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NOTES ET FIGURES

M. de Valera.

Le 16 août dernier. Dublin. L'historique salle ronde de la Maison Comune où, jadis, retentit la grande voix de Parnell. Sur les bancs, plusieurs centaines d'hommes, hier encore pour la plupart proscrits et traqués, aujourd'hui reconnus officiellement comme les députés d'une nation. Dans les galeries, une vaste foule, attentive et recueillie... C'est la Dail Eireann, le Parlement révolutionnaire de la « République d'Irlande » qui, pour la première fois, tient, publiquement et au grand jour, ses assises.

Quelqu'un se lève, long, maigre, le visage glabre, jeune encore et pourtant creusé de rides et comme ravagé par une infinie tristesse, les yeux noirs et brûlants derrière le lorgnon, l'air d'un moine ascétique et illuminé. Il parle. Quelle religion va-t-il exalter? Quelle croisade prêcher? Quelle hérésie exécrer? On le sait bientôt la religion, c'est celle de la sainte Erin. La croisade, c'est la lutte sacrée contre l'oppresseur anglais. L'hérésie, c'est la proposition faite quelques jours auparavant à l'Irlande, au nom de l'Empire britannique, par M. Lloyd George. Proposition tentante cependant statut des Dominions, l'autonomie complète sous la réserve d'une allégeance théorique à la Couronne, sous la réserve aussi des droits de l'Ulster. Mais on ne transige pas avec l'Esprit du mal. Vade retro, Satanas! L'indépendance de l'Irlande sera absolue, ou elle ne sera pas.

le

Le lendemain, l'homme reprend la parole. Il se fait plus âpre, plus tranchant encore. Les anathèmes se pressent sur ses lèvres : « Nous ne pouvons pas, et nous ne voulons pas accepter les offres de l'Angleterre... La seule chose qui importe, c'est le terme de cette domination à laquelle le peuple irlandais a voué une haine qui est ancrée à la moelle même de ses os ! »>

L'orateur se rassied au milieu de clameurs d'enthousiasme. L'Irlande s'est reconnue dans le verbe de son « Président », Eamon de Valera.

Etonnante et romanesque carrière que la sienne il naît à New-York, il y a trente-huit ans, d'un père espagnol et d'une mère irlandaise - deux sangs brûlants. Tout jeune, il passe en Irlande; il y fait ses études, s'y passionne pour les antiquités, l'histoire et la langue gaëliques, y devient professeur de mathématiques. En même temps, il s'agrège au Sinn-Fein, alors association mi-académique, mi-politique et y conquiert très vite une place de premier plan.

Survient la grande guerre. Elle précipite la destinée de l'ardent professeur qui la considère simplement comme offrant à sa patrie une chance opportune de libération. Il n'est pas germanophile, mais, avant tout, il est anglophobe. Et, en 1916, on le trouve, à la tête d'un détachement de rebelles, combattant, les armes à la main, contre les troupes royales. Il est pris, condamné à mort, voit sa peine commuée en celle de la détention perpétuelle, est enfin grâcié. Aux élections générales de 1918, le comité de Saint-Clarc le nomme membre du Parlement. Avec soixante-douze de ses collègues, il refuse d'aller siéger à la Chambre « étrangère » de Westminster et de prêter le serment de fidélité au Roi 'd'Angleterre. Deux mois après, l'assemblée du SinnFein, à Dublin, l'élit Président de la République irlandaise.

La vie d'outlaw recommence pour lui: arrêté, emprisonné, il parvient, en 1919, à s'enfuir aux Etats-Unis, caché dans la cale d'un paquebot; il tente d'ameuter l'opinion américaine contre la Grande-Bretagne, puis revient en Irlande dans des circonstances mystérieuses. Il y demeure, proscrit et introuvable, jusqu'au jour récent où le gouvernement britannique s'adresse à lui officiellement et où l'ancien condamné à mort vient à Lon

dres discuter d'égal à égal avec le Premier ministre de l'Empire.

Voici Valera au Capitole. Tel autrefois Parnell, il est l'idole du peuple irlandais. Et sa jeune gloire obscurcit celles des vieux leaders nationalistes comme Horace Plunkett et même des fondateurs du SinnFein comme Arthur Griffith. Cette éclatante fortune ne connaîtra-t-elle point de retours? Il serait prématuré de l'affirmer. Erin est changeante, indocile et souvent ingrate envers ses héros d'un jour. Plusieurs l'ont durement éprouvé... Et le jeune Président sait déjà de quelle circonspection il lui faut user lorsqu'il veut, sans risquer d'exciter la colère de ses fidèles, glisser, parini ses non possumus véhéments, quelques phrases qui éventuellement - permettraient de continuer la conversation engagée avec Londres.

Peut-être cependant Eamon de Valera gardera-t-il longtemps encore son ascendant sur l'âme tumultueuse d'Erin. Car celle-ci habite bien en lui. Il en a l'enthousiasme et la passion, et aussi la mélancolie et la ténacité. Comme elle, il est inquiet, tourmenté, mystique, obstiné, irritant attachant.

Monsieur le bandit,

JACQUES CARLES.

Lettre à un bandit.

Je tiens de bonne source » que vous seriez sur le point de cemmettre « un attentat »>.

Avant qu'il soit trop tard, laissez-moi vous souligner les inconvénients qu'il peut y avoir, à la date où nous sommes, à tenter après un peu trop d'autres d'entrer par cette voie dans la publicité.

Je sais bien que sociologiquement vous êtes parfaite ment à la page. La convulsion de la grande guerre a déchaîné dans l'homme les forces ancestrales que notr fragile civilisation avait vainement tenté de canaliser. ( n'est pas quelques chiffons de papier laborieusement rédigés par nos négociateurs patentés qui peuvent du jour au lendemain rétablir le culte des vieilles disciplines. II paraît que le bolchevisme pourrait constituer un étendard « adéquat » à ceux d'entre nous qui aspiraient à détruire ce que le carnage universel n'avait pas détruit. Maintenant qu'une série de douches a singuliè rement réduits les espoirs des fervents de l'idéal rouge, il faut bien recommencer à se servir soi-même et, renonçant à réformer l'ensemble de la société, à tirer du jeu son épingle individuelle. Votre distingué confrère, M. Charrier, a eu un mot charmant s'ils eussent identifié M. le député Morucci, jamais ses défunts collabo rateurs n'eussent dépouillé de son pécule un collègue qui d'une manière plus belle opérait dans là même partie...

Je ne méconnais nullement, Monsieur le bandit, avant la faillite de plus en plus avérée du banditisme collectif qu'est la révolution promise par la III Internationale, la valeur des raisons de principe qui vous invitent à esquisser un geste...

Mais, Monsieur, croyez-en un bourgeois qui n'est pas plus anarchiste qu'un autre, il n'est principe si rigoureux, impératif si catégorique, qui, à l'application, ne souffre des exceptions et des tempéraments... Je vous assure, Monsieur, que vous préparez à faire fausse route.

Vous

J'ignore tout à fait, je vous le jure, quelle est la variété dans laquelle vous vous proposez de travailler. S'agit-il de dévaliser un train? Avez-vous un oncle ou un autre parent que vous projetez d'enfermer dans une malle? Est-ce un garçon de recette, une épicière, ou une bijouterie qui attire vos inspirations? De quelque côté que vous tourne votre vocation, laissez-moi vous faire observer combien vous aurez de peine à forcer lassé par l'abondance l'indifférence d'un public un peu

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et la variété des performances qui, depuis quelques tricots s'élancent impétueusement le long de leurs tuteurs. mois, furent offertes à sa curiosité.

Avant la guerre, on entrait dans la grande vedette en tordant le cou à une demi-mondaine ou en logeant quelques balles dans la tête de sa maîtresse. Aujourd'hui, ça vaut à peine quelques lignes en deuxième page. Et vous auriez le cou coupé sans que ça fasse

même sourciller.

Par contre, vos chances d'avoir le cou coupé, ou même de voir vos exploits arrêtés définitivement sans l'intervention d'aucune procédure légale ont augmenté dans des proportions que je me fais scrupules de vous céler. Le temps bienheureux n'est plus où le policier avait pour consigne formelle de servir de cible inoffensive à votre revolver. Il est nettement autorisé à riposter. Dans une foule de circonstances, on lui permet même de prendre vis-à-vis de vous l'initiative de la conversation... Votre vie, Monsieur, je vous le dis franchement, nous devient très peu sacrée : ne serait-ce pas le moment de réfléchir sérieusement aux inconvénients que peut avoir pour vous un mépris excessif de la nôtre ? Encore une fois, Monsieur, je me ferais scrupule de prétendre exercer sur votre initiative une contrainte aisément importune. Un discret avertissement est à quoi je me bornerai. Et tout ce que j'oserai dire en manière de conclusion est, me mettant à votre place, que si j'avais en ce moment une reprise sociale à exercer, je laisserais délibérément revolver et poignard de côté et me bornerais tout uniment, selon ce que me permettraient mes moyens, à quelque modeste abus de confiance ou même à une simple escroquerie... Nous sommes au bord du moment où tuer ne paye plus...

ANDRÉ LICHTENBERGER.

Autour de Cheverchemont.

Selon la volonté de la veuve d'Octave Mirbeau, la propriété de Cheverchemont est devenue un lieu de repos pour les hommes de lettres. Du jardin d'artiste et de connaisseur qui entoure la maison, fleuri de roses, de clématites, de glaïeuls, la vie s'étend sur les collines de Verneuil, de Villennes. Ce paysage se compose noblement. A droite, les bois de l'Hautie forment une croupe qui barre l'horizon; au loin la Seine, sillonnée de lentes péniches ou de sveltes bateaux aux voiles blanches, s'incurve avec nonchalance. Mais on découvre avec peine une fausse note dans ce tableau: une prétentieuse maison, avec terrasses à l'italienne et qui semble en nougat. L'auteur du Calvaire a dû bien souffrir quand ses regards se posaient sur cette bâtisse malencontreuse...

Je n'ai pas vu Dingo, le chien sauvage, terreur des poulaillers, mais, par les allées, se promène encore

Les

Infortunés Parisiens !

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Mais oublions ces redoutables champs d'épandage. Voici Poissy avec ses ponts délabrés, ses pêcheurs, ses restaurants sur le bord de l'eau. Qui ne souhaiterait goûter la fraîcheur sous les saules tordus, en cet établissement qui s'intitule assez facétieusement « Au p'tit Robinson » ?

Poissy s'enorgueillit d'un cinéma, d'une prison centrale et d'un détachement du 109° R. I. (sans oublier église est belle, mais sur la grand'place, il y a un mole fameux « noyau » qui joue le kirschwasser). Son nument effarant: celui de Meissonier par Frémiet. Ce sculpteur, qui s'était spécialisé dans les gorilles et les anthropopithèques, a réalisé ce chef-d'œuvre, de faire un Meissonier en sculpture. Les ondulations de la barbe grâce d'aucun détail. C'est bien attristant. de fleuve, toutes les côtes du gilet de velours, il ne fait

En

rêvassait devant sa guérite, non loin de la Maison cencette petite ville endormie, un soldat casqué trale. Je ne pus m'empêcher de lui dire en passant qu'il qua-t-il d'un air dolent, y a de la garde à prendre ici ! ne devait pas être trop malheureux. Oh! si, répliPauvre jeune homme...

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Ils sont d'ailleurs presque tous charmants ces pays d'Ile de France que baigne une Seine indolente, bordée de peupliers: Conflans-Sainte-Honorine, Meulan et sa flottille; Mantes, aimé des canotiers et des cyclistes ; Eragny, où le bon Pissaro peignait avec amour des potagers; Andrésy-Chanteloup, qui produisait naguère un petit vin de pays presque aussi célèbre que celui de Suresnes.

Pontoise, que chantèrent Villon et Paul Fort, somnolait sous un ciel de plomb, insoucieuse de ces gloires historiques. Il semble, en ces villes assoupies, que personne ne travaille. Si l'on quitte les rues montueuses et pittoresques, la place Saint-Maclou, on côtoie ces vieux remparts moussus qui font songer un peu à Laon, à Guérande. Dans l'antique jardin aux allées en « labyrinthe », quelques commères tricotent, quelques petits rentiers échangent des propos amères. Douceur de vivre... Qui de nous n'a rêvé d'échouer ainsi en une petite ville chargée de souvenirs, de vivre avec une sage lenteur, de cultiver son jardin en méditant quelque menu savant, loin des autobus et de la Foire aux Vanités ?

EDOUARD DEVERIN.

Livres nouveaux(1)

Mitou, le chat noir aimé de Mirbeau. Malgré ses dix La Littérature
neuf ans (c'est un vieillard), il flâne autour de la mai-
son, comme s'il espérait voir surgir son maître du bu-
reau clair en pan coupé qui domine la vallée.
Cézanne, les Pissaro, ne sont plus sur les murs. Quel-
ques photographics animent encore cette pièce, peinte
en un vert-jaune doux et reposant : Mirbeau lui-même ;
puis Claude Monet, rustique, vigoureux; Mallarmé, fri-
leux en son plaid écossais.

Malgré le soleil impitoyable qui desséchait les roses de la pergola, ainsi que les tendres légumes célébrés par Mme de Noailles, j'ai voulu explorer un peu les

alentours.

Si l'on quitte Triel, village paisible et sans caractère, pour gagner Poissy, par la grande route sillonnée d'autos, on découvre soudain d'immenses champs irrigués par des liquides noirs et malodorants. Ah! nous voici loin du Jardin de mon curé. Des choux monstrueux dressent vers le ciel leur tête frisée; de gigantesques ha

Dans un volume que j'ai reçu ces jours-ci, j'ai trouvé une feuille volante dont le texte me semble curieux.

Ce volume, c'est le nouveau roman de M. Abel Hermant, Phili. M. Hermant écrit une langue classique, on le sait, propre à faire le bonheur des connaisseurs, et dont le goût légèrement archaïque forme le plus savoureux contraste avec l'extrême « modernisme » des scènes qu'il raconte. Or, on a joint à mon exemplaire de Phili une feuille volante qui porte un erratum. On

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n'y voit pas signalées des fautes typographiques, des fautes d'orthographe, mais seulement quelques fautes de français et, après l'avoir lu, on devine tout un petit drame. Sans doute, son « bon à tirer » donné et même le volume broché et prêt à sortir, l'auteur se sera aperçu que quelqu'un s'était permis de modifier son texte. Apparemment ce correcteur avait-il les meilleures intentions du monde et croyait-il amender la prose de l'auteur. Mais voici ce qu'il a changé :

M. Hermant ayant écrit (p. 36): « Tant que la paix ne sera pas signée, il nous faudra, bon gré mal gré, contenter de la Suisse », ce brave homme corrigea : « se contenter >>.

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Ailleurs, le texte de l'auteur était (p. 37): « Sans y prendre garde, Philippe Egon instruisit Fritz Mosenthal qu'il comptait de partir le soir même. » Voici l'amendement du correcteur: « qu'il comptait partir ». P. 95, l'auteur: « Et environ six heures du matin »>. Le correcteur : « Et à environ >>.

du subjonctif des « verbes en ut » sont confondus constamment. Hélas !

Phili ou Par delà le bien et le mal, conte moral, est moral à tous les points de vue. Et tout d'abord parce que ce conte est écrit dans une langue pure et savante: l'incorrection du langage chez un auteur français, c'est le pire dévergondage. Puis parce que c'est, en effet, un conte de mœurs. Enfin parce qu'il finit vertueusement et qu'au douzième et dernier chapitre la morale s'y trouve satisfaite. Il faut, toutefois, reconnaître qu'elle ne l'est point auparavant, mais du tout. Ce n'est pas que les personnages du récit soient immoraux à proprement parler; au juste ils sont amoraux (c'est pis) et ne semblent pas avoir le moindre soupçon des règles auxquelles la plupart des hommes prétendent soumettre leur conduite. Aussi bien sont-ils Allemands; et c'est pour eux que Nietzsche a écrit Par delà le bien et le mal. Ils prennent cette formule au pied de la lettre et dans un sens vulgaire et plat qui n'est certainement pas celui que le philosophe entendait ; à vrai dire,

P. 107, l'auteur: « Il tira de sous l'oreiller »>. Le même, tout porte à croire qu'aucun d'eux n'a jamais

correcteur : « De dessous ».

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Le

P. 256, l'auteur : « Phili... ne parlait de rien de moins que de les faire passer devant une haute-cour. >> correcteur: « De rien moins que ».

Rien ne fait mieux sentir que ces variantes, il me semble, les beautés que le français a perdues. En effet, à part: « Il nous faudra se contenter », il est évident que le correcteur a tout simplement transposé dans la langue d'aujourd'hui les phrases de M. Abel Hermant. « De dessous », huit sur dix de nos auteurs écrivent cette horreur sans sourciller. De même et à environ pour et environ, qui fait un hiatus bien inutile (et pourquoi deux mots quand un seul suffit si bien)? Je sais que le contre sens de rien moins que pour rien de moins que (les deux locutions ont exactement les significations contraires) a été commis de tous temps et par de bons écrivains; mais il est courant à présent. Ah! certes, il faut qu'une langue évolue : sinon elle meurt. Mais le malheur c'est que le français n'évolue plus seulement, comme autrefois, sous l'influence de l'usage populaire; il change sous des influences « savantes », comme disent les philologues, sous celles de l'affreux jargon parlementaire qui est notre style « noble » répandu par les journaux. Si même les ignorants écrivaient comme ils parlent, encore n'y aurait-il que demimal. Mais ils écrivent ou ils veulent écrire ce qu'ils croient être un beau langage, et voilà le malheur. En dehors de quelques lettrés, personne ne sait plus la grammaire. Vous en doutez ? Eh bien, lisez cet avis destiné aux correcteurs d'imprimerie. Il paraît que beaucoup d'entre eux sont embarrassés de reconnaître un imparfait du subjonctif d'un parfait défini de l'indicatif et de savoir, par conséquent, quand il convient de placer un accent circonflexe. Aussi une imprimerie de ma connaissance a-t-elle affiché sur ses murs le placard suivant pour les y aider:

et administratif

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«Dans un verbe ayant la terminaison ut, il ne faut pas d'accent circonflexe sur l'u quand le vérbe n'est pas précédé de la conjonction (sic) que, qu' (exemples: il eut, il fut, il voulut, forme du passé défini, 3e personne du singulier); il en faut un quand cette conjonction (resic) existe (qu'il eût, qu'il fût, qu'il voulût, formes de l'imparfait du subjonctif, 3° personne du singulier).

«Et, comme formule mnémotechnique, ceci : Mettre un accent s'il y a un q. »

Cela est signé Louis Morin et tiré, paraît-il, du Courrier du Livre. Tout donne à penser que ce M. Louis Morin eut d'exécrables professeurs de français. Mais cela explique aussi pourquoi l'on reçoit depuis la guerre tant de livres où le parfait de l'indicatif et l'imparfait

ouvert un seul volume de Nietzsche; mais cela n'est pas une raison pour qu'ils ne subissent pas son influence. Car ce n'est pas sur ceux qui l'étudient qu'une philosophie exerce le plus d'action morale: c'est sur ceux qui ne la connaissent que par ouï-dire, et davantage sur ceux qui ne la connaissent point du tout. Si les grands philosophes créent l'esprit de leur temps ou si au contraire ils sont en quelque sorte créés par lui, et si les ouvrages de l'esprit influencent la société, ou réciproquement, c'est une question difficile (pour moi). Quoi qu'il en soit, il semble bien que les plus cartésiens de il y a lieu de supposer que beaucoup de nos bergsoniens nos classiques n'avaient pas tous médité Descartes, et ignorent tout à fait les Données immédiates de la cons cience; mais ils n'en subissent pas moins l'influence Bergson, laquelle se confond avec l'esprit de ce temps. J'entends bien que leur manière d'être bergsoniens étonnerait fort l'auteur de l'Essai sur le rire. De même le nietzschéisme des Allemands modernes ferait hausser les épaules à celui de Zarathoustra. Mais ses livres n'en sont pas moins responsables indirectement de la concongrument en choisissant ironiquement le titre qu'il duite des héros de Phili, et M. Abel Hermant a agi fort a pris.

Ses personnages ne sont pas seulement Allemands; ils sont pires: princes allemands. Ce n'est pas les premiers qu'il peint depuis la Carrière, il nous en a tracé toute une galerie fort divertissante. Assurément les tableaux qui la composent ne sont pas tous du même, style. Molière a écrit la Jalousie du Barbouillé qui est une farce, et le Misanthrope qui est une comédie très grave; entre ces deux extrêmes, ses autres œuvres s'échelonnent, tantôt plus bouffonnes, tantôt plus sérieuses. Je n'ai pas l'intention de comparer M. Abel Hermant à Molière : tous deux diffèrent comme le jour et la nuit; mais on peut dire que l'oeuvre de M. Hermant aussi va de la charge au portrait. Ses romans dialogués (comme la Carrière, comme les incomparables Transatlantiques) sont à ses romans psychologiques comme la Confession d'un enfant d'hier, comme la Discorde ou comme la belle étude que l'Opinion publie en ment le Crépuscule tragique) ce que le Médecin est à l'Avare. Ses autres récits se placent entre c extrémités. Ils sont innombrables et il faudra en traiter d'ensemble, commencer par les distri catégories; mais nous n'avons pas aujourd'hui vastes desseins. Nous nous contenterons de di Phili pourrait prendre place dans le groupe des légers, voisin de celui des romans dialogués. C' « farce ». Et elle est amusante.

On y verra comment le jeune grand-duc de berg, Philippe-Egon, ou plus familièrement Phil

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Or, Aguilanneuf n'est que son beau-père; son véritable père, c'est Malandre car sa mère,. divorcée, a épousé, après sa naissance, Aguilanneuf, dont Gilberte ne porte le nom que pour le monde. Et Malandre un grand peintre inconnu, qui devient tout à coup célèbre....

Mais j'aime mieux m'arrêter je m'aperçois que j'ai l'air de vous conter un roman-feuilleton. Et ce n'est pas ça du tout. Même le roman ne finit pas tout à fait bien lorsque Gilberte, réhabilitée, a épousé Jean Aubette, M. Duvernois, qui est un sage, se garde de nous montrer le couple triomphant et honoré ; il sait que ce n'est pas ainsi que les choses se passent, dans le monde.

de ses Etats par la révolution de 1918, prend avec plai-vrement. Puis son père, le nouveau-riche Aguilanneuf,
sir cette aventure. Il part pour l'exil avec son professeur, fait de mauvaises affaires...
Frédéric Mosenthal, qui a le même âge que lui: 18 ans;
avec la grande-duchesse Sophie-Charlotte, âgée de
15 printemps à peine ; avec la baronne de Krakus, gou-
verante et duègne de cette princesse, et enfin Mlle Mi-
gnon, sa maîtresse. Même, en apprenant qu'il emmène
cette jeune personne, le président du soviet Otto Müller,
qui n'est autre que le très jeune ami et compagnon de
fêtes de Philippe-Egon, demande et obtient aisément
de se joindre à la suite de son souverain. Et le cortège
arrive à Genève. En chemin, Phili s'aperçoit que sa
femme, à laquelle il n'avait jamais accordé la moindre
attention, est charmante, et elle découvre qu'il ne l'est
pas moins. Mais dans le moment qu'ils se préparent à
se prouver leur goût réciproque pour la première fois
depuis leurs épousailles (aussi bien, lorsqu'ils ont été
mariés, Sophie-Charlotte avait 11 ans 1/2), la baronne
de Krakus intervient et les sépare. Comment ils s'unis-
sent à la fin du livre, à Venise, après mille aventures
surprenantes et scabreuses, c'est ce qu'on lira. Et aussi
comment, muni d'une épouse charmante, le prince
ramène la vertu dans ses Etats où la guerre et l'absence
des maris avait introduit une singulière licence, et où
une nouvelle révolution le rappelle en qualité de prési-
dent à vie de la République, en lui conférant le titre
de grand-duc héréditaire.

Ainsi s'achève, vertueusement, cette spirituelle et joyeuse revue-opérette romanesque : car c'est ainsi qu'on pourrait l'intituler, il me semble. Il serait amusant de la comparer aux Aventures du roi Pausole, de M. Pierre Louys, ou au Roi Tobol, de M. André Beaunier (1). Ce sont là tous souverains d'opérette; mais le grand-duc n'a que de lointains rapports avec ces deux rois. C'est que Pausole est d'un poète et Tobol un prétexte à moraliser, tandis que Phili est une charge. M. Abel Hermant part toujours de la réalité et même de l'actualité il la stylise et, encore un coup, il la charge; mais ce qu'il peint curieusement, ce sont toujours les mœurs de notre temps.

Aussi n'a-t-il pas manqué de placer dans Phili une famille de nouveaux-riches. Le nouveau-riche est un des types principaux du roman contemporain comme le valet, le barbon, la soubrette et l'ingénue l'étaient de la comédie classique. M. Henri Duvernois n'a pas manqué, à son tour, de nous en tracer une silhouette dans le récit qu'il vient de publier. Si Ferdinand Aguilanneuf n'a pas de traits fort nouveaux, il est du moins très vivant. Sa psychologie est vraisemblable, et il n'est qu'à peine conventionnel. Le nouveau-riche n'a pas fini de nous amuser.

La scène se passe dans un club de golf et débute par une conversation délicieuse. M. Duvernois a dans ses dialogues une verve pleine de grâce, d'humour et de fantaisie, qui est proprement irrésistible. Si Jean Aubette n'était pas amoureux d'une jeune fille aussi charmante que Gilberte Aguilanneuf, ce serait inexplicable. Aussi l'est-il. Tout le monde la défendrait comme lui, lorsqu'elle est tacitement accusée d'avoir volé les 7.000 francs que cet imbécile de Lucien Pulvinaire avait laissés dans son veston de ville, tandis qu'il faisait son parcours. Pourquoi l'est-elle ? A cause d'une série de coïncidences fâcheuses. Un détective, appelé pour démêler l'affaire, découvre qu'elle se rend plusieurs fois par semaine chez un certain Malandre, qui vit médiocrement au quartier juif, derrière l'église Saint-Paul, et qu'elle s'y rend, non pas déguisée (ce serait trop dire), mais du moins habillée pau

(t) Récemment réédité (Flammarion).

Ah! que son pimpant roman est amusant! On n'a jamais vu un conteur plus doué. Et il lui est aussi impossible d'être vulgaire que de n'être pas attachant. Si ses héros ne sont pas toujours « frémissants d'humanité » (c'est un cliché, mais il est bien commode), s'ils sont parfois comme les fantoches de leurs modèles vivants, au moins ils ne disent ni ne font rien de fade : chacun de leurs gestes, chacune de leurs paroles est une trouvaille. M. Duvernois n'a jamais écrit une phrase qui manque d'accent et de vivacité. Chaque livre de lui est une galerie de bonshommes divertissants. Et il adore Balzac cela se sent çà et là, à une manière qu'ont ses héros de nous conter leur vie et leurs combinaisons, tout à coup, avec une franchise subite, presque cynique (voir le discours de Chenoupette, p. 231)... La Brebis galeuse n'est pas le chef-d'œuvre de M. Duvernois; mais c'est un roman bien aimable.

X

M. André Baillon ne ressemble en rien à M. Duver nois. M. André Baillon est plein de talent, et l'Histoire d'une Marie, qui est un livre de début, ou peu s'en faut, permet d'espérer beaucoup de lui. Mais le procédé de M. Baillon m'est insupportable. C'est, comme le dit fort bien M. André Thérive dans la Revue critique, une concision difficile, un style pointilliste qui fatigue beaucoup plus que la rhétorique creuse.

Cette Histoire d'une Marie est celle d'une prostituée candide. (« Tout est pur aux purs », comme on sait). Et voilà un type aussi classique dans notre littérature moderne que, dans un autre genre, celui du nouveauriche. M. André Baillon peint sa Marie d'une manière objective et sentimentale ensemble. Il est tout cœur. Ah! qu'il a de coeur ! Qu'il est mol! Qu'on imagine un Charles-Louis Philippe, mais plus minaudier, tout en petits traits touchants. A la fin ce constant appel à la sensibilité affectueuse, à la pitié, lasse autant que l'éloquence sentimentale et emphatique de Greuze: dans la forme, c'est le contraire; au fond, c'est la même chose. J'ai une sorte d'horreur pour cette féminité d'âme chez un homme. Un peu d'intellectualité, bien « inhumaine »>, comme cela semble désirable quand on vient d'achever 1'Histoire d'une Marie !... Mais il faut reconnaître le mérite ce qu'on n'aime pas, et M. André Baillon a du talent, assurément.

Batouala, de M. René Maran, est un des plus curieux livres qui soient, c'est, son sous-titre nous l'annonce, un « véritable roman nègre ». Non pas un roman noir, mais sur les noirs. Vous ne les connaissez pas. Je crois bien que c'est la première fois, en effet, qu'un romancier vous parle d'eux.

Il ne s'agit pas des nègres américains, mais de ceux de l'Afrique équatoriale. Et M. René Maran a vécu

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avec eux; il sait leur langage; il connaît leurs moeurs et leurs âmes. C'est la première fois, il me semble, que l'on nous montre des indigènes d'Afrique du dedans, pour ainsi dire, en nous disant ce qu'ils pensent et ce qu'ils sentent.

L'affabulation du livre est très simple. Batouala, chef de village est jaloux (à juste raison) de Bissibingui. Au cours d'une chasse, il essaie de le tuer; mais c'est lui qui périt, victime d'une panthère. C'est tout. Mais autour de cette anecdote, M. René Maran a su grouper toutes les scènes pittoresques de la vie des noirs. Et aussi il déroule pour nous leurs pensées rudimentaires. L'amour y tient une place considérable. Ah! non pas celui des bergers de l'Astrée ! Certains des épisodes auxquels M. Maran nous fait assister sont même d'une crudité rare. Mais on garde, en refermant le livre, l'impression d'avoir vécu quelques instants aux premiers âges du monde.

Il y a dans cet ouvrage une sorte de ferveur qui émeut malgré qu'on en ait. L'auteur nous fait dans sa préface un tableau troublant des souffrances que l'Européen impose à ces infortunées populations de l'Oubangui Chari. Sept ans ont suffi, assure-t-il, pour les ruiner de fond en comble et pour les décimer... Attendons qu'il nous montre en d'autres romans, que nous souhaitons, les méfaits de certains coloniaux.

La Musique

JACQUES BOULENGER.

Au sujet de la musique allemande

II

Nous avons vu (1) quel était le sujet de la Ville Morte, opéra de M. Korngold, publié en 1920, et joué avec un immense succès. C'est en somme la lutte entre la mort et la vie. Paul a aimé passionnément Marie, qui est morte. Il vit enfermé dans son souvenir. Tout à coup le destin met sur ses pas une image vivante de celle qu'il pleure; elle se nomme Mariette, et Paul aime en elle le souvenir de Marie. Elle l'entraîne dans le tumulte des rivalités et des caprices: elle est la vie, incertaine et passionnée. Et cette vie hait la mort: Mariette déteste le souvenir de Marie, et comme elle l'insulte, Paul, exaspéré, finit par l'étrangler. Du moins il le croit, et nous le croyons. Mais tout oeci n'est qu'un songe, d'où Paul s'éveille au dernier tableau.

Ce songe lui a été envoyé par la morte elle-même pour l'avertir de ne pas s'enfermer dans le chagrin comme dans une tombe, et de vivre.

Que vaut la musique? Il est toujours délicat d'en parler sur la seule lecture, et sur la lecture d'une partition réduite pour le piano. Mais sans la juger, il est un certain nombre de traits par lesquels nous pouvons la définir. Au surplus, que cette partition soit très riche et très intéressante, quiconque jette les yeux sur elle n'en peut douter. Je dois dire avec regret que bien peu d'œuvres jouées en France depuis la guerre pourraient soutenir la comparaison.

Le premier trait qui peut intéresser le public français, c'est qu'elle décèle une évolution très différente de la nôtre. Il me semble que, chez nous, l'évolution s'est faite dans deux sens. D'une part nos musiciens, se délivrant des procédés classiques de développement, se sont mis à peindre avec des éléments qui sont les motifs, considérés comme des touches, et posés avec une extrême liberté. Une partition d'orchestre de Debussy présente à la vue le même aspect qu'un tableau divisionniste. Les derniers venus, parmi les jeunes musiciens, tout en différant beaucoup de Debussy, ont gardé cette exécution très (1) Voir l'Opinion du 6 août.

aérée. Ils sont nets, concis et pittoresques. Une autre tendance, où la Schola a joué un rôle important, a été, par un progrès qui est un retour à une tradition plus ancienne, à remplacer, comme on dit, le style vertical par le style horizontal, ou, si l'on veut, l'harmonie par le contrepoint. Au plaisir d'entendre des accords qui s'enchaînent et se résolvent, on a substitué celui d'entendre les différentes voix, animées chacune d'une vie propre, développer l'une au-dessus de l'autre leurs chants indépendants.

Or à ces deux tendances, il est visible que M. Korngold est resté parfaitement étranger. Il développe les motifs selon toutes les règles de l'art, par tous les procédés connus, avec une abondance toute classique. Et d'autre part, son harmonie, extrêmement riche et complexe, existe bien par elle-même. On ne peut donc douter à la lecture qu'un tel accord ait été mis là comme accord, et non comme rencontre fortuite de parties en marche en un instant donné. L'auteur se rattache évidemment à la grande école des harmonistes allemands.

Qu'il représente une tradition et des tendances très différentes des nôtres, c'est là, ce me semble, le suffisant motif d'intérêt. Quels sont donc les éléments de son art?

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Nous avons souvent accepté comme une règle que le premier rapport à définir dans une œuvre lyrique, était celui de la musique aux paroles. En réalité, l'ouvrage est composé de deux drames parallèles, où interviennent deux auteurs: un de ces drames est chanté par la voix humaine, l'autre par la symphonie. Quel est le rôle de la symphonie? Dans l'ancien opéra, l'orchestre n'a qu'un rôle d'accompagnement; dans le drame lyrique à la manière wagnérienne, il a une âme propre; comme le choeur antique, il souffre avec les personnages et parfois les avertit; tantôt il parle pour eux, tantôt il parle avec eux; il rassemble en lui les forces de la nature, les passions des hommes et la sagesse des dieux.

Depuis cette grande nouveauté, qui a changé le drame lyrique en une symphonie avec voix, illustrée par un spectacle, les musiciens sont restés assez incertains. Toutefois, il n'est pas douteux qu'en France dans ces dernières années, nous avons vu une tendance à peu près universelle à rendre à la voix humaine une primauté qu'elle n'avait plus: le drame lyrique est redevenu une tragédie, que l'orchestre suit encore, mais comme un témoin, si on peut dire, plutôt que comme un acteur. Ce retour en arrière était à prévoir; chez un peuple comme le nôtre où l'art dramatique est un art national, le drame devait l'emporter sur la symphonie.

Il n'en est pas de même en Allemagne, et autant que la lecture puisse nous l'apprendre, la pièce est bien récitée par l'orchestre selon la tradition wagnérienne. C'est l'orchestre qui après avoir, par un premier sortilège, créé l'atmosphère, y anime des personnages qu'il décrit; c'est lui qui dans le flot ininterrompu de ses prestiges, fait apparaître leurs sentiments. Souvent les voix humaines concordent avec la sienne; mais alors c'est encore lui qui parle, et les humains confirment ses paroles.

Ainsi le drame se joue dans l'abîme mystique, autant que sur la scène. Le flot sonore de l'orchestre est agité par les passions comme une âme humaine. Et quel beau sujet de symphonie! La lutte de la mort et de la vie! Les motifs qui se succèdent, se déforment, s'ornent et changent constamment, sont les uns comme des plaintes, les autres comme des cris de joie; les uns semblent descendre un funèbre degré, les autres s'élancer vers la lumière. On ne peut guère leur donner des noms, comme on fait aux thèmes wagnériens; et ils n'en ont pas le dessin précis et la forte personnalité; ils s'évanouissent et disparaissent; d'autres surgissent et se développent à leur tour. Quelquefois une longue phrase est chantée par l'orchestre en même temps que par la voix, avec quelques différences seulement dans le dessin, de façon que l'un

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