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Publicité.

Le temps favorable aux promenades du soir a été jusqu'ici fort néfaste au théâtre. La saison s'annonce détestable. Le théâtre qui encaisse le plus atteint 7.000, celui qui fait le moins compte 1.500 francs. Des pièces qui triomphaient la saison passée, se jouent aujourd'hui devant les fauteuils vides. La présence des vedettes n'y fait rien. Aussi les directeurs de théâtre doivent se rabattre sur une publicité tapageuse.

Le Vaudeville a imaginé une formule nouvelle. C'est l'habitude d'inscrire sur certains gâteaux un ou deux petits mots Bonne fête, Joyeuses Pâques, I" Avril... Mais ce qu'on n'y avait pas encore vu, c'est une inscription vantant tel produit, comme cela se fait à la quatrième page des journaux.

Or, Chaussée d'Antin, un pâtissier présente des gâteaux superbes, où l'on peut lire:

Allez voir Peg de mon cœur

N'est-ce pas fort ingénieux?

Susceptibilités.

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N'ayez crainte, répondit l'organisateur. Quand le moment fut venu d'annoncer l'artiste, l'organisateur, s'avançant vers le public, déclara:

Et maintenant vous allez entendre Mlle Mistinguett, qui nous a fait l'honneur d'offrir son concours, Je n'ai pas besoin, n'est-ce pas, de vous présenter Mlle Mistinguett. Il y a plus de trente ans qu'elle est célèbre sur tous les continents...

Il avait raison, le commandant!... Mlle Mistinguett est très susceptible. Elle faillit tomber en pâmoison, puis devint rouge de colère, et puis fit annoncer qu'elle avait perdu sa musique... L'organisateur n'en revenait pas. - Vous avouerez pourtant que j'ai été aimable, très aimable !...

Les grands distraits.

Un peu partout.

La semaine médicale de Strasbourg vient de rassembler là-bas d'éminentes personnalités. Comme il arrive dans tous les congrès du monde, entre toutes les éminentes personnalités, on va se réveiller au café des solennelles séances où l'on a failli s'endormir. Aussi les cafés de Strasbourg retentissent-ils d'anecdotes médicales. En voici une, au petit bonheur, qui concerne le docteur Doyen.

Il était fort distrait, le docteur Doyen, il l'était même quand il opérait, ce qui inquiétait parfois ses aides. Un jour, qu'il devait trépaner un patient, on lui saisit la main juste à temps pour qu'il n'ouvrit point le côté du crâne qui se portait bien. Le lendemain, autre trépanation. Ses aides voulurent éviter un accident. Suivant l'habitude, le crâne du malade avait été rasé et badigeonné de teinture d'iode. Pendant que le grand opérateur se préparait, son second prit un morceau de craie, et sur le tableau noir que formait la teinture d'iode, il écrivit Côté à ouvrir. Le plus drôle est qu'en arrivant, : le docteur Doyen ne témoigna pas la moindre surprise de cette plaisanterie. Comme s'il avait à faire à une boîte de conserves, il se mit à l'oeuvre. Et quand ensuite on lui parla de l'inscription, il répondit qu'il n'y avait pas pris garde.

La danseuse éperdue.

Mme Isadora Duncan était partie avec enthousiasme pour le pays des Soviets intégraux: on lui avait fait tant de belles promesses! Mais on n'en a tenu qu'une : on lui a donné des élèves.

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morte

Ensuite, Mme Isadora Duncan a appris que la danseuse russe Mutanskaïa était morte en scène, d'épuisement. Et maintenant, Mme Isadora Duncan fuit Lénine et ses pairs, fuit, danseuse éperdue...

Superstition des Argonautes.

Ainsi la pauvre expédition Schakleton n'a pu dépasser Lisbonne. Le Quest est pourtant bien aménagé. Il est muni des appareils les plus perfectionnés de la science moderne en hydrographie, géologie, astronomie, chimie, cinématographie, téléphonie...

Mais ce n'est pas tout. On y trouve aussi quantité de mascottes deux petits ours, de minuscules bulls dogs, des cocottes en papier.

Cela prouve que les Argonautes modernes, avec tout leur esprit scientifique, ont conservé quelque croyance à des protections merveilleuses. Et cela prouve aussi que ces protections-là ne suffisent pas...

Les corporations amies.

Juges et bourreaux, docteurs et fossoyeurs ont toujours fait bon ménage. Aussi cette lettre ne doit-elle pas surprendre, qu'une grande maison de pompes funèbres a fait parvenir aux médecins et aux hommes de loi:

Monsieur,

Nous avons l'agréable devoir d'adresser nos plus vifs et nos plus sincères remerciements aux membres du corps judiciaire et aux médecins pour les recommandations qu'ils n'ont cessé de nous donner et pour l'aide qu'ils nous ont apportée.

Nous avons toujours eu le souci de conserver la haute réputation dont notre maison a joui depuis sa fondation, il y a un siècle aujourd'hui, et nous espérons que vous voudrez bien nous garder votre concours, dans l'avenir, comme dans le passé.

Croyez, Monsieur, etc...

Voilà qui n'eût pas manqué de réjouir Molière !

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A l'ombre de Shakespeare.

Jamais la haine des Capulets pour les Montaigus à Vérone, ne fut plus ardente, au XIVe siècle, que ne le fut, à Naples, au XXe siècle, celle des Florillo pour les de Lucia.

Quarante morts en six ans tel est le nombre des victimes qu'a fait jusqu'ici cette lutte sans merci.

Mais Naples, en 1921, profite de l'exemple de Vérone en 1303. Elle sait qu'il ne sert à rien d'interdire les combats singuliers par une ordonnance- voire par une circulaire comme celle de M Bonnevay.

Aussi les autorités napolitaines, soucieuses du bonheur et de la tranquillité de la cité, viennent de prendre une mesure énergique. On a simplement arrêté toutes les personnes encore vivantes appartenant à ces deux familles. Toutes? Non pas. Il en reste deux en liberté : un garçon et une fillette, jeunes enfants que leur âge a sauvés de prison. Les voici, tous deux, sans famille; et, rapprochés par leur infortune commune, ils deviennent d'inséparables compagnons. Sous l'œil paternel et satisfait des autorités, ils grandissent et on songe que peutêtre un jour, Beppo de Lucia et Luigia Florillo, pour ressembler mieux encore aux amants de Vérone, comme eux s'aimeront tendrement.

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Un jeune patriarche.

Il paraît que le patriarche des Chrétiens nestoriens, qui assista à l'installation du Roi Feyçal, n'était qu'un petit garçon de douze ans. Voilà, dites-vous, un cas bien curieux, de vieillesse précoce; s'il vous paraît naturel qu'un patriarche tombe dans l'enfance, il vous paraît étrange qu'un enfant verse si tôt dans le patriarcat.

Mais n'a-t-on pas vu même en Occident d'aussi curieuses promotions? Il y a seulement cent ans, en Angleterre, le duc d'York n'avait que quelques mois lorsqu'il fut nommé évêque d'Osnsburgh; d'où ce bon mot de Sidney Smith: « Je me suis laissé dire que notre Très Révérend Père en Dieu va être incessamment sevré. »>

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« Nous, les vivants, nous mourrons un jour; ces morts héroïques ne mourront jamais!... Au point où nous en sommes, nous pouvons dire qu'il ne reste plus qu'un pas à faire. Et ce pas, ce sera le dernier !... >>

Tout à coup éclata, au bas-bout de la table, un bruit d'assiettes, cadencé, régulier, qui, peu à peu, gagna la quasi-totalité de la table. Le ministre fut un peu surpris, mais en bon ministre des postes et télégraphes, il ignorait le Morse; il ne put soupçonner que les télégraphistes impatients, martelaient de la sorte ces trois mots irrévérencieux : «Ferme ta g...! Ferme ta g...! »

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Encore deux ou trois jours, et les Chambres seront rentrées. Par ce soleil et cette chaleur, et ces belles journées d'été! Certains trouvent que c'est bien tôt. On a vu des Chambres par des années plus brumeuses rentrer qu'aux environs de la Toussaint. Mais il y a des gens superstitieux, qui n'aiment point à inaugurer leurs travaux le lendemain du Jour des Morts.

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D'autres estiment, par contre, la rentrée très tardive. Ceux-là sont les gens consciencieux, qui croient que des discours prochains, dont l'éloquence bouillonne par avance en leurs cœurs généreux, sortira l'Europe pacifiée et la situation financière assainie.

Un sceptique, pour qui rien n'est sacré, et qui trouve matière à plaisanterie dans les préoccupations les plus graves, déclare : « Cette rentrée n'est qu'une fausse rentrée. Car de deux choses l'une ou le ministère est renversé, et alors, crises, négociations, vacances, ou Briand, consolidé, part pour Washington, et alors, absence de gouvernement, carence, revacances...

Ce sceptique, qui rêve de villégiatures supplémentaires, ignore-t-il donc qu'au Parlement il est impossible de prévoir les choses et que l'événement qui arrive est toujours celui sans lequel on a compté.

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déjà? Et que pourrait répondre M. Briand, qu'il n'ait point dit encore ?

Un vieux camarade de Waldeck-Rousseau raconte : « Quand le président fit son discours de Saint-Etienne, les journaux en avaient eu communication, par avance, comme il convient, et à l'heure approximative du banquet de la Loire, on se mit à imprimer le manuscrit à Paris. Cependant, par aventure, le président changea le thème de son discours, et voulut dire, pour éclairer l'opinion, des choses qu'il n'avait pas annoncées. Je dus télé phoner en hâte aux journaux de Paris de suspendre leur tirage, et que le second discours le vrai - leur serait communiqué.

« Hélas! Il était trop tard. C'est le premier discours qui parut, et qui appartient à l'histoire. Le second, les auditeurs l'entendirent mal, et le pays n'en sut jamais rien. >>

Et cette petite histoire mélancolique nous amène à nous faire une raison quant à la prochaine interpellation. Ni M. Briand, ni ses amis, ni ses ennemis ne nous

apprendront grand'chose. L'opinion de chacun est faite. Quant aux décisions à prendre, chacun sait, n'est-ce pas, que ces choses-là ne se décident plus en séance.

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Il y a du travail, évidemment, explique un vieux routier, qui n'a plus d'ambition et auquel la sagesse est venue, par conséquent. Mais faut-il tant de discours, pour faire du travail? Il y a la convention avec les Compagnies de chemins de fer. M. Sibille, qui est de

la Loire-Inférieure, a rendu à son illustre camarade de liste le service de ne pas insister, en juillet, au moment où la session aurait pu mal tourner pour celui-ci. Il faut voter en octobre ce qu'on n'a pas pu voter en juillet. Mais comme tout a été dit sur la question, ce peut être l'affaire de deux heures.

Il y a aussi le pétrole. La liberté du pétrole s'impose, oui ou non. Il faut prendre encore, et très vite, une décision. Mais le siège de chacun n'est-il pas fait? Et pourquoi, là aussi, faudrait-il plus d'une séance? Mettons deux, car il ne faut faire à M. Barthe nulle peine.

Et puis, il y a le budget. Mais le budget n'a pas besoin d'être interminablement discuté. L'essentiel, c'est d'avoir une politique financière. Economies, ou démagogie? Tout cela peut être réglé aussi en deux heures : les représentants du peuple savent ce qu'ils ont à faire et doivent avoir pris leur parti. Qu'ils prennent une décision de principe, et tous les détails viendront par surcroît très vite.

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N'oublions pas qu'il faut aussi nommer un vice-président, puisque le brave Groussier ne veut plus assumer, malade, une fonction qu'il a remplie avec tant de feu, d'ardeur et d'énergie.

« Il faut nommer Herriot, dit quelqu'un. En bonne justice, le siège revient au groupe radical-socialiste, forclos, jusqu'ici,' du bureau. »

Mais un grincheux proteste: « Le groupe radicalsocialiste n'est pas plus nombreux, en ce moment, que la droite et l'Action libérale ensemble ne l'étaient sous le règne radical-socialiste. Ces Messieurs de la rue de Valois ont-ils jamais pensé alors qu'« en bonne justice un siège de vice-président pouvait revenir à nos collègues de droite? »

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<< Encore une occasion, fait quelqu'autre, de voir si la Chambre sait ce qu'elle veut. ››

M. André Lefèvre, que ces choses n'intéressent pas, passe. La rosette rouge illustre sa boutonnière. Tout s'est donc terminé au mieux. Un ami lui demande : «Mais qu'y avait-il donc au fond de tout cela? Et qui ne voulait pas que vous eussiez la rosette?))

M. André Lefèvre marque, par un geste vague, qu'il ne l'intéresse pas d'approfondir ce problème : « M. Barthou, dit-il, me disait que c'est Briand, et M. Briand me disait que c'est Barthou. >>

Tout de même, la session qui va s'ouvrir pourrait être intéressante.

CORRESPONDANCE

Nous avons reçu la lettre suivante :

Monsieur le Directeur,

TRYGÉE.

Trygée dans un article sur la composition des grandes commissions me place à droite du groupe de l'Action Républisaine et sociale à côté de MM. Le Provost de Launay et Ville

neau.

L'estime que j'ai pour le caractère de ces deux collègues ne peut m'empêcher de vous faire remarquer que je n'ai jamais fait partie de l'Action libérale. Je ne suis pas seulement républicain de raison et de cœur, je le suis encore de tradition familiale, ce qui a bien sa valeur, à une époque où tant de farouches républicains seraient bien en peine pour prouver le républicanisme des leurs en 71 ou 48.

Au point de vue social, on m'a assez reproché jusqu'à présent d'être trop avancé pour que là encore je repousse vos classifications: certains soi-disant « avancés » me semblent bien timorés.

Voyez-vous, monsieur le directeur, il est si difficile de classer » des hommes qui justement estiment les vieilles classifications contraires à la réalité comme à l'intérêt du Pays. Et n'est-ce pas un moyen de progrès que de chercher des «formations » nouvelles dans un esprit de concorde ? Veuillez agréer, etc.

Affaires Extérieures

J. DEFOS DU RAU.

Les étonnements de l'opinion anglaise

« La machine ronde a perdu la boule » proclame M. Etienne Grosclaude dans un livre trop parisien pour que tout Paris ne l'ait point lu (1). Et je ne suis pas surpris que ce disciple d'Esculape, qui fut tour à tour journaliste, explorateur et industriel, qui a couru le globe et approché du pouvoir, ait formulé, au lendemain de la paix, en tâtant le pouls de l'humanité, ce jugement désenchanté. Certes, rares furent les périodes où les hommes purent renoncer complètement « aux grains d'ellébore ». Mais la guerre mondiale a fâcheusement accru leur instabilité mentale. Les visions sont moins nettes ; et jamais il n'a été plus indispensable de voir clair. Les intérêts sont exaspérés : or, jamais l'individualisme n'a été plus impuissant. Les rancunes sont tenaces or, jamais, il n'a été plus opportun de savoir oublier....

Ouvrons la presse anglaise à quelques jours d'intervalle, elle exprime un double étonnement qui prouve combien « la machine ronde a perdu la boule ».

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pelle que la République a été la première, lors des séances préparatoires d'où sortit l'avenant, à proposer des mesures efficaces, et qui furent écartées. Elle reste fidèle à un idéal, qui fut toujours le sien, même au temps de la défaite. Elle n'aspire qu'à vivre « libre et pacifique, à côté d'une Allemagne libre et pacifique ».

Cette déclaration, télégraphiée immédiatement par des auditeurs enthousiastes, provoque outre-Manche une joyeuse stupeur.

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Le Daily Chronicle, au nom des disciples les plus fidèles de D. Lloyd George, écrit le 8:

«Que par son geste magnifique devant la Société des Nations, la France vient d'accomplir la plus noble de toutes les actions depuis la grande guerre. Elle offre au monde un représentant qui, sans oublier les régions dévastées, et la crainte que fait naître en son pays le voisinage d'un ennemi de toujours, n'hésite pas à regarder l'avenir en homme pratique. Français et Allemands, dit-il, en s'inspirant de la pensée qui est à la base de la Conférence irlandaise, brisons la sinistre machine, qui est responsable des misères du passé. n

Et le Daily Chronicle, comprenant, pour une fois, toute la pensée française ajoute :

« Ce que nous voulons, dit M. Noblemaire, en réclamant le désarmement matériel de l'Allemagne, c'est le désarmement moral ». Et cette expression va droit au but. Si l'on ne peut détruire l'esprit du junker, si l'on ne peut reconstruire une autre Allemagne sur les fondations qui viennent d'être posées, nous le reconnaissons, avec joie, par les fondateurs de la nouvelle République, la généreuse déclaration de la France sera vaine. »

Les radicaux du Daily News, qui furent toujours avares de leurs tendresses, s'étonnent joyeusement de voir « un soldat français parler de son ennemi traditionnel, avec sincérité et générosité, envisager publiquement l'époque future où l'Allemagne et la France pourront vivre en parfait accord et attribuer à la France un désir de paix générale. » (sic). Ce discours « élargit le champ de vision et soutient la foi ». On y sent passer « l'âme de la France ».

Cette stupeur est prodigieuse. Et si l'Angleterre n'était pas le pays de la presse libre, comme elle est la patrie des institutions, on pourrait se demander si cet étonnement est sincère et si cette suprise n'est point commandée. M. Noblemaire, en tenant, sur l'ordre du gouvernement, le langage qu'il a tenu, n'a fait qu'expriWashington, le sentiment unanime du peuple français. mer, à une heure singulièrement propice, à la veille de Il n'a jamais voulu, au lendemain de la victoire, qu'un désarmement efficace et une paix durable. Il l'a dit. Il l'a répété. Il l'a prouvé. Mais comme ce peuple n'est ni sot, ni oublieux, il ne croit à la possibilité d'une réduction dans ses forces militaires, que si elle est précédée par le désarmement de la pensée allemande. Or, rien ne démontre que cette rénovation mentale soit encore une réalité durable. Le formidable dossier sur la propagande pangermaniste, dressé par le Bureau militaire du Haut-Commissariat rhénan, l'article lumineux du Times, sur la constitution d'une armée de 800.000 hommes, sont là pour le prouver... Il a suffi, cependant, que le chancelier Wirth prononçât certaines paroles et eût certains gestes, pour que le public français, qui ne veut que la paix, approuvât et la levée des sanctions et les négociations de M. Loucheur. M. Noblemaire a dit très haut à Genève, sur les rives du lac de ia S. D. N., ce que chacun, en France, répète, sur la place ou dans la

rue.

Et son discours provoque à Genève, chez la délégation britannique et, à Londres, dans la presse radicale. une joyeuse stupeur ! Décidément, « la Machine ronde a perdu la boule ».

Mais il y a mieux encore.

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Sir Robert Hadfield, un membre important de l'Iron and Steel Institute, dont une délégation vient de parcourir la France, a confié, au Daily Telegraph, le 4 octobre, ses impressions de voyage. Après avoir insisté sur l'hospitalité courtoise et empressée reçue à Paris, à Rambouillet, au Creusot, à Saint-Chamond, à Hagon dange, sir Robert Hadfield a ajouté : « On a déclaré ici que la France n'avait plus d'amitié pour nous. J'ai constaté au contraire chez les vrais Français autant de cordialité que par le passé. » Le lendemain, dans un long article, le Daily Telegraph soulignait l'importance de ce témoignage et disait leur fait aux journalistes acrimonieux et aux publicistes pessismistes qui, hier encore, proclamaient que ces deux peuples se regardent, à travers la Manche, avec des yeux colères jaloux ».

et

L'agréable surprise qu'exprime sir Robert, l'ancien président de l'Iron and Steel Institute, est aussi surprenante que le joyeux étonnement qu'a provoqué M. Noblemaire. La France est vis-à-vis de ses alliés d'une fidélité toute paysanne. Elle trouve dans ces alliances une satisfaction pour ses besoins d'ordre et pour son culte du contrat. Elle pousse le respect de sa signature souvent jusqu'à la docilité et parfois jusqu'au sacrifice. Elle n'a refusé à la Russie ni un milliard, ni un soldat. Au lendemain des défaites, les offres allemandes l'ont trouvée inébranlable. Au soir de la victoire, le peuple français, d'un élan aussi unanime, aspirait à continuer, avec le peuple anglais, la même coopération.

«Il sentait, dans toutes ses fibres, pour préciser les mots du Times, que leur amitié étroite était une nécessité de la vie pour chacun d'eux; qu'avec elle, ils pouvaient espérer un développement presque illimité de leurs nombreux dons et ressources, et que, sans elle, leur sécurité et le bien-être matériel et spirituel, qui en dépendent, doivent toujours être précaires et mal assurés. » (5 octobre.)

Cette conviction n'a pas changé. Elle reste gravée dans l'esprit de tout Français de pure race. Elle trouve son expression chaque fois que l'occasion s'en présente. Et il est extraordinaire que sir Robert Hadfield, ses collègues de l'Iron and Steel Institute, les maires des villes anglaises aient été surpris de le constater. Cet étonnement prouve que l'humanité est bien malade. « La Machine ronde a perdu la boule. »

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Mais pour éviter à nos amis Anglais quelques stupeurs et au Foreign Office quelques bévues, il convient de leur rappeler que l'adage « Vérité en deça des Pyrénées, erreur au delà », est également vrai de la Manche. De l'autre côté du Détroit, l'homme-de-la-rue s'intéresse aux questions de politique intérieure, surtout aux questions économiques et fiscales, mais ne prête qu'une médiocre attention aux problèmes diplomatiques. L'étranger ne lui inspire aucune curiosité. Ses spécialistes lui inspirent une confiance totale. Il n'en est pas de même en France. L'homme-de-la-rue ne lit pas les débats parlementaires et encore moins les tableaux statistiques; mais il parcourt les nouvelles de l'extérieur. Pas de journal, si modeste soit-il, même un journal de la province, qui ne consacre aux événements internationaux la plupart de ses articles et parfois tous. Les paysans de mon village ont une opinion très nette sur les réparations allemandes, les dettes interalliées, le tempérament italien et aussi sur le Foreign Office. Ils parlent de sa politique, vis-à-vis de la France, pour prendre la formule du Times, « sans colère, mais avec tristesse ».

Ils n'ont pas compris, puisque le Traité de Versailles consacre entre la France et l'Angleterre une transaction rhénane, pourquoi cette transaction n'a point été indiquée dans un accord préalable et laisse subsister des méfiances tenaces.

Ils ne comprennent pas pourquoi le gouvernement britannique, qui proclame urbi et orbi la nécessité de pacifier les esprits et de rouvrir les marchés, a toléré et même encouragé la guerre religieuse qui exaspère les masses musulmanes et ravage l'Asie Mineure.

Ils ne comprennent pas pourquoi le Foreign Office qui, dans maints documents, a constaté que le retour à la vie normale serait impossible sans une coopération internationale, a écarté, par un simple prétexte, l'offre ingénieuse, formulée par le quai d'Orsay, les 25 novembre 1920 et 20 mai 1921 pour résoudre en commun le problème des dettes russes.

Ils ne comprennent pas qu'un Etat allié et généreux se soit exposé par une conception à la fois erronée et excessive de ses intérêts, à recevoir la double leçon que lui ont infligée la Commission des Réparations et l'arbitrage des Etats-Unis, les 22 et 29 septembre derniers. On commettrait une grosse erreur outre-Manche, en pensant que nos villages n'ont prêté aucune attention à ces deux arrêtés, qui restaurent un droit et abrogent une iniquité. Les 2.153.407 tonnes de navires allemands, livrés avant le 1er mai 1921, ont été évaluées à 745 millions de marks or (1), soit 18 livres la tonne: or l'ingénieux Accord de Spa, par sa clause 6, avait réduit le montant de cette indemnité à 8 livres par tonne. Enfin, l'arbitrage américain, en décidant que le remboursement de la dette belge par l'Allemagne devait être calculée en marks or, au cours du change du 11 novembre 1918, et non au cours actuel, assure à la France 2 milliards de marks or ses alliés ne lui accordaient que 800 millions. Ce double effort pour réduire la valeur d'une indemnité touchée par l'Angleterre et le montant d'un remboursement escompté par la France, nos paysans ne l'ont point compris.

Ils comprendraient encore moins qu'après avoir préconisé la substitution de réparations en nature aux paiements en espèces et une coopération franco-allemande pour la restauration des régions dévastées, le Foreign Office maintînt contre l'accord Loucheur-Rathenau le veto annoncé par le correspondant diplomatique du Daily Telegraph le 4 octobre et confirmé le 5.

Certes, ces étonnements seraient moins grands, si les traditions diplomatiques et les angoisses industrielles du Royaume-Uni étaient mieux connues. Ils n'en restent pas moins plus naturels et plus explicables que la surprise dont témoigne l'opinion anglaise en constatant à la veille de Washington la coincidence est curieuse ---que la France reste fidèle à son objectif de désarmement européen et à son culte de l'alliance anglaise. Mais ces sentiments ne suffisent pas. Il faut réagir avec vigueur et sortir de l'ornière. Poursuivre plus avant dans la voie des désaccords quotidiens serait une folie cette fois définitive.

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Dans les derniers jours de juillet, un bruit se répandit dans Madrid, secouant la torpeur où l'été brûlant avait plongé la ville. Ce bruit, imprécis d'abord, très vite grandit, s'amplifia et bientôt résonna de Cadix aux Pyrénées, comme un coup de tonnerre: Au Maroc, les armes espagnoles venaient de subir une grande défaite; toute la région de Melilla était en insurrection; des milliers de soldats du roi catholique étaient tombés aux mains des Riffains, la plupart avaient été massacrés; la bannière de Castille se trouvait, sur la côte d'Afrique, ramenée à des positions constamment dépassées depuis Charles-Quint!

D'ailleurs, les communiqués officiels demeuraient vagues et réticents. Les détails manquaient. Mais d'effrayantes nouvelles circulaient: On parlait de garnisons assiégées périssant de faim et de soif, de capitulations achevées en massacres, de colonnes traîtreusement surprises dans des défilés et anéanties, de troupes auxiliaires indigènes achevant leurs officiers blessés, de mains coupées, de têtes de généraux promenées au bout d'une pique de tribu en tribu. Bref, tout un sinistre drame comme il s'en est tant joué dans le Maghreb, un nouvel épisode de la guerre des Mercenaires ou de celle de Jugurtha.

Cosas de Marruecos! Choses du Maroc! Voilà trois mots qui, en dépit de certaines apparences, trouvent toujours un sonore écho dans cette Espagne qui se souvient encore de la reconquista.

Aux nouvelles de Melilla, ce fut, dans toute la péninsule, comme une secousse sismique. D'abord, des manifestations de sens contraires se produisirent; un régiment désigné pour l'embarquement se mutina. Puis, les vieilles traditions batailleuses l'emportèrent; la flamme patriotique monta. Les engagements volontaires se multiplièrent; les dons affluèrent. Quelque chose du vieil esprit des croisades reparut; on vit un capucin et un franciscain se faire aviateurs. Même les partis traditionnellement hostiles à « l'aventure marocaine » désarmèrent et un de leurs organes put écrire: «< Si nous << laissions passer le désastre sans revanche, la Répu«blique d'Andorre ne craindrait pas de se mesurer avec << nous. L'Espagne serait effacée de la liste des « nations. » En même temps, le faible ministère Allendesalazar s'effondrait et était remplacé par un cabinet groupant, sous la forte direction de M. Maura, des représentants de tous les partis dynastiques. Des mesures énergiques étaient prises, sauvant autour de Melilla ce qui pouvait encore être sauvé et préparant, avec prudence, une revanche qui se dessine déjà...

Que s'était-il au juste passé?

A l'origine de la catastrophe, on trouve les erreurs de l'administration espagnole qui, imbue du souvenir des luttes de jadis, manqua trop souvent, vis-à-vis des Marocains, de cette intelligente sympathie qu'implique la formule du protectorat. On rencontre aussi la démoralisation de l'armée due à ce soviétisme d'état-major qui, depuis 1917, permet, au delà des Pyrénées, aux juntes d'officiers de dicter leurs volontés au gouvernement.

Une cause plus immédiate des événements de juillet

fut la rivalité de deux hommes, les généraux Berenguer et Silvestre (1). Le premier, diplomate adroit, très au courant des choses africaines et que ses succès, plus politiques que militaires, ont désigné en 1918 au poste de haut-commissaire. Le second, sorti du rang, ayant conquis tous ses grades à force de bravoure et de blessures, grand favori des juntes d'officiers et effroyablement jaloux de son collègue.

A la veille du drame, Berenguer est installé à Tétouan avec autorité sur l'ensemble de la zone occupée. Silvestre a son quartier général à Melilla et y affecte la plus grande indépendance à l'égard du haut-commissaire. Les renforts qu'il demande pour tenter une expédition sur Alhucemas lui ayant été refusés, il l'entreprend cependant, avec des forces insuffisantes, parmi

des tribus en effervescence. Le résultat de cette témérité ne se fait pas attendre. Un poste isolé est cerné à Igueriben. Après trois semaines de siège et d'indicibles souffrances, la garnison tenta une sortie désespérée à travers une gorge étroite. Et c'est un massacre semblable à celui de Roncevaux... Pendant ce temps, Silvestre, avec le gros de sa colonne, s'est laissé entourer à Annonal. Ses auxiliaires indigènes font défection. La panique saisit jusqu'à son état-major. Le général disparaît dans des conditions mystérieuses. Les soldats sont ou égorgés ou emmenés en captivité. La montagne est maintenant couverte de cadavres affreusement mutilés. Quelques Espagnols à peine s'échappent et apportent à Melilla les sinistres nouvelles.

Juillet touche à sa fin. Tout le Rif est maintenant en révolte. Nador, Zelouan, plus de quatre-vingts postes espagnols tombent aux mains des insurgés; leurs garnisons sont massacrées, Melilla est bombardée. Plus de dix mille soldats espagnols ont disparu ou péri.

Cependant une garnison d'environ 1.200 hommes, sous le commandement du général Navarro, se maintient dans l'importante position du Mont Arruit. Elle n'a, pour se nourrir et s'abreuver, que les sacs de vivres et de glace que lui jettent les avions venus de Melilla. Les hommes boivent l'urine des mules, puis les abattent et sucent leur sang. Plusieurs, devenus fous, se suicident. Après vingt jours de siège, les pourparlers de capitulation commencent. Bientôt, le bruit se répand parmi les assiégés que les Berbères ont offert, contre livraison des fusils, de permettre à toute la garnison de regagner, saine et sauve, les lignes espagnoles...

Ces conditions sont acceptées. Les assiégés déposent leurs armes. Les Marocains s'en emparent. L'évacuation de la position commence. A ce moment, une fusillade éclate, nourrie. C'est la harka berbère, forte de quatre à cinq mille hommes, qui tire sur les Espagnols désarmés. Les Riffains, auxquels se sont joints les auxiliaires indigènes de la garnison, achèvent les blessés et envoient les corps rouler au fond des ravins. Le général Navarro est fait prisonnier. La moitié seulement de ses troupes parvient à s'échapper.

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Le massacre du Mont Arruit, le 9 août, marque le point culminant de l'insurrection riffaine.

L'Espagne, maintenant, se ressaisit. Des contingents importants, bien commandés, bien armés, bien ravitaillés, sont dirigés sur le Maroc. M. La Cierva, l'énergique ministre du nouveau cabinet, trace, d'accord avec le Haut-Commissaire, un programme d'action méthodique et prudente. On tentera d'abord d'élargir le cercle formé par les insurgés autour de Melilla. Ensuite, et peu à peu, on occupera dans le massif montagneux des points stratégiques que, par infiltrations successives, on s'efforcera de relier. Constamment on agira, non en conquérants,

(1) On trouve dans le Figaro du 30 septembre d'intéressants détails sur cette rivalité, contés par MM. Jean et Jérôme Tharaud.

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