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J'imagine que M. Larrouy, qui n'est rien moins que solennel, qui est la vigueur même, sera surpris qu'on puisse lui dire que son style procède de ce même goût inconscient de la solennité qui fait écrire, en langage officiel, donner une solution pour résoudre, ou entrer dans la voie des aveux pour avouer (M. Larrouy, lui, préfère entrer dans la voie de l'incertitude à hésiter) - parce que c'est plus « habillé ». Ah! ee style en redingote de premier à la soierie! Comme M Larrouy devrait relire son La Fontaine, ou même son Jules Lemaître! Il dit : Il n'est pas besoin de réflexion afin de découvrir la grande loi du salut des criminels, pour qui la foule est d'un meilleur recel que la plus solitaire retraite.

Mais d'étape en étape, ce secours advenait en un danger plus imminent...

Tout cela est affreusement prétentieux : c'est le style (( art nouveau » dans toute son horreur, et la sorte d'harmonie extérieure et flaubertienne qu'on y sent malgré tout ne fait rien à l'affaire. C'est grand dommage, car rarement vit-on conteur plus doué. M. Larrouy a tout pour faire un grand romancier, sauf le sens de la langue française.

Son livre est extrêmement neuf. C'est l'histoire d'un

vague Levantin, d'un de ces parasites sans racines, qui, démuni de scrupules, parti de rien, prêt à tout, sauf à travailler, s'élève peu à peu, traînant de port en port, d'hôtel en maison de jeu, de métier louche en combinaison trouble, et finit par se faire une sorte de situation ignoble à Paris. Mais ce qui fait l'originalité de l'ouvrage, c'est que, bien loin de chercher un réalisme naturaliste, M. Larrouy stylise ses personnages comme Hugo dans les Misérables. C'est fort dangereux : par de semblables procédés, on arrive souvent à une sorte de romanesque qui est ce qu'il y a de plus fade. Mais l'auteur de Rafaël Gatouna s'est parfaitement gardé de cela ses héros vivent d'une vie intense quoique assez impossible, et leurs figures, plus simples et plus accentuées que nature, ont de la grandeur. Enfin la vigoureuse imagination de l'auteur, son talent de narrer, emportent. La première moitié du livre surtout est fort bien venue et le premier chapitre vraiment beau. M. Larrouy fera une belle carrière de romancier.

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la

Après avoir entendu les Troyens, et tandis que musique bourdonne encore, que peut-on faire, que fixer quelques images ?

L'impression la plus forte est celle que fait l'extraordinaire vitalité de la musique de Berlioz. Cette musique recèle une prodigieuse énergie. Les mélodies jaillissent comme d'une source. Elles ont en elles-mêmes une force qui les courbe et qui les redresse. L'orchestre, varié et passionné, est un chœur de mille voix qui ne sont point lasses de s'émouvoir. Vous répondrez que c'est là une belle découverte, et qu'on le sait bien. On ne le saura jamais assez. I.a quantité d'énergie est le signe des maîtres, et dans tous les arts. Ecoutez une médiocre musique, et voyez comme elle est morte, même quand son triste fantôme feint de s'agiter. Regardez au contraire un dessin de maître, et voyez quelle vigueur dans le trait vivant. Il dégagerait en se brisant des forces qui mettraient le feu au Salon. Et pareillement, dans une phrase bien faite, il y a une énergie secrète qui l'oriente, et que rien ne peut vaincre.

De ces énergies, de cette musique jaillissante,il est visible que Berlioz a voulu faire un drame, dans le grand style classique, hérité de Gluck et transmis par les maîtres du commencement du siècle. On dirait que contre le mauvais goût qui domine dans la seconde moitié du XIX siècle, Berlioz et Wagner aient réagi de

deux façons opposées. Wagner, inventant un style nouveau, a cru découvrir la musique de l'avenir. Berlioz, au contraire, s'est tourné vers le passé, et s'est réfugié dans la noblesse de l'ancien drame lyrique. Je sens bien que cette opposition est excessive; mais atténuée, elle comprend un peu de vérité.

Et il y a une autre raison encore pour que Berlioz vieillissant soit revenu au style classique. C'est que le phénomène est général; tous les romantiques, la quarantaine sonnée, sont retournés au classicisme. C'est évident pour Musset qui a commencé pour Rachel une tragédie de Frédégonde C'est évident pour Gautier qui fait la transition des romantiques aux parnassiens. Mais ce n'est pas moins vrai pour Hugo. Que sont les Burgraves, sinon une tragédie classique de cette époque, plus apparentée au XVIIIe qu'au XVII, et à Crébillon qu'à Racine? Et je m'assure que si la pièce à échoué en 1843, ce n'est point parce qu'elle était romantique (l'insuccès s'expliquerait alors difficilement), mais parce qu'elle était classique.

Berlioz a donc fait comme les autres, et de Shakespeare il est revenu à Virgile. Mais ceci pose une question d'interprétation. Puisqu'il a visiblement cherché un style large et pur, faut-il en chantant chercher d'abord ce style et sacrifier le pathétique ? Quelque réponse que l'on fasse, il est difficile de ne pas trouver que l'Opéra est allé trop loin dans ce sens. Il est impossible de jouer plus froidement les premiers tableaux. Le premier représente la plaine de Troie. Sur un sol jaune s'élèvent trois cyprès. Cassandre gémit des malheurs prochains. Choribe essaie de la calmer. Ce Choribe est un grand garçon vêtu de gris, qui se tient dans une pose correcte, égale et symétrique, les épaules bien droites et les pieds réunis ; et malgré la musique, malgré le texte, ni sa voix, ni son geste, ne laissent apercevoir la moindre pitié pour celle qu'il devrait consoler. Il ne manifeste pas l'ombre d'un sentiment. Je veux bien qu'il conseille le calme; mais il n'est pas dit qu'il doive en donner l'exemple à ce point. Au tableau suivant, Enée raconte la mort de Laocoon. Et les personnages de chanter que leur sang se glace; mais il est si bien glacé qu'ils sont eux-mêmes immobiles et insensibles rangés comme les pierres d'un cromlech,, ils annoncent le trouble avec sérénité. L'orchestre au-dessous d'eux a beau palpiter, rien n'altère leur quiétude. Et pareillement, au quatrième tableau, Didon dit qu'elle se débat, mais n'en laisse rien paraître.

Cette façon de chanter comme au concert, cette indifférence absolue aux sentiments exprimés, est en partie une tradition de mauvaise musique conservée à l'Opéra, en partie sans doute un hommage mal compris au style de l'œuvre. Gluck est, lui aussi, interprété. en France dans cet esprit, et l'est aussi faussement. Mais un nouveau problème se pose. Comment se peut-il que Berlioz, qui atteint presque partout à la déclamation la plus noble, ait tout à coup inséré dans son ouvrage deux ou trois airs à l'italienne, dans le plus mauvais goût de ses contemporains. Le type en est l'air que chante Enée auprès de ses vaisseaux, et qui est d'un italianisme attristant. Se peut-il que Berlioz n'ait pas senti le disparate entre le fade donizettisme et le style magnifique des plaintes de Didon? Il faut sans doute tenir compte de l'esprit du temps, et, comme on dit, de l'ambiance, Les oeuvres de nos contemporains sont étrangement puissantes sur nous. Elles nous pénètrent et nous corrompent à notre insu, et c'est par l'effet de ce subtil empoisonnement qu'un homme est de son temps. Je ne crois pas qu'il naisse avec les tendances de son siècle, et que sa ressemblance à son siècle vienne du dedans. Elle lui vient bien plutôt du dehors; l'époque où il vit l'enveloppe, l'opprime et finit par le modeler. Mais dans le cas de Berlioz, il y a une autre explication.

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rer tout seuls et sans la collaboration du hasard ? Mais la coquille qui s'est glissée, comme on dit, dans mon dernier article, ne présente aucun sens possible. Je la corrige donc sans scrupule. L'article porte que les torrents morts donnent une note qui reste toujours « le la même »>. Il est évident qu'il faut lire « la même », et que les torrents n'ont absolument aucune raison de donner le la. La note doit évidemment changer avec le mouvement de l'eau. Ce serait une jolie étude pour un jeune musicographe d'aller dans les Pyrénées écouter la musique des torrents. Ces torrents sont bordés de prairies dont ils sont séparés par des saules.. Il faudrait s'établir dans les saules, épier le chant cristallin des eaux, dessiner sa courbe diurne et sa courbe de jour en jour. Ce serait le début d'une grande étude, qui s'appelerait les Voir des Eléments, et qui consolerait de bien des concerts.

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grange, d'une chapelle puritaine ou d'un dispensaire. Ces grandes peintures pâles où l'on voit errer, dans des paysages de la banlieue-nord, des personnages mal nouiris et vêtus de cotonnades, ne trouveront jamais leur place dans une salle où les meubles seront de bois précieux, où scintilleront les cristaux et les ciselures, où de belles femmes aux corps soignés comme des fleurs cacheront une partie de ces corps précieux sous les perles, les étoffes somptueuses, les dentelles et les fourrures.

L'erreur de ces victimes du « style pauvre » vient de ce qu'ils ont regardé les fresques d'autrefois sans réfléchir que ces fresques, dans leur état actuel, rendues grises, mates et ternes par le temps, furent, dans leur nouveauté, éclatantes et magnifiques. D'après les Pozzoli de la chapelle Ricardi, à Florence, d'après le Pinturrichio de la librairie viennoise, grands bouquets de couleurs vives rehaussés d'or, on peut imaginer ce qu'ont pu être les noirs appartements Borgia du Vatican, les pâles murailles du Campo-Santo de Prise, la salle poussiéreuse des Gonzague, au palais de Mantoue.

De tout temps, autrefois, la peinture décorative était destinée à faire la joie, la fête des yeux ; et l'on se tromperait si l'on croyait que la décoration éclatante date de Venise, de Véronèse et de Tiepolo.

Sans M. Albert Besnard, qui est d'une autre génération, mais qu'il ne s'agit pas d'oublier ici, M. José-Maria Sert serait à peu près seul, de nos jours, à renouer une tradition qui n'est point en contradiction avec la vie moderne. Cet art festoyant, si l'on peut dire, est d'ailleurs une imitation instructive de la nature. Un mur décoré par M. José-Maria Sert est beau comme est beau une queue de paon, un jardin en fleur, un soleil couchant réussi, une forêt enflammée par l'automne ; et c'est aussi à des spectacles de cette sorte que nous fera penser, dans les salons où les compositions de M. Sert se développeront, tels rideaux de Damas, tels tapis d'Orient et les robes surbrodées qu'y feront voir flatteusement les fem

mes.

Créer une harmonie en employant pour cela tous les éléments que fournissent le luxe et la richesse, est devenu de nos jours une entreprise hasardée. L'esprit est tellement habitué à trouver ses références de beauté devant les marbres monochromes de l'antiquité, devant les édifices nus du moyen âge, que l'on est porté à crier au << mauvais goût » devant l'abondance, devant la profusion. Mais l'intérieur d'un temple grec, d'une église gothique étaient, jadis, aussi bariolés que la robe d'un perroquet, et il est fort probable qu'un homme de l'antiquité ou du quatorzième siècle qui entrerait dans telle salle de palais moderne, où tout a la pâleur du plâtre et de la pierre, aurait l'impression d'entrer dans un édifice inachevé. Nous antres, au contraire, quittant des lieux dépouillés et glacés, nous sommes d'abord éblouis, suffoqués, lorsque l'on nous montre ces salles imaginées par M. Sert, où les plus chaudes couleurs sont, à l'état de tons purs, prodigalement employées.

ses inventions les plus turbulentes et les plus arbitraires, avait besoin, comme Antée, de toucher terre; il ne perdait jamais tout à fait le contact avec la construction; et, entre les effeuillements d'anges, les attroupements de nuages et les retombés de draperies, il laisse voir, simulée, mais rassurante, la ligne droite et solide d'une ample corniche, les fûts d'une colonnade, l'arceau d'une voûte, le carrelage fuyant du pavimento. M. Sert renonce à donner à l'œil ces points de repère; il cache le squelette géométrique. S'il peint dans une pièce voûtée, il désire que nous ne voyions plus l'endroit où le plan s'incurve; il refuse de se soumettre aux exigences des baies les portes, les fenêtres, il les nie derrière des paravents qui semblent se détacher naturellemnt de la composition peinte. Bien plus, dans une salle à manger où il est nécessaire d'avoir, à l'heure des repas, des dressoirs le long des murs, il remplace ces dressoirs par des dessertes mobiles sur lesquelles sont peints des motifs à deux fins, de telle sorte que, levées ou rabattues, ces dessertes sont presque complètement perdues dans l'ensemble de la décoration.

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Il va sans dire que M. José-Maria Sert n'a pas inventé ce parti pris. Les Italiens avaient déjà fait cela. Il y a, au palais du Té, à Mantoue, une Salle des Géants où Jules Romain est parti de ce principe. Le bosquet de la Chasse de Diane, par Corrège, à Parme, est aussi dans ce goût. On pourrait certainement multiplier ces exem ples; nous citons seulement ceux que notre mémoire nous offre tout de go.

Nous ne croyons pas tout à fait juste de faire de M. José-Maria Sert un descendant de l'école vénitienne. Son goût redondant de l'effet, sa facilité heureuse et parfois nonchalante le rapprocheraient plutôt des éclec tiques et des maniéristes comme Pierre de Cortone, Luca Giordano et Solimene, peintres qu'on a trop longtemps pris l'habitude de dédaigner, mais qui, avec l'abondance de l'imagination, possédaient un savoir et une sûreté techniques dont on pourrait dire, si M. J.-M. Sert n'était pas là pour nous prouver le contraire, que leur race a aujourd'hui complètement disparu.

Mais il faut bien reconnaître que ces maniéristes, qui remplirent les palais de Rome, de Naples et de Flo rence de leurs vastes compositions allégoriques, étaient à peu près dénués d'un sentiment de la couleur per sonnel et vrai. En cela. Sert se sépare d'eux; et, tout au moins dans sa décoration de salle à manger, il se souvient des Vénitiens. Cette salle à manger représente, sur un fond bleu tirant sur le gris ramier, des personnes habillées en Turcs et en Chinois d'opéra, et dont les vêtements ont des couleurs très vives, très franches et très variées. Si l'on retrouve ce bleu vaporeux dans les fonds des gravues à l'aquatinte du XVIIIe siècle, ces couleurs éclatantes et nombreuses sont celles

que

Véro

nèse combine avec tant d'adresse et de libéralité. Il y a au Louvre une petite crucifixion de Véronèse où le fond est fait par un ciel de deux bleus différents, de vant lequel des personnages vêtus de jaune, d'orange, Ide lilas et de vert se détachent, et qui est peut-être le laquelle on est fidèle dans les pays méridionaux, depuis la dé

Dans ses décorations, M. Sert voue intégralement les murailles à la peinture. Il obéit ainsi à une tradition à

les petites chambres pompéïennes jusqu'aux cabinets vénitiens du café Florian. Une pareille conception est justifiée, en Italie, par la clémence du climat, qui préserve les édifices de la longue humidité hivernale. A une autre époque et dans un autre pays, M. Sert eût aussi bien peint l'extérieur des maisons. Il se contente présentement de l'intérieur; mais, là, il demande tout à ses seuls pinceaux. Il renonce à tous les répits, à tous les

coration de M. Sert.

M. Sert a obtenu dans cette teinte bleue et polychrome un effet de richesse et de solidité très nouveau, en peignant ses scènes fantaisistes sur des panneaux de bois et en vernissant ensuite ces panneaux. Ils ont ainsi la consistance à la fois épaisse et brillante de la laque, et font de la salle entière comme l'intérieur d'un coffret démesuré. On ne peut pas rêver une décoration peinte

soutiens, à tous les tuteurs que proposent et garantissent plus « belle », au sens matériel du mot. Cette richesse les lignes et les proportions de l'architecture. Un Mante- de la matière fait que les murailles donnent une impres gna concevait ses décorations comme des panneaux de Ision de solidité, de stabilité par laquelle M. Sert a très formes régulières, présentés dans des encadrements qui, intelligemment remplacé la stabilité architecturale, dont revêtement de stuc; un Tiepolo, de même, jusque dans peut-être inutile d'essayer de les décrire. Que l'on se

souvienne des comédies féeriques de Carlo Gozzi, des contes chinois de notre XVIIIe siècle, des panneaux de Pillement, des fresques de Tiepolo. M. Sert n'a pas essayé de renouveler son « personnel ». Après tant d'autres, il s'est bomé à faire des variations sur un thème connu. Le caprice de M. Sert fut, ce jour-là, d'aller rêver en Chine: le talent de M. Sert est assez original et personnel pour que, dans ces scènes, le rêve l'emporte sur le motif qui a permis au rêve de se former.

L'autre décoration peut se décrire en quelques mots. Sur un fond rouge vermillon sont feintes des draperies rouge cerise sur lesquelles, à l'imitation des toiles imprimées, se déploient, en camaïeu cerise, des scènes de la vie espagnole courses de taureaux, processions, campements de soldats, etc. M. Sert, usant du privilège de poète dont tout peintre-décorateur doit être pourvu, n'a pas hésité à pousser dans ces scènes la couleur locale à la température la plus élevée : les paysages, les personnages, l'atmosphère sont si résolument, si exagérément espagnols que l'imagination du spectateur est presque trop rapidement et trop brutalement sollicitée. Quant à l'alliance de ces deux rouges, d'abord un peu faux, et qui, ensuite, vous réjouissent les yeux par la vibrante simplicité de leur audace, elle prouverait à elle seule les dons exceptionnels du décorateur.

Il semble bien que, avec ces deux œuvres capitales et remarquablement réussies, M. José-Maria Sert soit parvenu à exprimer complètement tout ce qu'il portait en lui. Assurément, cet art est un art composite, mais tous les éléments qui le forment sont, en quelque sorte, fondus, recréés par le tempérament de l'artiste, duquel pour le débit de l'invention et pour la sécurité de la pratique, bien peu d'autres décorateurs de ce temps sauaient être rapprochés.

JEAN-LOUIS VAUDOYER.

Mémoires & Documents

Le Problème de la Haute-Silésie (1)

3o La Haute-Silésie est indivisible. On ne peut rien en détacher (comme elle a maintenant voté pour l'Allemagne, il faut la donner en entier à l'Allemagne).

4° L'argument juif. C'est l'un des plus intéressants, des plus caractéristiques des méthodes diplomatiques allemandes. Nous citons textuellement.: « Il faut insister avec toute l'énergie possible sur ce fait que dans la Haute-Silésie réside une population juive considérable qui, jusqu'à ce jour, sous la tolérante domination germanique, a pu librement atteindre à un grand développement culturel et économique et qui constitue aujourd'hui un réservoir de sang juif et de culture juive pour le monde entier. >>>

On connaît le sortdes juifs de Pologne, l'atrocité des pogroms. Accorder cette région aux Polonais, c'est la ruiner à jamais les juifs sont réellement « le sel de cette terre ». Et dans les dossiers allemands, on trouve de longues listes d'affaires administrées par des juifs, ou dont les juifs sont les principaux actionnaires. Sous le régime polonais, ils devront s'expatrier, quitter leurs usines, et le pays sera ruiné.

5° L'argument protestant et catholique. Avec les juifs, une autre minorité court en Pologne un grand danger: ce sont les protestants, dont l'importance démographique est également longuement démontrée.

y

Enfin, et réellement sur ce point l'argumentation allemande atteint les extrêmes limites de l'ingéniosité : il a aussi des catholiques en Haute-Silésie! Les enlever à l'Allemagne, c'est diminuer la force du parti catholique allemand, dernier rempart contre le bolchevisme! Le caractère spécial de ces derniers arguments destiVoir l'Opinion des 25 juin et 2 juillet.

nés directement à l'opinion anglaise et américaine nous évitera de les critiquer longuement. Il nous suffira de rappeler qu'il serait étrange, après avoir imposé à la Pologne la fameuse « clause des minorités », en faveur précisément des éléments israélites, de leur refuser ensuite un territoire parce qu'il en compte un certain nombre dans sa population. Que les Anglais aient particulièrement « mordu » à cet argument, n'est pas pour nous étonner; n'est-ce pas en effet M. Lloyd George qui, à propos de l'affaire des pogroms de Cracovie inventés par quelques journaux viennois, lança, sans attendre confirmation, le 14 novembre 1918 au gouvernement polonais un ultimatum chargé de menaces et d'insinuations injurieuses! Nous ne pouvons qu'admirer combien les Allemands savent toucher le point sensible du Premier anglais en ce qui concerne la Pologne !

Il ne nous semble pas non plus démontré que la Haute-Silésie doive, si sûrement que les Allemands le disent, péricliter sous le régime polonais. Ne restera-t-il donc pas beaucoup d'Allemands techniciens et ingénieurs, voire administrateurs et même actionnaires dans toutes les affaires?

Quant à la prétendue ruine de l'Allemagne si on lui enlève la Haute-Silésie, nous ne pouvons entrer dans une étude détaillée des chiffres produits pour démontrer la part réelle de la Haute-Silésie dans la production allemande. Il suffira de quelques chiffres :

Il ne faut pas oublier que si la Haute-Silésie produisait bien 22,5 0/0 en 1913 du charbon allemand, elle ne fournissait guère que 7 0/0 de la consommation totale du reste de l'empire. La consommation de l'Allemagne, dans ses limites actuelles, aurait été en 1913 de 146 millions de tonnes sur lesquelles environ une dizaine de millions seulement provenaient de Haute-Silésie. En 1913 la part de la fonte silésienne dans la consommation allemande atteignit à peine 5 0/0. Province excentrique, c'est à l'étranger que la Haute-Silésie avait ses principaux clients et ce n'est même pas d'Allemagne que lui venait le produit le plus utile à son industrie le fer, mais bien des pays scandinaves. Certes ce serait une perte pour l'Allemagne mais qui, même en l'évaluant 3, 4 ou même 5 0/0 de la richesse totale de l'empire, ne diminuerait vraiment pas sérieusement sa capacité de payement. Il serait d'autre part possible de grever la Haute-Silésie d'une hypothèque temporaire en faveur des réparations, comme la Pologne l'a d'ailleurs proposé.

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Ce qu'il faut éviter de dire c'est que cette amputation ne nuirait pas à l'Allemagne ! Certains, Polonais, emportés par leur argumentation, le prétendent; ils vont vraiment trop loin. C'est là d'ailleurs le noeud du problème, qui au delà des conditions juridiques du plébiscite, au delà des arguments économiques de tous ordres, et même ethnographiques (prosémites et autres) apparaît comíme un problème politique. Ne pas donner la Haute-Silésie à la Pologne c'est lui refuser les conditions indispensables à son existence en tant qu'Etat. L'enlever à l'Allemagne c'est évidemment l'affaiblir. Les alliés doivent donc se décider pour l'affaiblissement de l'Allemagne ou pour celui de la Pologne.

Quand on crée un nouvel Etat, quand on crée surtout beaucoup de nouveaux Etats, il faut leur permettre de vivre. M. Charles Benoist, dans son rapport sur le traité de paix, signalait déjà le danger que la possession du quadrilatère de Glatz par l'Allemagne, fait courir à la Bohême et à la Pologne elle-même. Permettre que ce « coin » stratégique enfoncé au cœur de l'Europe centrale se prolonge jusqu'à la Vistule à quelques kilomètres de la Hongrie, laisse à l'Allemagne une situation absolument prédominante, d'autant plus que la Silésie est une redoutable usine de guerre. Il nous semble que la France a trop d'intérêt à la vie de ces jeunes Etats pour ne pas s'efforcer de diminuer la puissance de

l'Allemagne dans cette région et par suite pour ne pas demander l'attribution à la Pologne de la Haute-Silésie.

Ne serait-ce pas précisément pour empêcher la Pologne, alliée de la France, de devenir trop forte, ou l'Allemagne de devenir trop faible que l'Angleterre et l'Italie soutiennent les revendications allemandes contre la Pologne ?

Depuis l'affaire Korfanty une proposition transactionnelle de partage rédigée par les commissaires italiens et anglais a été mise en avant (ce qui montre au moins que tout le monde a abandonné l'idée d'indivisibilité) proposant d'attribuer à la Pologne les cercles de Pless et de Rybnik, les seuls évidemment de majorité polonaise sans enclaves allemandes. Mais cette proposition laisse tout en réalité à l'Allemagne puisqu'elle lui laisse la région riche, Beuthen, Kattowitz et Konigshütte !

Allemands et Polonais offrent naturellement. des concessions dans les régions agricoles ou peu industrielles, si on leur laisse le bassin minier. C'est ce dernier qu'il faut attribuer ou partager. Tout le problème est là et avec une apparence de compromis la proposition anglo-italienne est en réalité absolument en faveur de l'Allemagne. Il y a encore loin entre la ligne Korfanty (propositions maxima des des Polonais) et la pseudo-transaction anglo-italienne.

Puisque aucun principe supérieur, ne permettra jamais de découper proprement et logiquement la région

sans mettre des Allemands chez les Polonais et des Polonais chez les Allemands, on arrivera certainement à établir un compromis entre les propositions extrêmes que nous venons de rappeler.

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Les problèmes si complexes de frontières dans les pays à populations mêlées, ne se resolvent jamais sans un renoncement de part et d'autre à Rapallo, les Italiens et les Iougo-Slaves ne se sont-ils pas accordés pour laisser de nombreux nationaux à l'intérieur des frontières du voisin?

Dans le cas silésien, sur quelles bases peut-on aboutir à un arrangement au moins aussi satisfaisant que le fut pour les intéressés celui de Rapallo?

Une première considération devrait primer toutes les autres puisque l'attitude des Anglais et des Italiens

est telle que la région minière ne pourra certainement pas être attribuée en entier à la Pologne, qui cependant y a obtenu une certaine majorité, il faut que le partage assure à la Pologne la quantité de houille nécessaire à sa vie nationale: nous l'avons établi plus haut, environ 7 millions de tonnes. Il ne serait pas tolérable de laisser en dehors des frontières de cet Etat, même avec des conventions d'exportation, l'élément le plus important de sa richesse nationale.

Comment délimiter cette frontière? Seule une commission sur le terrain pourrait trouver le moyen de tracer au milieu de ces usines et de ces mines enchevêtrées la ligne de « moindre dommage », la frontière la plus commode. Les cercles de Pless et de Rybnik que le projet anglo-italien attribue à la Pologne, ont une certaine importance minière, mais ils seraient certainement incapables d'assurer à eux seuls l'approvisionnement de la Pologne en charbon.

Une seconde considération ethnico-politique pourra aussi guider ceux qui ont la tâche délicate de tracer cette frontière: il faudrait éviter de mettre une plus grande quantité d'Allemands chez les Polonais que de Polonais chez les Allemands. De ce point de vue les Allemands, en compensation de la perte d'un nombre important de leurs nationaux qui leur seraient enlevés avec l'un des centres industriels, pourraient se voir at tribuer une partie des cercles à majorité polonaise de Strehlitz, Tost-Gleiwitz et Tarnowitz. Il ne faut pas d'ailleurs plaindre outre mesure les Allemands aban donnés aux Polonais; ils bénéficieraient en Pologne d'une garantie internationale sans réciproque la claus dite des minorités.

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Il nous suffit d'avoir indiqué comment se pose o devrait se poser le problème de la Haute-Silésie et le éléments d'une solution. Quant à nous, nous sommes en droit de ne pas oublier que la France a un intére primordial à créer une Pologne forte et indépendante La politique de la France est claire; elle doit veille à ce que la transaction qui interviendra donne à Pologne ce qui est nécessaire à sa vie nationale: l houille qui lui permettra un développement industrie normal, condition essentielle de son indépendance po litique. RENÉ BERGER.

D'une guerre à l'autre guerre

LE CRÉPUSCULE TRAGIQUE

V

L'ANTRE DE LA SIBYLLE

Si grandes et ineffables que pour Philippe eussent été les joies de ces vacances, il avait, comme au temps de sa jeunesse, du collège et des vraies vacances, une certaine hâte de rentrer. Il possédait la véritable science du bonheur, qui est de le ménager: trop docile aux leçons de ses maîtres grecs pour ne pas pratiquer comme eux le mèden agan, trop païen pour ne pas redouter la Némésis qui ne souffre aucun excès. Mais surtout il jugeait le temps venu de confirmer la reprise de Rex par l'habitude, à laquelle n'était point propice un décor d'exception il y avait pu inaugurer une vie nouvelle, mais ces quelques semaines d'essai n'en étaient que les charmantes prémices, et il ne se flattait point de le goûter

quatre heures les choses que l'on n'a eu aucune honte de différer deux mois; mais Philippe avait une autre rai son, de bravade et de malice: il l'amusait assez de hasarder Rex, dont maintenant il ne doutait plus, dalis un milieu dont les influences lui avaient jusqu'alors paru dangereuses, où ses propres idées faisaient quelque peu scandale, et il se rappelait le mot de Mme de Chézery qui impliquait à son adresse un reproche:

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Vous me l'amènerez, je le veux. On dit qu'il est

si bien pensant !

Philippe ne pouvait s'empêcher de répondre, usant de cette familiarité vulgaire et de ce tutoiement que avec les interlocuteurs qui ne sont pas là:

Oui, tu vas voir un peu s'il pense bien ! Et il était si sûr de son effet, si fier de présenter son avec sécurité ni avec plénitude, sinon dans les lieux grand fils, qu'il avait un sourire épanoui, bouffi, un ai

mêmes de la vie passée.

de satisfaction, trop fouchant pour être ridicule, lorsqu'il Le retour des Lefebvre ayant coïncidé avec celui de entra dans la salle de billard où recevait la comtesse la comtesse de Chézery, c'est dès le lendemain que Phi- de Chézery au rez-de-chaussée : on ne sait quelle gaucherit lippe conduisit Rex à la villa de Boulogne. Il est assez ordinaire qu'on se croic obligé de ne plus différer vingt- serait le premier ou ferait passer Rex devant lui. de surcroît lui venait d'avoir hésité un moment s'il pas

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