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neur de consacrer sous ce même titre : Les Morts vivent-ils ? à la controverse que j'ai soulevée par la présente étude.

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J'assistai à cette réunion, en spectateur anonyme. Je n'en dirai rien sinon qu'assez rapidement elle prit, —- à ma grande surprise, car je me souvenais de séances très spiritismophiles dans ce même milieu une physionomie nettement antispirite. Le spiritisme, à entendre les orateurs, était condamné il ne fut plus question bientôt que de savoir à quelle sauce il devait être mangé : la sauce « spiritualiste » ou la sauce « matérialiste », les divers cuisiniers n'arrivant pas d'ailleurs à employer un langage technique qui leur permît de se mettre d'accord. Je ne dirai rien non plus de ces nombreux orateurs, sinon du docteur Jaworski, qui - pour ma plus grande surprise aussi fit une charge à fond contre le spiritisme d'Oliver Lodge et de Cornillier.

Mais ce qu'il y a eu plutôt à retenir de cette soirée, c'est ceci : Le docteur Jaworski, rentré depuis quelques jours seulement du Congrès psychique de Copenhague, nous expliqua longuement ce qui venait de se passer làbas et nous donna les «< conclusions » du Congrès telles d'ailleurs que Mme Bisson me les a écrites depuis (V. Opinion du 24 septembre). Le Congrès a décidé : A. Les phénomènes psychiques sont réels. B. Explication: néant: il faut attendre.

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Sur le premier paragraphe, aucune surprise. Il aurait été absurde de supposer que les psychistes, après s'être réunis précisément pour exposer ce qu'ils avaient constaté individuellement au cours de leurs expériences, émissent ensuite, en corps, un vote final déclarant que tout ce qu'ils étaient venus raconter était faux ! Quant au deuxième paragraphe, il signifie bien ce que M. Jaworski a expliqué que les membres du Congrès se sont divisés en deux partis: d'un côté les spirites, de l'autre les scientistes entre eux, un fossé. Ceci est assez nouveau, je crois. Et je me demande si ce n'est pas aussi ce qui se dégage de l'intéressante lettre de M. Léon Denis qu'a publiée le Matin du 25 sep

tembre :

:

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et c'est

«...D'abord il convient, écrit-il, de dissiper la confusion qui pourrait s'établir entre les termes métapsychistes et spirites. Les premiers sont des savants qui poursuivent l'étude expérimentale des phénomènes occultes et s'efforcent de les faire classer dans la science : nous suivons leurs travaux avec un vif intérêt et nous applaudissons à tous les résultats obtenus dans ce sens... Mais, ainsi que le constate M. Heuzé, leurs conclusions sont encore vagues, contradictoires et souvent négatives. Or, cette solution du problème psychique... les spirites l'ont établie depuis plus de cinquante ans, etc. »

Le Congrès de Copenhague, suivant un des orateurs, aurait été pour le spiritisme une « grosse déception >>. Je n'apprécie pas cette affirmation je l'enregistre en simple spectateur.

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Ainsi conçue et ainsi réalisée, notre enquête je ne fais aucune difficulté de le reconnaître ne semble pas avoir tourné en faveur du spiritisme (2). Qu'y puis-je ?

Certains spirites me reprochent l'intervention du P. Mainage. Je prétends que la voix de l'Eglise était indispensable sur une telle question et étant données les lettres que je recevais à ce sujet. Ces mêmes spirites me reprochent surtout que le P. Mainage n'ait pas parlé du diable !... Qu'y puis-je ?

Quoi qu'il en soit, si l'on examine toutes ces réponses, la première remarque qui pourrait être faite - procédons par ordre - serait celle-ci :

Que la réalité des phénomènes est très discutée.

En effet, bien que les auteurs des ouvrages consacrés à ces questions aient presque tous adopté le procédé qui consiste à recopier indéfiniment les mêmes récits même ceux qui ont été démontrés faux il apparaît clairement que les vrais phénomènes, c'est-à-dire les phénomènes vraiment contrôlés, sont, s'il y en a, extrê

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mement rares.

Ah! si l'on se donnait la peine de remonter aux sources !

Il y a huit jours, je recevais d'un lecteur une lettre dont voici le passage essentiel :

<<`` ... Veuillez examiner le cas de lord Dufferin, raconté par Camille Flammarion dans Autour de la Mort, pages 231, 232... Le fait est rapporté d'après « un psychologue distingué ». Mais, au lieu de dire : « Un jour, une nuit, quelques années après », pourquoi ce psychologue distingué ne donne-t-il pas des dates précises? les noms ? le nombre des victimes? Bref, des renseignements permettant de contrôler l'exactitude du récit ? Ne pensezvous pas, Monsieur le rédacteur, qu'il y a là, pour un habitant de Paris, une enquête facile ? etc. »

Signé E. REBOUX.

à Mézières (Loiret).

Je l'ai tellement pensé que, cette enquête, je l'ai faite immédiatement, et j'ai d'autant moins hésité que, justement, j'avais été fort invectivé parce que j'avais émis des doutes, le 27 août, sur les qualités d'historien de M. Camille Flammarion. Or, je n'ai pas eu besoin de faire appel à toutes les ressources de la « méthode historique »> : c'était si simple!

D'abord, qu'est-ce que le « cas de lord Dufferin »> ?

(1) Je tiens à faire remarquer que, ayant publié, sur le sujet le plus délicat qui soit, dix opinions différentes, celles de Gabriel Delanne, docteur Geley, Camille Flammarion, Conan Doyle, Maeterlinck, Charles Richet, Mme Curie, Mme Bisson, le P. Mainage, E. Branly, j'ai eu, en tout et qui pour tout, ce petit incident avec Camille Flammarion n'a d'ailleurs, me dit-on, surpris personne.

(2) C'est dans ce sens que la presse, dans son ensemble, a conclu. Je ne parle pas d'articles comme ceux de Léon ou de G. de la FouDaudet remarquables d'ailleurs chardière, qui étaient tendancieux, mais des études parues dans le Temps, le Matin, le Gaulois, la Liberté, Excelsior, la Lanterne, le Radical, la Victoire, Bonsoir, des articles de MM. Pierre Mille, Roland de Marès, etc., et de tous ceux de la presse belge et de la presse italienne.

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Ouvrons Flammarion :

Une nuit (?), en Irlande (?), lord Dufferin vit lui apparaître un homme hideux qui portait un cercueil, et cette vision resta dans son souvenir... Quelques années après (?), étant ambassadeur à Paris, un jour (?), il se rendit à une « réception diplomatique » (?) au GrandHôtel. Au moment de prendre l'ascenseur, il reconnut dans l'homme qui le faisait manoeuvrer l'affreux porteur de cercueil de jadis! - Ici, je cite :

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Mû par un ressort instinctif, l'ambassadeur recula,

rebroussa chemin en prononçant quelques mots d'excuse ct, prétextant d'un oubli, demanda qu'on prît les devants sans l'attendre; puis il se rendit au bureau de l'hôtel afin de se renseigner sur le personnage qui causait sa légitime émotion. Mais il n'en eut pas le temps: on entendit à ce moment un bruit épouvantable mêlé de cris d'angoisse. L'ascenseur, parvenu à une certaine hauteur, s'était affaissé tout à coup au fond de son puits, broyant ou mutilant ceux qui l'occupaient. >>

Ce récit ne respire-t-il pas la véracité ? Les moindres détails y sont (sauf les dates). Et voici la fin, qui est magnifique de précision:

« L'employé mystérieux fut tué avec ceux qu'il transportait. On ne put identifier son origine. C'était, dit-on (?), un extra, une doublure, un homme de passage qu'on avait temporairement embauché. Lord Dufferin n'en sut pas davantage et il chercha vainement à s'expliquer par quel sartilège la main de la Destinée l'avait sauvé du péril, en levant pour lui, de si mystérieuse manière, un coin du voile tendu sur cette partie de l'éternité que nous appelons le futur ! »>

Hé bien allons maintenant aux sources. Premièrement, tout le monde sait que lord Dufferin fut ambassadeur à Paris de 1892 à 1896.

Je n'avais donc qu'à me rendre au Grand-Hôtel, où mon enquête a été des plus simplifiées : il n'y a eu, au Grand-Hôtel, aucun accident mortel d'ascenseur public depuis celui de 1878. J'ai vu et interrogé le principal témoin de cet accident de 1878: il est toujours au GrandHôtel, d'où il n'a pas bougé depuis. Ce jour-là (1878), la chute de l'ascenseur tua un seul voyageur: une jeune femme, jeune mariée, qui remontait chercher quelque chose dans sa chambre. Il n'y avait absolument aucune réception diplomatique » et, par conséquent, pas plus d'ambassadeur que dans le creux de ma main.

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Cette année 1878, lord Dufferin, âgé de 52 ans, la passa en partie au Canada et en partie à Saint-Pétersbourg.

Et voilà.

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sant de nos jours, vous trouveriez les mêmes marques d'invention. Or, dans cinquante ans lorsqu'un spécialiste de ces questions publiera un nouvel ouvrage de propagande, il recueillera tranquillement toutes ces légendes, y compris encore celle de Lord Dufferin, pour en faire son volume. Et il le faut bien ! Car autrement je veux dire si les auteurs de ces ouvrages contrôlaient euxmêmes, l'authenticité de leurs récits, lesdits ouvrages resteraient tout justement de simples cahiers de papier blanc (1).

:

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Entendons-nous bien du fait que j'ai fait parler ici Mme Curie et le professeur Branly et qu'ils ont été catégoriquement sceptiques au sujet de toutes ces histoires, je n'en conclus pas qu'eux seuls ont raison. Ce que dit la science n'est pas parole d'évangile! Mais je cherche à dégager les données de ce problème de l'authenticité qui, évidemment, domine de beaucoup celui des expli

cations.

Continuons les exemples.

Si l'on passe aux phénomènes provoqués et si l'on prend les phénomènes de matérialisation, il est certain que le plus frappant, toujours cité, est celui de Katie King. Or, il faut bien le dire, la lecture des récits de William Crookes dans le texte original laisse place à tous les doutes. Le médium Douglas Home, celui-là même qui avait précédé Miss Florence Cook dans le laboratoire de Crookes, disait d'elle qu'elle était une << farceuse » (2); rien dans Crookes, ne prouve le contraire. N'oublions pas non plus que Crookes, s'il est exact qu'il fut un grand savant, semble avoir, dans cette avanture, assez vite perdu pied au point de vue de l'observation rigoureuse: il fit du sentiment et de la poésie, devint amoureux de Katie, entremêla son rapport de vers écrits en l'honneur de la jeune fille :

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...Mais la photographie est aussi impuissante à dépeindre la beauté parfaite du visage de Katie que les mots le sont

(1) Au cours d'une conférence sur le spiritisme dont j'ai déjà parlé, un des orateurs affirma que Charles Richet avait eu récemment une matérialisation remarquable: une belle jeune femme lui était apparue et il avait pu couper une mèche de ses cheveux « qu'il conserve présentement dans le tiroir de son bureau »! Or, on a lu ici même les paroles si prudentes de M. le professeur Richet, et on peut se demander, une fois de plus, quelle peut être l'origine de ces perpétuelles extravagances.

Il ne faudrait pas croire d'ailleurs qu'elles soient l'apanage des spirites: leurs adversaires se livrent aux mêmes fantaisies.

L'autre jour, au << Faubourg », un des orateurs procla

mait avec une foi vraiment émouvante :

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D'ailleurs, c'est bien simple, et vous n'avez qu'à le dire à vos médiums : il y a toujours, à la Préfecture de police, une somme de 250.000 francs pour la personne qui pourra lire une lettre à travers une enveloppe cachetée.

Le lendemain je me rendais à la Préfecture de police où l'aimable secrétaire de M. Leullier me déclara, en riant, que c'était là une « blague » de la pire espèce. Précédemment, j'avais entendu dire en public et j'avais lu dans plusieurs ouvrages que « l'Institut détient depuis quarante ans une somme de 50.000 francs pour la personne qui pourra lire une phrase écrite sur un papier enfermé dans une enveloppe cachetée » (ça ne change pas beaucoup) ! Je me rendis, un beau matin, à l'Institut, où l'aimable secré taire de l'Académie des sciences me déclara, en riant, que j'avais été mystifié.

(Et je le regrette vivement d'ailleurs. Et si ces lignes tombaient sous les yeux d'un homme riche qui voulût bien créer enfin, à l'Académie des sciences, un prix de ce genre, on peut dire que celui-là ferait faire un grand pas à toutes ces questions!)

(2)« M. Home... m'a personnellement exprimé son opinion que Mlle Cook avait été une habile farceuse et avait indignement trompé l'illustre savant. » Camille Flammarion. Les Forces naturelles inconnues, p. 462.

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eux-mêmes à décrire le charme de ses manières : comment pourrait-elle reproduire la pureté brillante de son teint ou l'expression sans cesse changeante de ses traits si mobiles, tantôt voilés de tristesse lorsqu'elle racontait quelque amer événement de sa vie passée, tantôt souriant avec toute l'innocence d'une jeune fille, lorsqu'elle avait réuni mes enfants autour d'elle et qu'elle les amusait en leur racontant des épisodes de ses aventures dans l'Inde ?

Autour d'elle elle créait une atmosphère de vie.

Ses yeux semblaient rendre l'air lui-même plus brillant; Ils étaient si doux, si beaux et si pleins

De tout ce que nous pouvons imaginer des cieux ! Sa présence subjuguait à tel point que vous n'auriez pas cru Que ce fût de l'idolâtrie de se mettre à ses genoux. » On conviendra que voilà, tout de même, de singulières façons, dans un compte rendu d'expériences de labo ratoire!

Je ne peux m'empêcher de faire ici un rapprochement avec les comptes tendus d'Oliver Lodge. Parlant de d'Oliver Lodge. Parlant de Raymond, ce livre étrange, je demandais à un grand savant de France :

Oliver Lodge est-il un vrai savant?
Oui, un très grand savant.

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Non; pas passionnément. Je ne fais rien passionnément, me répondit Branly.

Sur les expériences d'Eusapia Paladino (matérialisations, empreintes), il y a certains rapports, comme celui de M. Gustave Le Bon (intercalé dans les procèsverbaux de Camille Flammarion), celui de M. Antoniadi (ibidem), celui des expérimentateurs de Cambridge (vingt séances), qui sont écrasants.

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Quant aux expériences de Mme Bisson sont-elles, du moins, à l'abri des coups des négateurs? Nullement ; et c'est à propos des expériences avec le medium Eva pour ne citer qu'un bon exemple que le docteur Maxwell, qui y a assisté, écrivait, en mars dernier (1): « Je ne crois pas pouvoir me prononcer sur ces faits extraordinaires, que ma raison rebelle se refuse à reconnaître. Il faut attendre que les observations soient plus nombreuses. >>

Il est impossible aussi de ne pas signaler que l'illusionniste Dickson, qui prétend que tout est faux dans ces phénomènes en général, a porté un défi à tous les médiums (2) en se faisant fort de découvrir leurs «trucs », et que ceux-ci, jusqu'à présent, n'ont pas relevé le défi. Or, il faut être ici sincère, quitte à déplaire

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(et l'on a vu ce que M. Branly a dit à ce sujet : << Si Lénine m'apportait une preuve scientifique, etc. ») voilà qui est profondément troublant. Car il est évident qu'on ne voit pas du tout quel sentiment peut justifier un tel refus.

De l'authenticité des phénomènes, notés par Crawford, j'ai mes raisons, que je ne peux malheureusement pas produire encore, de douter sérieusement.

Restent les expériences du docteur Geley. On m'a dit : Mais, enfin, le docteur Geley vous a-t-il fait assister à ces extériorisations d'ectoplasme?

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Je réponds: Non, et d'ailleurs il ne s'agit pas du tout de savoir si j'ai vu et palpé l'ectoplasme : mon témoignage ici n'aurait absolument aucune valeur.

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Alors, disent les sceptiques et je les comprends parfaitement pourquoi les expérimentateurs ne fontils jamais assister à leurs travaux des professionnels du truquage? Nous lisons, dans les comptes rendus des séances avec Eusapia Paladino, qu'elle fut « contrôlée » par toutes sortes de savants. Contrôlée? Le moindre prestidigitateur, pris dans une baraque de foire, roulera comme il voudra, c'est clair, un impressionnant aréopage de << contrôleurs >> composé des plus magnifiques savants de l'univers. Au contraire, un prestidigitateur ou un illusionniste de profession est à peu près « inroulable » par ses confrères. Alors, quand il s'agit de « contrôler » des mediums, pourquoi

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étant donné que tous ont été vus fraudant le premier personnage que l'on invite n'est-il pas un prestidigitateur? Des expériences comme celles du docteur Geley, faites par des hommes, éminents certes, mais généralement incapables de découvrir les «<< trucs »>, ne prouvent rien Il y faudrait le contrôle de truqueurs professionnels. Si donc Mlle Eva ou M. Kluski Dickson refusent d'opérer devant un illusionniste c'est que tous les phénomènes sont de vul

ou autre

gaires tours de passe-passe. J'ai soumis ces observations au docteur Geley luimême, qui m'a répondu :

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J'admets parfaitement que nos expériences stupéfient ceux qui ne les ont point vues. Pour moi, qui y suis habitué, la formation de figures par l'ectoplasme n'est pas plus étonnante que le mécanisme de la digestion. Opérer en public? c'est impossible, vous le comprenez bien. D'autre part, il ne faut pas d'hostilité chez les assistants. Que voulez-vous, c'est regrettable, mais c'est ainsi, et nous n'y pouvons rien. Quant à des professionnels de la prestidigitation, s'ils sont sérieux, nous ne refusons pas de faire nos expériences devant eux : mais nous manquons de médiums. Nos expériences sont le plus souvent exténuantes pour eux et, je vous l'ai déjà dit, nous n'avons pas le droit de les répéter dans le seul but de satisfaire des curiosités. Attendez; patientez; nous essayerons de trouver quelque moyen de rendre ces phénomènes mathémathiquement indiscutables. >>

Je ne cherche ici à convaincre personne. Le point d'interrogation subsiste donc.

X

Si, cependant, puisque les faits semblent se dérober, certains phénomènes une fois admis, de confiance, on passe à la question de leur interprétation, on se trouve alors en présence de deux partis. D'un côté les spirites en nombre de plus en plus restreint, je crois, parmi les « savants »>, mais ayant, par contre, une foule innombrable de disciples; de l'autre, les « scientifiques », en nombre de plus en plus grand parmi les hommes qui étudient, mais avec moins de disciples puisque aussi bien ils ne se soucient nullement de disciples.

Il n'est pas question d'aborder ici, je l'ai déjà dit, une discussion de fond.

Seulement, nous avons pu constater que plusieurs des hommes éminents qui ont étudié de près ces phénomènes n'appartiennent pas ou n'appartiennent plus à la doctrine spirite, parce que celle-ci n'a jamais apporté aucune preuve.

!

Combien elle aurait eu cependant l'occasion de le faire, depuis trois ans, avec tous ces morts de la guerre et combien, au contraire, je reçois de lettres qui me disent: « J'ai interrogé : les morts n'ont pas répondu » On peut lire, dans le numéro de septembre de Pychica, p. 111, cette lettre de M. F. Niard:

Comment se fait-il que tant de morts de la grande guerre restent classés parmi les disparus, sans que leur mère ou leur épouse éplorée puissent savoir s'ils sont parmi les morts ou les vivants? Au milieu du deuil universel, le spiritisme a fait du progrès. Beaucoup d'âmes angoissées se sont tournées vers lui avec l'espoir de savoir. Elles sont allées chez des voyantes, chez des médiums, ont assisté à des séances spirites. J'en connais beaucoup et, dans aucun cas, le sort du disparu n'a été connu. Les consultants, au contraire, ont été bercés de chimères : le disparu était prisonnier, il allait écrire... puis il allait revenir... Aujourd'hui, les parents savent qu'il faut le compter parmi les morts. Pourquoi l'être évoqué n'a-t-il pas répondu à l'appel, ou pourquoi, à défaut de lui, son guide, un parent, un ami, n'a-t-il pas répondu pour lui? »>

Je ne sais si les spirites sont très satisfaits de ces plaintes, mais, pour moi, j'avoue que je trouve tout cela profondément navrant.

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Que le spiritisme affirme comme un dogme religieux la survivance de l'âme, c'est absolument respectable. Mais qu'il prétende faire, et qu'il engage à faire, la démonstration pratique << scientifique >> de cette vérité, c'est là où beaucoup se refusent à le suivre. En un mot comme en cent, à cette question : les morts vivent-ils ?... c'est une religion qui, comme toutes les autres religions, répond: oui. La science nous dit : nous n'en savons rien.

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On serait, certes, tenté tout d'abord de croire qu'elle a vraiment quelques droits à se montrer, elle du moins, affirmative, car, quand on relit, à la lumière d'expériences comme celles de Geley, les récits des expériences antérieures et, particulièrement, toutes celles d'Eusapia Paladino - on ne peut manquer de s'écrier, tellement tout concorde: Il est évident que voilà l'explication! Or, ce serait aller trop vite; et les auteurs mêmes de ces expériences n'accepteraient pas qu'il soit dit d'eux qu'ils ont éclairci définitivement le grand mystère. Ils font remarquer simplement que les méthodes qu'ils emploient donnent une garantie sérieuse à leurs travaux et à leur commencement de découverte. Essayons de les croire.

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Il se passe peut-être actuellement, dans les laboratoires, des faits extrêmement intéressants, dont l'observation et l'étude amèneront une orientation nouvelle de la science et, éventuellement, des applications sensationnelles. Mais il faut attendre; et il faut laisser les savants travailler en paix, sans leur étourdir les oreilles avec des théories préconçues.

Pratiquement, l'étude des phénomènes ne doit donc pas être une distraction mondaine, mais une entreprise scientifique. Il est possible que, dans certains salons, il se trouve parfois un médium capable de faire osciller légèrement une table (sans la toucher, bien entendu), mais tout ce qui s'ensuit est, presque toujours, ou de la fraude (consciente ou non), ou, exceptionnellement, de la communication de subconscience à subconscience, incapable de dépasser certaines limites très étroites.

Or, n'importe qui ne peut pas faire de l'observation scientifique; surtout dans un domaine où ainsi que je l'ai rappelé tout contribue, l'atmosphère ambiante, le mystère, l'obscurité, les lueurs, les formes rampantes, à détraquer le spectateur qui n'a pas le sang-froid nécessaire les exemples, hélas ! ne manquent pas !... Il faut absolument, pour s'adonner à ces recherches, une préparation, un bagage, une culture: tout homme qui n'a pas cette culture scientifique devrait donc me voilà revenu ici à mon point de départ, s'interdire formellement de se lancer dans ce genre de travaux.

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Et je crois que ce devrait être, en tout cas, un devoir élémentaire, pour tous ceux qui l'entourent et qui l'aiment, de l'en empêcher.

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La journée d'Odessa(1)

C'était le dimanche de la Passion. Le vaste silence qui environne la ville d'Odessa pèse jusque sur les eaux limoneuses de son avant-port. Aux coupoles des larges églises assises sur sa colline, les cloches sont muettes. Dans le port, plus grouillant qu'une fourmilière renversée, s'étire le va-et-vient des remorqueurs traînant les chalands surchargés de réfugiés; en dehors des jétées la mer plate est toute mouchetée de canots à vapeur circulant à travers les escadres. Au loin, tout au fond de la baie, les tourelles d'un croiseur français balaient par larges salves l'étroite chaussée des lagunes. On espère ainsi retarder, de quelques heures, l'entrée de l'armée rouge que commande le général Grégoriew. Avec entrain, l'armement des pièces assure le ravitaillement du tir, et malgré les ordres tout l'équipage disponible est là sur le pont, qui se dispute jumelles et longues-vues pour suivre les points de chute. A travers la lagune, des groupes de cavaliers, aussitôt dispersés, disparaissent au grand galop. Et nos hommes d'y prendre leur plaisir, sans demander si ce tir par salves est contraire à la Constitution....

Hélas! nous aurons ignoré l'hospitalité, si vantée par les camarades des cuirassés, des habitants d'Odessa. Mais leurs hôtes d'hier si affables, les voici en route pour un exil inconnu, entassés sur des chalands avec, pour tout bagage, un peu de linge et leurs bijoux dans un sac à main. Pourtant l'hiver s'était passé dans une complète sécurité. L'armée des volontaires couvrait les abords de la mer Noire et la confiance redoublait avec la présence d'une brigade française. En moins d'une semaine, il n'y a plus de salut que dans la fuite devant la férocité de la Tchèré zevytchaïka, ce ramas de bandits de droit commun, bien distinct de l'armée rouge proprement dite, entraînée et disciplinée. Ainsi, à plus de cent ans de distance, la révolution russe reproduit dans son économie certains traits de la Révolution française. Des généraux du tsar servent aux armées rouges, comme les Lacuée de Cessac, les Montalembert, les LaffitteClavée, les d'Arçon formaient l'état-major général de Carnot. Mais les publicistes, les robins, les moines dé

(1) A l'occasion de l'« élection » de Charonne, il nous a paru que les souvenirs de l'évacuation d'Odessa en avril 1919 prenaient une triste actualité. (Voir l'Opinion du ro septembre.)

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ans

froqués, les criminels qui s'employaient à la Terreur de Robespierre grouillent en 1919 dans les rangs de la Tchèré zévytchaïka. Précédant l'armée rouge, ils vont tout à l'heure assommer, voler et violer chez les habitants d'Odessa qui n'ont pu fuir et que les émissaires juifs, dont fourmille la ville depuis deux mois, ont déjà marqués pour le pillage et l'assassinat.

L'évacuation se poursuit avec une monotonie tragique. Mais l'heure avance. Les cargos se remplissent de familles silencieusement. Rien n'a été préparé pour un tel exode. Femmes, enfants, bourgeois, soldats volontaires s'entassent au hasard, dans les cales des cargos ou dans les coursives et les chambres des paquebots.

Soudain une nouvelle fuse de bâtiment en bâtiment. L'avant-garde de l'armée rouge occupe les faubourgs d'Odessa. Enivré de son succès, le général Gregoriew fait signifier au commandant en chef que si l'évacuation n'est pas terminée dans une heure, tout ce qui encombrera encore les quais sera balayé à la mer. Aussitôt, ordre à tous les bâtiments de prendre les dispositions de combat et, se faisant traduire la réponse à son ultimatum, Grégoriew peut, à la jumelle, compter toutes les pièces pointées sur Odessa. Minute d'émotion à bord où chacun quitte avec regret le pont pour descendre à son poste de combat. Un quart d'heure après on entend la sonnerie de la reprise du service ordinaire. Le général Grégoriew n'occupera la ville qu'au soleil couchant.

A terre, on entend des coups de fusil. C'est la Tchèré zévytchaïka qui opère. Les derniers chalands vident le sport où les remorqueurs renoncent à déhaler de grands cargos encore amarrés aux quais. Il est 5 heures et le soleil glisse à l'horizon.

ESSEN

four

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Gregana

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A bord, on rentre les couleurs aux accents de la Marseillaise jouée par les musiques des bâtiments amiraux. A terre les drapeaux rouges montent aux coupoles des églises et, traversant le bruit sourd des feux de salve, la même Marseillaise hélas! se fait entendre, jouée par les musiques de l'armée rouge.

Le tumulte du jour s'est englouti maintenant dans la nuit. A bord tout est calme; l'équipage dort lourdement après les fatigues de la journée. Sur les chalands des réfugiés, s'il en est qui veillent, leur médietation, franchissant regrets et craintes, doit tourner à ce fatalisme russe si dense où émergerait peut-être pour la première fois le sentiment de la patrie....

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Dans le matin brumeux, les bâtiments appareillent un à un sans désordre. La plupart font route sur Constantinople; d'autres rallient Novorossick où l'on tente de reconstituer l'armée des volontaires. Nous allons couvrir la frontière roumaine et notre convoi comporte plusieurs chalands chargés de troupes françaises. Ün capitaine du ... d'infanterie détaché au 1er étranger a été embarqué dans la nuit. Après quelques mots de présentation, il s'isole et je le vois qui sanglote, accoudé à la rembarde du pont. Il fixe des yeux Odessa effacée dans la brume; puis il se rapproche pour me dire : « C'est idiot pour un militaire de pleurer. Mais savezvous ce que c'est que d'avoir dû subir le regard douloureux de tous ces gens qui avaient placé leur confiance dans le drapeau français, et puis d'être obligés de f... le camp sans se battre, parce qu'à Paris aussi bien qu'ici on n'a rien fait pour se renseigner, pour prévoir, pour passer à l'action. Ah! c'est bien dur. Dire que j'aurais pu rester à Verdun, avec les copains qui sont morts sans avoir reçu l'ordre de f... le camp, et qui ne verront pas les cochonneries qu'on prépare à la France de la victoire.» Qu'aurait-il dit s'il avait pu deviner que des malheureux égarés éliraient un jour le traître Marty? Je lui demandai: «Etes-vous royaliste? Je ne suis rien du tout; je suis un soldat, mais je deviens n'impor

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tequiste, pour celui-là qui sauvera le pays du déshonneur et de la trahison. » L'honneur français! La même morsure m'a fait pleurer après les journées d'Athènes. Le commandant en chef français jurait encore la veille de punir les fauteurs de désordre, et il devait abandonner ses morts à la terre grecque et nos partisans vénizelistes à la colère de Constantin. Depuis...

Notre croiseur serre maintenant la côte où le gros des troupes françaises en retraite rallie le Dniester, à Akkerman. Il fait beau et les chalands roulent à peine sous l'effort de la remorque. Le fleuve étale maintenant ses eaux limoneuses loin de la terre, si basse qu'il faut tenir le mouillage au large. La brume épaissit d'heure en heure et toutes les opérations sont remises au lendemain. Sur la mer, les nuées pourront bien se dissoudre avec la montée du soleil; la situation diplomatique demeure aussi confuse dans l'incohérence des innombrables «< sans fils » échangés entre la mer Noire et Paris.

On ravitaille en vivres et en eau douce les chalands chargés des premières familles russes venues d'Akkerman. A bord de l'un d'eux, où il n'y a pas d'officier, les caisses d'endaubage et de biscuits sont défoncées aussitôt dans le plus grand gaspillage. Sur le second chaland, le plus ancien des officiers russes embarqués exerce les fonctions de commandant d'armes ; les caisses sont emmagasinées avec soin, et la distribution se fait avec méthode.

Dans la baleinière qui pousse vers le croiseur, je réfléchis sur la fragilité des mœurs acquises, si promptes à se dissoudre dans l'improvisation. Il y a là, en troupeau, la plupart des familles bourgeoises d'Odessa. La promiscuité du bord, leur fuite devant le massacre les dépouilleraient vite de ce qui les distinguait de la masse et qui fait aujourd'hui leur perte. Toutefois le spectacle de l'autorité, dont la discipline revêtait le commandement d'un seul à bord du second chaland, détournerait du découragement. Et il a raison, celui qui a dit, au terme de sa méditation dans l'enclos déserté de l'ancien gymnase de Diogène : « Mais il n'est rien que ne soulève la volonté tendue d'un esprit préparé et fort, »>

A terre, sur la rive gauche du Dniester, en contre-bas de la voie ferrée, s'accumule la foule des familles de volontaires qui ont fui devant la révolution. Spectacle décourageant et que présentèrent nos marches du Nord, à l'invasion ennemie en 1914. Des femmes, aux vêtements encore élégants mais fatigués, accommodent de leur mains fines des filets de viande coupés sur les chevaux abattus. Les feux de bivouac sont alimentés par les roues des voitures rompues à coups de hachette par les hommes, presque tous anciens officiers des armées du tsar. Aux extrémités du campement, les carcasses des chevaux flambent avec une âcre odeur de pétrole. D'autres femmes, inclinées sur l'eau douce du fleuve, font une lessive sommaire. Des enfants, plus graves qu'il ne conviendrait à leur âge, s'efforcent de se rendre utiles et activent les feux. Je songe avec une profonde tristesse aux pauvres gosses de mon pays qui, là-bas, dans les Flandres, ont connu les horreurs de l'exode, devant les Boches, et que la révolution communiste, si elle pouvait éclater en France, jetterait dans une pareille misère. Pour ces gosses graves et réfléchis, j'ai obtenu l'autorisation de délivrer des boîtes de lait condensé. Des matelots y joignent des boîtes de réglisse qu'ils ont achetées de bons « sous », comme ils disent, à la coopérative du bord.

Nos matelots viennent d'ailleurs en aide avec sympathie à tous ces réfugiés. Mais ils rapprochent mal de ces réalités émouvantes l'idée abstraite de révolution que leur instille la lecture des journaux révolutionnaires qui arrivent de France à bord des bâtiments de la mer Noire avec une facilité déconcertante.

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