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d'une façon singulièrement opportune, révéler l'audace | bourdaine»? On le craint... Je crois bien avoir cueilli le des demi-soldes et resserrer l'union des forces démocratiques.

Cette occasion, la France doit la saisir pour définir sa politique allemande. Seule, cette politique peut, alors qu'il est temps encore, assurer, en consolidant l'Allemagne de 1918 et en écartant l'Allemagne de 1914, l'exécution des traités et le maintien de la paix.

JACQUES BARDOUX.

NOTES ET FIGURES

Sur une fête bretonne qui faillit avoir lieu.

On avait annoncé pour l'août à Dinard des fêtes peut-être inattendues pour beaucoup de ses habitants d'été, et sans rapport avec celles qui accompagnent d'ordinaire une saison balnéaire de plage renommée. Tournois, cortèges historiques, conférences, théâtre, luttes, le tout devant commémorer le débarquement du duc Jean de Montfort appelé par les Bretons - pour résister à Charles V ! Cela eût répondu, dans la pensée de quelques-uns, à la glorification de Duguesclin à Rennes, jugé par eux traître à la cause de la Bretagne indépendante. On en est resté à la période des illusions préparatoires, heureusement.

Il y a en effet un mouvement breton quasi inconnu en France. Ceux qui en ont entendu vaguement parler le localisent dans la seule Basse-Bretagne et le choix de Dinard était destiné à montrer qu'il a une certaine extension.

Je viens de lire dans le journal Breiz Atao (Bretagne toujours) cette phrase à propos d'un écrivain ayant placé une nouvelle dans un décor de Bretagne conventionnelle : « Ce monsieur n'est ni un fou, ni un humoriste, Monsieur est un Français. Et c'est parce qu'il est de la France, c'est-à-dire d'un pays essentiellement différent du nôtre, qu'il traite la Bretagne en région exotique, avec ce sans-gêne, cette malhonnêteté littéraire qui caractérisent tous les... Parisiens qui viennent écrire sur son compte. » Abstraction faite du cas d'espèce et d'accord sur le faux et le piteux exotisme à la Botrel, ne devons-nous point nous inquiéter de voir imprimer ouvertement de telles choses? Je pourrais extraire d'autre violentes balivernes de ce genre du même numéro, en date du 15 août dernier. Ce n'est rien, sans doute; mais ne faut-il pas se méfier ? Quelques vagues littérateurs prétendent que la Bretagne revendique sa séparation avec la France, car il ne s'agit point ici de régionalisme, mais de nationalisme. Ouvrez l'anthologie contemporaine de Bardes et Poètes nationaux de la Bretagne armoricaine, Bretagne est poésie, établie par le poète Camille Le Mercier d'Erm, vous serez étonné des accents qui sonnent la révolte. Il ne s'agit pas de vieux thèmes. Jugez vous-mêmes. Voici la traduction d'un poème particulièrement irrité et tout récent: « Quand j'étais soldat aux armées, les gars de Paris qui m'entendaient me disaient avec des yeux méchants: Si tu ne cesses de parler breton, on te coudra la bouche. » Ce M. Le Mercier va un peu fort. Parisienné, j'ai eu l'occasion de rencontrer aux armées plusieurs Bretons ne parlant que leur langue, ils étaient respectés de tout le monde. Un peu plus loin, ce même barde impétueux et excessif : « Si le Français rit, nous le ferons taire, et s'il nous provoque nous le balaierons. >> Mon Dieu, il faudra pour cela autre chose que des balayeurs. Et Le Mercier lance la malédiction à « l'engeance insolente qui voudrait forcer la Bretagne à devenir française »... Mais n'exagère-t-il pas légèrement quand il dit que « la langue de France a les douces sonorités d'un vieux sabot fendu qu'on taperait avec une trique de

plus arrogant, mais les émules de M. Le Mercier ne sont pas moins fermes en leurs propos.

Je ne tire point de conclusion. C'est inutile. Ne prenons pas trop au sérieux un mouvement qui jusqu'ici n'est que l'oeuvre de quelques jeunes gens de lettres échauffés. Mais il est prudent de ne pas l'ignorer. LEGRAND-CHABRIER.

Clowneries,

Le pauvre Footit vient de mourir tristement, tout plein du regret et de la nostalgie du cirque remplacé aujourd'hui par une sorte de music-hall où les joies traditionnelles de jadis ne sont plus que songes. Je ne veux point, à propos de cette disparition, me livrer à de faciles attendrissements et opposer, selon le mode traditionnel, la vie parée et choyée de l'artiste aux intimes misères et aux secrètes détresses qu'il lui faut, le cas échéant, gouverner et dompter pour paraître, aux yeux du public. l'amuseur espéré. Tout de même, il y a, dans les coulisses du cirque et jusque sur la piste, d'effroyables drames et, quand nous regardons le clown en souriant seulement, ce n'est pas le don d'enfance qui nous manque, ce sont parfois nos souvenirs qui nous obsèdent.

Des anecdotes? Pourquoi pas? Vingt d'entre elles auraient valu aux Goncourt un nouveau prétexte d'écrire Les fères Zemganno sous une autre forme. Trop fréquemment, la grimace du pitre est rictus d'angoisse ou de douleur, et l'on pâlit sous la farine. Devant les spectateurs se passent, plus souvent qu'on ne le pense, de navrantes choses, mais ce qu'ils aperçoivent ou devinent dans la farouche volonté du dernier sourire du clown qui trouve encore le courage de saluer, la fracture, la boiterie soudaine, le vaisseau rompu, n'est rien. Presque toujour le vrai pathétique est d'autre sorte et, comparés à a pathétique, les accidents physiques n'ont guère d'impor

tance.

tête

Un exemple. Clowns, acrobates, musiciens, les six frères Hanlon-Lees, que Georges Clairin a peints sur le plafond de l'Eden-Théâtre et qui parurent sur la scène des Folies-Bergère, donnaient,. certain soir, une représentation à Cincinnati. Ce soir-là, Thomas Hanlon, l'aîné, faisant « le saut pour la vie », se fendit le crâne. On le soigna, on le guérit; on crut le guérir, mais il souffrait atrocement et, le « numéro » terminé, quand ses frères avaient sauté à pieds joints sur sa pauvre douloureuse, il s'en allait meurtri, geignant, exténué. Ses camarades le raillaient et l'admonestaient. Thomas, au repos, un instant délivré de sa quotidienne angoisse, souriait, lui aussi, et, derechef, allait demander aux fards et à son miroir l'image de son masque fameux, un masque funèbre et impassible. Le temps passa. Un jour, George, l'un des frères, venait de retomber sur le crâne de Thomas, lorsque celui-ci éclata de rire, d'un rire tel. qu'une houle de communicative gaieté secoua instantanément l'assistance. Thomas était devenu fou. Auprès de ceci, le petit roman de l'écuyère et du clown et le conte du clown jaloux de l'écuyère, que recommencent inlassablement de candides écrivains, apparaissent assez dérisoires, n'est-il pas vrai?

Les vrais drames du cirque ne sont pas sentimentaux et ces mêmes Hanlon-Lees nous en fournissent, sous une autre forme, une nouvelle preuve. Il fallut remplacer Thomas. Les Hanlon-Lees choisirent un clown célèbre, Agoust. Ils jouèrent avec Agoust une pantomime, Do, Mi,Sol, Do, qui obtint un prodigieux succès, et, des années durant, à Paris, en Belgique, en Angleterre Les Hanlon-Lees souhaitaient de partir en Amérique et d'y connaître de nouveaux triomphes, mais Agoust leur coûtait cher et ils auraient été fort aises de s'en débarrasser malgré son engagement. Cela, il va sans dire,

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15.

n'était point du goût de leur collaborateur. Alors, paraît-il, ils ne parlèrent de rien de moins que de le tuer en scène, comme par hasard, au milieu de leurs exercices. Hugues Le Roux, qui raconte cette sinistre histoire dans ses Jeux du Cirque, ajoute: « Il y avait un moment où Agoust devait passer à travers une glace de six mètres de haut sur laquelle Edouard, l'un des cinq frères Hanlon, était monté. D'ordinaire, Agoust prenait son élan et, au moment voulu, criait : « Go! >> pour avertir son partenaire. Edouard n'attendait plus le signal d'Agoust pour abattre la glace. Dans une autre scène où les frères poursuivaient autour d'un poêle Agoust déguisé en gendarme, on cherchait à assommer le paria à grands coups d'un baromètre géant déchargés sur la poitrine et sur la tête. » Agoust, pour se défendre, avait fini par s'armer d'un vrai sabre et il était décidé à tuer le premier des Hanlon-Lees qui le blesserait. Bien entendu, le public se montrait ravi de l'entrain et du jeu excellent des acrobates, et il applaudissait à tout rompre.

Ces mœurs farouches, il serait très injuste de ne pas le reconnaître, sont heureusement fort rares; une fraternité véritable, au contraire, existe entre les clowns qui ne sont souvent qu'occasionnels frères d'affiches, et j'aurais pu vous montrer d'autres images de cirque, fort touchantes, voire admirables quelquefois. Mais, celles-ci, on les feuillette volontiers. Il est bon d'évoquer les autres pour découvrir le caractère réel du cirque et de ses jeux.

A. DE BERSAUCOURT.

La maison de l'Institut de France à Londres. rela b Queen'sgate. Dans un de ces quartiers bordés de eto parcs et de jardins, comme il en existe à Londres, ilôts de silence et de quiétude, à deux pas de l'agitation de edla grande ville, s'élève depuis un peu plus d'un an la maison de l'Institut de France, due à la munificence de M. Edmond de Rothschild, membre de l'Académie des Beaux-Arts, qui, par une donation toute récente, vient encore d'en augmenter les revenus. C'est une haute demeure tapissée de lierre, comme il convient à toute noble résidence anglaise, et à laquelle on accède par un porche large et massif, qui évoque l'entrée d'un château-fort du moyen âge.

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Le seuil franchi, on pénètre dans un grand hall, éclairé de haut par des verrières, et aussitôt l'on s'aperçoit que l'architecte, Mr Simpson, président de l'Académie royale des architectes britanniques et correspondant de notre Institut, a voulu donner aux Français accueillis ici l'image du home anglais.

sera connue de tous ceux à qui elle s'adresse cette féconde et généreuse institution.

Dès maintenant les intentions du donataire sont réalisées; au moment où j'écris ces lignes, des représentants des branches les plus diverses de l'activité intellectuelle française se trouvent réunis à la maison de l'Institut un peintre émérite s'y réjouit des collections que possèdent les musées londoniens et les collections privées; un élève de l'Ecole de Rome annote une riche sélection d'incunables, des universitaires professeurs de lycées ou de Facultés y poursuivent leurs spécialités, que ce soit l'assyrien, le moyen âge ou le XVI° siècle français, dont, entre parenthèses. le British Museum possède de très rares manuscrits. Un anglicisant distingué cherche à mettre le point final sur l'angoissant mystère shakespearien, tandis que, portant leur intérêt sur les palpitantes questions sociales actuelles, un diplômé des sciences politiques étudie le rôle si important ici des comités ouvriers et qu'un écrivain, spécialiste des questions d'éducation sociale, enquête sur les cités-jardins. Le soir, les pensionnaires se retrouvent dans la bibliothèque et échangent de très intéressantes impressions, ce qui fait que cette hospitalière maison, destinée à faire mieux connaître l'Angleterre aux Français, arrive par une heureuse rencontre à permettre à ces Français eux-mêmes de se mieux comprendre, de mieux apprécier leurs spécialités respectives. De plus, pour faciliter leur travail, ils bénéficient des précieuses indications du directeur de la maison, M. Cru, ancien professeur français à l'Université de Harvard qui, aidé de sa femme, s'acquitte avec une grande courtoisie de som rôle de chef de cette petite famille intellectuelle que forment les pensionnaires de la maison. Il met à leur disposition les références nécessaires, grâce à l'autorité qu'il s'est acquise parmi les notabilités de ce pays, grâce aussi au prestige dont jouit ici la jeune et déjà florissante maison de l'Institut. Ce prestige est accru par la présence de membres des diverses Académies, qui, pour un temps plus ou moins long, viennent s'asseoir à la table de leurs pensionnaires. Sur le livre des visiteurs, je relève au hasard les noms de MM. Widor, Raphaël-Georges Lévy, Appell, Lacroix, Bergson, Chevrillon. Nos chefs de gouvernement, M. Leygues et M. Briand, dans leurs séjours à Londres, ont tenu à honneur de visiter cette belle demeure des lettres, des sciences et des arts.

La Littérature

Des vers

MAURICE WOLFF.

Si Joachim Gasquet avait été touché par le symbolisme, cela ne se voyait pas. Il était comme si toute la poésie

symboliste n'avait pas existé. Il n'en aurait pas convenu,

car il se croyait tout moderne et il se jugeait «< aussi

neille et de Ronsard »; il faisait mille reproches au

Tout dès l'entrée vous parle d'intimité, et dès le vestibule de grands fauteuils vous tendent les bras; montez quelques marches, vous accédez à la bibliothèquecôté des lectures et des méditations personnelles, ces salon, où les sièges les plus confortables préparent, à commodités de la conversation si goûtées de nos pré- loin de Hugo et de Lamartine qu'eux l'étaient de Corleux, au mobilier d'une sobre et élégante simplicité brusquement mettre l'individu en face de l'infini »; Deux étages, des chambres claires, aux tapis moel-romantisme: il disait que les romantiques « voulurent préparent aux heureux pensionnaires de la maison le qu'ils « brisèrent toutes les gradations »; que « le fond séjour agréable et reposant que le donateur a tenu à assurer à l'élitei ntellectuelle de notre pays. Et c'est pourquoi il avait voulu dès le principe faire cette belle pèce ». Mais rien de plus romantique de ton, justedonation à l'Institut, dont il est membre, et qui se charge ment, par l'allure et la démarche, par le flou de la pensée, que le manifeste où il dit cela. En poésie, son libéral et le plus éclectique. L'Institut a établi à cet C'était assurer à la maison le recrutement le plus romantisme était pur. Il était eloquent, plein de moueffet une commission de 15 membres, 3 par Académie, qui, avec M. Ribot comme président et M. Lyon-Caen ration, de l'ampleur, de la puissance. Mais nous n'aimons

comme secrétaire, classe et discute les candidatures,
déjà nombreuses, et qui le seront davantage lorsque

de leur œuvre est socialement morne », qu'elle est (selon un mot célèbre) « la sédition de l'individu contre l'es

vement et de mouvements; il était même, dans ses moins bons vers, déclamatoire. Gasquet avait de l'inspi

plus que le poète monte à la tribune pour se lamenter oratoirement (nous ne l'aimons plus en ce moment). Nous

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sommes un peu las de ce lyrisme discursif, de ce ton d'exaltation dramatique et aussi de ces effets en gerbes et en bouquets. Nous préférons une poésie plus profonde, soit plus intellectuelle ou au contraire plus intuitive» (et Dieu sait à quels excès nous nous laissons emporter de ce côté!); mais ce lyrisme tumultueux nous semble un peu creux et ne nous enchante plus. Certes, Gasquet était sincère! Mais son tempérament l'emportait un peu dans la rhétorique, quelquefois, et nous sommes las de ce genre d'artifice. C'est-à-dire que nous en préférons d'autres. Nous souhaitons que le poète semble écouter et traduire sans art apparent son rythme intérieur; ou bien, au contraire, nous souhaitons qu'il sculpte, voire cisèle une matière plus précieuse, plus dure, plus rare et difficile, où les images et, si je puis dire, le rythme même soient moins extérieurs et non point plaqués, mais tissés avec le fond même du propos. Non vraiment cet art romain de Joachim Gasquet ne correspond plus à notre désir.

On dit tout cela, sévèrement, parce que Joachim Gasquet le mérite par son grand talent, n'étant point d'ailleurs de ceux qui ont besoin de complaisance. Son Bücher secret le prouve (1). Et avec lui nous n'avons pas perdu un poète seulement, mais un animateur. Il n'était pas «< chef d'école », car il n'innovait rien: imiter ses vers romantiques, c'eût été imiter ses maîtres. Mais une chaleur d'enthousiasme rayonnait de lui. Un soir, M. Charles Maurras le vit arriver et s'entendit exhorter à rassembler ses poèmes. Déjà, le recueil était fait. Il vient de paraître en une mince plaquette, et c'est un bel ouvrage.

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Nous avons bien affaire, dans les Inscriptions de M. Maurras (1), à l'auteur de ce Chemin de Paradis où Part est pur et savant et où un sens (dont tout le monde parle et que personne ne révèle ; mais c'est là le plaisir, qu'on ne soit jamais sûr de l'avoir pénétré ; et puis s'agit-il de vérités mathématiques pour qu'on les puisse formuler sèchement ?) où un sens se cache sous le triple voile des nouvelles symboliques qui composent le livre. Voyez, dans les Inscriptions, la Clé du Songe, où « Euphorion, fils de Faust et d'Hélène, explique et chante»; là aussi, il est malaisé d'arriver au secret que les vers, qui sont les plus clairs et les plus transparents du monde, dérobent comme feraient un million de vitres du plus pur cristal. Mais quel art! Il est impossible de mieux accorder les mots que dans ces vers de neuf pieds, dans ces « doux vers neuvains >> :

L'ormeau viril monte en droite ligne
Mais toi, liant, déliant les tours
Et les retours de ta molle vigne,
Dis-nous un chant de rêve et d'amour.

Dis les bons vins qu'on verse à la ronde
Et la pastèque et les abricots :
J'aurai souci de la fin du monde

Après la mort de la nymphe Echo ! Heureux qui, réunissant ses vers (non pas tous, sans doute, car il en est d'autres que M. Maurras nous doit) compose une plaquette mince, mais presque parfaite!

DESTINÉE

Tu naquis le jour de la lune
Et sous le signe des combats,
Le soleil n'en finissait pas
De se lever sur ta lagune.

Le vent d'ouest au seuil béant
De ta maison sur le rivage
Vint moduler son cri sauvage
Et les appels de l'Océan.

(1) Librairie de France ed.

Mais tu n'as pas quitté ton ile Ni fait bataille sur la mer Jamais la gloire du vrai fer

N'a brillé dans ta main débile.

Tu ne peux être matelot
Que d'imaginaires espaces

Où, comme ailleurs, le jour fugace
Est lent à poindre sous le flot;

Et tu sens dans la flamme torse
De tous tes vaux les plus distincts
Lutter le Soir et le Matin

Et le rêve étreindre la force:

J'ai cité les cinq strophes. Ce sont celles que nos neveux liront sur la stèle qu'il faudra bien que les Lettres françaises élèvent un jour à Charles Maurras — quand la rumeur politicarde, autour de lui, se sera tue.

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Non, il ne ressemble pas à La Fontaine, et épar gnons-nous le parallèle obligé. Il lui ressemble plus qu'un Arnault, assurément. Car ce qui est le moins dans le goût et l'esprit de La Fontaine, c'est précisément ce qu'il a fait, cet innocent académicien, qui est de l'imiter. servilement et du plus près possible. Si La Fontaine, vivant au XIXe siècle, avait voulu écrire des Fables, il ne les aurait certainement pas faites à la façon de La Fontaine au XVIII. Et M. Franc-Nohain est sans doute plus proche de son esprit, en nous donnant des Fables bien différentes des siennes, qu'Arnault en essayant de copier ses façons. Mais il ne lui ressemble pas. Son livre n'en est pas moins charmant.

:

Au temps où, sous-préfet (je crois) en province, M. Franc-Nohain publiait ses premiers vers « amorphes », il était d'usage de le ranger parmi les « auteurs gais ». Et il est certain qu'il n'était pas un auteur attristant. Mais c'est par où, justement, il différait de ces auteurs gais. Car leurs livres dégageaient beaucoup d'ennui. Je dis leurs livres en effet, lorsqu'on lisait quelque histoire d'Alphonse Allais dans un journal, cela semblait souvent très drôle; mais lorsqu'on retrouvait la même histoire dans un volume à 3 fr. 50, invariablement on la jugeait sinistre. Pourquoi? Pour la même raison qui fait que les causeurs à anecdotes sont les plus rasants des hommes: c'est qu'ils abusent toujours. Une anecdote qui vient heureusement, enchante; mais foin de ces causeurs qui ne pensent qu'à l'histoire qu'ils vont conter après celle qu'ils content. De même une blague d'Alphonse Allais, de temps en temps, (pas trop souvent) c'est amusant; cinquante blagues d'Alphonse Allais à la file, c'est de quoi endormir un atelier de modistes. A quoi l'on voit que le style a sa petite utilité même pratique. Les « auteurs gais », et Alphonse Allais le premier, en manquaient de la façon la plus cruelle, et voilà où M. Franc-Nohain ne leur ressemblait pas. Ses vers étaient charmants, et comme doivent l'être des vers: pour l'oreille.

ן:

Son comique même lui est bien personnel, car consiste dans la simplicité imprévue, dans une fausse naïveté réjouissante. Et quelle fantaisie! La concision n'est pas sa vertu dominante; il fait mille tours et mille détours et s'arrête à tout bout de champ pour glaner un trait amusant. Mais de sa lenteur, qui ne fait pas longueur, il tire de nouveaux effets d'humour à la Sterne.

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(1) Renaissance du Livre ed.

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Et tout cela est conté, écrit d'une façon irrésistible. Si
l'on se rappelle comment M. Grosclaude avait su nar-
rer jadis, tout en clichés, ses Gaietés de l'année qui
faisaient la joie de Lemaître, je pense qu'on goûtera
comme il faut ce début de la fable intitulée le Cais-
sier, son ongle et la demoiselle à marier:

Certain caissier, de ces caissiers qui sont
La fortune d'une maison,

Et qui, pour un humble salaire,

Pour une infime mensualité

Consacrent une vie entière

De dévouement, de probité,

A reviser la comptabilité

Et à dresser des inventaires,

Certain caissier, modèle des caissiers,
Etait par son patron si fort apprécié.
Que celui-ci se mit en tête

De lui trouver chaussure au pié......

On sent bien ici tout ce que le rythme amusant et la rime ajoutent à la drôlerie de ces lieux communs. C'est que M. Franc-Nohain a l'oreille la plus juste. Ses plaisanteries sont des plaisanteries de poète, car il est poète, vraiment. Ecoutez ceci :

Un sourire, à ces mots, passe et glisse sur l'onde

A-t-on jamais plus délicieusement fait voir la brise sur l'eau ? Ou bien, lorsque le pélican, reprochant à La Fontaine de ne pas l'avoir cité, lui dit :

Vous parles dis-sept fois du lion

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mais d'hasard

En voyiez-vous beaucoup en allant à Danmard ? n'est-ce pas la rime autant que l'idée qui fait la cocasserie du trait ? Sûrement M. Franc--Nohain s'amuse sal flui-même beaucoup en écrivant ses Fables. Ma foi, autant citer encore. Voici la Figure des Pensées :

crire des

-Nohain

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J'aime à voir un enfant jouer parmi les fleurs ;
Il semble que le Créateur

Ici rassemble

Qui se ressemble :

Même fraîcheur, même candeur

Et mêmes couleurs
Eclatantes...

Certain petit garçon, au jardin de sa tante,
Dans ce joli jardin où,

Comme chantent

Les nounous

Il y a un pommier doux,

Un pommier, et vingt, et trente,
Vingt pommiers, ce n'est pas tout:

Planter des choux ?

Car c'est ici qu'on les plante...
Au jardin de sa tante un jeune garçonnet...

On lira la suite, car la fable est longue et on lira
toutes les autres : rien de plus charmant que l'esprit et
la grâce de M. Franc-Nohain.
JACQUES BOULENGER.

La Curiosité.

passion collectionnante
nombre d'écrivains ont cherché, d'âge en âge, à com-
Depuis que La Bruyère en a tracé les premiers traits,
en a tracé les premiers traits,
pléter la physiologie du curieux Balzac. Champfleury,
Paul Lacroix, Janin, Nodier, Rochefort, sans parler des

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paramédicale de M. Henri Codet est la première à avoir
abordé le sujet et à en avoir déterminé les grandes
divisions.
je ne saurais mieux emprunter
ma comparaison qu'à l'amour des livres, terrain choisi
peut-être trop exclusivement, par M. Codet recher-
chent un petit livre rare à rencontrer en bon état et que
l'on connaît sous le titre de « Confession coupée ». Les
pages sont entaillées, en regard de chaque péché, d'un
trait de ciseaux, de telle sorte que le pénitent, en faisant
son examen de conscience, n'a qu'une languette de pa-
pier à replier pour n'oublier aucun de ses manquements.
L'Essai sur le collectionnisme pénètre également dans
les replis les plus secrets de l'âme du pécheur, et à me-
sure qu'on avance dans sa lecture et qu'on voit s'accen-
tuer la gravité des symptômes, on est tenté de se frap-
per la poitrine, en se disant : « Grand Dieu ! se peut-il
que j'en sois déjà là ! »

Les débuts du collectionnisme, en effet, comme de toutes les passions, s'annoncent sous les plus riantes couleurs. Les éléments qui contribuent à le constituer n'ont rien que d'estimable. Il se réalise, objectivement, par la recherche de la série, du nombre, de la rareté. L'analyse y découvre le désir de possession, source de joie sans cesse renouvelée, l'activité désintéressée, qui a sa fin en soi, indépendamment de tout but pratique, l'entraînement à se surpasser, qui crée une appétition illimitée, enfin la tendance à classer en ordre, qui a fait dire que collectionner, c'est avant tout faire des étiquettes. Tous ces facteurs contribuent à déterminer le goût de la collection, mais toujours en fonction avec la personnalité du sujet. « Chacun collectionne comme il est », écrit très justement M. Codet. On nous a déjà dit quelque chose de semblable à propos de la rôtisserie ou de la poésie, je ne sais plus trop bien.

Rien d'étonnant non plus à ce que le développement du collectionnisme et son extension passionnelle tiennent à l'hérédité, à la suggestion du milieu, au désouvrement, qu'il naisse de préférence chez des sujets du sexe masculin et dans les classes où existe un certain degré de culture intellectuelle, cette activité de luxe, restant rare, sinon exceptionnelle chez les travailleurs de villes et chez les paysans.

Ainsi présenté, le collectionnisme peut être considéré comme une passion sans danger, non dépourvue de traits communs avec l'amour; petits soins pour l'objet aimé, lyrisme et exaltation, propension aux mystères, réactions physiques causées par les déconvenues ou les tromperies, rivalité, jalousie, désir de la possession à tout prix, esprit de sacrifice sous la forme de fatigue, de temps perdu, de privations pécuniaires.

Mais quand le phénomène tourne à l'obsession, quand l'envahissement passionnel arrive à isoler l'individu du milieu où il vit, les symptômes s'aggravent étrangement et peuvent s'accompagner d'une diminution du sens moral. L'habitude de la lutte, de la ruse justifient aux yeux du collectionneur certains actes antisociaux à l'égard d'un rival ou d'un marchand. Les notions élémentaires de probité peuvent disparaître sur ce point spécial, alors qu'elles continuent à diriger normalement le reste de l'activité.

Quand Philippe de Ferrari, dont on vient de vendre à des prix fous la collection de timbres-poste à l'Hôtel Drouot, commençait tout enfant à réunir les vignettes de choix dans les comptoirs philathélistes, il s'emparait à la dérobée des timbres convoités. Mme Maury lui

collectionneurs eux-mêmes, comme Bonaffé ou Eudel, tapait sur les doigts avec sa règle en lui disant :

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ont consacré des pages ou des livres à la passion collec-
tionnante. Mais les scientifiques ne lui ont fait jusqu'à bre rare !
présent qu'une part accidentelle dans l'étude des névro-
ses, des dégénérescences, des idées fixes et même des

Et cependant ce collectionneur en herbe, à la main trop prompte, devait hériter de sa mère, la duchesse de

mladies mentales. Je crois bien que la curieuse thèse Galliera, malgré les legs aux hôpitaux et aux œuvres

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de bienfaisance, malgré la construction de l'exquis palais Galliera, de la bagatelle de 25 millions.

Quand le collectionnisme débute avec cette intensité, l'envahissement passionnel ne peut tendre qu'au développement. Bien rares, en effet, sont les cas de guérison, pas plus que pour le jeu, avec lequel son activité désintéressée n'est pas sans rapports. Quiconque a collectionné, collectionnera. Je pourrais citer, entre cent, le cas d'un amateur, blanchi sous le harnais, qui ne compte à Paris que des amis et des admirateurs et qui, ayant vendu en bloc sa collection de bonbonnières à un milliardaire américain, alla toucher à la Banque de France le chèque qu'il venait de recevoir et garda la voiture qui l'avait conduit pour aller immédiatement chez un antiquaire acheter un lot d'objets de même catégorie et refaire une nouvelle série.

Mais rassurons-nous.

Si la passion collectionnante tend à se finir de plus en plus avec l'âge, elle n'a pas, au rebours de bien d'autres, de conséquences fâcheuses pour l'énergie vitale. La longévité est fréquente chez les amateurs endurcis. Ils vivent vieux et meurent avec leur passion.

On peut se demander, cependant, si la déformation plus ou moins prononcée provoquée par le collectionnisme est une tare et si elle dénote un dérangement psychique. C'est une opinion banale qui se traduit dans le langage populaire par un répertoire de synonymes, tels que marotte, dada, manie. Mais il semble bien que dans la plupart des cas les faits contredisent ce jugement dénigrant du servum pecus. Si l'on relève chez certains dégénérés, à la faveur d'un déséquilibre psychique constitutionnel des tendances à la collectionnomanie, et même chez divers types d'aliénés des faits de pseudo-collectionnisme, il s'agit de phénomènes de toute autre nature. L'accumulation d'objets disparates, sans choix justifiable, sans jugement, sans intention, sans aucun sentiment affectif, n'est pas du collectionnisme. Certes pas plus que les autres les disciples du Cousin Pons ne sont à l'abri d'une catastrophe mentale. Chaque individu garde ses tendances affectives, ses aptitudes intellectuelles et ses tares physiques secrètes s'il en a. Le tout est de savoir et la thèse si fouillée et si pénétrante de M. Codet n'a pas je le crois, envisagé cet à-côté du sujet, - si la passion collectionnante peut avoir une influence bonne ou mauvaise sur une prédisposition aux troubles nerveux ou aux maladies mentales. Et pour commencer la documentation, je vais citer un cas très caractérisé dont on peut parler sans mystère, car il se passe au XVIIIe siècle et je l'emprunte aux Mémoires de Mme d'Epinay, d'où l'a tiré Louis Réau pour sa charmante causerie sur le tombeau de Mme La Live de Jully par Falconet.

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La Live de Jully ne passait pas pour très intelligent, tout en ayant acheté la charge d'introducteur des ambassadeurs. Mais c'était un collectionneur émérite qui avait réuni dans son hôtel de la rue Saint-Honoré un fort beau cabinet de peinture et de sculpture. Il perdit, en 1752, sa femme qu'il adorait, bien qu'elle ne lui ait pas ménagé les infidélités, et s'empressa de commander à Falconet un tombeau, ou plutôt un monument commémoratif destiné à perpétuer ses regrets de veuf dans sa propre maison.

Or voilà où la passion de l'amateur l'emporte sur la douleur maritale. Un jour Mme d'Epinay voit entrer chez elle Duclos et Rousseau avec deux autres amis, riant comme des fous. Elle leur demanda la cause de leur gaîté.

«Oh! ce n'est rien, dit Duclos; nous étions tous les << quatre à nous promener et ce diable de Rousseau, qui «pense toujours mal de son prochain, s'avise de nous << dire, à propos de je ne sais plus quoi, que le mausolée « de votre belle-sœur, qui est une chose magnifique, par

<< parenthèse, est une consolation d'autant mieux inven«<tée que M. de Jully aura cent fois plus de plaisir à « le détailler qu'il n'en a eu à pleurer sa femme... Enfin, « dit-il, allons chez lui; je gage que l'éloge de la « défunte une fois fait, vous aurez la preuve de ce que « j'avance. Sur cela, Madame, je parie et nous partons. « Votre beau-frère n'a encore chez lui que le modèle en « petit. Le premier moment fut vraiment si pathétique « que je crus avoir gagné; mais peu à peu, on quitte le «< rôle de pleureur et puis on nous fait remarquer telle «<beauté, tel contour, et ceci et cela; et enfin voilà un « homme mille fois plus artiste que veuf. Je me suis << retourné vers Rousseau je lui ai, ma foi, dit tout «< haut : « Allons-nous-en, mon ami, vous avez gagné. » « Voilà, Madame, le sujet de nos rires. >>

Douze ans plus tard, Diderot écrivait à Falconet : « Votre M. de La Live est devenu fou furieux. L'en auriez-vous jamais cru menacé? »

Le fait est qu'une crise de neurasthénie aiguë l'obligea de se démettre de sa sinécure d'introducteur des ambassadeurs. Il se retira au château des Ternes, alors en pleine campagne, mais cette cure d'air et de solitude n'enraya pas les progrès de la maladie. La seconde Mme de La Live car le collectionneur s'était remarié voyant son mari incurable, fit vendre en 1770 le beau cabinet de peinture et de sculpture.

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Armée & Marine

HENRI CLOUZOT.

Aviation militaire et civile

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L'avenir d'une nation sera désormais «< dans l'air >> peu de personnes en doutent aujourd'hui et nous sommes quelque peu surpris d'entendre qu'on cherche à nous démontrer 1° Que l'aviation allemande n'est être réduite à un noyau ; 3° Que seule l'aviation complus guère à craindre; 2° Que l'aviation militaire peut merciale est à encourager.

L'aviation militaire allemande n'est plus à craindre. Voilà qui est nouveau. Rappelons-nous les appels passionnés du doyen des aviateurs, M. Ader, suppliant le gouvernement de songer aux dangers aériens, ayons dans l'esprit les paroles du président de la commission de l'armée à la Chambre, esquissant le rôle immense que pourra avoir l'aviation dans une autre guerre et les espoirs que l'Allemagne place dans l'aviation qu'elle projette et étudie. L'aviateur Fonck, dans un récent article, donne ses impressions d'un voyage en Allemagne et indique la grande puissance de fabrication de l'industrie allemande susceptible, selon lui, de construire mensuellement en série trois à quatre mille avions d'un type déterminé.

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M. de Kerillis, dans un article de l'Echo de Paris du 11 avril, explique que, « privée d'aviation militaire, l'Allemagne conserverait soigneusement une

aviation

«militarisable », que voyant sa marine supprimée, son armée réduite, elle mettait son espoir dans son avia

tion.

Comment a-t-on pu supposer que l'aviation allemande n'était plus à craindre ? C'est que l'Allemagne a obtempéré à l'ultimatum des Alliés qui sour et son aviation civile à certaines exigences techniques cela suffit-il à la rendre inoffensive au point

; mais

de vue

ngeante éronau

militaire ? Non et voici pourquoi. D'abord formuler des exigences techniques en une matière aussi cha par ses progrès incessants, que la technique tique est fort malaisé et on se heurtera à d'incessantes difficultés d'application. C'est ce que pense a presque unanimité des aviateurs.. C'est leur opin ion que

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