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Je cause avec un des gendarmes français de la brigade qui occupait Odessa. Il est là qui surveille avec bonhomie la tenue du camp pour assurer le dégagement des passages à travers les tentes. Lui aussi comprend mal les événements. D'instinct, il pressent ce qu'a de tragique la fin de cette armée où les soldats étaient tous d'anciens officiers et qu'il doit ramener à l'observation des consignes. A ce signe, il mesure le désastre qu'est une révolution pour la civilisation universelle. Il observe anxieusement toutefois que, comme ce sont là des « gens de la haute », toutes ces femmes se débrouillent bien à soigner et à alimenter d'abord les enfants, tirant parti des moindres objets. Il me confie que, dans le Nord, en août 1914, les bourgeois se laissaient moins accabler par les événements que les femmes du peuple... On fait sauter le pont de la voie ferrée, .comme les derniers débris de l'armée des volontaires sont embarqués sur les paquebots en partance pour Sulina et Constantinople. Bientôt les armes abandonnées et rassemblées en faisceaux ne forment plus qu'un brasier actif sous la brise de mer.

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L'Expansion du Livre Français

Pour nos amis de l'Europe centrale

Pourquoi faut-il qu'en Europe au moins tous les pays de culture latine ou française soient des pays à monnaie dépréciée ? On n'imagine pas le dommage que subit de ce chef notre commerce de librairie, partant notre expansion intellectuelle.

Nous avions, en librairie, après la victoire, un vaste marché assuré, une clientèle toute faite, brûlant de sympathie pour nos oeuvres et nos idées, et qui n'attendait pas seulement nos livres, mais les réclamait : c'étaient tous les nouveaux Etats, d'accord dans leur amour pour la France Yougoslavie, Tchéco-Slovaquie, Pologne ; c'était aussi notre alliée malheureuse mais fidèle, la Roumanie. Pour une question purement matérielle, nous avons été empêchés de les satisfaire et eux impuissants à contenter leurs désirs et leurs goûts. Le résultat ? C'est que l'Allemagne, leur voisine, a profité de la situation et qu'à défaut de livres français, ils se sont résignés à se fournir de livres allemands. Il faut s'en attrister, certes, mais les blâmer ?

Allez donc, quand le mark est au pair ou à peu près, acheter des livres français à leurs prix d'après-guerre avec une monnaie qui perd 75 à 80 0/0 sur le franc! Avec les 1.500 lei de traitement mensuel d'un professeur de faculté roumain payer 150 lei un Traité de droit qui vaut 30 francs chez nous, 25 ou 30 lei un roman de 7 francs! Non, n'est-ce pas ?

Et n'allez pas croire que ces hommes nourris de notre culture, que la jeunesse de ces nations avide d'écouter nos maîtres aient accepté de gaîté de cœur et sans rébellion la cruelle nécessité de rester ou, pis, de se mettre à l'école allemande. Ils n'ont cessé de protester, de nous demander d'exaucer leur vou le plus cher. Je disais ici même il y a un an (1) la révolte de ces Tchèques francophiles obligés de lire des livres allemands parce que

(1) Cf. 1Opinion du 9 octobre 1920.

dans leur pays on ne trouvait pas de livres français ; je suis assuré que leurs sentiments (pas plus hélas! que la situation) n'ont changé. Et depuis nous avons eu ces doléances d'intellectuels yougoslaves, dénonçant les dangers de l'importation allemande en leur pays; les reproches des Roumains, dont M. Algazy se fit l'an dernier l'interprète, et que dernièrement exprimaient en une forme touchante ceux de leurs universitaires qui visitaient la France; tant d'autres témoignages encore d'ardente sympathie et de sincère bonne volonté ! Ce sont ces gens-là que la crise de notre librairie, ajoutée à la crise des changes, a livrés à l'influence allemande.

Comment celle-ci s'exerce-t-elle ? De deux façons également dangereuses. D'abord l'Allemagne écoule, comme il est naturel, ses propres livres, et spécialement les ouvrages scolaires et techniques, à des prix contre lesquels nous ne pouvons lutter, même au pair. Mais, et ce n'est pas là le moindre danger, elle s'est mise à éditer des livres en langue française, et ceci grâce à l'emploi d'un outillage amorti et à des matières premières (papier et charbon) payées meilleur marché que chez nous, à des prix encore dont nous ne pouvons approcher. J'ai cité déjà, d'après M. Max Leclerc, l'exemple de cette collection << française » éditée à Sarrelouis et mise en vente à 50 pfennigs, soit 12 centimes et demi le volume relié de 150 pages.

Depuis deux ans, les collections d'ouvrages en langue française se sont multipliées en Allemagne. Il y a d'abord eu << l'Internationale Bibliothek » de Berlin, dont le prospectus d'annonce, publié dans le Borsenblatt, journal des éditeurs allemands, expliquait ingénuement : « En raison du grand besoin de livres français en Allemagne et du prix énorme des livres importés de France, notre collection constitue un « ersatz »> de valeur égale et cependant de prix considérablement plus avantageux. » A 9 marks le volume broché et 12 marks relié, il s'est publié là du Balzac, du Baudelaire, dr Vigny, du Mérimée. Les quatre premiers volumes de cette Bibliothèque française » ont été Eugénie Gran det, Manon Lescaut, les Fleurs du Mal, les Scènes de la Vie de Bohème. Colomba, le Père Goriot, Madame Bovary, les Confessions, Atala ont dû paraître depuis On m'a montré à la Maison du Livre quelques-uns de ces volumes: nettement imprimés sur papier convenable, ils se présentaient bien.

A Vienne, on imitait l'exemple de Berlin. La «< Rhombus Bibliothèque » publiait le Colonel Chabert, Candide, l'Avare en juillet 1920 et annonçait pour paraître ensuite du Gautier, du Racine et du Lamennais. Chaque volume était facturé au prix de 16 couronnes.

Enfin, un de nos confrères du soir ne reproduisait-il pas tout dernièrement le prospectus dans lequel la maison Tiedemann et Uzielli, de Francfort, annonçant une édition illustrée de l'Armance, de Stendhal, proclamait « Editeurs allemands, nous offrons une œuvre française aux lecteurs européens. >>

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Précisément, c'est ce qu'il ne faut pas.. J'entends bien l'objection qu'importe la nationalité de l'éditeur, si le volume est imprimé en français, et vaut-il pas mieux que nos amis lisent des livres français publiés en Allemagne que de n'en pas lire du tout ? L'argument a sa valeur. Tout de même, on sent bien qu'il serait mille fois préférable que ce fussent des éditions françaises qui répandissent les œuvres de chez nous ; que la pensée française enrichisse des étrangers, voire des ennemis, personne ne saurait trouver que c'est là une situation normale D'ailleurs, les éditions allemandes sont souvent défec tueuses, tronquées et abrégées pour des nécessités de mises en pages, avec de grossières fautes d'impression et de langage. Et puis ce n'est pas seulement le renom de notre littérature qu'il nous faut soutenir, mais encore celui de notre typographie et de notre édition. Pensez

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à l'opinion de ces étrangers, même nos meilleurs amis, qui ne peuvent se procurer de livres français à des prix abordables qu'édités en Allemagne. Ne craindriez-vous pas qu'ils en conçoivent quelque admiration pour le génie commercial de notre rivale et que tôt ou tard cette admiration porte ses fruits? J'exagère ? Dans son dernier numéro, le journal La Librairie publie une lettre de son correspondant en Roumanie d'où j'extrais ces lignes : « Je me borne à vous dire que, dans toutes les villes où je suis passé, j'ai trouvé des livres français mais pas d'éditions venues de France, hélas ! Il y en a de Berlin, il y en a de Vienne et puis de Leipzig, à très bon marché et de très bons auteurs, submergeant chez les libraires ce qui subsiste de nos éditions nationales qu'on voit disparaître les unes après les autres de leurs vitrines et de leurs rayons. >>

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Voici la situation. Le remède ? Il n'y en a qu'un et il est bien simple: puisque, dans les conditions économiques actuelles, il nous est en fait interdit d'exporter nos livres faits en France dans les pays à monnaie dépréciée, notre devoir est d'en fabriquer nous-mêmes dans ces pays où, grâce au bon marché des matières premières, du papier et de la main-d'œuvre, nous pouvons les mettre en vente à des prix acceptables. Il n'y a pas de comparaison possible, en effet, entre les prix de revient : des auteurs, des candidats au doctorat qui ne pouvaient sans doute supporter les frais énormes d'une édition e chez nous ont tenté de se faire imprimer au dehors et s'en sont tirés à bon compte... en Autriche. Un des premiers fut un ancien combattant, M. Henri Davoust, poilu authentique, ancien directeur d'un journal du front, le Tord-Boyau, et dont un volume de vers, l'Habit d'Arelequin, parut en 1920 avec cet avertissement : « En raison de la crise de la librairie française, cet ouvrage, composé en partie sous les 148 autrichiens de Skoda, a été imprimé à Vienne (Autriche) par les anciens ennemis de la France, avec le gracieux concours de la mission militaire française. »>

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Pour pouvoir nous lire, nos clients étrangers nous demandaient eux-mêmes de fabriquer nos livres chez eux et

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soit dit en passant il y a longtemps que notre journal a préconisé cette solution (1). Dans un très intéressant article que nos lecteurs n'ont certainement pas oublié (2), Mlle Marie-Antoinette Chaix ne disait-elle pas le désir de Polonais notoires de nous voir installer des imprimeries en leur pays, pour qu'en dépit des difficultés de l'heure n'y disparaisse pas toute culture française ?

(1) Cf. l'Opinion du 14 août 1920 (Feuillets de la Semaine). (2) Opinion, 9 avril 1921.

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Vou chimérique, sans doute, souhait irréalisable, puisque jusqu'à présent rien n'avait été tenté en ce sens ? Que non pas, il n'est jamais trop tard pour bien faire cette inertie lamentable va heureusement cesser, et il faut saluer avec reconnaissance l'initiative féconde d'une de nos grandes maisons d'édition, que nous ne nommons pas pour n'être pas suspectés de combinaisons intéressées.

Cette maison a placé à Vienne ses ateliers de fabrication destinés à produire pour les nations à change déprécié. Elle n'y a pas créé une organisation nouvelle, mais s'intéressant financièrement à une entreprise déjà existante, celle de la maison Manz, elle s'est assuré l'utilisation immédiate d'un matériel disponible. La maison Manz était de celles qui publiaient des auteurs français elle n'en publiera plus désormais pour le compte des étrangers. Elle éditera une collection d'auteurs français, propriété absolue d'une maison française, qui les publiera sous sa firme.

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Celle-ci ne donnera pas des auteurs classiques ou des écrivains tombés dans le domaine public, mais seulement des œuvres que les Allemands ne peuvent reproduire. Sa collection sera une collections de romans contemporains. On y trouvera du Capus, du Rosny, du Huysmans, du Donnay, du Claudel, du Lichtenberger, du Vaudoyer, du Jaloux, du Mauriac, du Mac-Orlan, etc. L'autorisation de reproduction de tous ces ouvrages n'a été sollicitée que pour un chiffre donné d'exemplaires. Il est vrai que les tirages prévus sont d'un nombre de «< mille >> singulièrement important.

Ajoutons que, pour ne pas concurrencer nos livres fabriqués en France, la vente de cette collection sera interdite en France, en Belgique et dans les colonies. françaises. Mesure utile à notre industrie, puisqu'en francs chaque volume coûtera environ moitié du prix français. Qui verra, comme moi, un exemplaire de ces volumes ne pourra s'empêcher d'envier Tchèques, Polo nais ou Roumains et de comparer, sous leur élégante couverture en deux couleurs, la bonne mine de ces livres bien imprimés sur papier d'avant-guerre ou presque aussi beau, aux piètres éditions dont nous sommes gratifiés.

Cette entreprise, qui nécessite une grosse mise de fonds, comportera certainement un bénéfice financier. C'est une affaire commerciale, naturellement. Mais elle aura aussi un bénéfice moral, et c'est pour cette raison que ce journal a tenu à la signaler, comme il s'appliquera à signaler ici tous les efforts qui seront faits dans cet ordre d'idées en faveur de l'expansion du livre et par conséquent de la pensée française.

D'une guerre à l'autre guerre

GEORGES GIRARD.

LE CRÉPUSCULE TRAGIQUE

XVI

LA FLAMME ÉTERNELLE

La volonté, plus même que l'intelligence, était l'orgueil de Philippe Lefebvre. Quand il avait une fois pris sa décision, il ne se permettait plus de douter qu'elle ne s'accomplit tôt ou tard, souvent très tard; c'est au point qu'il semblait l'avoir oubliée, parce qu'il savait attendre, rare vertu parmi les hommes. Il croyait apercevoir aussi, entre l'ordre des choses et sa volonté, une harmonie qui finissait toujours par rendre la nature complice de ses desseins. N'était-ce pas la récompense due à son stoïcisme? La formule de sa vie était la maxime de l'Enchiridion:

<< Ne désire pas que les choses qui aviennent aviennent comme tu veux, mais veuille qu'elles aviennent comme elles aviennent, et ta vie coulera bien. »

Le cours de son existence n'était peut-être pas aussi aisé qu'Epictète le lui avait promis; mais le commerce qu'il avait noué dès l'âge de raison avec l'ordre nécessaire était si intime qu'il aurait cru se révolter contre lui-même s'il s'était révolté contre le destin. Il avait une. sorte de fatalisme, non point passif et stupide comme celui du vulgaire, mais actif au contraire et personnel, parce qu'il était l'un des points de conscience de cette fatalité avec laquelle il s'identifiait, au lieu de se mettre à part et de simplement la subir, ne pouvant pas faire autrement. Il sentait perpétuellement cet accord et cette

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conformité, dans les petites comme dans les grandes choses; mais en est-il donc de petites, quand on les envisage de ce point de vue ? Et n'était-ce pas, en effet, pour lui une très grande chose, une des harmonies de sa vie, aussi indispensable à sa raison que la résolution d'une dissonance peut l'être à l'oreille d'un musicien, cette nécessité qui lui était apparue, dès qu'il avait revu Lembach son ennemi, de revoir Rex Tintagel, son ami? Après cette première évidence, une autre s'était imposée à lui de même qu'il avait revu Lembach dans ce décor de Sils-Maria où l'auteur de Zarathustra a rêvé le retour éternel, de même il ne pouvait revoir Tintagel que dans le décor d'Oxford, où il avait connu par lui l'amitié des camarades, et par Ashley Bell la guerre, qui seule engendre l'amour parmi les hommes. Il était donc maintenant décidé à faire ce pèlerinage qui l'avait à peine deux ou trois fois tenté, toujours effrayé, que jamais il n'avait osé refaire depuis les temps de son aube ardente. Il ne pouvait l'entreprendre avant la fin des hostilités; mais il avait la certitude intime que, le moment venu, les choses s'arrangeraient comme d'ellesmêmes et le plus simplment du monde. L'événement ne le démentit pas.

Au printemps de 1919, cinq mois après la signature de l'armistice, le président de l'un des clubs d'Oxford lui écrivit pour lui demander une « lecture » à la rentrée des vacances de Pâques, qui tombait cette année-là le 20 avril. Philippe répondit aussitôt, avant même de communiquer la nouvelle à Madeleine et à Rex; et pour accepter l'offre qui lui était faite, ia date qu'on lui proposait, environ le 20 mai, il retrouva des expressions de cette sensibilité anglaise qui était souvent la sienne, qui, sous les dehors d'une froide correction, laisse transparaître si naïvement, mais pour les seuls initiés, une joie tendre et ingénue. Il faisait vraiment plaisir à voir lorsque, à table, au déjeuner, il annonça la bonne nouvelle à Madeleine et à Rex. En le voyant si gaiement heureux, Rex ne put se défendre de sourire et de penser son habituel refrain (mais il le retint sur ses lèvres) : Tu es si jeune, père ! Comme tu es jeune !

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Puis l'on se réjouit avec lui de ce qui lui causait un si grand plaisir, sans faire un instant mine de supposer qu'il pût emmener Rex et Madeleine. Rien n'eût éte plus simple ni plus naturel, et ne leur eût fait plus de plaisir, à eux aussi; maintenant ils vivaient tous trois. dans une si douce intimité que la moindre séparation leur était pénible; mais ils sentaient que ce voyage aux lieux de sa jeunesse et pour la retrouver, Philippe ne le pouvait faire que tout seul, comme il était, seul la première fois qu'il avait visité la terre promise.

Ce jour-là, il se retira un peu plus tôt que de coutume dans la bibliothèque, pour méditer déjà sa conférence. Il se disait :

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Que vais-je raconter à ces jeunes gens ? La réponse lui vint tout aussitôt :

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Je leur parlerai d'eux-mêmes et des jeunes gens de Platon.

Il s'était assis devant le bureau de chêne, dont la façade était un panneau de coffre ancien sculpté en haut-relief, où grimaçaient des sortes de nains à la Téniers, que Louis XIV eût appelé magots. Il repoussa, d'une main brusque, l'in-folio des œuvres de Platon avec le commentaire de Marsile Ficin, qui était toujours sur sa table. Il prit une feuille de papier à lettres... C'était ses gestes de tous les jours pourquoi lui rappelèrentils un seul d'entre les jours qu'il les avait faits, celui de la nativité ? le matin qu'il avait écrit sur la feuille, pareille à celle-ci :

« Un fils vient de me naître, Rex, il y a une heure. Votre nom m'est monté aux lèvres quand je l'ai vu dans son berceau, et j'ai décidé qu'il s'appellerait comme vous Rex. >>

C'est en effet à Tintagel que cette fois, comme l'autre

fois, il voulait écrire; mais il tarda un peu plus, il rêva quelques instants. Des souvenirs d'une minutieuse précision lui revenaient. Après avoir tracé ces quelques lignes, il avait songé non sans amertume que Tintagel, l'année précédente, lui avait aussi annoncé la naissance d'un fils, ajoutant: « Nous l'avons baptisé Philippe », et se gardant bien d'ajouter : « C'est pour le nommer comme vous. » Cette même imperceptible amertume, il la ressentit encore, comme l'avant-goût d'une désillusion qu'il était presque certain d'éprouver lorsque après de si longues années il reverrait Tintagel; mais il s'interdit de la ressentir, et il écrivit à son ami pour lui donner rendez-vous le mois prochain, aussi naturellement que s'il lui eût écrit l'autre semaine. Pourtant, leur correspondance, toujours très rare, avait complètement cessé depuis la guerre, sauf un échange de billets, après l'armistice, pour se donner mutuellement l'assurance que leurs fils et eux-mêmes étaient encore en vie. Philippe savait bien que, sous la froideur de ce nouveau billet, Tintagel devinerait la douce et profonde joie dont il était ému à la pensée de le revoir; et il devina lui-même une joie pareille dans la froide réponse de Tintagel, qu'il reçut par le retour du courrier.

Il eut, à dater de ce jour, des impatiences d'écolier qui compte les jours jusqu'aux vacances. Il ne pouvait, pour les tromper, se feindre de préparer un voyage si simple, et qu'il avait fait, du moins de Paris à Londres, tant de fois. Heureusement, il avait à préparer sa conférence. Il fut dès lors incapable d'aucune autre besogne; mais jamais peut-être il n'avait fait aucun devoir, depuis ceux du lycée, avec tant de verve naïve et de conscience. Jamais, lui qui était pour soi-même d'une clairvoyance et d'un jugement infaillible, il n'avait été si content de ce qu'il faisait. Il avait de l'indulgence, un faible pour cette modeste allocution. Sous prétexte de bien l'apprendre, pour n'être pas obligé de baisser la vue sur sa copie, pour avoir l'air de parler tout de bon, il la relisait constamment il ne l'avait lue qu'une fois à Madeleine et à Rex, mais il la relisait seul, à haute voix; et il en était attendri de même que, la première fois qu'il avait lu un livre de Rex, certaines phrases lui faisaient venir les larmes aux yeux. Il se grondait un peu de cette vanité, mais pas bien fort; et puis il se la pardonnait en

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souriant.

Lorsque ce fut enfin le jour du départ, il s'étudia à reproduire les moindres détails de son premier départ pour Oxford, dont il avait une exacte mémoire après tant d'événements et plus de trente-sept années. Il ne cessait pas de s'étonner, avec une joie ingénue, qu'une durée si considérable, supérieure à la moyenne d'une vie humaine, eût si peu changé toute chose. Ce qui avait changé le moins, c'était lui-même. Il avait l'orgueil de vérifier une fois de plus, et par son propre témoignage, une doctrine qui lui était singulièrement chère, savoir que l'âge n'est qu'un trait du caractère et que les mêmes hommes ont le même âge toute leur vie. Cette chimère lui plaisait d'autant plus que l'âge de son caractère n'avait aucun rapport avec celui de son état civil. Mais en particulier ce matin, il n'osait s'avouer le chiffre de l'âge qu'il aurait dû s'attribuer, car, ainsi que le jour que jadis il était parti pour Oxford, il retrouvait cette sensation sublime de la première adolescence pour qui chaque réveil est le réveil du monde, chaque matin est le matin des matins.

Rex et Madeleine comprenaient si bien cette illusion d'adolescence et ce besoin de solitude qu'ils ne lui proposèrent même pas par innocente taquinerie de l'accompagner jusqu'à la gare. Il partit comme jadis le jeune orphelin libre et maître de lui. Il n'avait, de propos délibéré, voulu emporter que le petit bagage qui lui suffi sait en ce temps-là, et dans son sac le même volume dt cher Platon, le Phèdre, dont il assimilait - pieux mensonge les paysages aux paysages d'Oxford. « Détour

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nons-nous de ce côté, suivons le cours de l'Iissus... » et c'est le Cherwell qu'il revoyait.

Il y eut bien quelques différences entre ce voyage et celui d'autrefois, notamment la corvée des passeports; mais Philippe n'eut pas la fâcheuse surprise, alors trop fréquente, de trouver à Londres occupée la chambre qu'on lui avait promise, et d'errer par les rues passe onze heures du soir, à la recherche d'un gîte. Il n'en résolut pas moins, dès qu'il fut bien installé dans son lit, au Savoy, de quitter dès le lendemain Londres, que selon son programme il ne devait quitter que quarantehuit heures plus tard, et de se rendre à Oxford sans délai. Ce qui d'abord l'y fit résoudre fut qu'il avait agi de même la première fois qu'il était venu ici, sous prétexte qu'Oxford et non pas Londres était le but de son voyage; mais il avait d'autres raisons plus raisonnables. Naturellement, sa réception ayant un caractère quasi officiel, il craignait qu'on ne vînt le prendre à la gare et que dès lors on ne le lâchât plus; et il voulait deux choses, faute desquelles tout son plaisir serait gâté : demeurer seul et incognito au moins une soirée, rôder à l'aventure ainsi qu'autrefois; puis avoir toute une matinée, toute une après-midi de tête-à-tête avec Tintagel; ensuite, on ferait de lui ce qu'on voudrait. Son rendez-vous avec Tintagel était à la Mitre, la veille, et non pas l'avant-veille du jour fixé pour la conférence : il se faisait une joie de le surprendre un jour plus tôt.

Rex descendait chez un ami, professeur, qui avait une charmante maison dans Iffley road, qui prolonge High street, assez loin du centre de la ville; et même il y devait être depuis une semaine : Philippe n'avait pas à craindre de se hâter pour rien. Cependant il ne partit pas de Londres d'aussi bon matin que l'autre fois. Il voulait arriver seulement vers la fin de la journée, au fcrépuscule. Par exemple, il tenait par-dessus tout à occuper la même affreuse et incommode petite chambre où il avait dormi seulement deux nuits. Avant de partir, il téléphona, en donnant de telles précisions qu'il n'y eût pas d'erreur possible. La chambre était libre!

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passage entre le lit et la fenêtre, qui donnait sur une ruelle, vis-à-vis une vieille petite église entourée de son cimetière. A mi-hauteur était une planche, destinée à recevoir les malles, d'où pendait une étoffe, pour dissimuler les portemanteaux; et sur la table était posée la même bible reliée de noir, encore plus écornée qu'autrefois.

La table d'hôte était toujours à six heures et demie! Philippe descendit exactement, bien que, si tôt, il n'eût pas grand faim. Il commanda un cyder-cup. Le menu était court, et quand il eut fini de dîner, la nuit tombait à peine. Il sortit. Dehors, il ne délibéra point où il irait. bitude était depuis si longtemps perdue, mais renaisIl ne voulait faire que les gestes habituels, dont l'hasait spontanément. Déjà, cependant qu'il dînait dans point séparer de la rue, il avait reconnu, sur le trottoir, la salle que les larges vitres sans rideaux ne semblent le mouvement, la flânerie active d'Oxford par les beaux soirs du printemps ou de l'été. Ce qui changeait l'aspect de la rue, c'était les uniformes, jadis si rares, si nombreux aujourd'hui. Il voyait des soldats en convalescence, et il n'avait plus ce sentiment de magnifique santé qu'il avait toujours emporté d'ici. Il voyait des mutilés, plus qu'à Paris, mêlés à ceux « qui sont comme tout le monde », et qui semblaient n'avoir eux-mêmes aucun soupçon d'être si tristement différents.

Il lui parut mieux reconnaître Oxford et la foule point séparé même par un obstacle de verre. Il s'en alla dont le souvenir lui était familier, lorsqu'il n'en fut jusqu'à Carfax, où il retrouva le merveilleux, le séduifourni que jadis de tant d'objets désirables. Îl put tousant étalage du marchand de tabac, tefois s'y procurer une « Varsity pipe »; et quand il l'eut bourrée et allumée, il voulut refaire la première promenade qu'il avait faite, le soir de son arrivée.

un peu moins

Il tourna dans l'obscur et désert Market street, il poussa jusqu'à Brasenose lane; mais il y parvint trop vite. Il n'allait plus à l'aventure, il connaissait trop bien le chemin; et de même, il fut presque tout de suite dans le jardin privé, mystérieux, où jadis il avait rêvé premier soir au seuil de la terre promise. Mais il entendait s'épargner toute désillusion, et il trouva un prétexte à ses yeux fort bon pour écourter sa promeTintagel, de l'avertir qu'il avait fait cet enfantillage nade ne devait-il pas rentrer à l'hôtel afin d'écrire à de quitter Londres un jour plus tôt pour le surprendre, et qu'il souhaitait le voir dès demain matin?

Il eut le sentiment de la jeunesse éternelle; car depuis qle Savoy jusqu'à Paddington, et ensuite durant tout le trajet, toutes ses émotions anciennes ressuscitèrent, et ille de les reconnut. Il avait les mêmes impatiences. Il tressaillit de la même puérile fierté lorsque, en arrivant à la station, le train ralentissant déjà, la noble cité lui apparut, avec ses créneaux et ses tours, ses coupoles et ses clochers, et qu'il put se dire, comme s'il l'avait quittée seulement hier:

- Ici est la cathédrale, ici Magdalen, ici la belle rotonde de la Radchiffe camera...

Mais il ne voulait pas encore et avant la nuit tombée renouer connaissance avec Oxford. Il fut content de voir qu'ici ce n'était pas comme à Londres où l'on ne trouve plus que des motor-cars, et qu'on n'y trouvait justement que de vieux hansoms. Il en prit un et se fit conduire à l'hôtel de la Mitre directement. Il ne voulait rien regarder, il ferma les yeux, pour ne les rouvrir que lorsqu'il fut devant la façade rustique et ancienne, perdue sous les fleurs. Alors, d'un ton d'habitué, il donna ses ordres pour le paiement du hansom et le transport de la malle; et après un coup d'œil à la salle à manger, qui est à droite, à la petite cour plantée, humide et sombre comme un puits, qui est au bout du vestibule étroit, obscur, il monta l'escalier propre et modeste, orné de naïves estampes, il alla droit à la chambre qu'il avait retenue. Peu de choses en sa vie l'avaient rendu si heureux et si fier que d'en retrouver sans hésitation le chemin.

La porte n'était pas fermée à clef, il put librement pénétrer dans cet humble réduit qu'il avait désiré pour logement: véritable cellule, qu'obstruait toute le lit pour deux personnes. Rien n'y avait été dérangé depuis trente-sept ans. La table à écrire barrait toujours le

Rentré en hâte, Philippe monta tout droit au salon de l'hôtel, et là du moins il ne remarqua pas le plus léger changement. C'était toujours, et exactement aux mêmes places, les meubles de palissandre d'un LouisPhilippe si contourné que le pire Louis XV ne saurait être plus extravagant. Il n'eut point la peine de chercher le papier à lettres: il aurait pu étendre la main en fermant les yeux. Il se rappela, d'abord qu'il fut assis, la première lettre qu'il avait écrite à Rex Tintagel, esq., et qu'il n'avait pas eu l'audace d'envoyer. Il n'était plus si enfant, maintenant. Au fait, ne l'étaitil plus?...

Enfant ou non, il ne pouvait être question de ne pas envoyer cette lettre; il était urgent, au contraire, de la faire parvenir Iffley road, et Philippe s'en occupa aussitôt l'enveloppe fermée. Cela ne fut pas si facile, l'hôtel de la Mitre ne possédant qu'un seul et unique chasseur, lequel, en conséquence, ne pouvait s'absenter ni faire aucune course. Enfin, on dénicha un commissionnaire qui voulut bien aller si loin, si tard, et Phise mettre au lit. Il lippe put regagner sa cellule et n'était pas, ainsi que ce fameux soir ancien, tourmenté de puérils scrupules; il était dans un état de calme, de sérénité, qui lui faisait présager avec certitude pour le

lendemain un de ces moments de bonheur parfait qui

souvent lui avaient été accordés ici : depuis, quelquefois, à Paris même, ou au cours de ses voyages, il lui était arrivé de s'avouer parfaitement heureux; mais alors, son esprit se reportait toujours vers le paradis perdu, vers le paradis perdu que ce soir il venait de

retrouver.

Il dormit dans une paix et comme dans une candeur délicieuse; il se réveilla précisément à l'heure où il avait coutume de se réveiller quand il demeurait à Paumanock house. Sa première pensée fut, après avoir regardé sa montre :

« Quelle chance que je me sois réveillé si tôt ! Rex me fera certainement tenir sa réponse de très bonne heure, voyez-vous que j'eusse été encore couché? »

Il en aurait été honteux. Il se leva, fit sans tarder sa toilette, et comme il l'achevait, voulant absolument être prêt pour l'arrivée de la lettre, craignant de ne pas l'être et s'impatientant déjà qu'elle n'arrivât point, on frappa. Il demanda ce que c'était. Une voix un peu enrouée et qu'il lui sembla que l'on déguisait, répondit : Une lettre.

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Il eut un battement de cœur et d'abord entr'ouvrit la porte; puis, songeant que ce n'était pas comme autrefois quand la lettre était venue avant qu'il fût habillé, et qu'il était présentable, il ouvrit la porte toute grande; et il eut alors une vision si merveilleuse qu'il ne put se défendre de porter la main sur ses yeux: Rex était devant lui! Le même Rex qu'au temps de son aube ardente, avec cette beauté un peu compassée, cette grâce un peu gauche, ces grands cheveux blonds rejetés, ce sérieux imperturbable, ces yeux timides, étonnés et spirituels. Il comprit, mais non pas tout de suite : il se laissa, volontairement peut-être, le temps d'être dupe, de croire à cette résurrection et de s'enivrer du miracle, il comprit que c'était Philip Tintagel qu'il voyait, que Rex, pour lui procurer une charmante illusion, avait confié la lettre à son fils. Il reconnut la délicatesse du camarade, cette sensibilité pour tous secrète, mais non pour lui. Il fut si attendri qu'il para cette fois encore le choc trop rude de la joie.

Vous êtes Philip? dit-il en souriant.

Oui, je suis, répondit le jeune homme, mis à son aise et en gaîté par l'expression gaie de Lefebvre. Com

ment allez-vous ?

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- Il est en bas, dit Philip Tintagel, avec la malice d'un enfant qui vient de jouer un bon tour.

Ils descendirent aussitôt. Lefebvre voulut que Philip passât le premier; et soudain il s'avisa que ce splendide garçon, auquel, à première vue, il eût donné les vingt ans qu'avait le père lors de leur rencontre au Parsons'pleasure, avait bien douze ans de plus. Mais qu'importe? Ce qui était vrai, ce n'était pas cet âge réel, qu'il ne pouvait croire réel que par un effort de calcul, c'était la radieuse apparence de l'adolescent viril qui venait de lui donner l'hallucination de son ami ressuscité.

La vue du véritable Rex, qui, en l'attendant, allait et venait dans l'étroit vestibule au pied de l'escailer, ne l'eût pas moins saisi et ne l'eût pas moins fait crier au miracle, si l'effet n'en avait pas été d'abord atténué par cette ingénieuse substitution; car le père lui-même avait si peu changé que pas un de ceux qui l'avaient connu adolescent n'eût hésité à le reconnaître. Philippe

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tion, à laquelle Lefebvre ne répondit pas davantage. Ils se donnèrent brusquement la main; personne, à les voir, n'eût soupçonné que ces deux êtres glacés et corrects étaient bouleversés jusqu'au fond du cœur par une joie vraiment divine, ni qu'ils étaient les mêmes, oui les mêmes adolescents, qui près de quarante années auparavant se disaient avec le plus grand sérieux, du ton qu'ils auraient parlé des choses les plus actuelles : Rex, croyez-vous qu'après notre mort nos âmes auront encore des ailes, qui nous emporteront vers les régions supérieures où habite la race des dieux? Certainement, Philippe, je le crois, puisque nous sommes ordonnés et sages, maîtres de nous, et que nous avons réduit le vice en servitude, et que nous avons remporté le prix des trois combats que l'on peut appeler vraiment olympiques. Philippe, qui mériterait des ailes, sinon moi et vous?

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Et à cette minute, à cette minute précisément, Philippe Lefebvre comprit que sa jeunesse, intacte, était destinée à durer autant que sa vie,et que ce privilège sublime ne lui avait pas été octroyé sans dessein, mais expressément pour qu'il fût digne de ramasser le flambeau échappé des mains de son fils.

Il ne lui suffit pas de le comprendre: il voulut le sentir et l'éprouver jusqu'à satiété, rechercher partout ici les témoignages et les traces de sa jeunesse éternelle. Il sortit avec Rex. Philip, pour ne pas les importuner, marchait à quelques pas devant eux, tournant la tête seulement, de temps à autre, pour voir quel chemin ils allaient prendre et pour les y précéder.

Ils ne parlaient guère et semblaient aller au hasard; mais, sans s'être concertés, ils refaisaient toute la promenade qu'ils avaient faite ensemble, le jour que Le febvre, au moment de perdre son paradis, avait voulu le visiter une dernière fois. Ils traversèrent d'abord la ville, et Philippe remarqua une chose qui l'eût peiné s'il n'avait eu la raison de se dire que cela était mieux ainsi : on avait soigneusement restauré oh! sans la moindre altération des nobles lignes - les façades des collèges; les pierres autrefois délitées, qui semblaient les feuillets d'un livre trop souvent manié, étaient maintenant unies, nettes et, par places, trop blanches, sous les vignes vierges et les lierres.

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Ils allèrent ensuite vers le parc, ils passèrent devant Paumanock house; et ils ne se dirent rien, seulement ils se regardèrent en souriant. Ils allèrent entre les haies, le long des terrains de jeux, vers le Parsons'pleasure. Ils poussèrent la porte de planches, et Philippe eut la vision de celui de ses paradis qu'il avait aimé le plus chèrement. La rive était courbée de sorte qu'une faible partie de la rivière était seulement visible, et presque tout de suite, à droite, à gauche, elle se dérobait à la vue. Le sol était revêtu de gazon, et la berge, abrupte, avec des marches taillées çà et là qui permettaient de descendre dans l'eau, à moins que l'on ne préférât s'y jeter du bord ou de l'un des arbres qui, planté obliquement, pouvait servir de tremplin. Et Philippe regardait, sur ce gazon et dans l'eau trouble, de jeunes dieux pareils à ceux que jadis il y avait vus, et d'autres qui, après avoir traversé le fleuve à la nage, s'ébattaient sur l'autre bord; mais ce qu'il regardait surtout, avec un attendrissement presque religieux, c'était ce tronc de saule oblique, où il se souvenait de s'être suspendu, balancé, tantôt se laissant aller au courant et tantôt y résistant, vis-à-vis de Rex, suspendu de même et qui se balançait, au moment qu'ils avaient échangé les premiers mots de leur amitié. Et c'est un peu après que Tintagel avait révélé à Lefebvre son nom de féerie.

Puis, ils quittèrent le Parsons' pleasure, et suivant les sentiers couverts, ils allèrent vers la rive qui est en face de la Mésopotamie; et ils s'arrêtèrent juste au lieu de la vocation. Philippe crut revoir le simple et majestueux tableau: Ashley Bell assis sur l'herbe, entre Tintagel

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