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patrie, c'est une conception trop abstraite probablement pour sa cervelle.

L'élection de dimanche appelle encore une réflexion. Sur neuf mille cinq cents électeurs inscrits, trois mille deux cents n'ont point voté. Il y a là un désintéressement grave de la chose publique. La République a établi le suffrage universel qui, donnant à tous les citoyens le droit de participer à la direction des affaires, leur a créé aussi des devoirs. L'un des premiers de ceux-ci est le devoir civique. D'autres pays, qui ont établi le suffrage universel, l'ont, en même temps, rendu obligatoire. Les électeurs qui, sans motifs graves, ne prennent pas part à une élection s'exposent à des sanctions. Il faut qu'en France les mêmes dispositions soient introduites dans la loi électorale sans retard. SERGE ANDRÉ.

Les revenants.

Au fracas de leurs cuivres, et des grosses caisses cognant à contre-temps, des troupes américaines ont defle de nouveau place de l'Etoile.

Une petite foule matinale assistait à l'émouvante cérémonie. Elle murmura son plaisir en revoyant la tête. énergique du général Pershing. Elle applaudit au passage la tignasse blanche du président Millerand... Pourtant trt elle ne l'applaudit qu'en retard et avec hésitation. Ses and habitudes protocolaires avaient été déçues. Elle attensdait une escorte militaire autour de la traditionnelle daumont. Elle l'attendait si bien que quelques-uns de nos confrères l'ont encore fait figurer, de loin et de confiance, dans leurs reportages. Or, ce fut, devant quelques les cavaliers au galop, une simple torpedo qui s'avança. On ored crut donc à la voiture du préfet. Tant de fois l'on avait salué mur le qu par erreur, avec tout le respect dû au président de at la République, le président du Sénat ou M. Pierre de Fouquière...

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391 dans son concours de politesse avait réservé deux journées aux automédons de la capitale.

On put voir ainsi un chauffeur recevoir d'un client dépourvu de monnaie un double décime pour une course de 3 fr. 50 avec une courtoisie digne du grand siècle, et en soulevant de sa dextre sa casquette. Malheureusement, on put l'entendre aussi qui, tandis que le client s'éloignait à pas pressés, grognait :

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Si jamais tu me retombes sous la patte après le concours, qu'est-ce que tu prendras pour t'apprendre à savoir vivre.

Un attentat.

Narguer toutes les ordonnances de police, voler à faible altitude, et semer Paris de petits papiers, cela se peut tolérer quand les petits papiers annoncent la défaite de Carpentier; mais quand il s'agit de lancer un film de Douglas Fairbanks, c'est un scandale: nos édiles s'agitent; il faut interpeller au plus tôt.

Cependant les badauds admiraient l'avion étincelant; ils tendaient les mains vers les feuilles de publicité, et vers les parachutes, car il y avait aussi de gentils petits parachutes. L'un d'eux ne se décidait pas à gagner terre, il voletait d'une façade à l'autre place Beauvau et finit par s'échouer sur la corniche d'un bâtiment de l'Elysée, au coin du faubourg Saint-Honoré.

Aussitôt la foule de le vouloir déloger. On lança des cailloux, au risque de casser les carreaux. Les sergents de ville qui veillent sur le palais commencèrent par se divertir. Mais un ouvrier vint qui, plus audacieux, lança

son couteau.

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Le français tel qu'on le parle.

Le lendemain de la coupe Deutsch de la Meurthe, les concurrents, à l'exception de Sadi-Lecointe, se réunirent dans un déjeuner.

Il y avait là les deux Français Lasne et Kirsch, l'Italien Brakpapa et l'Anglais James Herbert

On fêtait le succès de Kirsch ; et les verres se vidaient aussitôt remplis. Au dessert, la gaieté devint quelque peu débordante, mais une gaieté silencieuse... Seul, James Herbert, muet jusqu'alors, car il ne sait pas le français, commença de parler.

Et ce qu'il dit, autant de fois que ses forces le lui permirent, et avec un inimitable accent britannique, en se levant et en tendant son verre, c'était la formule qu'il avait apprise au départ de la coupe : Plein gaz !...

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yeux vu, un rapport de lord Robert Cecil, destiné à l'assemblée de Washington; dans ce rapport, l'Angleterre, pour permettre à toutes les nations du monde un complet désarmement, s'offrait généreusement à garder seule sa flotte de guerre pour assurer la gendarmerie

des mers. >>

Le tigre et la pie.

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<< Clemenceau parlera-t-il ? » Il a parlé. On l'attaquait, il ne répondait pas. On le louait, il se taisait. Il a parlé.

Mais quoi! le Tigre s'intimiderait-il? On a quelques raisons de le penser. Car jamais on n'entendit lire un discours d'une façon plus maladroite qu'il ne lut le sien. Et pourtant il sait rugir, le Tigre!

Ce ne fut que dans le speech improvisé qu'il fit ensuite, qu'il se retrouva lui-même. Et, ma foi, bien que moins étudié ou peut-être à cause de cela ce petit discours est beaucoup plus agréable à lire' que le grand.

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Chez ceux qui dansent.

Encore les nouveaux riches. Ils allaient partir pour une ville d'eau à la mode, sur les bords de la Meuse, et devaient descendre à l'hôtel le plus élégant; ils sentirent le besoin de se renseigner sur les usages du monde où leur fortune venait de les faire pénétrer ; ils interrogèrent un «< ancien ».

Cet << ancien », qui aimait fort à rire, leur suggéra l'idée d'acquérir, elle un peignoir, lui un pyjama aux couleurs les plus séduisantes, et de les revêtir pou descendre dans la salle à manger à l'heure du petit. déjeuner. Ils obéirent, et suivirent l'obligeant conseiller dans les meilleures maisons de Paris.

Le pyjama était noir et jaune ; le peignoir était vert et bleu ; une merveille de pyjama ; un bijou de peignoir. Pourtant, à peine le maître d'hôtel les eut-il vus qu'il les pria, avec toute la correction désirable, de remonter dans leurs chambres. Ils eurent beau protester, réclamer, invoquer la mode; rien ne put fléchir la consigne.

Ils s'en furent, quittèrent même l'hôtel où l'on ne cessait de rire de leur aventure, et jurèrent de ne plus demander conseil.

Le dictionnaire introuvable.

Au pays des Muses.

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De temps en temps, une fois par lustre, les gazettes nous annoncent très sérieusement que l'Académie travaille à son Dictionnaire. On nous a fait savoir, il y fort peu de temps, que les Immortels en étaient arrivés au mot immortel. Sur quoi, les plaisanteries, toujours les mêmes, ont repris. Nous savons bien que nul d'entre les vivants de 1921 ne verra la prochaine édition de ce précieux ouvrage. Mais n'oublions pas que nos craintes, ou nos déceptions, ou nos sarcasmes, ne sont pas notre privilège. Et relisons cette vieille épigramme que l'on fit sur la première édition du Dictionnaire de l'Académie française, laquelle avait demandé soixante ans. de labeur :

Il court un bruit fâcheux du grand Dictionnaire,
Qui, malgré tant d'auteurs et leurs soins importants,
A fort alarmé le Libraire :

On dit que pour le vendre il faudra plus de temps
Qu'il n'en a fallu pour le faire.

Le petit café.

Ainsi, la revue Vers et Prose, que dirigeait Paul Fort avant la guerre, va reparaître dès que le prince des poètes sera revenu d'Amérique.

Cet écho a été très vivement commenté au « Quartier >> et à Montparnasse, où le bruit court que les premiers fonds nécessaires au nouveau lancement de la revue du Prince seraient fournis par la « Société anonyme du personnel de la Closerie des lilas », spécialement cons

tituée à cet effet.

Le garçon de café, qui rêvait de Minerve
A contempler Paul Fort attendant qu'il le serve,
A trouvé ce moyen, qui n'est pas d'un benêt,
De servir Athéna sans trahir Dubonnet!

Face et pile.

Entre marionnettes.

Tant qu'il eut le bon esprit de ne pas lâcher ses instincts satiriques contre MM. les comédiens, M. René Benjamin ne trouva parmi eux que des admirateurs. On lui fit un joli succès pour sa Pie Borgne, la saison dernière, à l'Odéon.

Cet heureux temps n'est plus M. René Benjamin a osé toucher aux choses sacrées. Comédiennes et comédiens sont mécontents. Des journaux s'en mêlent, les uns pour, les autres contre. M. René Benjamin continue de vivre et de sourire. Mais on lui laisse entendre qu'on pourrait bien le punir, un jour, de sa méchante langue, un jour, quand il reparaîtra au théâtre, avec une Pie Borgne ou une œuvre nouvelle.

Cabotinvile sur l'impie

Aboie, ulule, beugle et meugle, Et, trouvant trop borgne sa pie, L'eût voulue un peu plus aveugle.

L'Or du Rhin à l'Opéra.

Vendredi 7 octobre 1921, à l'Opéra, reprise de l'Or du Rhin. Voilà de la matière à copie pour les journalis tes de tous les partis, s'ils ne sont pas fatigués de fati guer leurs lecteurs des mêmes rengaines. Résumons trois cents articles en quatre vers:

Wagner revient, la poire est mûre.
Souday joyeux tape du pied,
Cependant que Saint-Saëns murmure:
L'or du Rhin est en marks-papier.

Epigrammes.

Sur la reprise des Fácheux, à la Comédie-Française:
Votre bourse a fait des folies
Mais un luxe majestueux
A chassé toute fantaisie
C'est... fâcheux!

Vous voudriez nous faire rire
Et vous êtes plus ennuyeux
Que les fâcheux de la satire.
C'est... fâcheux!

Lorsque l'on fête de Molière
La naissance, pourquoi, messieurs,
Semblez-vous le porter en terre?
C'est... fâcheux!

Sur la reprise de Kiki, aux Variétés :

Sans s'étayer du bon Carco.
Picard vainement se démène :
Sa Kiki demeure coco,

Si l'on prononce à la roumaine.

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Les débats de l'affaire Landru commenceront dans un mois. Et dans un des à-propos quotidiens qu'il publie à l'Eclair, M. Marsolleau s'est demandé l'autre jour si Landru existait réellement,tant ce nom avait pris maintenant le bel air de la légende.

Ce n'est pas la première fois que l'on pose la question. M. Fernand Fleuret n'avait-il pas chanté dans sa gazette rimée des Marges:

Adieu, Landru... tu n'es qu'un mythe.

A quoi d'ailleurs Landru lui-même, comme un «< honnête homme » du grand siècle avait répondu par une belle épître rimée :

Comment, parce que mes exploits
Je n'ai pas commis sur les toits,
Vous prétendez que je n'existe !
On me juge je suis; jinsiste...
L'Histoire sait se souvenir.

Il est vrai que M. Landru, empêché, avait confié sa plume à M. Charles Portalié, qui aime à rire.

Convenances...

Un peu partout.

Lorsque Mrs. Margot Asquith entreprit la campagne électorale de Paisley, elle ne douta pas que ses charmes intellectuels ne lui dussent valoir les suffrages des électeurs. Mais elle comptait un peu aussi sur les autres; c'est bien naturel.

Or, elle n'a jamais passé dans la chaste Albion pour le modèle des convenances familiales et des façons réservées :

« Attention, Margot », lui dit une vieille amie prudente, en montrant son cou, « jusqu'en haut >>; puis ses chevilles, « jusqu'en bas - et pas de cigarettes ! »>

Le nouveau Messie. C'est dans le Wurtemberg qu'il prêche son évangile. Vêtu pauvrement, barbe et cheveux longs, il pérégrine exhortant à la pénitence, au repentir, car la fin du monde est proche. Il prétend faire des miracles et c'est par milliers que, de toutes parts, accourent les malades, les mutilés, les sourds, les muets et les pauvres d'esprit. Les ouvriers abandonnent leurs usines, les paysans leurs

champs, pour consacrer à la prière et à la méditation le peu de temps qui leur reste à vivre; car les tremblements de terre sont imminents, prélude de la fin du monde..

Cependant, le gouvernement de Berlin cherche à expulser le prophète et sa cour des miracles. Il y va, dit-il, de la santé publique... Et puis, les gros bonnets de l'Allemagne n'aiment pas beaucoup qu'on leur parle de pénitence, de repentir... et de réparations.

Offensive boche ?

On prétend que le correspondant à Berlin de l'un de nos plus grands quotidiens est, depuis quelques jours, l'agent des frères Manesmann. Il aurait obtenu la représentation, pour la France, d'une glacière électrique non pareille, qui, l'hiver, devient poêle en inversant le contact. freux canard... Mais peut-être cette information n'est-elle qu'un af

D'Annunzio, créateur de mots nouveaux.

L'Association des marchands d'alcool italiens a l'autre jour envoyé chez Gabriel d'Annunzio une députation qui le pria de vouloir bien créer un mot nouveau pour désigner l'eau de vie italienne qui, jusqu'ici, courait le monde sous le nom français de cognac. D'Annunzio proposa immédiatement le mot d'arzente, formé d'« ardente », le terme sous lequel l'eau-de-vie était connue en Toscane, il y a quelques siècles. Ce nom d'arzente va maintenant passer dans l'usage courant.

Ce n'est pas la première fois que des commerçants s'adressent ainsi à d'Annunzio. On connaît son goût pour les néologismes; on se souvient qu'il aime à changer les noms des villes et des pays, et voudrait que Firenze s'appelât Fiorenza. Le plus grand magasin de Rome, « La Rinascente », a été baptisé par le poète ; et c'est lui qui, dit-on, composa cette réclame pour un célèbre dentifrice: « A dir le mie virtù basta un sorriso.» (A exprimer mes vertus un sourire suffit.)

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Affaires Intérieures

Des Conseils généraux, de leur esprit et de leur utilité

Il y a en France quatre-vingt-dix Chambres des députés il s'agit des députés des cantons, et les Chambres dont je parle sont les conseils généraux. Il y en a quatrevingt-dix, bien comptés: un par département et un dans le territoire de Belfort.

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Comme ils siègent pendant les vacances parlementaires les vraies les gens qui aiment le spectacle des assemblées délibérantes peuvent se distraire, presque sans interuption, car les uns siègent au mois d'août et les autres, plus avisés, à la fin du mois de septembre.

Les conseils généraux de France n'offrent que peu de différence avec le Parlement on n'y fait pas de politique, ou plutôt on ne doit pas en faire. Mais, depuis que le Parlement a décidé que, lui non plus, n'en ferait pas en séance publique, il n'est qu'un vaste conseil général et il est permis de se demander s'il a pris garde à cela. Il est vrai que la politique, bannie de la salle des séances, s'est réfugiée dans les couloirs. Les conseils généraux n'offrent pas, à ce point de vue, de différence.

Parfois, les conseils généraux, mécontents du train dont vont les choses, blâment le gouvernement. Mais les préfets estiment que c'est là faire de la politique, et ils ne le permettent pas. Il n'est donc pas permis aux conseils généraux de blâmer le gouvernement, du moins en présence du préfet. Car s'ils persistent dans leur blâme, le préfet, pour retirer toute portée à leur manifestation, se retire. Et, hors de la présence de ce personnage essentiel, le blâme est réputé non avenu. Qu'est-ce, en effet, qu'une Assemblée où le pouvoir exécutif n'est pas représenté?

Les gens qui savent cela ne voient pas, parfois sans surprise, dans les journaux, que des conseils généraux ont félicité le gouvernement. Ces félicitations ont toute leur valeur, car on peut bien penser que le préfet à ce coup-là n'est pas parti. Féliciter le gouvernement, ce n'est plus faire de la politique c'est se conduire en bon Français.

En sorte que dans les annales de nos assemblées départementales, il ne demeure que d'un souriant optimisme, et l'optimisme est le principe de l'ordre, comme l'ordre est le principe de la société.

Mais il ne faut pas écouter les imprudents qui veulent que, puisque l'on ne peut blâmer, il soit également interdit de louer. Ceux qui demandent cela se piquent d'une apparence de logique, mais n'entendent rien aux choses. On ne peut blâmer. Mais il n'est pas sans intérêt, pouvant louer, de pouvoir ne rien dire : le silence des peuples est la leçon des rois.

Ayant beaucoup fréquenté les conseils généraux, j'ai remarqué combien ils sont les éducateurs merveilleux des hommes politiques et combien ils sont propres à mettre les futurs députés en garde contre bien des erreurs et des exagérations.

seil général de Rouen, les représentants réconciliés de tous les anciens partis.

Il est injuste, pour qui prétend s'intéresser, en France, aux manifestations de la vie publique, de ne point jeter les yeux, de temps en temps, sur les travaux des Conseils généraux.

Une erreur grave des esprits superficiels est de ne s'attacher, au Parlement, qu'à la séance publique, et d'ignorer le travail des commissions; ces gens superficiels sont comme ceux qui arrivent en retard au théâtre, et ne connaissent jamais que le dénouement de la pièce sans en suivre les péripéties. Les Conseils généraux, mieux encore que les commissions, renseignent sur les origines, la portée et la valeur de l'oeuvre parlementaire. Leurs réunions ont la valeur d'une enquête. Non seulement on y examine sérieusement les questions économiques et financières, mais on y apprend les répercussions, sur la vie nationale, de toutes les mesures votées, et on y contrôle le fonctionnement de tous les organismes créés. On y voit aussi comment le peuple de France, par ses mandataires les plus proches et les plus confidentiels, ceux auxquels on dit toute sa pensée, juge les lois que font les législateurs et la politique que font les minis

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tres.

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Mais les Conseils généraux ne sont pas seulement une école pratique et très féconde de politique économique et financière, et des assemblées critiques où le bon sens perd plus rarement son droit que dans les enceintes plus tumultueuses du Parlement. Ils sont la base même de cette grande œuvre de la réforme administrative, qui doit, panacée universelle, guérir prochainement tous les malaises de notre démocratie parvenue sans doute à l'âge critique en sollicitant l'ingéniosité des médecins.

Comment donc constituer la région, sinon par l'avis. autorisé de ses représentants locaux? M. le ministre de l'intérieur vient de s'aviser que la loi de 1871 permet aux conseillers généraux d'une région de se réunir entre eux, en assemblées interdépartementales, et de s'y entretenir précisément des intérêts régionaux. Réunions sans sanctions, certes, mais n'est-ce pas déjà beaucoup d'avoir échangé des vues. C'est de la fusion des Conseils généraux que naîtra le conseil régional. Et le fonctionnement du Conseil général ne tardera pas à engendrer la région, puisque, comme on sait, la fonction crée l'organe.

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Les Conseils généraux sont en union étroite avec le Parlement, par leurs membres parlementaires et souvent par leurs présidents. Ces parlementaires se retrempent ainsi dans la connaissance des besoins de leurs mandataires ils écoutent leurs critiques sévères et s'en inspirent; ils entendent leurs prières instantes, et ils s'en inspirent encore. En échange, ils apportent à leurs petites assemblées locales, l'usage des Parlements et la coutume des vastes délibérations. Ils les renseignent sur la marche et la suite des affaires dans les hautes sphères éloignées et sont le trait d'union nécessaire entre le département et la nation. C'est parce qu'il y a des conA vivre pour la solution de difficultés précises on seillers généraux parlementaires que le Parlement conperd la tendance à l'utopie qui est souvent l'apanage naît que la Nation n'est qu'une réunion d'intérêts réfâcheux des politiciens purs. Un socialiste qui se préoc-gionaux sagement discriminés et que les assemblées récupe d'équilibrer le budget des tramways départementaux est un socialiste assagi, et ce sont sans doute les tristes tramways du Limousin qui nous valent l'excellent esprit des députés révolutionnaires de la HauteVienne. Un réactionnaire qui se passionne professionnellement pour le tunnel sous la Seine et la seconde ligne de Rouen au Havre, a mieux à faire qu'à descendre dans la rue et il devient un précieux collaborateur du bien public: sans doute est-ce grâce à ce tunnel que M. Paul Bignon doit d'avoir pu grouper à jamais sous sa houlette énergique et paternelle au Con

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gionales n'oublient pas que la région qu'elles représentent n'est qu'une cellule vivante d'un grand organisme

national.

Ceux qui sous prétexte de condamner le cumul des mandats, veulent qu'un parlementaire ne soit pas conseiller général, sont les plus damnables utopistes et les ignorants les plus malfaisants du monde. Et c'est parce qu'on ne les écoute pas, que, parler des Conseils généraux, c'est encore parler du Parlement, et le plus excel

lemment.

Take

de

NOTES ET FIGURES

A propos d'une pièce nouvelle. Depuis quelques jours, pour nous débarrasser des infectes petites coupures que nous traitions tous avec un mépris propre à réjouir les moralistes myopes, on a mis, paraît-il, en circulation un nombre considérable de pièces de bronze d'aluminium. Malgré la jalousie des collectionneurs, j'ai pu en obtenir une, à grand'peine, de ma femme de ménage. J'en suis encore tout ému. C'est quelque chose de tenir entre ses doigts une pièce neuve, même quand elle n'est qu'en bronze d'aluminium.

Celle-ci vaut autant qu'une pièce d'argent, et, pardessus le marché, sans doute afin de nous donner une illusion de choix, elle a l'air d'être en or. Soyons heu

reux.

Mon premier soin fut d'examiner ma pièce. Elle ne porte ni République casquée, ni coq gaulois, ni semeuse en travail. Elle porte, curieuse innovation, un Mercure dont le moins qu'on puisse dire est qu'il est surprenant.

Placé sous l'inscription COMMERCE INDUSTRIE, comme à l'entrée d'une voûte en plein cintre, le dieu de toutes les ruses tient à la main droite son caducée, de la même façon que tiennent leur sabre les lieutenants d'infanterie, un jour de défilé. Et ce geste est d'autant plus inattendu que ce brave dieu de Mercure est assis. Voilà, je l'avoue, qui me confond. Je me représentais volontiers Mercure dans toutes les attitudes, sauf dans celle du repos, même d'un repos officiellement national.

Est-ce une plaisanterie de l'administration ? Il ne faudrait pas me pousser beaucoup pour me le faire croire. Voyons, sérieusement, nous le savons tous que, depuis le 1er janvier dernier, les affaires ne vont pas à merveille. Nous le savons tous, que le commerce est dans le désespoir et l'industrie dans l'inquiétude. Il n'était pas besoin de dater cette pièce de bronze d'aluminium, ni d'inscrire un si majestueux 1021 sous les pieds du Mercure assis. Parbleu, oui, nous le savions, que le Commerce et l'Industrie ont terriblement prospéré pendant la guerre, terriblement travaillé, terriblement gagné. Il n'était pas besoin de nous mettre entre les doigts des pièces en bronze d'aluminium qui nous vont rappeler sans cesse qu'après tout le Commerce et l'Industrie peuvent se reposer un peu maintenant. Il n'est pas très généreux, par ces temps de vie difficile, de se moquer du pauvre monde.

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Quand l'administration nous avait offert, à Paris, le secours des petites coupures de papier-argent, j'avais prévu, pour les lecteurs de l'Opinion, que les coupures nous seraient retirées dès que les marchands de portebillets auraient vendu assez de porte-billets. Nous avions tous acheté un porte-billets. Nous y voici nous n'aurons plus de billets, nous aurons des pièces de monnaie ; il ne nous reste qu'à racheter des porte-monnaies. Le commerce des cuirs ne s'en plaindra pas. Nous non plus, car nous savons tout supporter. Au fait, y a-t-il quelque rapport à établir entre l'apparition des pièces de bronze d'aluminium, la nécessité des porte-monnaie, et l'augmentation toute récente et subite des prix du cuir chez les producteurs ?

CHARLES MOULIÉ.

Droits d'auteur.

Je laisse à d'autres le soin de résoudre ce que peut valoir l'idée du crédit intellectuel dont on discute depuis quelque temps, mais il m'a paru curieux de rechercher, à cette occasion, les prix obtenus de leurs œuvres par les écrivains, aux différentes époques. Comme il fallait s'y attendre, l'on assiste une fois de plus au triomphe de la médiocrité et au succès du savoir-faire remplaçant

395 la valeur réelle. La remarque, du reste, s'applique aussi bien aux auteurs étrangers qu'aux auteurs français. Notre XVIIe siècle est, à ce point de vue, riche d'enseignements savoureux ou déplorables selon que vous préférerez. Nous voyons le plat, l'illisible Colletet recevoir une somme de 600 livres pour six vers consacrés à décrire l'une des pièces d'eau de Versailles, et Richelieu, auteur de cette munificence intempestive, déclarait au poète « qu'il ne lui donnait cette somme que pour ces vers, et que le roi n'était pas assez riche pour payer le reste ». Sans doute il ne s'agit là que d'une gratificanière aussi absurde. Encore qu'il méprisât les poètes qui tion, mais les droits d'auteur sont répartis d'une ma«<font d'un art de vie un métier mercenaire », Boileau habile homme et très entendu à ses intérêts, vendait, en 1674, son manuscrit du Lutrin 600 livres au libraire Thierry. Goûtez le rapprochement, quelques années auparavant, en 1667, Racine avait cédé Andromaque pour le tiers de cette somme. Et voici mieux. Le poète du

plus considérable, fut Chapelain. Courbé paya 2.000 XVII° siècle qui obtint de son éditeur la rétribution la livres la première édition in-folio des douze premiers chants de La Pucelle et 1.000 livres l'édition in-12. Vers le même temps, Samuel Simmon, imprimeur royal de Londres, se réservait la publication du Paradis perdu. moyennant cinq livres sterling. Oui, cent vingt-cinq francs!

Au XVIIIe siècle, nous constatons même incohérence et mêmes anomalies. Delille, servi par l'engouement du public, n'échangeait ses élucubrations que contre des sommes exorbitantes tandis que Diderot vendait difficilement 600 livres le manuscrit de ses Pensées philosophiques et se voyait attribuer une rente viagère de mille francs pour la direction de la grande Encyclopédie, cette œuvre colossale. Bernardin de Saint-Pierre était sollicité à prix d'or, cependant que Jean-Jacques Rousseau écrivait dans ses Confessions : << Pissot, mon li braire, me donnait toujours très peu de chose de mes brochures, souvent rien du tout. Et, par exemple, je n'eus pas un liard de mon premier Discours; Diderot le lui donna gratis. Il fallait attendre longtemps et tirer sou à sou le peu qu'il donnait. » Si Duchesne accorda 6.000 francs de l'Emile à Rousseau, ce fut par l'entremise de Mme de Luxembourg. L'Angleterre nous offre un parallèle non moins stupéfiant. Les Mystères d'Udolphe et l'Italica d'Anne Raddiffe sont disputés par les éditeurs, et Anne Radcliffe gagne ce qu'elle veut, mais un libraire d'York refuse à Sterne la publication de son exquis Tristram Shandy dont il demandait une infime rétribution. L'assommante miss Hannah More, avec ses innombrables romans, édifiait une fortune, mais Le Vicaire de Wakefield et Le Village abandonné, un chef-d'œuvre de Goldsmith, ne valaient point à leur auteur huit jours de vie assurés.

L'honorable M. de Jouy, au début du dix-neuvième siècle, écrivait dans l'une de ses chroniques de L'Hermite de la Guyane : « L'amour des lettres est, sinon entièrement éteint en France, du moins extrêmement affaibli. Les deux seules branches, ou plutôt les deux seules feuilles de l'arbre de la littérature sur lesquelles puissent vivre encore les abeilles (d'autres diront les insectes du Parnasse) sont les journaux et les mélodrames tout autre moyen d'existence leur manqué, à une époque où l'on ne lit plus même des romans; où l'on parle avec le même dédain des beaux vers de M. R., et des bouts rimés de M. N. » C'est à peu près ce que nous répétons aujourd'hui et ce que voudrait combattre le Crédit intellectuel. La situation des écrivains est actuellement fort semblable à celle qui leur fut faite, sauf de rares excepions, au cours du dernier siècle. Comme hier, il importe de se résoudre au journalisme et au feuilleton si l'on manque de ressources personnelles. Pé

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