Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[ocr errors]

furent les plus enveloppés de mysticisme, les plus contraires au goût de son esprit. Madeleine ne put se défendre d'en faire la remarque (qu'elle garda pour elle), lorsque, honteux de se réserver sans titre les essais de leur enfant, craignant bien tard de la léser, il commença de relire avec elle à haute voix ce qu'il avait déjà lu dans le silence et la solitude, en détachant les passages élus et en lui indiquant les grandes lignes de son dessein. Ces lectures étaient maintenant leur unique divertissement du soir; et les soirs d'alerte ils ne voulaient point les interrompre, ils les poursuivaient jusque dans la cave, sans prêter aucune attention aux tirs de barrage ni au fracas des torpilles, qui tombèrent plusieurs fois tout près.

Cependant que Philippe, soit tête à tête avec Madeleine ou solitaire, lisait ainsi, son cœur était tout plein d'amour, mais n'était pas tout amour. Il y restait une haine, qui n'était sans doute qu'une forme de la jalousie. Par une contradiction nouvelle, dont il ne s'embarrassait pas plus que des autres, il n'était plus capable d'en vouloir à son fils pour des idées, et il en voulait à la femme qu'il accusait de les lui avoir suggérées. Il ne retenait contre Rex aucun délit, aucun péché, mais il ne donnait l'absolution qu'à Rex et non pas à son mauvais génie.

Bien qu'il ne relevât dans ces notes pas une allusion à la princesse Tverskoï, il décelait entre les lignes son influence; tout lui attestait que cette créature avait été diaboliquement ingénieuse à tourmenter ensemble le cœur et la conscience de Rex. Peut-être n'eût-il pas même pardonné à la maîtresse qui eût rendu son fils heureux: il la soupçonnait de l'avoir torturé, et il lui vouait une haine farouche. Il eût fait mieux que de soupçonner, il en aurait eu le cœur net (et il le souhaitait), s'il avait parcouru les lettres de Lydie; mais pour rien au monde il n'y aurait seulement jeté les yeux. Il ne voulait même plus les garder. Il ne se fût à aucun prix remis en rapport avec la princesse, même pour lui dire ou lui écrire :

Maintenant que mon fils est mort, il n'y a plus rien de commun entre vous et moi. Reprenez ceci qui vous appartient.

Mais il avait sous la main un intermédiaire tout désigné.

La femme d'André Jugon, la laide, l'excellente Sonia, avait trouvé dans la guerre une occasion nouvelle de se dévouer avec discrétion. Dès le 2 août 1914, elle avait pris du service dans les hôpitaux. C'est la première fois depuis son mariage qu'elle s'était ressouvenue d'avoir été auparavant étudiante en médecine. Toujours timide et ombrageuse, elle se gardait d'avouer sa compétence; mais il fallait bien que l'infirmière-major s'en aperçût, quand elle épargnait à ses collègues, dont le savoir n'égalait pas la bonne volonté ou le patriotisme, des erreurs souvent dangereuses, sans le faire remarquer. On l'appréciait d'autant plus que l'on n'avait aucune raison féminine de la jalouser. On se la disputait. Elle était restée, durant toute la première année de la guerre, dans l'Est. Elle était même allée, quelques mois, en Orient. Puis elle avait cru devoir accepter, en sa qualité de Russe, des fonctions dans un hôpital où, non loin de Paris, étaient soignés les soldats, ses compatriotes, qui avaient combattu dans les rangs de l'armée française.

Cet hôpital avait été fondé, il était entretenu, à grand fracas sinon à grands frais, par la princesse Tverskoï. Tout y était russe, les infirmières, les médecins et, sauf deux ou trois Américains volontaires échoués là, nul n'aurait su dire pourquoi ni comment, les blessés ou les malades. Il y avait un assez grand nombre de pensionnaires, blessés peut-être au front voilà bien longtemps, mais qui se portaient maintenant à merveille. On avait,

297

[graphic]

apparemment, d'assez fortes raisons pour ne leur point donner leur exeat, qu'ils ne réclamaient pas, et tout ce personnel constituait une assez étrange communauté, qui ne ressemblait que de loin à une formation sanitaire. C'était, par anticipation, une sorte de soviet égaré en territoire français. La pauvre Sonia, nature essentiellement fidèle, qui n'était point susceptible d'inconstance, même dans l'ordre des idées, et qui se rappelait aussi volontiers d'avoir été nihiliste avant de devenir la plus bourgeoise des maîtresses épousées, que d'avoir été jadis étudiante en médecine quand cela pouvait servir à son prochain, l'honnête Sonia était suffoquée de ce qu'elle voyait là. Les nouvelles théories révolutionnaires n'avaient aucun rapport avec le nihilisme qu'elle avait confessé, qu'elle eût au besoin pratiqué, et elle apercevait la vérité de cet adage, qu'on est toujours le réactionnaire de quelqu'un.

Elle ne pouvait, par exemple, concevoir qu'après la visite, les malades se réunissent pour discuter, comme dans une assemblée publique, les prescriptions du docteur, et qu'il fût impossible de leur faire avaler les médicaments ou les purges ordonnées par lui, si, à la suite d'une délibération orageuse, la majorité en décidait autrement. Il était, en vérité, bien heureux que l'hôpital Tverskoï-Krüdener n'hébergeât aucun grand blessé, ni même, à proprement parler, aucun homme atteint d'une maladie quelconque.

Si peu bavarde que fût Sonia, et si respectueuse du secret professionnel, son indignation lui échappait chaque fois qu'elle venait rendre visite à ses amis Lefebvre. Elle leur faisait des récits dont la naïveté ramenait le sourire sur les lèvres de Madeleine et de Philippe; mais elle avait trop de tact pour les instruire. que la princesse Tverskoï était l'âme du soviet, présidait toutes les réunions et se livrait à une propagande effrénée, bien vaine, puisque tout cela se passait, pour ainsi dire, en vase clos; enfin que Lydie tournait toutes les têtes: il ne faut pas l'entendre seulement au sens spirituel.

Les mœurs de la communauté étaient ce que l'on pouvait craindre d'une tribu de jeunes Russes oisifs, isolés et dépaysés; elles étaient, à certains égards, du même genre, aussi éhontées que les mœurs allemandes, secrètes avant la guerre, et qui, depuis, ne se cachent plus; mais il s'y ajoutait cet on ne sait quoi sui generis qui n'est possible que dans un milieu russe, où une doctrine du péché méritoire, comme celle de Raspoutine, trouve instantanément des adeptes et des zélateurs. Personne n'était plus qualifié pour prêcher cet évangile que la princesse Tverskoï, qui l'avait peut-être inventé avant Raspoutine. Elle l'enveloppait de plus de théologie et de casuistique, du temps qu'elle faisait partie de la haute société cosmopolite et qu'elle visait à séduire des hommes tels que Rex Lefebvre; mais elle avait aisément glissé à la crapule la plus basse dès qu'il lui avait fallu s'adapter à ce nouveau milieu.

Sonia, qui était d'une pudeur farouche et pleine de préjugés, se serait plutôt, comme elle disait, coupé la langue que de décrire à Madeleine et à Philippe les scènes, dignes du marquis de Sade, dont ses clients trop ingénus la rendaient témoin. Elle n'avait même jamais prononcé devant eux le nom de Lydie Tverskoï. Philippe ne pouvait cependant pas ignorer que la princesse dirigeât en personne l'hôpital dont elle était, de compte à demi avec sa feue grand'tante, la marraine et l'éponyme, ni que Sonia la vit presque chaque jour. C'est donc à Mme Jugon qu'il remit les lettres, en la priant de les faire tenir à celle qui les avait écrites.

des

Il ne lui dit, en la chargeant de cette mission, que les mots indispensables. Sonia était au courant choses, toute précision les eût gênés l'un et l'autre. Elle prit le paquet sans rien dire; incapable de se dérober

à ce qu'elle considérait une funèbre corvée, mais un devoir; effrayée seulement de la réception qui l'attendait pas une fois elle n'avait entendu la princesse faire depuis des mois allusion à Rex Lefebvre; elle se demandait même si on l'avait informée de la disparition et jusqu'à quel point on la pouvait juger monstrueuse de porter le deuil avec cette insouciance.

Mme Jugon tomba plus mal encore qu'elle ne craignait. La petite-nièce de Mme de Krüdener, princesse Lydie Tverskoï, célébrait justement ce jour-là ses fiançailles avec l'un des plus anciens hospitalisés : un grand gaillard de trente ans, superbe, de qui on ne savait rien sauf qu'il avait passé plusieurs années au bagne. On oubliait de spécifier si c'était pour un crime politique ou pour un crime de droit commun; en tout état de cause, il avait pour ce motif, aux yeux de ses camarades et aux yeux de Lydie elle-même, un infâme. et irrésistible prestige. Sonia vit tout le soviet attablé à cette occasion dans le dortoir des fiévreux. On vidait des coupes de vin de Champagne, conformément à une décision de la majorité, et même de l'unanimité. Elle ne crut pas devoir remettre à la fiancée un dépôt qui eût risqué d'être importun. Elle le rendit le même sor à Philippe, à qui elle donna en rougissant le moins possible d'explications.

Cette fin vile de la femme qui lui avait volé le cœur et perverti l'intelligence de son fils ne laissa pas de faire mal à Philippe. Il lui parut que c'était le signe du suprême abandon de Rex, et que le second linceul des morts venait de se rabattre sur la dépouille de celui que ses mains paternelles n'avaient pas une première fois enseveli. Il sentit une grande amertume, une rancune contre l'humanité ingrate, mais en même temps un âpre orgueil de jalousie satisfaite. Son fils lui était bien définitivement rendu. Il ne le partageait plus. Il prit des mains de Sonia ces lettres que, dépassant la promesse faite au mort, il n'avait jamais lues, qu'il voulait encore moins lire, maintenant que celle qui aurait pu les revendiquer les lui laissait dédaigneusement. Ces lettres, qui contenaient tous les doutes, le tourment moral, la passion de Rex et la sienne, — il les jeta dans la cheminée. La flamme, qui allait s'éteindre, monta. Longtemps, il les regarda brûler; et quand elles ne furent plus qu'un petit tas de cendres, il lui sembla qu'il venait de purifier par le feu tout ce qui souillait, tout ce qui alourdissait et rendait comme matérielle l'âme de son enfant... « Rex, croyezvous qu'après notre mort nos âmes auront des ailes, qui nous emporteront vers les régions supérieures où habite la race des dieux ?... >>

[ocr errors]

XIV

[ocr errors]

D'ENTRE LES MORTS

Philippe Lefebvre avait été, en son temps, l'un des princes de la jeunesse. Il avait naturellement perdu cette princerie avec l'âge; mais ses cadets ne l'en avaient pas dépossédé si brutalement qu'ils ont coutume de faire, et lui reconnaissaient même encore, à titre honoraire, une manière de royauté. Peut-être devait-il ce rare privilège à la guerre, dont il avait été l'un des prophètes, ou simplement à cette jeunesse de visage et de pensée que les années ne marquaient point. Elle n'était pas une illusion, puisque les jeunes gens eux-mêmes l'avouaient. Qu'il dît en souriant ces vieux quand il parlait de ses contemporains, cela n'eût rien prouvé; mais les camarades de Rex, et ceux de la génération qui suivait, semblaient n'avoir pas le sentiment d'un immense écart d'âge quand ils se trouvaient compagnie. Ils le témoignaient en corrigeant la déférence par une involontaire familiarité, dont Philippe sentait l'hommage, qui le flattait infiniment.

en sa

La guerre avait accru son autorité, son prestige, et diminué cependant le nombre des jeunes disciples qui

auparavant fréquentaient chez lui. D'abord, tous étaient mobilisés; plusieurs, hélas! étaient morts ou disparus; ceux qui avaient des postes trop éloignés du front, trop à l'abri, étaient plus à portée de venir le voir comme en temps de paix, mais n'osaient trop se montrer; et surtout depuis son malheur, qui datait des premiers jours de la campagne, ceux mêmes qui n'avaient rien à se reprocher, pensaient avoir à se reprocher de vivre : ils hésitaient de l'aller voir quand ils venaient en permission.

Aussi fut-ce pour lui une surprise quand on lui présenta, un matin de mai 1917, la carte d'un jeune philosophe nommé Jacques Hémery, aux premiers essais duquel il s'était beaucoup intéressé. Celui-là était certes irréprochable et pouvait aborder Philippe le front haut. Sorti de l'Ecole normale à la veille de la mobilisation, il était parti dès le premier jour. Și maintenant il était employé au ministère, c'est que, blessé cruellement, après une longue convalescence, mal remis, il avait voulu se rendre utile et ne retourner à ses études qu'une fois la guerre gagnée. Mais Hémery avait une grande délicatesse et se privait de la joie de voir Philippe, craignant que sa présence ne lui fît mal.

[graphic]

[ocr errors]

Peut-être ne se trompait-il qu'à demi. Philippe avait pour lui cette admiration presque tendre que lui inspiraient les jeunes gens. Il les admirait d'abord d'être jeunes, et ce sentiment devenait chez lui d'une vivacité singulière quand il éprouvait que leurs idées n'étaient pas de parti pris en opposition avec les siennes. C'était le cas pour Jacques Hémery, disciple infidèle de Bergson, et qui Philippe du moins se l'imaginait volontiers présageait un retour prochain de la jeune génération des penseurs à l'intellectualisme pur. Il avait écrit sur ce propos, avant la guerre, un petit livre étrange, du fond naturellement le plus sérieux, et, dans la forme, sarcastique à la façon de Schopenhauer. La guerre en avait différé la publication; mais Philippe, qui avait lu le manuscrit et en possédait même une copie, en était enthousiasmé. Il n'avait pu s'empêcher de penser, en le lisant, que les contemporains de son fils n'étaient donc pas nécessairement les ennemis en esprit des hommes de son temps, et d'entrevoir le bonheur sans nuage qu'il aurait goûté, si les idées de Rex comme cela n'était pas impossible avaient été celles d'un Jacques Hémery. Maintenant que Rex était entre les morts, Philippe éprouvait un sincère plaisir à voir Hémery, et cependant lui savait gré de ne venir presque jamais.

[ocr errors]

Il était si ombrageux qu'il se fût reproché comme une injure à la mémoire de Rex le goût dont il ne pouvait se défendre pour ce jeune homme, les comparaisons que malgré qu'il en eût il faisait entre eux, l'évidence, qui le frappait trop, que celui-ci était, plus le voyait, il ne s'interdisait pas de lui témoigner sa que Rex, le fils de son intelligence. Pourtant, dès qu'il sympathie affectueuse par une de ces charmantes expressions de physionomie qu'il avait gardées de l'adolescence, et il rassurait ainsi le scrupuleux philosophe, toujours tremblant d'être importun.

C'est ce qu'il fit encore ce jour-là, sans y penser; mais, comme il lui souriait déjà au moment qu'on lui ouvrait la porte, il fut stupéfait de son air contraint, de son visage bouleversé. Chose curieuse, il ne songea hypothèse- qu'il pût être arrivé à Hémery un malheur même point c'était pourtant la plus vraisemblable dont celui-ci vînt lui faire part, et il eut l'incroyable légèreté de dire, avec le détachement d'un homme qui a épuisé le calice et ne redoute plus aucun coup du

[graphic]

sort :

[ocr errors]

Mais qu'est-ce que vous avez, mon petit? Vous ressemblez au porteur de mauvaises nouvelles.

(A suivre.)

ABEL HERMANT.

[graphic]

POLITIQUE

Feuillets de la Semaine

Considérations sur la

Commission des Finances

La Chambre est en vacances. Mais la Commission des finances siège. Et ceux qui s'intéressent à la politique savent bien qu'elle se fait à la Commission des finances. Aussi, ils ont les regards fixés sur la Commission des finances, qui était autrefois la Commission du budget qui s'appela, au début de la législature, la Commission des crédits, et qui demeure, sous l'un ou l'autre de ces vocables, l'organisme mystérieux, redoutable, puissant, qui fait et défait les ministres, qui dirige les destinées du Parlement, et contre lequel, ou sans lequel on ne gouverne pas.

[ocr errors]

Théoriquement, la Commission des finances est une commission comme les autres, qui vient à son rang alphabéti que dans la nomenclature des commissions. Elle est une des vingt ou vingtcinq commissions où s'élaborent les rapports, où comparaissent les ministres, où se décident les ordres du jour. Elle est recrutée, comme les autres, par les groupes. Chaque groupe y envoie un nombre de délégués proportionnel à son importance numérique, et cette opération a lieu ainsi que pour les autres commissions.

Mais que cette ressemblance apparente est loin des réalités ! Et d'abord, les autres commissions siègent dans des salles interchangeables, au petit bonheur. Certaines sont vagabondes et se promènent de bureau en bureau. D'autres, plus stables, siègent toujours dans le même bureau, mais ce bureau est occupé, entre temps, par d'autres commissions. Et puis, un bureau, c'est une simple salle de séances, dans laquelle c'est tout au plus si les présidents les plus influents font installer une armoire pour leurs archives. Et la Et la questure donne aux commissions un secrétaire de séances qui naît avec les séances, et disparaît avec elles. La Commission du budget, elle a son local propre et permanent; son personnel propre et permanent. C'est énorme. Et cela concrétise sa puissance. Cela marque que la Commission des finances est une Chambre des députés dans la Chambre des dé. putés. Les plus renseignés savent qu'elle est la vraie Chambre des députés. Le reste n'est qu'apparence. - Et litté rature », ajoutent les méchants.

:

X

Le local de la Commission des finances, tant envié par les autres, est vraiment le local-symbole. Les invités (entendons les invités-députés) s'y sentent pénétrés d'un je ne sais quoi qui les saisit dès leur entrée dans la salle des délibérations. Ils sont un peu intimidés, jettent un regard oblique du côté gauche puis du côté droit où se trouve une double rangée d'armoires, chaque membre ayant la sienne, fermant à clef. Un homme très puissant à la Commission des finances me dit un jour, simplement Au Palais, les avocats ont un

box pour quatre robes. A la Chambre, les députés ont un vestiaire à deux. A la Commission des finances, l'armoire est petite, mais personnelle. D

Derrière la salle des délibérations, une autre salle. Précédant le tout, une antichambre, que défend un incorruptible gardien. Que de personnages considérables parlementent avec ce fonctionnaire, avant de pénétrer dans le cabinet de M. le Président. Car M. le Président a un cabinet. Et M. le rappor teur général a pareillement un cabinet inaccessible aux profanes. Plus près de l'antichambre, sur un bureau, travaillent les délégués mystérieux des ministères, et il y a d'autres salles au premier étage pour le personnel administratif, un véritable secrétariat. M. Eugène Pierre en est le maître suprême, s'entend. Mais ceci tient seulement à ce que M. Eugène Pierre est le maître suprême, par définition, de tout ce qui touche à la vie parlementaire.

En bas, on parle. En haut, on écrit. C'est au rez-de-chaussée que s'élaborent les conceptions. C'est du premier étage que sortent les gros rapports alourdis de chiffres impressionnants. L'automatic, le fil direct, mettent l'activité de ces bureaux en communication avec les ministères et le Sénat. Là est le cœur de toute la vie politique.

[ocr errors]

La Commission du budget est une pépinière de ministres. Nulle commission. même de très loin ne peut se flatter

de fournir en quantité aussi considérable des ministres ou des sous-secrétaires d'Etat. Cela explique avec quelle ardeur est poussée, dans les groupes, une candidature à la Commission des finanoes. Ceux qui n'ont pas encore été ministres cherchent à entrer à la Commission, sachant que c'est la voie d'accès la plus rapide à l'exécutif. Ceux qui ont déjà fait partie d'un cabinet sont guidés, dans la même recherche, par des raisons non moins fortes.

[ocr errors]

L'importance morale de la Commission du budget est ancienne. Ses présidents et ses rapporteurs généraux ont toujours été des personnages considérables, et ses membres ont toujours été des ministres de la veille ou des ministres de demain.

Mais une chose est véritablement rouvelle l'absorption lente, mais sûre, de la Chambre, par la Commission des finances. Dans une Assemblée trop nombreuse où la parole n'est point sévèrement disciplinée et où il faut cependant aboutir à des résultats pratiques, le rôle essentiel, capital, est nécessairement joué par les commissions. C'est pourquoi une commission spéciale correspond à peu près à chaque branche de l'activité parlementaire administration, armée, marine, travail, colonies, affaires extérieures, mines, chemins de fer, commerce, etc... Mais aujourd'hui, on s'aperçoit que la Commission des finances a dessaisi peu à peu toutes ces commis

sions de leurs attributions. Toute question, en effet, présentant un côté financier, la Commission des finances la retient pour avis, et cet avis, étant donnée l'importance de la commission et de ses rapporteurs, prend la proportion d'un rapport au fond. En réalité, la Commission des finances rapporte tout, universellement, et les commissions spéciales ne fournissent plus que des avis secondaires. Les autres commissions protestent, question de boutique ! C'est tôt dit. Est-ce vraiment un danger de voir une seule commission monopoliser, en fait, le régime parlementaire, ne laissant à la Chambre que la vaine apparence d'une parlotte sans intérêt ? Faut-il au contraire reconnaître en ce rôle grandissant sans cesse de la Commission des Finances l'affirmation brutale, lumineuse, de cette évidence que, seule, la question financière importe, et que, seule, formidable, pressante, tyrannique, elle pose pour le pays insoucieux le problème de vie ou de mort ? TRYGÉE.

LETTRES

Chez Jean-Jacques à Mont-Louis

Au cœur de l'hiver de 1757, malgré la glace et la neige, Jean-Jacques, en relevant la tête, délogea de chez Mme d'Epinay et alla habiter à Mont-Louis. Cette petite maison entourée d'un jardin, avec le temps s'est agrandie d'une aile. La partie ancienne du logis n'en demeure pas moins intacte. Ce qui subsiste encore aussi, c'est la traditionnelle bonne grâce des possesseurs de cette terre humble et illustre. Rousseau disait de son propriétaire M. Mathas procureur fiscal du prince de Condé qu'il était le meilleur homme du monde. Il penserait le même bien de

son

successeur actuel, M. de Valles, qui ne pouvait en un tel lieu que préparer un ouvrage sur Rousseau et qui si aimablement m'a fait visiter cette retraite riche de souvenirs.

Voici la chambre de Thérèse, me dit-il, en m'introduisant au rez-dechaussée dans un petit salon à tapisse

rie.

C'est là que dormait cette commère qui avait sa cuisine à côté. Le vestibule que je traverse devait souvent retentir du bruit de ses pas et de ses cris. Auprès de l'étroite cheminée à hotte, JeanJacques venait se chauffer. Lorsque le maçon Pilleu était invité à dîner, on poussait sans doute la table devant le feu. M. le maréchal de Luxembourg entra ici, au milieu des assiettes sales et des pots cassés, la première fois qu'il se rendit à Mont-Louis. Le plancher manquait de s'effondrer. Le hon seigneur emmena le philosophe dans son château de Montmorency. En rentrant quelques jours plus tard dans sa petite maison, Rousseau la trouva transformée : a J'étais peut-être alors. bcrit-il, le particulier de l'Europe le mieux et le plus agréablement logé. » J'ai vu sa vaste chambre dont la fe

nêtre s'orne d'une fine barre d'appui et, de chaque côté de l'alcôve à la simple moulure, l'antichambre et la garderobe qui faisaient de cette seule pièce un appartement complet. Les petites vitres carrées de ces deux portes sont les mêmes que les ouvriers posèrent pendant son absence. L'âge a sculement gratiné leur dure surface.

Mais le jardin est encore plus émouvant. La terrasse qui mène au donjon où il écrivit le Contrat social, une partie de l'Emile et termina la Nouvelle Héloïse, n'a pas changé depuis un siècle et demi. Les vieux tilleuls qu'il planta jeunes l'ombragent toujours et on y voit encore la table et les bancs de pierre qu'il y fit placer. Ce lieu se présente à nous aujourd'hui, comme une illustration vivante du Livre dixième des Confessions.

fred de Musset dans Une soirée perdue :

Quelle mâle gaieté si triste et si pro

[fonde

Que lorsqu'on vient d'en rire on devrait [en pleurer !

Voilà de quoi satisfaire bien de sages jeunes gens qui regrettent leur temps de collège. Ils vont se livrer à un excellent exercice de versification qui ne prouvera à personne s'ils sont ou non poètes.

Observez encore que ce prix de 4.000 francs est un des plus considérables que distribuent les Quarante. Généralement les récompenses octroyées aux jeunes auteurs ne dépassent pas 1.000 francs et beaucoup n'obtiennent que cinq cents francs. Mais ainsi en ont décidé les donateurs et il faut se régler sur leur volonté souvent ancienne.

C'est un académicien sceptique qui disait lui-même à un lauréat du prix du Budget, un peu trop fier de son titre : « Nous voulions surtout vous rager à vous décourager d'écrire. »

encou

Le donjon surélevé de quelques marches avec son toit à la Mansard n'était qu'une manière de kiosque tout ouvert quand, pendant le premier hiver assez rude, il coucha là sur le papier sa lettre à d'Alembert. Par la suite, il le fit fermer de vitres, on y perça une cheminée et ce fut son cabinet de travail. Sur ces larges dalles claires usées aux jointures, La Tour posa ses pieds La plus belle et la plus curieuse du quand il vint apporter au maître de la monde semble bien être celle de M. Jomaison son portrait retouché. Dans cette minuscule pièce M. le prince de sède, en effet, plus de 50.000 autograseph Mikulec. Ce Yougoslave posCondé joua aux échecs avec le philo-phes réunis en un seul recueil qui pèse sophe qui le gagna malgré les grimaces de Lorenzi.

Ce séjour était charmant, selon Rousseau. Il le reste toujours. Trop de célèbres demeures arrangées en musées sont pareilles à des tombeaux. Celle-ci ne leur ressemble pas. La vie qui l'habite encore ranime doucement le passé. GEORGES OUDARD.

Les Académies

La date de la réception de M. Bédier est remise en question. M. Emile Boutroux ne fera connaître, en effet, que le 15 septembre à l'Académie si son état de santé lui permettra d'assumer la tâche d'écrire sa réponse au récipiendaire et de l'accueillir sous la Coupole.

On espère pourtant que M. Bédier pourra prendre séance avant la fin de l'année et qu'avant la fin de l'année aussi l'on pourra élire le successeur de Jean Aicard.

Prix académiques

Chaque année, l'Académie française prélève sur ses énormes revenus, une somme importante 4.000 francs pour en doter son prix dit du Budget. Le sujet qui alternativement doit être traité en prose et en vers, est donné dix-huit mois avant la clôture du concours. La longueur des manuscrits est scrupuleusement fixée. Il s'agit, en somme, de compositions pour grands élèves.

Ces jours derniers, l'illustre Compagnie a communiqué le sujet de ce prix pour 1923, année de poésie. En 300 vers environ, les candidats devront traiter du rire de Molière tel qu'il est expliqué par les deux vers suivants d'Al

Une collection d'autographes

15 kilos. Sa collection comprend d'ailleurs un nombre important de signatures sans texte. Tous les chefs d'Etats et les plus grand personnages de la po litique, de la littérature, de la science, sans compter d'illustres originaux ont favorisé M. Mikulec d'un autographe. Il correspond assez peu avec ses grands hommes. Il préfère les aller visiter. Il a ainsi parcouru près de cinq cent mille kilomètres, dont le tiers à pied pour enricher son énorme recueil.

Il s'emploie actuellement à dresser le catalogue de sa collection. Mais il a déclaré, qu'il ne la vendrait jamais. Ses héritiers s'en chargeront peut-être après sa mort. Ce seront de belles vaca tions!

Le théâtre de Saint-Germain

Un des plus anciens (théâtres des environs de Paris va disparaître, celui de Saint-Germain-en-Laye. Il avait exactement quatre vingt-quatre ans. Alexandre Dumas, qui habita longtemps cette petite ville toujours agréablement provinciale, s'était pris d'amour pour lui. Généreux, il l'avait restauré en 1846, et on représenta sur cette scène plusieurs de ses fameux drames.

Mais depuis longtemps, il ne servait plus qu'à hospitaliser de pâles tournées. En vain M. Lugné Poé essaya-t-il au printemps dernier, de prendre sa défense. Cet hiver, il n'existera plus.

Le libraire ingénieux

Un libraire de province a pris l'habitude avant de donner le bon à titrer de son catalogue mensuel d'écrire à certains auteurs de petit renom pour leur faire part des pièces rares qu'il détient actuellement et parmi lesquelles

figurent toujours des premières éditions de leurs ouvrages.

« Celui-ci sur hollande; celui-là sur japon sont ordinairement vendus tel et tel prix, leur indique-t-il dans sa lettre. Comme je sais qu'on ne trouve plus ces exemplaires dans le commerce, je m'empresse de vous signaler ceux que j'ai entre les mains. S'il vous était agréable de les recevoir, je les supprimerais du catalogue. »

L'auteur choisi se montre toujours flatté d'être l'objet de tant d'attentions. Il lui est encore agréable d'apprendre que ces livres sont introuvables; qu'on les cote si cher. Il ne manque donc presque jamais d'acheter ses premières éditions sur beau papier qui ont monté si vite.

Le libraire, lui, qui ne savait comment s'en s'en débarrasser, se frotte les mains.

[graphic]

«

Le journal inédit des Goncourt

Le Mercure de France publie les éphémérides de l'affaire Goncourt, ouverte le 6 août par l'huissier envoyé par le Matin à la Bibliothèque nationale. Depuis lors, il semble bien que toute la presse soit d'accord pour récla mer la communication du journal inédit. MM. Paul Souday dans le Temps, Maurice Spronck dans les Débats, Antoine dans le Gaulois, Léon Deffoux et Robert de Jouvenel dans l'Euvre, enfin Comadia, l'Intransigeant et généralement tous les journaux qui portent quelque intérêt aux lettres, demandent qu'on respecte le testament.

Ce n'est pas tout. Des membres de l'Académie Goncourt se sont laissés interviewer: M. Léon Daudet est neutre ; mais MM. Rosny aîné, Jean Ajalbert et Lucien Descaves déclarent formellement qu'ils sont pour la publication. Les héritiers Goncourt annoncent qu'ils vont entreprendre une action publique. L'éditeur Eugène Fasquelle dit qu'il a acquis le droit de publier, qu'il y est tout prêt; et qu'il ne s'oppose nullement à la communication du journal aux lecteurs. M. Homolle, administrateur de la Bibliothèque nationale, constate qu'il est tout prêt à l'assurer et que d'ailleurs « c'est chose grave de ne pas respecter les clauses d'un testament conçu par un homme sain d'esprit. « Quant à M. Léon Bérard : « Je suis Ponce Pilate », dit-il.

Mais alors, qui donc s'oppose à la communication et à la publication_immédiates du journal inédit des Goncourt ?

[merged small][merged small][graphic]
[ocr errors][merged small][merged small][ocr errors][merged small]
[merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small]

Cette formule, expliquent-ils, est d'origine allemande et fut employée pour la première fois par un journal prussien avant le bombardement de Paris en décembre 1870. Ce journal recommandait de surseoir au bombardement jusqu'à ce que Paris fût déprimé par suite de l'insuccès de toutes les tentatives faites à l'extérieur, pour le dé livrer, et il ajoutait :

En tout état de cause, le « momentum psychologique (c'est-à-dire : les motifs psychologiques) doivent être laissés libres de jouer un rôle essentiel, car sans leur coopération, on ne doit pas espérer grand chose de l'artillerie ».

On traduisit, en France, momentum par moment et on tourna l'expression en ridicule comme un teutonisme ridicule.

Rectification

L'Opinion de la semaine dernière, en citant des passages extraits de l'Anthologie des Bardes et poètes nationaux de la Bretagne armoricaine, et où se manifestaient des sentiments anti-français, a pu donner à croire que M. Lemercier d'Erm en était l'auteur.

M. Lemercier d'Erm n'en est que l'éditeur. C'est un certain abbé Jacques Le Maréchal, dont le pseudonyme est Blei-Lannvaus (en breton : le Loup de Lanvaux), qui en est l'auteur.

Rendons à ce prêtre-loup ce qui lui appartient.

La maison des jeunes Quelques jeunes gens qui ont l'amour du théâtre fondent un nouveau groupe ment « La Maison des Jeunes ». Ils veulent présenter au public des ouvrages nouveaux dus à des talents sincères et ayant un idéal d'art élevé. Mais en même temps ils aspirent à être clairs, à avoir du goût. Ils déclarent ne pas se soucier du succès. C'est un beau programme.

Les inédits de Victor Hugo La Revue de Paris vient d'en donner quelques-uns fort curieux. Mais leur nombre est incalculable. Il reste encore à publier du poète plusieurs volumes entiers de fragments inédits. Tâche énorme à laquelle s'emploie M. Gustave Simon, avec un zèle pieux. Victor Hugo a exigé, en effet, que rien de lui ne soit conservé en carton. Pas une ligne, pas un vers même ébauché ne doit demeurer. Sa volonté a été formelle sur ce point. Tout ce

que sa main a écrit sera donc imprimé.
Ŝes intéressantes publications pour-
ront ainsi se prolonger encore pendant
plusieurs années. Le fond était si ri-
che.

ARTS

Peintres de banlieue

La villégiature lointaine est un luxe, on l'a dit beaucoup mais on peut le redire. Cantonnés par la sévérité des temps dans les sites prochains d'Ile de France, bien des jeunes peintres courent la chance heureuse de les découvrir à leur tour. Et ceux qui les suivent dans ces familières théabaïdes y trouvent l'occasion de rendre un hom mage intégralement sincère, à quelques « anciens » dont la vision fut miraculeusement juste et spirituelle. Vraiment, en dépit des usines multipliées, comme ils ont dû peu changer, les bords de la Marne et de la Seine, depuis que la bar

Restitution

301

Le musée de Versailles va rendre au Louvre deux toiles fort intéressantes. L'une représente l'entrevue de Napoléon et de l'Empereur d'Autriche, naguère dans la salle des Etats; l'autre est le fameux 18 brumaire de Bouchot, la meilleure toile de ce peintre assez pauvre d'inspiration mais parfaitement consciencieux. Cette œuvre, naturellement composée d'après des renseignements intéressés et qui n'a que des rapports suspects avec la réalité de la scène, consacre par son titre une tenace erreur d'histoire. C'est en effet le 19 et non le 18 brumaire que Napoléon fit le geste du coup d'Etat. Mais comment redresser une version que le génie de la vertu civique fit lui-même lorsque Napoléon :

« Leva sa face pâle et lut « dix-huit bru[maire »..... si l'on en croit Victor Hugo.

que de Manette Salomon descendait le ÉCONOMIQUE

courant! Ce ton « canotier » cet air de
«grenouillère » a survécu. L'amant
d'Amanda est mort depuis longtemps et
qui sait au juste où s'élevaient les flors-
flons de Mabille ? Mais qu'une voile
traverse la Seine vers Argenteuil et,
par delà les souvenirs de Claude Mo-
net, surgissent, toutes vives, tes grandes
argentures, les vastes moires d'Edouard
Manet; qu'une barrière verte, avec son
enseigne à fronton apparaisse entre les
bosquets de la rive et c'est le a père
Lathuile qui s'éveille. Comme il est
étrange que malgré les personnages du
premier plan, dans toutes les vues rau-
tiques de Manet, malgré l'air faraud,
trop adulte de ces canotiers en tricots
malgré l'archaïsme des chapeaux à la
Grévin et des tournures à la Cham, on
sent que rien n'a pu démoder ces toiles.
Ce la banlieue déjà montrait de
que
moisi, de pelé, de poudreux, au temps
de Vangogh n'a pas changé d'une ligne.
Mais celui qui nous a transmis, avec la
précision la plus troublante, le signale-
ment de la banlieue fluviale ne semble-
t-il pas que ce soit Seurat?

Lå Seine plate, large et grise sous le
soleil, les berges lointaines, l'eau bei-
ge où trempent les jambes d'un gamin
en caleçon, tout ce paysage qui sem-
ble fait d'une poussière fine et multi-
colore qui donc les a compris avec plus
d'intensité ?

Dans une curieuse et trop brève étude M. Tabarant évoquait récemment, pour le Bulletin de la Vie artistique, la grosse et joyeuse boutade de Courbet à la grenouillère, de Courbet qui, « tirant sa coupe à l'Ile de Croissy, venait se mettre à table en caleçon de bain.

Les impressionnistes, à leur tête Re-
noir, ont en quelque sorte mûri dans
cette athmosphère aquatique. La guerre.
de 1870 abima cette vogue, et son dé-
clin fut rapide.

Après une longue éclipse, un morne
oubli, voici qu'un regain de faveur ra-
nime les berges et y fait pousser maints
chevalets. Nous verrons, aux prochains
Indépendants ce qu'aura
donné cette
floraison.

ROBERT REY.

La crise du caoutchouc

ma

La mauvaise humeur persistante des valeurs caoutchoutières signalée par les journaux financiers, malgré le meilleur ton du marché, traduit un rasme inquiétant. Premières victimes de la surproduction, atteintes dès la fin de 1918 par l'augmentation formidable d'une production qui passait en deux ans du simple au double, les planteurs attendent encore un indice quelconque d'amélioration.

Les prix du coutchouc ne touchent pas le fond de la baisse, suivant l'expression américaine, et la légère reprise de juillet n'a donné qu'un stimulant nouveau à la baisse ; on cotait à Londres, en juin, o sh. 9 d. la livre au lieu de i sh. 3 1/2 d. en janvier, et le stock invendu est actuellement estimé à 295.000 tonnes, alors que la production totale pour 1921 est estimée à 680.000 tonnes.

Deux sortes de mesure de défense avaient été envisagées par les producteurs la restriction de la production et l'organisation de la vente.

Pour organiser le malthusianisme et contrôler les prix, il fallait toucher l'unanimité des producteurs, et mettre sur pied des sociétés de vente groupant les planteurs, du type prévu pour la «Rubber producers association », au capital de 2 millions de livres d'actions et 8 millions d'obligations. Les actions devaient être émises au prix de 10 shillings et prises par les Sociétés de plantatations, à raison d'une par acre planté.

Si les deux plus importantes compagnies anglaises ont décidé des réductions d'exploitation de 2/7 et de 1/4 des surfaces plantées, quand onze sociétés de Sumatra (réduisaient leur production de 50 o/o de la normale, la grosse majorité des planteurs hollandais s'est montrée opposée au projet, et ce défaut d'entente à suffi pour paralyser l'effort anglais. (Dans leur rage de comprimer la production pour relever les prix, certains planteurs vont si loin dans la voie du paradoxe qu'un

« AnteriorContinuar »