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que toutes les dispositions ont été prises pour rendre effective la solidarité qui peut maintenir la paix. Les sanctions qui interviennent contre le membre en état de rupture du pacte, ne sont pas négligeables: la rupture des relations diplomatiques comporte des conséquences financières, économiques et l'interdiction des rapports entre les nationaux de l'Etat isolé et ceux des Etats associés; des sanctions économiques, la principale, le blocus, est d'une application difficile comme l'a montré le blocus de l'Allemagne au cours de la guerre, aussi la commission du blocus de la Société des nations a-telle été chargée d'étudier l'organisation éventuelle de cette mesure; enfin l'action militaire affaiblie par l'intransigeante opposition du président Wilson, manque d'une organisation forte. Les amendements français, auxquels j'ai déjà fait allusion, réclamaient la création de deux organismes permanents, l'un chargé de la vérification des renseignements que les Etats se sont engagés à se fournir mutuellement sur la situation de leurs armements, l'autre chargé, non pas comme on l'a dit, de jouer le rôle d'état-major d'une armée internationale, mais simplement de prévoir et de préparer en temps utile les mesures militaires, navales ou autres propres à contraindre les Etats à exécuter leurs obligations et, en cas d'urgence, chargé d'assurer l'efficacité immédiate de ces mesures. L'emploi de la force de 1.800 hommes, bien modeste mais suffisante, qui devait représenter la puissance de huit Etats, durant le plébiscite de Wilna, est un exemple caractéristique des mesures militaires qui seront souvent nécessaire et suffisantes.

Le conseil de la Société des nations a donc eu recours déjà aux mesures militaires. C'est que depuis un an se sont imposés à l'esprit de tous les membres de la Société le sens et la portée de ce qu'on a appelé les amendements français.

La commission permanente prévue par le pacte avec la mission limitée de donner au conseil des avis sur les questions militaires et navales, a été constitué en 1920. La France y est représentée par le maréchal Fayolle et l'amiral Lacaze. Cette commission étudie les moyens d'assurer le contrôle de la fabrication privée des armements, le problème des gaz asphyxiants et la question générale de la limitation des armements. Cette dernière grave question a

été naturellement

Etats du premier des amendements français, réclamant
un contrôle sérieux. Et quelle que soit la décision de
principe que prendra la Conférence convoquée à
Washington, par le président Harding, quel que soit le
moment où des nations comme la France se jugeront
suffisamment «< garanties
suffisamment << garanties » pour accepter le désarme-
ment, les travaux de la Commission Viviani, que rati-
fiera l'assemblée de la Société en septembre, préparent
l'institution de l'organisme dont les investigations, le
contrôle rigoureux et permanent, feront des décisions
à venir de Washington, des réalités durables.
L'assemblée de la Société des Nations appréciant
combien le développement de l'action de la Société peut
rendre étroite et bienfaisante la solidarité des Nations
unies par un droit universel et vivant, a su comprendre
aussi quelles mesures sont indispensables pour assurer
la durée de cet état de justice, de paix et d'équilibre
qui se réalise jour à jour. Elle a compris que la crainte
de voir troubler cette sorte de bien-être international
si efficace soit-elle, peut être insuffisante à préserver
les peuples d'élans irréfléchis ou d'entraînements trop
bien calculés. Ni la plus large coopération ni la meil-
leure justice internationales ne modifieront soudaine-
ment les mœurs et le caractère des hommes.

Peut-être dans un grand nombre de cas, dans la plupart même, la manifestation concrète des sanctions, possibles sera-t-elle suffisante pour imposer le respect du droit. Mais encore faut-il que ces sanctions soient organisées de façon à être immédiatement appliquées, si l'on veut qu'elles soient prises au sérieux. Donnez-lui des garanties et des sanctions et la Société des Nations tiendra ce qu'elle promet.

Mais ceci dit, et redit, nous pouvons terminer cet examen des débuts de la Société, sur une constatation assez

optimiste. Même armée de sanctions économiques et militaires redoutables, la Société des Nations ne sera une force véritable que si elle agit toujours au nom du droit.

Or, l'action morale de la Société des Nations est désormais certaine. L'apaisement et la déférence de la Suède et de la Finlande, de la Pologne et de la Lithuanie elle-même par moments, acceptant de longues Société des Nations à rapatrier 150.000 prisonniers procédures; l'oeuvre de Nansen réussissant au nom de retenus en Russie et en Orient; l'hommage rendu à la. fin de la session de Paris, par la Suisse, à la prudence dés récentes décisions; la démarche du Président des

posée par plusieurs Etats à la première assemblée de Harding qui signifie en somme l'adhésion nouvelle des la Société à Genève. Après des

festée la bonne volonté un peu impatiente peut-être de beaucoup d'Etats, un accord s'est établi. Et c'est à l'unanimité qu'il a été admis que la limitation définitive et générale des armements est subordonnée d'abord, comme condition préalable et sous la responsabilité des puissances signataires des traités de paix, à l'exécution complète de la réduction des armements imposés par les traités à certaines de ces puissances. Tous les Etats associés ont donc admis l'ajournement du

désarmement général

au lendemain du désarmement

de l'Allemagne. Et c'est naturellement ce principe qui
a dicté les votes des représentants de la France.
la limitation des armements, avant que vienne ce mo-
Mais en attendant que vienne le moment de décider
ment, il importait de prévoir et d'étudier la création

Etats-Unis aux idées et aux méthodes qui sont la raison d'être de la Société sinon à la Société elle-même; enfin l'arbitrage que les puissances viennent de réclamer a la fois qu'elle est désormais indispensable au monde, d'elle au sujet de la Silésie, tous ces faits proclament et que s'il est inutile peut-être de modifier son nom, il est en tous cas impossible de considérer comme nulle et non avenue son œuvre passée.

HENRI VERNE.

Landru et la légende de l'anthropophagie

en France

Au moment où Landru vient de voir son pourvoi

de l'organisme de contrôle permanent proposé dans le rejeté et se prépare à passer devant la Cour d'assises de premier des amendements français. C'est ce qu'a fait Versailles, voilà « l'homme de Gambais » redevenu

l'Assemblée. Elle a donné mission à une commission l'homme du jour.

qui vient de se réunir à Paris, sous la présidence de MViviani, d'étudier dès maintenant le mécanisme de vérification, qui ne fonctionnera que « le jour où le

Or, entre tant de mots qui lui furent attribués, à tort ou à raison, par le reportage parisien, j'en ai retenu un : Mais enfin, aurait dit le juge d'instruction à son

principe de la vérification mutuelle, entre les membres client, qu'avez-vous fait de vos onze fiancées?

de la Société

ment du Pacte. Ce projet et ce vœu de l'unanimité de

Pourrait être consacré par un amende

l'Assemblée constitue en

somme l'admission par 40

Je vous le demande moi-même, monsieur le juge. Faut croire que je les ai mangées!

Ne riez pas trop de cette boutade. L'anthropophagie

6

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n'est pas seulement le fait du sauvage, qui peut excuser son horrible geste par la rareté des vivres frais au désert et dans la brousse africaine, ou par une superstition d'ordre fétichique. Dans les idées des noirs, il faut manger le corps de son ennemi pour être sûr qu'il ne revienne pas; manger le cœur d'un ennemi, passe aussi pour donner de la bravoure. Les sorciers français, dans les sombres rites du satanisme qui se perpétuèrent jusque vers la fin du dix-huitième siècle, car, à la veille de la Révolution, le Parlement de Dole condamnait encore au bûcher une pauvre femme, convaincue de commerce avec l'Esprit des Ténèbres, ne craignaient pas, disaient leurs juges, de mêler le sang humain à leurs pratiques diaboliques, de se repaître de chair humaine.

Il suffit, pour s'en convaincre, de consulter le fameux. Discours des sorciers du terrible grand juge de la terre de Saint-Claude, Henri Boguet, le recueil que conservent les Archives de la ville de Saint-Claude concernant l'exercice de la justice criminelle de 1554 à 1774 et l'ouvrage si fortement documenté d'Al. Tuetey sur la Sorcellerie dans le pays de Montbéliard.

Nous voyons, dans cette curieuse procédure, qu'une certaine Jacqueline Paget, de Longchaumois (Jura) fut condamnée à mort pour s'être donnée au diable, «< item pour avoir esté au sabbat et assemblées de sorciers et, ayant dansé, ouffert des chandelles, faict hommage au diable y estant en forme d'un motton (mouton) noir et y avoir mangé de la char (chair)... » Beaucoup de magiciens furent coupables de meurtres d'enfants : « C'est Satan, dit Boguet, (Discours des sorciers avec six advis, 2° édition, Lyon, Pierre Rigaud, 1608, ch. XXXIII) qui demande ces enfants en sacrifice aux sorciers, et mesme aux pères et mères... Les sorcières sucent quelquefois le sang des petits enfants jusqu'à ce qu'ils soient expirés. » Un peu plus loin, dans son Discours, Boguet cite le cas de plusieurs loups-garous, malheureux lycanthropes que la science aliéniste eût peut-être enfermés et douché et que leur temps traita par le feu purifi

cateur :

« Jacques Bocquet, de Savoie, Clauda Jeanprost, d'Orcières, Clauda Jeanguillaume et Thiévenne Paget, du même lieu, ont confessé devant les juges de Saint-Claude qu'ils s'étoient mis en loups et qu'en cette forme ils avoient tué plusieurs enfants, sçavoir un enfant d'Anatoile Cochet, de Long-Chamois, un autre de Thievent Bondieu, dit Mutin, d'Orcières, un autre de Grand Claude Godard, un autre de Claude fils d'Antoine Gindre. >>

Les annales des sièges mémorables fournissent des faits d'anthropophagie provoqués par la disette, malesuada fames... Au siège d'Alésia, un chef arverne, proposa, dit-on, très sérieusement de manger les non-combattants afin de permettre aux soldats de Vercingétorix d'attendre l'arrivée de l'armée de secours : « Quel est donc à présent mon avis? C'est de faire aujourd'hui ce que nos ancêtres firent jadis dans une guerre bien moins dangereuse, qu'ils soutenaient contre les Cimbres et les Teutons. Lorsqu'ils se virent retranchés dans leurs villes, réduits à la même disette que celle subissons, ils firent mourir tous ceux que leur âge renque nous dait impropres au service des armes et se nourrirent de leur chair plutôt que de se rendre.... >> On sait que cette opinion tragique effraya le conseil des chefs gaulois, qui s'arrêta à une demi-mesure, non moins effrayante dans ses conséquences, conséquences, puisqu'elle aboutit à l'expulsion, hors de l'enceinte d'Alésia, de l'in fortunée population. Repoussée par les légionnaires de César, elle périt de faim dans l'étroit intervalle des circonvalations opposées.

Au siège de La Rochelle, dit Anquetil (Hist. de France I, p. 696), « un père et une mère déterrèrent leur fille qui venait de mourir et la mangèrent. » Pendant le siège de Paris par Henri IV, le pain étant devenu rare, a écrit encore le même historien, on y substitua

des bouillies de différentes farines que le légat et l'ambassadeur d'Espagne faisaient distribuer aux plus pauvres. Les Parisiens broutèrent l'herbe des rues les moins fréquentées. On en vint jusqu'à essayer du pain de son mêlé de poussière d'ardoise, de foin et de paille hachée. On fit de la farine des os de bêtes qu'on tuait et même avec de vieux ossements ramassés dans les cimetières. On appela cette invention le pain de Madame de Montpensier, parce qu'elle l'avait approuvée; mais ceux en mangèrent en moururent. « Enfin une mère renouvela les horreurs du siège de Jérusalem: elle fit rôtir les membres de son enfant mort et expira de douleur sur cette affreuse nourriture >>.

qui

Bien longtemps auparavant, saint Jérôme assurait avoir vu, dit Voltaire dans son Dictionnaire philosophique, des hommes dans la Gaule qui, pouvant se nourrir de porcs et d'autres animaux dans les forêts, ai maient mieux couper les fesses des jeunes garçons et les tétons des jeunes filles. C'étaient pour eux les mets les plus friands. Chez les sauvages, les morceaux de choix, assurent les récits des missions catholiques, étaient la main et l'œil grillé.

Au onzième siècle, pendant la grande famine qui dura trois ans, la chair humaine était très recherchée. Un boucher de Tournay fut brûlé vif pour en avoir exposé à son étal. Un aubergiste de Mâcon subit le même supplice; il attirait les voyageurs chez lui, les assassinait et les dépeçait

Du dernier siège de Paris, en 1870-71, subsistent quelques faits d'anthropophagie. J'ai fort bien connu au quartier latin un ancien aide-major, étudiant de vingtième année, dont la personnalité énigmatique se dissimulait sous le sobriquet de Riquiqui. Se trouvant au fort d'Issy, il eut à amputer la jambe d'un garde national et s'y tailla un succulent biftek. Il finit, d'ailleurs, par renoncer à la médecine, devint l'un des plus fidèles clients de l'assommoir légendaire de la rue SaintJacques, aujourd'hui disparu, l'Académie des Quarante Tonneaux, comme disait le poète Raoul Ponchon, au temps de ses franches lippées.

Mais ces faits correspondent à un détraquement causé par la misère ou à une sorte de « folie obsidionale ». La plupart des anthropophages, il faut le reconnaître, furent, en France, de simples déments. Tel ce garçon de quatorze ans, Jean Granier qui, vers l'an 1600, revêtu d'une peau de loup, parcourait les campagnes, semant l'effroi, et dévorait les jeunes enfants qu'il rencontrait. Arrêté, il fut traduit devant le Parlement de Bordeaux et voué au bûcher (Pathologie interne, Andral l'histoire d'un quasi anonyme, Gilles Garnier, l'ermite et Amédée Latour, p. 363). Exemple à rapprocher de de Saint-Sorlin-sur-l'Ain, dans les montagnes du Jura, qui attaquait les bergers isolés et les tuait pour se repaître de leurs entrailles (Journal des Débats et Cons titutionnel du 24 novembre 1824).

Autre cas de perversion sanguinaire, qui semble avoir une cause sexuelle. Dans la Drôme, en 1852, une jeune fille de quatorze ans recherchait toutes les occasions de boire du sang humain. Elle suçait avec avidité celui qui s'échappait des plaies récentes (Courrier de la Drôme, Valence 1852). R. d'Amador, dans sa Vie du sang (note 7) parle aussi d'un monomane, nommé Tarrare, qui disputait aux chiens, dans les boucheries et les abattoirs, les débris les plus répugnants. « Les infirmiers de l'hôpital de Versailles le surprirent buvant le sang des malades que l'on venait de saigner et, dans la salle des morts, nouveau vampire, s'attachant aux cadavres comme à une proie. >>

Qui n'a présent à la mémoire le procès sinistre du sergent Bertrand, le nécrophile du cimetière Montparthropophagie, car, sur les cadavres qu'il exhumait, qu'il nasse, en 1848 Sa funèbre manie se compliquait d'an

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20 août 1921

se plaisait à mutiler et à polluer, on releva des traces de morsures (Tardieu, Attentats à la pudeur). Après sa condamnation, il se retira au Havre, se maria, devint employé de mairie, eut deux filles qui vivent encore.

En 1869, le 20 avril, une jeune fille d'un petit village des Ardennes, dit V. Trinquier dans sa Thèse de conCours sur les passions et les instincts (1835), tua son enfant, le découpa, le mit au saloir. Toute la famille en mangea sans le savoir. Hélas ! saint Nicolas, où étais-tu? Ce crime fut perpétré, sans doute, dans

fièvre puerpérale.

un accès de

Les Archives générales de médecine (t. VII, p. 472) nous content longuement l'aventure lamentable de l'anthropophage de Saint-Amand (Cher), arrêté en octobre 1824, au moment où il dévorait un cadavre inhumé le matin. Il se repaissait avec volupté des substances animales les plus écœurantes. A plusieurs reprises, il s'introduisit dans les cimetières et chercha à exhumer des cadavres afin d'en manger les intestins qui flattaient particulièrement son goût. Agé de trente ans, d'une taille élevée, avec une mine assez avenante, rien en lui n'annonçait la frénésie sadique qui le dominait et se compliquait d'un érotisme violent. Le docteur Berthollet, de Saint-Amand, qui l'avait observé, déposa qu'on l'avait vu suivre les vétérinaires occupés à panser des chevaux blessés et se jeter avec avidité sur les lambeaux de chair infectés et à demi pourris qui étaient enlevés. On le surprit aussi fouillant les tas d'immondices dans le but de satisfaire ses appétits monstrueux. Volontiers, il se vantait de ses habitudes, mais ses propos révélaient une certaine incohérence. Il avouait que, bien qu'il n'eût encore attaqué aucun être vivant, il se sentait capable sous l'empire de la faim, de tuer un enfant endormi dans la campagne. Par une bizarrerie inexplicable, il disait éprouver une douleur très vive aux angles de la mâchoire et dans la gorge lorsqu'il se livrait à des festins dignes des Atrides. On l'interna à Bicêtre.

Le cas le plus caractéristique de monomanie anthropophagique est évidemment celui d'Antoine Léger, qui appartient à la série des Causes célèbres.

Simple ouvrier agricole après avoir servi dans la garde en 1815, Antoine Léger s'était tenu jusque-là, par son humeur farouche, éloigné des femmes, et son défenseur insinua qu'avant le crime, ce grand garçon à la figure calme, encadrée d'une barbe fluviale et d'une chevelure châtain hirsute, qu'il rognait avec son couteau en posant l'extrémité sur un caillou plat, aux regards hébétés, au teint blême, costumé en vigneron, pouvait bien être vierge. Il apparut aux assises comme un mystère troublant. « Un jour, dit-il, dans mes courses de la forêt, je surpris un lapin et ce fut une vraie joie, un vrai régal. Je l'ai mangé cru sur-le-champ. »

Sa version sur le crime différa sensiblement des constatations résultant de l'enquête et des expertises légales. D'une hauteur, l'anthropophage aperçoit, sur la lisière du bois, la jeune Debully et conçoit aussitôt le projet de l'enlever. Personne aux alentours; quelques bergers, quelques ouvriers dans la plaine, mais ils sont loin. Léger fond sur sa proie inattentive, la bâillonne avec son mouchoir, la charge sur son dos et l'emporte dans un fourré. Fatigué, croyant sa victime morte, il la jette sur l'herbe. Il veut boire du sang! Il commet le viol ensuite, déchire le corps pantelant, arrache le cœur, le mange...

Ces aveux si effrayants ne reproduisent pourtant qu'en partie la réalité dans son horreur. « Il exerça sur l'enfant, dit le Journal des Débats du 24 août 1824, mille cruautés, lui creva les yeux, lui rompit les bras et lui arracha les entrailles. La victime a vécu trente-six heures au milieu de ces angoisses. » Léger nia le viol à l'audience :

« Je n'ai fait tout cela, dit-il, que pour avoir du sang, je voulais boire du sang, j'étais tourmenté de la soif, je n'étais plus maitre de moi.

« Le Président. N'avez-vous détaché pas couteau le cœur de votre victime? « R. Je l'ai tâté un peu avec mon percé... >> « Le Président. vre ?

avec votre

et je l'ai Qu'avez-vous fait des débris du cada

couteau

« R. Je les ai cachés hors de la grotte, sous de la fougère et toute sorte de choses. Après cela, je m'en suis allé,

Une fillette de douze ans et demi, Aimée-Constance
Debully, de la commune d'Esteville, canton de pour il y avait des oiseaux qui croassaient après moi.
canton de Dour-

dan (Seine-et-Oise), sortait, le 10 août 1824, de la mai-
son parternelle vers 4 heures
de l'après-midi pour
une pièce de vigne située à un quart
de lieue du village, près du bois du Bardion. On ne la

aller ébourgeonner

dans la vigne les souliers, le chapeau et la serpette de

la malheureuse enfant.

Six jours après,

une

Roche de la Charbonnière, fit découvrir dans une crebattue en règle autour de la vasse des branches de fougère récemment foulées, sous lesquelles se trouvaient du foin, de la paille et des feuilles, destinés à masquer l'ouverture d'une caverne,

« Le Président.

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Quels oiseaux?

« R. Des pies que je croyais être là pour me faire prendre. »

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Le docteur Ballut, médecin légiste, de la Ferté-Aleps, affirma que l'attentat à la pudeur aurait été commencé pendant la vie de l'enfant et consommé après sa mort. L'accusé lui avait avoué avoir mangé en partie le cœur de sa victime.

En vain, le défenseur, M° Benoist, demanda que la question d'irresponsabilité fût posée. Après une heure de délibération, le jury déclara Antoine Léger coupable sans circonstances atténuantes. Le célèbre Esquirol fut

qui parut tout de suite avoir servi de repaire à un être appelé à pratiquer l'autopsie du corps de l'anthropo

humain. Une odeur cadavérique s'en dégageait. Sous deux pieds de sable, dans une anfractuosité, se révéla un corps d'enfant que les époux Debully reconnurent pour être celui de leur fille. Les jambes et les cuisses étaient repliées sur le ventre, le tronc horriblement mutilé. Sur diverses parties du corps, des plaies nombreuses et profondes avaient été pratiquées à la pointe du

Couteau.

sorte de sauvage errant dont les allures inquiétaient la Dans l'intervalle on avait arrêté dans les bois une population. Il couchait dans les halliers et les trous de rocher, vivait de pois, de fruits, d'artichauts, d'épis de blé, qu'il dérobait la nuit, épiait le passage des femmes qui s'en allaient seules travailler aux champs, car, avouait-il, de violents désirs l'agitaient. Avec une fureur de rut féroce, il éprouvait l'atroce besoin de manger de la chair humaine, de s'abreuver de sang.

phage supplicié en vertu de cette inexorable sentence. Il trouva que la pie-mère adhérait au cerveau et conclut à une responsabilité très atténuée.

Comme on le voit, la bête humaine n'a jamais perdu ses droits. L'anthropophagie, au dix-neuvième siècle, s'est perpétuée comme une manifestation d'aliénation mentale et il en sera de plus en plus ainsi, car, même avec la vie chère, l'excuse de la nécessité ne saurait être admise. Plus que jamais on ne verra se renouveler le forfait de cette Picarde affamée dont parle Monstrelet en sa Chronique (Edit. de la Société de l'Histoire de France, t. V. p. 351): France, t. V.

«< En ce même temps (1438), advint une très grande et cruelle merveille en ung village assés près d'Abbeville. Car une femme y fut prinse et accusée de avoir murdri plusieurs petits enfants, lesquelx elle avoit demembrez et salez secrètement en sa maison. Si fut celle grande cruauté accusée par le moyen d'aulcuns brigands, qui par nuit vindrent en sa

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maison et trouvèrent des pièces. Et pour ceste cause fut prinse, et après qu'elle eut cogneu son malice, fut arse et exécutée par justice du dit lieu d'Abbeville en Ponthieu. >>

Ainsi, pour l'honneur de l'humanité, en dehors de l'hypothèse explicative de démence ou de l'absence exceptionnelle d'approvisionnements, comme Sur le radeau de la Méduse, l'anthropophagie préméditée ne peut être qu'une gageure de carabin, ou un paradoxe purement verbal, propre à stupéfier le philistin.

Et c'est, sans aucun doute, de la sorte qu'il convient d'entendre la légendaire boutade de Baudelaire vantant, au café, le goût exquis des cervelles d'enfants, qui lui rappelaient, disait-il, la saveur des cerneaux frais.

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A l'heure où l'on pouvait croire que la philosophie pragmatiste, passée de mode, allait prendre dans le musée des systèmes une des places les moins en vue, M. G. Sorel écrit en sa faveur un plaidoyer hautain, agressif et richement trop richement documenté. Et comme il ne craint point sûr de ses principes d'en dissimuler aucune suite, il va nous permettre de constater une fois de plus -- la pénurie d'une pensée dont l'étonnante faiblesse n'a pas assez étonné.

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Disons d'abord qu'il l'accepte, intégrale, et fondée sur des notions évidentes pour lui. Après avoir admis avec William James et Charles Peirce, qu'il n'y a pas une seule distinction « fût-ce la plus élaborée, la plus délicate, qui porte sur autre chose que sur une différence dans les conséquences pratiques », il ajoute que le philosophe ne doit pas apporter des solutions, mais provoquer des résultats, et que le véritable pragmatiste veut « s'en tenir aux enseignements fournis par l'usage que la société fait de la science pour la satisfaction de ses besoins. » Il accepte enfin cette théorie tout américaine que la vérité est créée par l'action et mesurée par l'utilité, qu'une idée vaut - tel un objet dans la limite où elle sert.

Il est assez curieux d'appliquer au pragmatisme la règle dont il se réclame et de l'apprécier d'après ce qu'il fait des disciplines et des idées qu'il entend établir ou juger à sa manière. Ne suivons point M. Sorel dans ses recherches sur la notion de vérité, dans ses remarques sur la science grecque ou sur la technique moderne, et disons seulement que nous ne sommes pas surpris de le voir aboutir, avec une érudition étonnante et une vivacité d'esprit peu commune. à des conclusions qui tournent court et frustrent l'intelligence de la nourriture qu'elle attendait. Mais voyons dans quelque détail, pour l'exemple, ce qu'il advient du cas Renan, avec une telle méthode.

M. Sorel ne s'étonne nullement que l'historien des Origines du Christianisme ait cessé de croire pour des raisons d'ordre philologique et par là montre déjà qu'il n'est pas bon théologien. « Celui qui se place, dit-il, au point de vue des historiens, n'admettra plus de théories extra-expérimentales de la physique, du droit naturel, de philosophie permanente; l'humanité cons truit des doctrines dont la valeur est constatée par l'utilité qu'on leur reconnaît au cours d'une longue doctrine; nous sommes ainsi amenés au pragmatisme. >>

Mais, précisément, le point de vue de l'historien n'est pas celui du philosophe, et c'est une des faiblesses du pragmatisme, la principale peut-être, que cette confusion de l'histoire et de la philosophie, de l'ordre des faits et de l'ordre des idées. La foi, comme dit l'Epitre aux Hébreux, nous persuade des choses qu'on ne voit

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pas. Elle intervient là où la raison s'arrête, elle a son autorité en soi indépendante de son utilité et il importe assez peu à celui qui la possède que les synoptiques ne s'accordent pas toujours et qu'il y ait des traces de gnosticisme dans l'Evangile selon saint Jean : il lui suffit qu'un même esprit reste présent sous la débilité de l'œuvre humaine et que ce soit la parole de Dieu qu'il entende à travers les pauvres mots de ses mauvais traducteurs.

Renan donnait donc une fort mauvaise raison de son incroyance quand il l'attribuait au fait d'avoir appris l'hébreu. Et il s'en doutait bien ! Avant toutefois de toucher à la racine de l'erreur pragmatiste voyons les excès où elle peut se porter. M. Sorel nie le progrès ou l'ordre de la raison pour le subordonner aux hasards des découvertes utilitaires ou aux trouvailles de la technique. Il rattache, par exemple, la construction du polyèdre régulier à l'art des tailleurs de perles fines ; il ramène gratuitement le « premier moteur »> d'Aristote, conclusion d'une logique excessive, à une simple observation (Aristote l'aurait conçu en remarquant que « dans toute chaîne cinématique, il y a un membre immobile »); il veut qu'une grande science comme la géométrie demeure stérile quand on ne lui demande plus que des satisfactions d'ordre spirituel; il pose que l'idée de liberté provient non de soucis rationnels, mais de « préoccupations juridiques provoquées par les idées de péché, de rédemption, de sacrements... >> ; à propos de се même Renan il écrit ces paroles étonnantes: « Pour se rendre compte de ce que furent les théories antiques de la Trinité et des deux natures du Christ, il faut se rappeler que dans les codes on voit le chef d'une moitié de l'empire rendre des édits au nom des deux Auguste... >>

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La confusion ne peut aller plus loin, et c'est bien une série de confusions et un défaut total du sens de l'ord qui définissent le pragmatisme. Il pose just-ement qu'en général il devrait dire en général -la philosophie pratique devance la philosophie spéculative et qu'elle lui sert de base et de garantie. Peut-être faudrait-il renverser les termes, du moins dans cette dernière assertion. Si une construction logique part du fait et se vérifie par le fait, elle ne reçoit sa valeur que de l'intelligence et c'est, en dernier lieu, le jeu normal de l'esprit qui assure sa validité.

Et il est à craindre que M. Sorel en faisant de l'uti lité, avec ses maîtres, le signe de la vérité n'ait pris une apparence pour une réalité, une cause secondaire pour une origine principale. Ce qui est le dernier dans l'ordre de la génération, disait saint Thomas, est le pre mier dans l'ordre de la conception. On fixe d'abord le but et on s'ingénie ensuite à découvrir les moyens d'y parvenir, mais dans le cours de l'exécution ce sont, naturellement, les moyens qui d'abord se développent et le but qui apparaît en dernier lieu. Dirons-nous pourtant, contre l'évidence, que c'est celui-ci qui a été conditionné par ceux-là? Croirons-nous aussi que les Grecs ont eu la vue arrêtée par l'immobile parce qu'ils ont été sculpteurs et architectes, ou déduirons-nous le contraire ? Et enfin, si, par chance, les tailleurs de perles fines ont découvert la construction ou polyèdre régulier, donneronsnous au géomètre le droit qu'il a seul de légitimer l'opération?

Le pragmatisme, écrit encore M. Sorel, «< habitué à juger les théories d'après l'usage qu'en a fait la tradition, affirme franchement que la science n'a jamais pu tirer de son propre fonds des titres de légitimité... " C'est atteindre là, une fois de plus, l'intelligence, à laquelle nous revenons et qui nous impose de conclure en ne la passant point sous silence.

La raison humaine, avec des contenus divers qui peuvent aller jusqu'à changer complètement d'un age à l'autre l'idée qu'elle prend du monde, procède toujours

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par des opérations identiques en leur essence. Si l'univers matériel a ses lois, si l'histoire a les siennes qui est moins sûr elle-même, pouvoir des règles, comme on l'a définie, domine ces idées générales ou ces principes qu'elle formule, et gardant, quelle que soit la matière, sa manière, conserve son autonomie. Si la conception du juste et de l'injuste, par exemple, varie, le mécanisme par lequel s'acquiert la notion de justice demeure pareil, et les jugements innombrables et contradictoires se ramènent toujours, en dernier lieu, à l'identité, à la causalité, à la sensation point de départ mysAtérieux et irréductible de la vie. Il a enfin une logique, inhérente à l'espèce, variable dans ses applications mais une et immuable quant à sa nature, il y a une intelligence bar qui reconnaissant et imposant des vérités temporaires peut du moins et probablement seule - nous donner l'idée de la vérité.

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Transférer dès lors la réalité de l'esprit au sentiment et de la pensée à l'histoire, c'est recevoir la règle de l'extérieur, du transitoire, et tomber dans un phénoménisme absolu; c'est aussi substituer la notion Phomo faber à celle de l'homo sapiens, et dire non point que nous construisons parce que nous connaissons, mais que nous connaissons parce que nous construisons.

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Nous voici donc, une fois encore, en plein monde moderne c'est-à-dire, philosophiquement, dans le faux absolu. Il n'est pas vrai que l'homme soit mesuré tout entier par sa vie physique et que sa pensée soit déterminée par ses besoins. Sa fin, au contraire, semble de connaître; il ne subsiste que dans cette intention; et faire la loi de son être des conditions mêmes de son existence, c'est évidemment prendre les moyens pour le terme, l'opération pour le fruit. On n'a rien dit, on n'a rien trouvé, on n'a témoigné que d'un irrémédiable aveuglement quand on a déclaré que tout s'explique sur la terre par la nécessité où nous sommes de nous y accommoder et que les idées, c'est ce qu'il nous reste de l'ingéniosité que nous avons déployée pour nous nourrir et apprendre à nous supporter en société.

L'histoire de la raison tiendra compte, certes, des apports dont les siècles ont enrichi ou varié l'intelliElle ne devra pas oublier, pour rester valable, que l'esgence et des horizons successifs qu'ils ont découverts. prit, malgré les assertions superficielles de tous les pragmatismes, porte en lui sa lumière et demeure seul juge des vérités qu'il nous est donné d'apercevoir.

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GONZAGUE TRUC.

LE CRÉPUSCULE TRAGIQUE

auda ennemi

LE TUMULTE (Suite)

savait le motif. Il ne trouvait point le temps long la route que l'on parcourt une seconde fois semble toujours plus courte. Puis les heures d'arrivée ou de départ coincidaient, non certes avec les chiffres portés sur l'indicateur, mais avec ceux qu'il avait calculés de tête en tenant compte de l'encombrement des lignes, et cette ponctualité relative l'inquiétait même bien davantage que l'appareil militaire, qui ne le surprenait plus. Philippe Lefebvre fut sans doute le premier Français dupe de cette « merveilleuse organisation allemande », dont on nous a tant

Philippe eut, à ce moment, le sentiment qu'il se réveillait, que ce n'était plus le temps de rêver, ou de penser, qu'il devait employer toute son intelligence, toute son attention, à la besogne positive et périlleuse qu'il était en train de faire, qui consistait à effectuer, ten déjouant toutes les embúches, la traversée du pays plus exactement, et pour user du terme technique des lignes ennemies. Il redevint instantanément l'observateur imperturbable et, à l'occasion, narquois. Il sentait ce qu'on peut imaginer que sent l'animal qui rebattu les oreilles depuis. Telaire, qui voit le piège qu'on lui a tendu, et qui, par bravade, passe tout à côté. Il n'avait plus était bien aise, car cela, en vérité, était si contraire à pendant le voyage d'aller, quand il ne pouvait se rele regard oblique et fuyant, comme le tirer de l'esprit que tout le monde le suspectait. Il repardait

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sa franchise!

et il en

pas

Pour les mêmes raisons, et aussi parce qu'il n'était cette fois comme Fautre recru de fatigue, il opéra son changement de train, à Berlin, à la gare centrale, sans « perrichonner » comme il disait, ni faire de pas inutiles, ni être contraint de poser des questions aux employés.

point que la proportion des officiers fut sensiblement litaires, et il lui semblait en que regarde saus méfiance, plus forte que la normale. Il eut même le bonheur at

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n'en avoir pas un seul dans son compartiment, qu'envahit à propos toute une famille, père, mère et trois enfants: gens probablement fort riches ou de haute naissance, puisque, contre l'habitude du pays, ils voyageaient en

colère contenue. On enrageait de ne pouvoir pas faire première classe, mais qui ne payaient pas de mine et

président de la République, alors en Russie, aurait peutautrement que de le laisser passer. Il songea que le être plus de mal que lui à rentrer à temps et que l'avan

tage de la médiocrité,

pas médiocre. Il avait tous les orgueils, même d'assez

en de pareilles conjonctures, n'est

mesquins, et sa

cette fois, il lui

petitesse lui était souvent importune;
Pardonnait cependant, parce que, outre

marguer, et qu'en somme, depuis qu'il était redescendu
des cimes de sa méditation, il s'amusait.
Comme Philippe l'avait prévu, tous les incidents du

premier voyage se

répétaient rencontres de trains mili

semblaient appartenir au milieu le plus bourgeois.

L'agrément fut tel pour Philippe de ne plus voir d'uniformes autour de lui qu'il eut cette fois l'illusion entière de la sécurité. Il en sut gré à ses nouveaux compagnons de route, à tel point qu'il put concevoir pour leur bonhomie vulgaire une manière de sympathie. Ce bon sentiment, précaire, ne résista point à l'étalage et à la consommation de leurs mangeailles. La vue et l'odeur réveillèrent en Philippe cette répugnance, plus instinctive que de parti pris, cette répugnance de peau qu'il avait depuis son plus jeune âge pour tout ce qui est allemand. Il se rencogna, ferma les yeux....

Qu'aurait-il pu' regarder, observer, qu'il n'eût regardé,

interminables sur les voies de garage, et le retard qui observé déjà cent fois depuis le commencement de son

taires, embarquement de troupes à chaque station, arrêts d'heure en heure augmentait jusqu'à devenir fabuleux. Tout cela ne lui causait plus d'émotion parce qu'il en

voyage? Il essayait même de ne pas entendre l'insipide conversation des mioches: les parent's lisaient des

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