisives. Les publications spéciales, comme la Journée industrielle, mettent les intéressés en garde contre une confiance trop vive, qui provoquerait un mouvement brusque et funeste de spéculation. Que faut-il penser? Quelles perspectives apparaissent?

Les opinions qui se font jour en ces sortes de questions sont à l'ordinaire inspirées de la vue de faits immédiats. Le commerçant ne connaît qu'une chose.

Je sais, me répondit-il. Ça n'a pas d'importance. Un jour, nous eûmes à la Ligue une heure de fièvre contente. Rochefort, à propos de je ne sais quoi, avait attaqué Déroulède. Celui-ci répliqua aussitôt, avec sa vaillance de loyal soldat. Nous escomptâmes pour le lendemain une demande de réparation par les armes. Le soir, Déroulède partit pour sa propriété de Poissy, afin de se remettre quelques instants, du moins je le crois, au maniement de l'épée et du pistolet. Je me chargeai volontiers, sur le désir de mes camarades, de lui apporter le lendemain, à la première heure, les jour-Vend-on ou ne vend-on pas? Et si l'on ne vend pas, il naux de Paris. Préoccupé par le souci de ne pas manquer au devoir, je ne dormis guère. C'était novembre. Il pleuvotait. Le jour s'éveillait avec un visage grincheux, sous un lourd vêtement de brumes. Aux kiosques de la gare Saint-Lazare, on recevait à peine les journaux. J'ouvris l'Intransigeant. O surprise! Rochefort, au lieu de foncer avec son impétuosité de polémiste sur l'adversaire, affectait une bonhomie innocente qui n'était pas dans sa manière. Il publiait intégralement la lettre de Déroulède, et ensuite il louait ses qualités de franchise et de courage.

A Poissy, dès ma sortie de la gare, la pluie cessa. Mais les chemins étaient encombrés d'une boue épaisse, où j'eus quelque mal à me débrouiller. Je parcourus une avenue, pas très longue, bordée de boutiques, puis à droite, sur le bord de la Seine, je longeai une série de pavillons et de villas qui, au milieu de leurs bosquets, ruisselaient encore. Je m'arrêtai une seconde devant l'habitation d'Emile Augier, qui était l'oncle de Paul Déroulède, et tout de suite après, à une haute grille, je sonnai. A gauche, la maison sommeillait, entre les branches luisantes de grands arbres. Une servante me conduisit à droite, vers une sorte de chalet, qui ressemblait, ma foi, à la cabane de Robinson Crusoë. Je gravis un escalier aussi raide qu'une échelle. Et lui, sur l'estrade de ce rustique kiosque à l'ample chapeau de chaume, Déroulède, qui se serrait dans une douillette robe de chambre, ne tarda pas à me rejoindre.

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Je vous remercie, me dit-il. Quoi de neuf?
Je crois que, cette fois encore, il n'y aura pas de

Voyons ça!...

Il déplia fébrilement le journal de Rochefort. Dès les premières lignes, il me regarda, et avec un sourire qui signifiait surtout le désappointement, il me dit :

Vous avez raison. Rochefort se dérobe. Tant pis!... Nous bûmes une tasse de bon café chaud. Je refusai, malgré ses instances, de rester davantage. Il m'accompagna jusqu'à la porte de la grille. Et j'ai encore dans mes yeux la vision mélancolique de ce jardin bourgeois imprégné de silence, sous la tristesse du ciel d'automne où s'exhalait l'âcre odeur des feuilles mortes. C'est là, dans le cadre de cette campagne parisienne, sous le toit familial, que Déroulède aurait aimé vivre, loin du monde, dans l'étude et dans le rêve. A la France il sacrifia ses goûts, ses ambitions, et il lui donna joyeusement sa fortune, sa destinée et son âme...

Puis, plus tard, les bourrasques de la politique, sans rien modifier de la tendresse qui les unissait les uns aux autres, dispersèrent brusquement les premiers pionniers de la Ligue des Patriotes.

GEORGES BEAUME,

constate que la crise sévit, et si l'on vend, il se croit hors d'affaire. Sa préoccupation en effet, non plus que celle du commun des producteurs, ne va pas au delà de ce que pense, souhaite et veut le consommateur. Celui-ci apparaît comme le deus ex machina, de qui dépend la

solution de la crise. Voir renaître la consommation est l'unique pensée de quiconque a de quoi vendre.

C'est beaucoup exagérer le pouvoir des acheteurs Nous allons voir pourquoi.

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On dit volontiers depuis des mois les gens s'abstiennent. Ils ne pourront s'abstenir toujours; et quand ils manqueront des choses essentielles, le courant des achats reprendra. C'est chose évidente. Mais cela nous rapproche-t-il, si peu que ce soit, de la solution défini

tive?

On dit aussi les capitalistes se réservent. Ils attendent que la reprise se marque nettement. Il doit y avoir par conséquent une masse de capitaux disponibles prêts à s'employer en placements industriels; ce serait assez que l'Etat abaissât le taux d'intérêt des bons à court terme pour qu'à la première apparence le capital épargné s'applique à alimenter les affaires.

Tant pour le consommateur que pour le capitaliste, il suffirait donc de la croyance à la hausse, forme spéculative de la confiance, pour que la crise fût résolue.

Ce ne sont là que des apparences et des raisons superficielles. La réalité qu'il convient de considérer est tout autre. Qu'enseigne-t-elle ?

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L'abstention à laquelle on a vu se livrer depuis des mois le consommateur et le capitaliste est-elle une étape vers l'issue de la crise où nous sommes ? Cela dépend des conditions dans lesquelles le premier des deux pratique les restrictions.

en

S'il se restreint effectivement dans la satisfaction de ses besoins, s'il consomme moins en fait de toutes les choses utiles, il y a indubitablement épargne. Cette épargne doit aboutir à reconstituer des richesses, même temps qu'à en abaisser les prix. Elle permet à la nation qui la réalise, quelles que soient les conditions. de son change, de jeter sur le marché mondial l'excédent de ses produits et par suite de regagner peu à peu la richesse perdue pendant la guerre. Mais est-ce bien là le procédé que nous employons présentement en France?

Il en est un autre, qui consiste à ne consentir en fait à aucune privation essentielle, à user dans la même proportion de toutes choses, mais d'offrir l'apparence en effet de restrictions, l'apparence seule. S'il arrive

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que, sensible aux fluctuations violentes des prix, la masse d'un peuple exagère ses achats en période de hausse et les restreigne en période de baisse, comme il se produit actuellement, il ne s'ensuit aucunement que ce peuple se livre à une véritable économie, réalise une épargne réelle. En ce cas, il y aura dans le rendement des affaires des va-et-vient très redoutables, mais à tout. prendre les prix, au lieu de s'abaisser, s'élèveront plutôt. Car ils subiront le contre-coup de l'exploitation coûteuse qui s'ensuivra. Il y aura des stocks excessifs par moments, mais la liquidation de ces stocks constitués à des prix de revient élevés ne sera possible l'étranger qu'avec perte. Il n'aura pas été constitué d'épargne vraie. La situation aura chance alors d'empirer, bien plutôt que de s'améliorer. La nation n'économisant pas en fait et consommant toujours autant en dépit de la fluctuation des achats et des ventes, n'aura aucun moyen de récupérer ses richesses détruites. Elle continuera de s'endetter.

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Quelle est à ce point de vue la pratique de notre pays? Détruit-il de plus en plus ses réserves, ou bien la consommation égale-t-elle sa production, ou bien épargne-t-il réellement?

sentir que ce remède ne saurait être trouvé que dans une épargne générale permettant à la fois la baisse. réelle des prix et la restauration financière. Il faut que les pays ruinés abaissent assez leurs prix de revient pour reconquérir dans le monde entier une clientèle, que la hausse, provoquant la crise financière mondiale, leur a fait perdre.

Le diagnostic de la crise a été fait et bien fait elle résulte en premier lieu du fait que certaines nations ont subi pendant la guerre des destructions de capital immobilier. Leurs facultés productrices ont diminué, et fléchi leurs facultés d'échange. Elles sont en conséquence obligées ou de restreindre leurs achats, ou de les faire à crédit. Ce qui aggrave la situation actuelle de porte-à-faux financier.

Mais cette cause de la crise n'est pas, après tout, déterminante. Car les dévastations matérielles sont relativement peu de chose dans l'économie mondiale, et leur réparation serait un jeu, s'il ne s'agissait que de leur appliquer les facultés productrices existantes. La cause véritable est plus profonde.

C'est que, forcées de consacrer à la guerre le meilleur de leurs ressources, certaines nations ont aliéné tout leur capital disponible. Elles ont conservé sans doute presque intactes leurs richesses immobilières, mais celles-ci ne suffisent pas. Car si c'est du fonds immobilier que les richesses sortent, elles en sortent grâce à l'intervention du capital mobilier, qui, lui, représente l'épargne effective de la nation envisagée, se présentant sous la forme d'un trésor national, constitué par des métaux précieux. Ce trésor est seul aliénable et c'est pourquoi il permet la pratique du crédit, soit que ce crédit joue dans l'intérieur du pays, entre par

Le maintien des prix élevés, dont on accuse en vain la spéculation, tend à démontrer que la consommation ne se réduit pas, et que l'épargne est faible. Les prix en effet sont le thermomètre de l'économie. Quand les prix de détail se soutiennent pendant longtemps, le détaillant résiste le plus qu'il peut à la baisse, mais à la longue, si celle-ci est nécessaire, il doit se conformer à l'état du marché, c'est l'indice que la demande égale l'offre, du moins quand on fait la moyenne des offres et des demandes. La preuve est faite par là que la somme des achats reste constante, quoiqu'ils se raré-ticuliers et dans la mesure où ces particuliers détiennent fient par moments, s'ils se multiplient à d'autres.

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Si les achats se réduisaient vraiment, achats du consommateur proprement dit, les prix baisseraient infailliblement, et l'épargne naîtrait au bout d'un peu de temps. Il ne s'ensuivrait nullement que la crise, dans le pays économe, tendrait à se prolonger; bien au contraire, puisque l'exportation deviendrait possible.

pas.

Or, en France, la chose n'est pas douteuse, les prix ne fléchissent C'est donc qu'en moyenne la consommation se maintient, que nous ne recréons pas de richesse. Dès lors tous les symptômes dont nous sommes témoins s'expliquent, en particulier l'état défavorable du change. Dès lors aussi il apparaît que la reprise actuelle des affaires est purement momentanée.

Car elle ne résulte ni d'un avantage acquis par la France, grâce à une stricte discipline, dans la concurrence internationale, ni bien entendu de meilleures conditions d'équilibre économique mondial. Elle n'est qu'un des moments dans le mouvement de flux et de reflux de la spéculation en France. Elle s'arrêtera quand l'acheteur français, croyant à la hausse et la provoquant, se sera gavé et sera à la fois pour un temps au bout de ses disponibilités.

Bref la reprise actuelle ne nous permet aucunement d'envisager un dénouement de la crise française, et pour cette raison la prudence s'impose à tous. Un bond de la spéculation en hausse serait désastreux. L'embouteillage financier s'accentuerait d'autant, qui détermine le marasme des affaires.

D'autre part, cette reprise due à des achats nouveaux sur le marché intérieur n'est point le symptôme d'une détente dans la crise mondiale. Et l'observation que nous en pourrions faire de ce point de vue ne nous avancerait nullement.

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une part des espèces monétaires, soit qu'il joue d'Etat à Etat.

Or, c'est là, qu'on y prenne garde, la seule forme positive du crédit. Sans doute le travail est censé produire la richesse. Mais il ne la peut produire qu'à l'aide du capital circulant. Quand ce capital est anéanti et qu'un pays ne vit plus que de crédits intérieurs, quel gage peut-il offrir à des prêteurs éventuels? Des gages immobiliers pratiqués sur une grande échelle sont un non-sens, car il faudrait supposer qu'une nation pût aliéner au profit d'étrangers jusqu'à son territoire. Des gages mobiliers, il n'en reste plus, et cette nation sera. contrainte à la longue de rechercher au dehors jusqu'aux fonds nécessaires à l'activité de l'industrie.

A l'heure actuelle, toute l'épargne réelle du monde, l'épargne liquide, la seule utile, celle qui est figurée par de l'or ou des choses précieuses partout négociables, cette épargne, qu'est-elle devenue? Elle a émigré presque en entier aux Etats-Unis et en général dans l'Amérique, qui se trouvent être à l'heure actuelle les seuls prêteurs possibles, les seuls banquiers qui puissent faire des ouvertures de crédit ayant une base solide en capital. Dans le reste de l'univers, il n'y a presque plus de crédit sain.

La cause de la crise est là et seulement là. La plupart des Etats ne peuvent plus assurer leur production par une circulation normale, fondée sur un capital. Cette production ne se maintient que d'une façon précaire; elle manque d'assises financières positives. La remise en marche des industries est paralysée. Elle l'est d'aurépandu partout, l'Etat est impuissant à appuyer les tant plus que par suite du régime démocratique qui s'est industriels, seuls capables d'imposer par la baisse des salaires une discipline d'économie. Les nations, ne pouvant plus produire, ne peuvent non plus largement acheter. Les échanges se restreignant aux frontières de chaque pays, vont se ralentissant de plus en plus à travers les secousses de la spéculation. Seule l'Alle

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