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décolle de l'autre. L'impression de l'ensemble est d'une
extrême richesse. La profusion des ornements, l'abon-
dance des décorations, la variété des rythmes syncopés,
la superposition des motifs, tout cela fait sur la vue une
impression de luxuriance; tout cela est riche, touffu et
vivant. Très probablement l'ouvrage sonne bien.
Quant à dire que les thèmes et les phrases soient tous
d'une extrême originalité, ce serait sans doute trop dire.
Que tout ce développement finisse par devenir importun,
c'est possible. Enfin le système n'est pas aussi net que
je l'ai dit. On voit avec étonnement l'auteur s'inter-
rompre pour faire chanter un lied par Mariette, et le
faire reprendre par Paul. Cette Mariette est danseuse,
ce qui est une façon plastique de représenter l'amour
de la vie, et quelqu'un de sa troupe chante pour elle une
sorte de chanson à trois temps, qui ne dépasse pas beau-
coup la qualité sentimentale des opérettes viennoises. On
trouverait par endroit des piqûres de vérisme italien.
Et tout cela fait un ouvrage qui nous est une première
indication sur le mouvement musical en Allemagne.

Les Arts

HENRY BIDOU.

Michel-Ange de Caravage

I

M. Gabriel Rouchès a publié récemment, dans la collection « Art et Esthétique », que dirige M. Pierre Marcel, une monographie consacrée à Michel-Ange de Caravage (1). Il faut féliciter M. Pierre Marcel de ne pas réserver sa sollicitude, comme on le fait trop souvent dans ces sortes de collections, aux seuls grands noms de la peinture. Tous les cinq ou dix ans, on voit paraître des études ou des essais sur Rembrandt, sur Rubens, sur Léonard. De pareils volumes font forcément double emploi. Ils encombrent les bibliothèques et procurent une impression de satiété. Les historiens d'art qui abandonneraient les « premiers rôles » pour s'intéresser à des oubliés, à des méconnus, à des délaissés, auraient tort de croire qu'ils risquent de moins inté

resser.

sur un moins grand peintre, sur un petit peintre, ils l'ouvriront avec beaucoup d'impatience, avec beaucoup d'appétit.

Ne nous donnera-t-on pas un jour, comme M. Rouchès le fait pour le Caravage, une étude sur Bronzino par exemple, sur Jules Romain, sur Dosso-Dossi, sur Piero della Francesca, sur Signorelli ? Nous citons ces noms presque au hasard. Nous aurions aussi bien pu nommer, quittant l'Italie, Honthorst ou Von Scorel aux Pays-Bas, Sustermans ou Van der Helst dans les Flandres, Nicolas Manuel en Suisse, Sanchez Coello en Espagne, Peter Lely ou Bonington en Angleterre, Altdorfer ou Cranach en Allemagne. Quant à la France, la besogne est considérable. On nous promet depuis longtemps le Simon Vouet, de M. Louis Demonts; le Philippe de Champagne, de M. Lucien Henraux ; mais qui nous donnera un Nicolas Froment, un Lagneau, un Sébastien Bourdon, un Largillière, un Lemoyne, un Ollivier, un Guérin, un Heim, un Mottez, un Deroy, un Trutat, un Couture, et même, pourquoi pas, un Winterhalter, un Paul Baudry, ou un Cabanel?

Evidemment, il s'agit ici de livres souvent longs et difficiles à faire. Les matériaux ne sont pas là, à piedd'œuvre; mais, parmi les meilleurs historiens d'art de ce temps, ni M. Maurice Hamel, ni M. Elie Faure, ni M. Paul Alfassa, ni M. Focillon, ni M. Robert Rey, ni M. Louis Gillet, ni M. Pératé, ni M. Jamet, ni M. Pierre Marcel lui-même ne sont hommes à se laisser rebuter par des difficultés matérielles ; et nous serions bien surpris si le succès le plus franc, le plus vif, ne répondait pas à une pareille entreprise.

X.

En attendant la réalisation de ces voeux, revenons au peintre et à l'écrivain qui nous offre l'occasion de les formuler; revenons à Michel-Ange de Caravage et à M. Gabriel Rouches.

Par prudence, nous rappellerons d'abord que Caravage est un peintre italien de l'extrême fin du seizième siècle. Son nom véritable est non point Michel-Ange Amerighi, mais Michel-Ange Merisi. Il naquit à Caravage, en Lombardie, vers 1565, et mourut en 1609, à PortàErcole, où nous le retrouverons tout à l'heure.

romain. On le considère, disent les manuels, comme le créateur du naturalisme moderne, comme le maître d'une sorte d'école « vériste » dont les représentants

prétendaient réagir contre le « maniérisme de leurs aînés. Réaction qui, à l'époque, fut rude et retentissante, mais qui, aujourd'hui, nous paraît assez timide : le réalisme du Caravage et des élèves nous semble souvent conventionnel, et, Dieu merci, non dénué d'un certain goût de grandeur et de pathétique qui ajoute pour nous, dans ces œuvres, le style à la vérité.

Le public est las de lire pour la dixième fois l'his- Mais, malgré son lieu de naissance, c'est un peintre toire de la vie de Michel-Ange, l'histoire des œuvres de Velasquez. Il faut être un grand savant ou un grand poète pour renouveler de pareils sujets. Nous savons bien qu'il y a toujours pour les érudits le vicieux plaisir de retirer à un artiste les œuvres que l'on avait jusquelà considéré comme étant de lui pour les attribuer un autre ; mais de pareils passe-temps n'excitent guère que celui qui s'y livre et, dans l'avenir, l'érudit à naître qui s'occupera de contredire et de réfuter son aîné. Au contraire, un écrivain qui nous parle d'un peintre ou d'un sculpteur que nous ne connaissons que par ses xuvres, disséminées et rencontrées par nous au hasard voyages, aura de grandes chances de nous retenir volumes sera maigre. Nous n'en croyons rien. Ces colen nous instruisant. L'on dira que la vente de pareils lections de

des

ce que l'on est convenu d'appeler « le grand public »; elles sont surtout destinées quelques amateurs, à quel ques professionnels et aux bibliothèques d'art du mon de entier. Ces amateurs, ces professionnels, les clients

La vie de Caravage est à la fois accidentée et monotone; les accidents y sont nombreux, mais sans aucune variété. Le beau nom sonore de ce peintre pourrait être le nom d'un chef de bande, presque d'un ruffian. Lorsqu'il ne peignait pas, Caravage se battait. Batailles brutales et grossières : il cherchait moins les duels que

les rixes; l'on dirait aujourd'hui qu'il aimait de « faire le coup de poing ". M. Rouchès, qui, comme il convient, éprouve un certain faible pour son peintre, est un peu attristé parce que des contemporains de Caravage, dans

de ces bibliothèques savent tous d'avance, à peu près, leurs écrits, le représentent comme une bête furieuse,

ce que contient un livre sur Rembrandt ; ils ne seront pas du tout allléchés à l'idée de s'attabler devant ce plat réchauffé, devant ces restes. Au contraire, un livre

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comme une brute. Mais, à lire le récit que M. Rouchès nous fait ensuite de cette vie, on trouve assez vite que ces contemporains exagèrent à peine; et M. Rouchès lui-même doit contater par exemple que « de 1603 à 1606, pas une année ne se passe sans que le Caravage soit impliqué dans une ou plusieurs affaires crimi nelles >>.

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Caravage avait comme ami un architecte également Lombard, nommé Onorio Longhi, lequel n'était pas moins querelleur que le peintre. Il y avait à Rome, une certaine rue de la Scrofa, où les deux compagnons se livrèrent à maints exploits. Une fois, Onorio Longhi ayant insulté une femme, s'y colleta avec un certain Marcus Tullius. Une autre fois, Caravage y injurie et y bâtonne un passant, puis « pour l'empêcher de crier au secours »>, il lui porte un coup d'épée. Peu après, il blesse un ancien sergent du Château Saint-Ange; on l'arrête ainsi que Longhi, qui était de la partie; mais on les relâche, car Michel-Ange de Caravage a des admirateurs qui sont aussi ses protecteurs. Toutefois, il s'agit de se venger d'un confrère qui a été témoin à charge dans la récente affaire : c'est à coups de briques que Longhi se venge.

<< Plus Caravage avance en âge, écrit M. Rouchès, plus les défauts de son caractère s'accentuent, moins il est maître de ses impressions. Il s'attaque à des gens de tout ordre. En avril 1604, une scène navrante se déroule à l'Auberge du Maure, où il dîne avec deux amis. Irrité de la réponse que lui a faite un serviteur, le Caravage saisit un plat et le jette à la figure du valet, qu'il blesse à la joue. Cette brutalité ne l'apaise pas il prend l'épée d'un des convives et court pourfendre le malheureux. » Ce n'est pas tout. Une nuit d'octobre, près de la Trinité des Monts, on arrête le peintre et son camarade: ils ont jeté des pierres et injurié les passants. « L'année suivante, Caravage est dans la prison de Tor di Nona pour avoir persécuté une certaine Laura et sa fille Isabelle. » Rendu à la

:

liberté, il va, en septembre, briser à coups de pierres la jalousie d'une fenêtre chez une dame Prudenzia Bruna. La même année, un clerc de notaire, dont l'excellent nom est Mariano-Pasqualone de Accumulo, est attaqué par derrière en traversant la place Navone; il reçoit à la nuque un coup d'épée qui le fait tomber. Accumulo n'a pas vu son agresseur, «< mais il déclare au notaio dé malefizi (exactement: notaire des maléfices) que celui-ci ne peut être que Michel-Ange Merisi. ». En effet, quelques jours auparavant, ils se sont disputés sur le Corso « au sujet d'une femme appelée Lena, qui se tient place Navone et qui est femme de Michel-Ange. » M. Rouchès se demande s'il ne faut pas voir dans le Caravage « un protecteur d'un genre spécial », et constate que « ses amours ne semblent pas avoir été d'un ordre bien relevé. >>

Cette histoire du clerc de notaire et de la femme de la place Navone, Caravage la juge mauvaise. Il s'enfuit. Mais l'un de ses protecteurs, le cardinal Borghese, devient pape. Tout s'arrange. Le peintre rentre à Rome.

Cependant, en 1606, le Caravage joue, un jour de mai, à la paume avec l'un de ses amis, le jeune Ranuccio Tommasoni. « Une dispute éclate entre eux; les parte-. naires se frappent à coups de raquettes, puis dégaînent. Ranuccio tombe et Caravage le tue. Blessé lui-même, on l'arrête. Son état empêche qu'on le mette en prison, mais, sous peine de 500 écus d'amende, défense lui fut faite de quitter la maison où il se trouvait. » Il va sans dire que Caravage déguerpit. Quelques mois plus tard, il travaillait à Naples.

En ce temps-là, le chef de l'école de peinture napolitaine, «<le terrible Belisario Correnzio », aidé de ses élèves « faisait fuir tous les artistes dont il redoutait la concurrence >>. On raconte que ces aimables gens n'hésitèrent point à empoisonner le Dominiquin. Mais le Caravage avait une réputation solide. Longhi n'est plus avec lui; mais un certain Leonello Spada l'accompagne, lequel lui a voué une admiration fanatique au point de l'imiter dans sa manière de peindre et dans ses allures ». Ces allures protègent Caravage et Spada. Ils travaillent en paix, à Naples, pendant qu'on négocie, à Rome, la grâce du Caravage. Mais cette grâce

n'arrive pas, et, tenté par l'aventure, Caravage et son second partent pour l'île de Malte.

L'Ordre de Saint-Jean accueillit fort bien le célèbre peintre. Le Grand Maître, Alof de Wignacourt, fit faire plusieurs portraits de lui par Caravage. L'un d'eux est au Louvre : c'est une très belle toile. Pour la cathédrale, Caravage exécute une Décollation de Saint-Jean qui semble bien être son chef-d'oeuvre et un chef-d'œuvre. A peine ce travail terminé, le peintre cède la place au bretteur, et celui-ci a la mauvaise idée de s'en prendre « à un chevalier de justice, très noble, très entiché de sa noblesse ». Nous ne connaissons pas le détail de la querelle; mais nous savons qu'Alof de Wignacourt, malgré les beaux portraits de Caravage, « donna raison au chevalier de justice et fit jeter Caravage en prison »>. Pendant ce temps-là, le fidèle et entreprenant Spada enle vait une esclave maure, « délices d'un chevalier », et s'enfuyait avec elle. Le Caravage ne tarda pas à fuir également; il escalade une nuit les murs de la prison et gagne en barque la Sicile.

En Sicile, on raconte que, ayant les chevaliers de Malte à ses trousses, il est obligé de se cacher, de changer de nom. Mais M. Rouchès remarque que Caravage a beaucoup travaillé à Syracuse, à Messine, et que, logi quement, s'il a pu y travailler en paix, c'est que que l'Ordre de Saint-Jean ne l'y a pas persécuté. De plus il est considéré à Messine comme un très grand peintre. Peut-être, là, aurait-il pu vivre tranquille. Mais son démon le poursuit. D'après ses contemporains, une querelle nouvelle (on croit qu'il a gravement blessé un maître d'école) le

contraint une fois encore à se sauver. Il s'arrête

à

Palerme; puis retourne à Naples, y attendant, pour rentrer à Rome, sa grâce, qu'il sait prochaine. Mais, à Naples, « à la porte d'une auberge, il se trouva en ve loppé dans une bagarre; ses agresseurs le maltraitèrent et le blessèrent au visage au point de le défigurer Dégoûté, il affrèta une felouque, voulant gagner Rorne;

mais cette felouque aborde au nord, sur le littoral de la Maremme toscane. Caravage débarque : « des sentinelles espagnoles l'appréhendent; elles avaient mission d'arrê ter une autre personne et elles se trompèrent »>. On le met en prison. On le relâche bientôt, l'erreur ayant été reconnue. Mais la felouque a disparu, emportant tout ce que Caravage possédait. Le voici au bord de la mer, marchant le long de la côte. « On était à ce moment-là, écrit M. Rouchès, sous le signe du Lion, au plus fort du mois d'août. Le soleil accablait le malheureux. De plus, en été, dès la tombée de la nuit, le mauvais air règne sur ce rivage marécageux. Les fièvres saisirent MichelAnge Merisi. Arrivé à Port-Ercole, il dut s'aliter, et quelques jours après, il expira : « il mourut mal comme il avait mal vécu ». Telle est la conclusion sans pitié de Baglione.

Ce Baglione, que M. Rouchès trouve impitoyable, est le confrère qui, jadis, fut malmené à coups de briques par l'irascible Longhi. Mais d'autres furent beaucoup plus gentils pour Caravage que le rancuneux Baglione. A la nouvelle de la mort du peintre, nouvelle qui consterna Rome (car il ne faut pas oublier que Caravage eut de son vivant une réputation immense et magnifique), le cavalier Marin écrivit des vers, dont voici la traduction :

« Michel-Ange, la Mort et la Nature se sont conjurées « contre toi. La Nature craignait d'être vaincue par toi « dans les images que tu peignais, mais que tu créais; << la Mort brûlait de courroux parce que, autant sa faulx « détruisait de gens, autant avec usure ton pinceau en << refaisait...

Dans un prochain article, nous verrons que le travail des pinceaux du Caravage ne fut pas moins robuste, ne fut pas moins ardent que le travail de son épée, que le travail de ses poings.

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Voilà donc maintenant le problème posé devant nous sous une forme très précise:

Premièrement La plupart des phénomènes d'ordre mystérieux (2) sont reconnus par tout le monde comme étant le produit ou de facultés psychiques du sujet, ou de communications mento-mentales de vivant à vivant Secondement Pour un petit nombre de phénomènes, il y a désaccord : les uns, les non-spirites, les considèrent comme pouvant être également des manifestations des forces psychiques des vivants; les autres, les spirites, y voient des manifestations évidentes des forces psychiques des désincarnés.

A l'appui de leur thèse, les spirites apportent-ils des preuves? Evidemment oui des apparitions de morts nettement identifiés. Et le débat se trouve donc, en réalité, circonscrit autour de quelques faits, dont les deux partis discutent précisément la valeur comme preuves.

A-Sur le terrain de l'observation: M. Gabriel Delanne nous dit, par exemple: Donnez donc une explication autre que la nôtre du fait que voici : Mme d'Espérance, médium célèbre, faisait des expériences à Gothenbourg (Suède) avec les professeurs Aksakof et Boutlerof. Au cours d'une de ces expériences, elle se trouva tout à coup en présence d'un esprit qui déclara être celui d'un nommé Sven Stromberg, paysan suédois émigré au Canada et mort à New-Stockholm en y laissant une femme et deux enfants. Elle décrivit, bien entendu, le personnage, et transcrivit toutes ses paroles. Personne absolument, parmi les assistants, n'avait aucune espèce de connaissance de ces faits. M. Fideler, M. Fideler, chez qui avaient lieu les expériences, fit faire une enquête au Canada et tous les détails furent reconnus exacts.

:

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Or, entendons la réponse : Un tel fait, aux yeux des non-spirites, ne prouve absolument rien. Ils y voient une communication mentale quelconque, de subconscient à subconscient, en s'appuyant sur le raisonnement scientifique que voici : il est exact que, dans le cas que vous citez, nous ne comprenons rien. Mais puisque, dans beaucoup de cas absolument identiques, nous avons découvert, de façon certaine, la trame d'une communica

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B.

Sur le terrain expérimental? Mêmes divergences d'interprétation. Il y eut, en 1906, à Paris, des séances très intéressantes de matérialisation données par le médium américain Miller. Or, deux expérimentateurs particulièrement compétents étudièrent ce médium: MM. Gabriel Delanne et Gaston Méry. Qu'en résulta-t-il? Le premier conclut (Revue scientifique et morale du spiritisme) que les apparitions sont bien celles de désincarnés; le second, au contraire, déclare (Echo du Merveilleux) qu'« il faut se résigner à ne pas comprendre >> (1). Mais, me dit encore M. Delanne, si vous étiez venu chez moi il y a quelques jours, vous y auriez trouvé Conan Doyle, et il vous aurait montré des photographies qu'il vient de faire lui-même d'après l'apparition

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de son fils mort.

- Avec l'aide d'un médium?

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A quoi donc les non-spirites répondront encore : Lisez le docteur Geley; et vous verrez quelle valeur vous devez attribuer à cette matérialisation. Pour nous, la découverte du mécanisme des matérialisations vient tout justement démolir les derniers retranchements du spiritisme aux abois.

Au surplus, pour mon propre compte, j'ajouterai ceci c'est que la question de l'authenticité même de cette photographie n'est nullement résolue. Ou plutôt que, pour moi, elle est résolue dans le sens négatif.

J'ai écrit à ce sujet à Conan Doyle qui, fort aimablement, m'a envoyé la fameuse épreuve. Eh bien, ce n'est pas ici le lieu d'ouvrir un débat que j'ouvrirai ailleurs mais cette photographie, selon moi (et selon tous les photographes à qui je l'ai montrée) est vraisemblablement le résultat d'un truquage. Il y a, sur le visage du fantôme, un quadrillage, une trame, que nous appelons couramment, en termes de métier, un «< grain de simili» et qui est absolument inexplicable s'il s'agit d'un esprit réincarné. Il ne saurait être question, inutile de le dire, de suspecter un instant, la bonne foi de sir Arthur Conan Doyle : il aurait été trompé comme tant d'autres! voilà tout. Je le lui ai dit, d'ailleurs, le plus nettement du monde; et il a bien voulu me répondre ceci (2):

Cher monsieur Heuzé,

Retournez la photographie, s'il vous plaît je crois que vous avez raison, parce que le public est très ignorant de ces choses.

La fraude est hors de question, car j'ai moi-même pris et

tion de vivant à vivant, nous devons en conclure qu'ici développé la photographie, sur une plaque apportée par moi.

encore il n'y a que communication de vivant à vivant. Quant à l'apparition elle-même, sans en nier la réalité objective, qui peut quelquefois être prouvée par la photographie, ils y voient purement et simplement une extériorisation matérielle du médium. Et il faut bien reconnaître qu'ici les expériences du docteur Geley (3) après celles de Crawford, de Mme Bisson, de Schrenck

(1) Voir l'Opinion des 6, 13 et 20 août 1921.

(2) Pour répondre à l'observation d'un lecteur, je rappelle que les « phénomènes » (spirites ou métapsychiques, suivant les interprétations) peuvent se résumer ainsi : phénomènes spontanés: coups frappés ou raps, déplacement d'objets, apports, dématérialisation (passage de la matière à travers la matière), apparitions (subjectives et objectives), souffles, vue à distance, clairvoyance et clairaudience, lecture de pensée, prémonitions, prédictions concernant des personnes inconnues. Phénomènes provoqués: d'objets, matérialisation (avec empreintes et photographies), dématérialisation (douteux), écriture, lucidité, vue à distance, prédictions, suggestion, incarnation en un sujet endormi d'un

personnage qui le possède.

(3) Voir l'Opinion du 20 août.

lévitation et déplacement

J'avais bien prêté attention à ces marques, qui sont souvent visibles sur les photographies psychiques. En effet, ce ne sont pas des photographies, mais des « skotographies », prises, en réalité, par impression directe, et non par l'intermédiaire de la lumière. Les marques sont dues probablement à l'écran psychique, qui est une partie du procédé utilisé, sur l'autre côté. Il y a toute une littérature sur ce sujet ; mais il serait possible qu'elle soit mal comprise et il n'y aurait rien à gagner.

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Ah! vous allez nous raconter des histoires !...

Des « histoires », il y en a, en effet, une quantité innombrable lorsqu'il s'agit des esprits. Mais il n'est pas indispensable que je les raconte ici, car il existe un livre qui vient de paraître - ou, plutôt, qui est en train de paraître - et dont on peut dire qu'il les contient toutes : j'ai nommé La mort et son mystère, de Camille Flammarion.

Oui, des histoires, en voilà, par centaines! et on peut même ajouter, je pense, que, jusqu'à présent, dans l'ouvrage en question, il n'y a que cela. Au surplus, elles sont fort bien choisies, car M. Camille Flammarion est un grand artiste; et, quant à des conclusions, l'auteur lui-même n'en a tiré encore aucune.

Le nom de Camille Flammarion est un de ceux qui, comme d'autres que j'ai cités, ont été accaparés une fois pour toutes par les adeptes les plus fougueux du spiritisme: l'illustre astronome a reçu et reçoit des milliers de lettres et de témoignages: il est, pour les spirites du monde entier, un de leurs plus vénérés pontifes. J'avoue que, personnellement, cette manière de voir m'a toujours fort surpris, étant donné que, dans son dernier Ouvrage relatif à ces questions (Les Forces naturelles inconnues, 1906) M. Flammarion avait écrit des phrases comme celles-ci :

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« Dans l'état actuel de nos connaissances, il nous est impossible de nous rendre compte de la manière dont notre esprit, conscient ou inconscient, peut soulever un meuble, frapper des coups, former une main ou une tête, imprimer une empreinte (1). Mais tous ces actes restent dans le domaine humain et même, ne le dissimulons pas, dans un domaine assez vulgaire (p. 561). Ames des morts? C'est très loin d'être démontré dans les innombrables observations que j'ai multipliées depuis plus de quarante ans, tout m'a prouvé le contraire aucune identification satisfaisante n'a pu être faite... L'être évoqué s'évanouit lorsqu'on insiste pour le pousser à bout (p. 583). - J'ai en vain cherché jusqu'ici une preuve certaine d'identité dans les communications mediummiques (p. 588). J'ai sur un rayon, devant moi, plusieurs milliers de communications dictées par les « esprits >> : l'analyse ne laisse au fond du creuset qu'une obscure incertitude sur les causes forces psychiques inconnues, entités fugaces, figures évanouissantes : rien de solide à saisir, même pour la pensée... (p. 589). Les phénomènes... sont des manifestations du dynamisme universel, avec lequel nos cinq sens ne nous mettent en relation que très imparfaitement (p. 599), etc., etc. »

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(1) Pas plus que nous ne pouvons comprendre comment l'électricité réalise les bizarres phénomènes que M. Flammarion rapporte lui-même dans son livres Les caprices de la foudre objets déplacés sans que personne y touche, clefs enlevées d'une porte et cachées dans un sabot, sonnettes agitées, pendules arrêtées, balancier décroché, glace descellée et posée délicatement à terre, chapeau lancé à dix pas sans qu'il y ait le moindre souffle de vent, femme deshabillée, les vêtements accrochés à un arbre, des pierres pesant des centaines de kilos précipitées au loin, bougies, becs de gaz, lampes électriques allumés ou éteints, clous arrachés à un canapé de satin et portés sous une tuile du toit, dans le bureau de gare de Figanières (Var) tous les encriers vidés de leur encre sans qu'il y ait nulle part la moindre tache d'encre, etc., etc. « Les esprits ne font pas mieux », a écrit, depuis, M. Flammarion (Autour de la mort, p. 311).

Qu'après de telles conclusions M. Camille Flammarion continuât à être cité comme un ardent défenseur du spiritisme, voilà qui me dépassait.

Les tomes I et II de La mort et son mystère ne nous apportant encore aujourd'hui qu'une série d'«< histoires »>, toujours les mêmes d'ailleurs, la plupart puériles, d'origine ancienne et incontrôlées, j'ai voulu en avoir le cœur net et je me dirigeai, un beau jour de printemps, vers l'avenue de l'Observatoire.

souvent

Je fus reçu d'abord, de la manière la plus aimable, dans le salon célèbre que le maître a décrit bien par Mme Camille Flammarion. Et celle-ci, dès mes premières paroles, me répondit assez vivement: Vous auriez tout à fait raison, monsieur, si vous vouliez essayer de mettre au point la question des « phénomènes » et, particulièrement, si vous tentiez d'endiguer ce flot de soi-disant manifestations spirites qui envahit tant de demeures, où l'on ferait bien mieux de s'occuper d'autre chose! Mon mari n'est nullement spirite; et, pour le moment, précisément, nous nous occupons, au contraire, d'expériences de la nature de celles de notre ami le docteur Geley. Le médium Eva, accompagné de Mme Bisson, vient ici un soir de chaque semaine et nous avons eu déjà des manifestations extrêmement intéressantes. De l'extrémité des doigts d'Eva, ses mains étant placées comme ceci, devant elle, coule une sorte de pâte blanchâtre, qu'elle manipule permettez-moi cette expression comme la pâte de guimauve des baraques foraines. Une odeur bizarre et très désagréable s'en dégage. Le phénomène se produit à la lumière; et il n'y a ici, je vous l'affirme, aucune possibilité de fraude. Nous n'avons pas obtenu jusqu'à présent, pas plus que notre ami Geley d'ailleurs, je crois, de << fantômes» aussi bien, mon mari vous dira qu'il n'a jamais vu de matérialisation complète, organisée... Mais justement le voici.

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Le vieux maître apparaît en effet, toujours alerte et toujours gai. Je ne ferai pas ici, au surplus, un portrait, qui serait bien inutile, de cette physionomie si populaire. Et je n'ai qu'à transcrire ses paroles. Ecoutons-le.

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Un seul point m'apparaît éclairci: c'est que, dans la grande majorité des cas, il y a suggestion, consciente ou non, d'esprit à esprit. Dans certains cas, très rares, il semble que cette explication puisse paraître insuffisante; et alors quelle autre lui substituer? Je l'ignore de plus en plus. Est-ce le médium qui agit lui-même ? Est-ce une cause différente de lui? Après soixante ans d'études, je n'en sais rien, rien, rien.

J'écrivais en 1899: « L'action d'un esprit sur un autre, à distance, surtout en des circonstances aussi graves que la mort, la transmission de pensée, la suggestion mentale ne sont pas plus extraordinaires que l'action de l'aimant sur le fer, que l'attraction de la lune sur la mer, que la transport de la voix humaine par l'électricité. » Que dirai-je de moins dans ce sens, aujourd'hui que nous connaissons la téléphonie fil ?

sans

de

J'ai, ici, dans ces casiers, une accumulation de documents de toutes sortes. Si vous saviez ce qu'il y niaiseries là-dedans ! Comme me le disait jadis mon ami Alexandre Dumas: « Oui, oui, la terre, le ciel, les astres, le firmament, l'infini ! on se sent écrasé !... Mais

il y a un infini plus stupéfiant encore, c'est celui de la bêtise humaine (1) » Alors, moi, je voudrais qu'on recommençât tout par le commencement. Je recommence tout. Actuellement, nous recevons, chaque semaine, recevons, chaque semaine, comme vous l'a dit Mme Flammarion, le médium Eva: et j'ai vu ici même, tenez, dans ce coin, sur cette chaise, ces extériorisations de matière que le docteur Geley vous a si exactement décrites. Qu'est-ce que cela ? Quelle est cette nouvelle substance inconnue ? Nous n'en savons rien. Mais nous la constatons, nous la photographions, nous l'enregistrons : tout est là. D'autres, sans doute, dans un laps de temps plus ou moins éloigné, trouveront ce que nous n'avons pas trouvé !

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Maître, vous n'ignorez pas, bien entendu, que les spirites j'entends les amateurs, les humbles fidèles, les interrogateurs de tables s'abritent toujours, à s'abritent toujours, à grand bruit, derrière votre haute autorité pour affirmer l'existence des esprits...

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Ils ont bien, tort! et s'ils ont vu des esprits je vous garantis qu'ils sont plus avancés que moi ! Ah, oui, ils en ont de la chance! Moi, je n'en ai jamais vu ; et j'aurais bien voulu, pourtant !...

Tout en parlant, nous avons passé dans le cabinet de travail; et M. Camille Flammarion me montre, dans une encoignure, les rideaux tendus qui forment comme un petit cabinet c'est là que sont venus s'asseoir tous les médiums, célèbres. Que de souvenirs! et je pense aussi combien de fraudes et de supercheries! (2) combien de « phénomènes » qui n'ont rien prouvé ! ...Le maître a-t-il deviné ma pensée ? Je ne sais, mais il m'a semblé qu'il avait un sourire un peu désabusé...

:

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Ah! maître, ai-je dit, c'est là, au tome III que l'on vous attend !

On ne trouvera rien. Je ne sais rien. Je n'ai qu'une certitude: c'est que, vivants, nous avons une âme ; c'est qu'il y a, à côté de notre corps, un élément psychique, doué de facultés spéciales dont la plupart nous restent inconnues; capable, par exemple, d'agir en dehors de notre organisme, nous ignorons comment. Le temps, l'espace ne comptent pas pour lui, ou, si vous voulez, il n'y a pas de commune mesure entre la matière, l'espace et le temps, dont, d'ailleurs, nous ne pouvons avoir aucune idée précise. Nos cellules cérébrales baignent dans l'inconnu; nous sommes reliés à tout ce qui existe, je veux dire à toutes les forces naturelles, par un inextricable réseau d'ondes et de vibrations, et la pensée elle-même est un agent agissant à travers l'espace. Hors de cela, aucune preuve !

-Il est certain, maître, que vous vous êtes appliqué, dans les deux premiers livres de votre ouvrage, à dé montrer justement l'existence de cette âme différente

du corps. Mais pourrais-je, à ce sujet, vous poser quel

ques questions ?

Je vous écoute.

animaux ?

D'abord, quelle conception avez-vous quant aux - Mais la même. C'est évident (3).Il y a d'ailleurs des

(1) M. Camille Flammarion a écrit lui-même tout dernièrement: «En général les hommes sont stupides... Sur les seize cents millions d'être humains qui peuplent notre planète... ceux qui étudient et s'initient personnellement à la science, leur nombre peut être évalué à cinquante mille pour le globe tout entier, dont six mille en France. » (Avant la mort, p. 28.) ·

(2) "Je puis dire que, depuis quarante ans, presque tous les mediums célèbres sont passés par mon salon de l'avenue de l'Observatoire, et que je les ai à peu près tous surpris trichant.» (Camille Flammarion: Les forces naturelles incon

Tues, tome I, p. 90.)

(3) Alors, quand nous écrasons une mouche, son âme s'en va

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faits psychiques chez les animaux, tout à fait semblables à ceux que l'on a enregistrés chez les hommes. Ils sont plus rares, bien entendu. Tenez, en voici un. Un de mes jeunes collègues habitant la Suisse avait un chien qu'il aimait beaucoup et qui lui était tout particulièrement attaché. Il avait l'habitude de l'avoir auprès de lui en travaillant dans son bureau. Un soir que, rentrant de voyage et préoccupé, il était entré justement seul dans ce bureau je veux dire sans le chien il voit tout à coup la porte s'ouvrir sans bruit et l'animal apparaître, avec un air tout triste. Il l'appelle ; le chien le regarde anxieusement... puis s'évanouit. Mon ami, surpris, passe dans son appartement et s'informe : le chien, lui dit-on, n'a pas été revu depuis la veille. Inquiet, il téléphone à la fourrière de la ville; il fait la description exacte de son chien: on lui apprend alors que son vieux compagnon vient d'être abattu. Voilà un fait de télépathie caractéristique entre un homme et un animal. J'en connais quelques autres.

intéressante

Je vous remercie, maître, de cette anecdote. Et j'arrive à ma seconde question. Il y a un problème qui paraît aux spirites — j'entends ceux qui raisonnent et qui cherchent - bien plus difficile à résoudre c'est celui des vêtements. Admettons, disentils, que l'esprit d'un mort puisse reconstituer son corps, soit. Mais ses chaussures ? ses habits? son linge ?... -Vous avez parfaitement raison. Tenez, lisez cette inscription, ici, sur ce dossier : « Question des vêtements »; c'est justement celle qui me préoccupe pour le tome troisième. Il faudra bien que je la traite, et je ne sais trop sous quelle forme, car je ne lui connais pas de réponse sensée. Le corps d'un désincarné devrait être nu. Dans la nature, il n'y a pas de pudeur : c'est là un sentiment de convention, tout artificiel. Un double fluidique de l'être humain avec un chapeau, des gants, une ombrelle, et répandant un parfum à la mode, est grotesque et incompréhensible. Quand il y a hallucination, parbleu, cela va tout seul. Ou encore, si un vivant matérialise sa pensée. Mais dans le cas où il y aurait reconstitution réelle, photographiable, du corps d'un désincarné, c'est inexplicable... Je vous le répète, je ne sais rien, rien, rien !... Tenez, parlons d'autre chose (1).

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Je rappelle qu'Alfred Fouillée dotait d'un rudiment de conscience, d'un atome de conscience, chacune de nos molécules, plus généralement toutes molécules; qu'Alfred Binet a cru pouvoir attribuer aux infusoires la faculté de sentir et celle de raisonner, etc.

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(1) Cette question des vêtements est fort complexe. En voici un aperçu pris au hasard, car je voudrais que mes lecteurs se rendent compte du caractère des discussions qui occupent les spirites.

Dans un livre d'Olivier Lodge, qui fit quelque bruit, son fils mort, Raymond (c'est le titre de l'ouvrage), racontant le genre de vie qu'il mène dans l'au delà, déclare que les esprits y ont le même aspect physique que sur la terre. Les êtres et les choses lui apparaissent comme des solides. Il habite dans une maison en briques, construite sur un vrai terrain, avec des arbres et des fleurs à l'entour. Il n'a plus le « désir »> 'de manger, mais il affirme qu'il y a des désincarnés qui ont gardé ce genre de besoins... Par contre, il ne ressent le froid et le chaud que lorsqu'il reprend, grâce à un medium, une enveloppe charnelle.

Pour expliquer cet aspect matériel de la vie d'outre-tombe, ces maisons, ces vêtements, Raymond « révèle » que les esprits utilisent des « émanations » de notre monde, 'des « essences », des « gaz », des « éthers », des « atomes ». <<< Ils les condensent, les solidifient et leur donnent l'apparence des choses terrestres. »>

Inutile de dire qu'il y eut, là-dessus, force railleries. Le fait est ... Bref, un militant spirite, M. P.-E. Cornillier, vient de publier une brochure, intitulée Les conditions de la vie post mortem, d'après Olivier Lodge, dans laquelle il explique qu'il a obtenu, lui, par l'intermédiaire de son medium, des enseignements complémentaires. Un des esprits, interrogé,

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